Vu la requête enregistrée le 11 août 2000 au greffe de la cour administrative d'appel, présentée pour M. Z... X, demeurant Garage X, ... et pour M. Y... X, demeurant ... par Me X..., avocat au barreau de Marseille ; MM. Z... et Y... X demandent que la cour :
1) annule le jugement en date du 13 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser les sommes de 2 643 887 F et 1 174 745 F en réparation des préjudices subis du fait de la carence de l'Etat à faire lever les barrages bloquant les dépôts pétroliers lors d'un conflit social ;
2) condamne l'Etat à leur verser les sommes susmentionnées ainsi que la somme de 50 000 F en application de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Classement CNIJ : 60-01-02-01-01-04 C+
60-04-01-03-01
60-04-01-05-03
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2004 :
- le rapport de Mme Jayat, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, d'une part, que l'absence de communication, avant l'audience du tribunal administratif, des conclusions du commissaire du gouvernement et l'impossibilité d'y répondre lors de l'audience elle-même ne sont pas de nature à porter atteinte au droit des parties à un procès équitable garanti par le paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, d'autre part, que, si les requérants soutiennent que le commissaire du gouvernement aurait développé des points, d'ailleurs non précisés, qui n'auraient pas été abordés en défense et qu'aurait repris le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction que, pour rejeter, par le jugement attaqué en date du 13 juin 2000, la demande de MM. Y... et Z... X tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'ils ont subis à la suite de l'installation de barrages par les chauffeurs routiers du 18 au 29 novembre 1996, les premiers juges se seraient fondés sur des motifs relevés d'office qui n'auraient pas été discutés par les parties ;
Sur le fond :
Considérant que l'ordonnance en date du 21 mars 2000, par laquelle le président du tribunal administratif de Pau a accordé à MM. Y... et Z... X une provision, en vertu de l'article R 129 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable, au motif que l'obligation de l'Etat à l'égard des requérants n'était pas sérieusement contestable, a été rendue en l'état de l'instruction à la date à laquelle elle est intervenue, et sans préjuger le fond du droit ; qu'ainsi, l'autorité de la chose jugée ne peut s'attacher à cette ordonnance dont le prononcé ne peut faire obstacle au rejet de la demande au fond ;
Considérant que, du 18 au 29 novembre 1996, à l'occasion d'un conflit social opposant les chauffeurs routiers à leurs employeurs, des barrages ont été établis sur certains axes routiers et autoroutiers ainsi que devant l'accès de dépôts de produits pétroliers, empêchant l'approvisionnement des camions de livraison de carburant ; qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de ces barrages, MM. Y... et Z... X, exploitant des entreprises ayant notamment pour activité la distribution de produits pétroliers, se sont trouvés dans l'impossibilité de s'approvisionner ; que les requérants soutiennent que la baisse d'activité consécutive à cette absence d'approvisionnement a, d'une part, entraîné une perte de marge commerciale durant la période de blocage et durant les trois années suivantes et, d'autre part, été à l'origine de leur mise en redressement judiciaire, le 25 juin 1997 pour M. Z... X et le 2 juillet suivant pour M. Y... X, la baisse de chiffre d'affaires due au blocage ayant fait obstacle au respect par eux des engagements pris à l'égard de leurs créanciers dans un accord de règlement amiable homologué par ordonnance du 13 juillet 1996 du président du tribunal de commerce de Bagnères-de-Bigorre et ayant, en conséquence, mis fin aux facilités de trésorerie qui leur avaient été consenties par des fournisseurs et des établissements bancaires ;
Considérant que la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée vis-à-vis de MM. Y... et Z... X sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques, qu'à la double condition que le dommage indemnisable présente le caractère d'un préjudice anormal et spécial et soit en relation directe avec l'attitude de l'Etat face aux barrages routiers mis en place devant les dépôts pétroliers ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 2 janvier 1996, à la suite des difficultés de l'entreprise de M.
Z...
X, confrontée aux données concurrentielles du marché, une ordonnance du tribunal de commerce de Bagnères-de-Bigorre a ouvert une procédure de règlement amiable, qui a donné lieu à un accord homologué le 13 juillet 1996 aux termes duquel l'intéressé s'est engagé, avec la contribution de la marge dégagée par l'entreprise de son père, M. Y... X, à rembourser, selon un échéancier sur huit ans, les sommes dues à divers organismes et entreprises ; qu'alors même que la valeur du fonds de commerce de l'entreprise de M.
Z...
X, ajoutée au patrimoine privé des intéressés, aurait permis à ceux-ci, comme ils le soutiennent, de garantir leur capacité de remboursement, l'impossibilité dans laquelle ils se sont trouvés de faire face aux échéances prévues notamment par le plan de règlement amiable à la suite d'une baisse de chiffre d'affaires du 18 au 29 novembre 1996, représentant environ 6 % des recettes annuelles, révèle la fragilité de la situation de trésorerie de l'entreprise concernée dont la situation était structurellement déficitaire et dont le fonds de roulement, selon les affirmations non contestées de l'administration, n'était constitué que de dettes financières et ne comportait que huit jours de chiffres d'affaires en 1996 ; que, dans ces conditions, l'absence d'intervention des autorités de l'Etat pour mettre fin au blocage des dépôts pétroliers ne peut être regardée comme la cause déterminante des difficultés financières des requérants et de l'ouverture d'une procédure collective à leur encontre ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM. Y... et Z... X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une indemnité ;
Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser aux requérants la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de MM. Y... et Z... X est rejetée.
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00BX01894