LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, sous le n° 2025-891 DC, le 11 juillet 2025, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, MM. Rodrigo ARENAS, Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Pierre-Yves CADALEN, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Jean-François COULOMME, Sébastien DELOGU, Aly DIOUARA, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Zahia HAMDANE, Mathilde HIGNET, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Abdelkader LAHMAR, Maxime LAISNEY, Aurélien LE COQ, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Claire LEJEUNE, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Marie MESMEUR, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Sandrine NOSBÉ, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Jean-Hugues RATENON, Arnaud SAINT-MARTIN, Aurélien SAINTOUL, Mmes Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ et M. Paul VANNIER, par Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Pouria AMIRSHAHI, Mmes Christine ARRIGHI, Clémentine AUTAIN, Léa BALAGE EL MARIKY, Delphine BATHO, Lisa BELLUCO, MM. Karim BEN CHEIKH, Benoît BITEAU, Arnaud BONNET, Nicolas BONNET, Alexis CORBIÈRE, Hendrik DAVI, Emmanuel DUPLESSY, Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Damien GIRARD, Steevy GUSTAVE, Mme Catherine HERVIEU, M. Jérémie IORDANOFF, Mme Julie LAERNOES, MM. Tristan LAHAIS, Benjamin LUCAS-LUNDY, Mme Julie OZENNE, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mme Sandra REGOL, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, Mme Sandrine ROUSSEAU, M. François RUFFIN, Mmes Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, Danielle SIMONNET, Sophie TAILLÉ-POLIAN, MM. Boris TAVERNIER, Nicolas THIERRY et Mme Dominique VOYNET ainsi que par MM. Stéphane PEU, Édouard BÉNARD, Mme Soumya BOUROUAHA, M. Jean-Victor CASTOR, Mmes Elsa FAUCILLON, Émeline K/BIDI, Karine LEBON, MM. Jean-Paul LECOQ, Marcellin NADEAU, Mme Mereana REID-ARBELOT, MM. Davy RIMANE et Nicolas SANSU, députés.
Il a également été saisi, le 15 juillet 2025, par M. Boris VALLAUD, Mme Marie-José ALLEMAND, M. Joël AVIRAGNET, MM. Christian BAPTISTE, Fabrice BARUSSEAU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Laurent BAUMEL, Mme Béatrice BELLAY, MM. Karim BENBRAHIM, Mickaël BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Mme Colette CAPDEVIELLE, MM. Paul CHRISTOPHLE, Pierrick COURBON, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Mmes Dieynaba DIOP, Fanny DOMBRE COSTE, MM. Peio DUFAU, Inaki ECHANIZ, Romain ESKENAZI, Olivier FAURE, Denis FÉGNÉ, Guillaume GAROT, Mme Océane GODARD, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, MM. Emmanuel GRÉGOIRE, Jérôme GUEDJ, Stéphane HABLOT, Mmes Ayda HADIZADEH, Florence HEROUIN-LÉAUTEY, Céline HERVIEU, Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, MM. Gérard LESEUL, Laurent LHARDIT, Mme Estelle MERCIER, MM. Philippe NAILLET, Jacques OBERTI, Mme Sophie PANTEL, M. Marc PENA, Mmes Anna PIC, Christine PIRÈS BEAUNE, MM. Dominique POTIER, Pierre PRIBETICH, Christophe PROENÇA, Mmes Marie RÉCALDE, Valérie ROSSI, Claudia ROUAUX, MM. Aurélien ROUSSEAU, Fabrice ROUSSEL, Mme Sandrine RUNEL, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, Mme Isabelle SANTIAGO, MM. Hervé SAULIGNAC, Arnaud SIMION, Thierry SOTHER, Mmes Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mélanie THOMIN, MM. Roger VICOT et Jiovanny WILLIAM, députés.
Il a en outre été saisi, le 18 juillet 2025, par M. Patrick KANNER, Mmes Viviane ARTIGALAS, Audrey BÉLIM, Florence BLATRIX-CONTAT, Nicole BONNEFOY, Isabelle BRIQUET, Colombe BROSSEL, Marion CANALÈS, M. Rémi CARDON, Mme Marie-Arlette CARLOTTI, MM. Christophe CHAILLOU, Yan CHANTREL, Mme Hélène CONWAY-MOURET, M. Thierry COZIC, Mme Karine DANIEL, MM. Jérôme DARRAS, Gilbert-Luc DEVINAZ, Jérôme DURAIN, Mme Frédérique ESPAGNAC, MM. Sébastien FAGNEN, Rémi FÉRAUD, Mme Corinne FÉRET, MM. Jean-Luc FICHET, Hervé GILLÉ, Mme Laurence HARRIBEY, MM. Olivier JACQUIN, Patrice JOLY, Bernard JOMIER, Mme Gisèle JOURDA, M. Éric KERROUCHE, Mmes Marie-Pierre de LA GONTRIE, Annie LE HOUEROU, Audrey LINKENHELD, M. Jean-Jacques LOZACH, Mme Monique LUBIN, MM. Victorin LUREL, Didier MARIE, Serge MÉRILLOU, Jean-Jacques MICHAU, Franck MONTAUGÉ, Mme Corinne NARASSIGUIN, MM. Saïd OMAR OILI, Alexandre OUIZILLE, Mme Emilienne POUMIROL, MM. Claude RAYNAL, Christian REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, MM. Pierre-Alain ROIRON, David ROS, Mme Laurence ROSSIGNOL, MM. Lucien STANZIONE, Rachid TEMAL, Jean-Claude TISSOT, Simon UZENAT, Mickaël VALLET, Jean-Marc VAYSSOUZE-FAURE, Michel WEBER et Adel ZIANE, par Mmes Cécile CUKIERMAN, Cathy APOURCEAU-POLY, MM. Jérémy BACCHI, Pierre BARROS, Alexandre BASQUIN, Ian BROSSAT, Mmes Céline BRULIN, Evelyne CORBIÈRE NAMINZO, MM. Jean-Pierre CORBISEZ, Fabien GAY, Mme Michelle GRÉAUME, M. Gérard LAHELLEC, Mme Marianne MARGATÉ, MM. Pierre OUZOULIAS, Pascal SAVOLDELLI, Mmes Silvana SILVANI, Marie-Claude VARAILLAS et M. Robert Wienie XOWIE, ainsi que par MM. Guillaume GONTARD, Guy BENARROCHE, Grégory BLANC, Ronan DANTEC, Mme Monique de MARCO, MM. Thomas DOSSUS, Jacques FERNIQUE, Mme Antoinette GUHL, MM. Yannick JADOT, Akli MELLOULI, Mmes Mathilde OLLIVIER, Raymonde PONCET MONGE, M. Daniel SALMON, Mmes Ghislaine SENÉE, Anne SOUYRIS et Mélanie VOGEL, sénateurs.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil ;
- la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ;
- le code de l’environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le règlement de l’Assemblée nationale ;
- le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées à la demande du Conseil constitutionnel par la présidente de l’Assemblée nationale, enregistrées le 21 juillet 2025 ;
- les observations du Gouvernement, enregistrées le 28 juillet 2025 ;
Après avoir entendu les députés représentant les auteurs des première et deuxième saisines ainsi que les sénateurs représentant les auteurs de la troisième saisine ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Les requérants contestent la procédure d’adoption de la loi, ainsi que la procédure d’adoption du 1° du paragraphe I de son article 6 et de ses articles 7 et 8. Ils contestent en outre la conformité à la Constitution de certaines dispositions des articles 1er, 2, 3 et 5.
- Sur la procédure d’adoption de la loi :
2. Les députés requérants soutiennent que l’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale d’une motion de rejet préalable déposée par le rapporteur de la commission saisie au fond et par quatre présidents de groupe favorables au texte serait constitutive d’un détournement de procédure.
3. Alors que, selon eux, une telle motion aurait en principe pour objet de permettre à l’opposition ou à la minorité d’exprimer son opposition à un texte, ils font valoir que la motion déposée avait pour but d’éviter l’examen des amendements déposés en séance publique, dont le nombre n’était « ni déraisonnable, ni inhabituel ». Ils relèvent ensuite que l’adoption de cette motion a eu pour effet d’empêcher tout débat sur les articles ou les amendements en séance publique à l’Assemblée nationale en première lecture. Il en résulterait une méconnaissance du droit d’amendement et des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
4. Les députés auteurs de la première saisine soutiennent également que la convocation d’une commission mixte paritaire à l’issue du rejet du texte par l’Assemblée nationale en première lecture, alors que les conditions prévues à cet effet n’étaient selon eux pas réunies, serait contraire au deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution.
5. En premier lieu, aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale ». Aux termes du premier alinéa de l’article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ». Ces dispositions imposent le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
6. Selon le premier alinéa de l’article 44 de la Constitution : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. Ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ».
7. Selon l’article 91, alinéa 5, du règlement de l’Assemblée nationale, la motion de rejet préalable a pour objet « de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles », ou « de faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer ». Son vote a pour effet, en cas d’adoption de la motion, d’entraîner le rejet du texte à l’encontre duquel elle a été soulevée.
8. Les règlements des assemblées parlementaires n’ayant pas en eux-mêmes valeur constitutionnelle, la seule méconnaissance des dispositions réglementaires invoquées ne saurait avoir pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution.
9. La proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur a été déposée sur le bureau du Sénat le 1er novembre 2024 et adoptée en première lecture par le Sénat le 27 janvier 2025. Devant l’Assemblée nationale, au terme de son examen en commission, le rapporteur de la commission saisie au fond ainsi que quatre présidents de groupe ont déposé, le 23 mai 2025, une motion de rejet préalable. La présentation de cette motion le 26 mai 2025 faisait clairement apparaître que son vote était souhaité non pas pour marquer une opposition de fond au texte, mais en vue d’accélérer sa procédure d’adoption par le Parlement, compte tenu du dépôt de plus de 3 500 amendements témoignant, selon les signataires de la motion, d’une volonté d’obstruction.
10. Après l’adoption de cette motion de rejet préalable, le Gouvernement a provoqué la réunion d’une commission mixte paritaire, en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution. Le texte proposé par la commission mixte paritaire a été adopté par le Sénat le 2 juillet 2025, puis par l’Assemblée nationale le 8 juillet 2025.
11. Le bon déroulement du débat démocratique et, partant, le bon fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels, supposent que soit pleinement respecté le droit d’amendement conféré aux parlementaires par l’article 44 de la Constitution, et que parlementaires comme Gouvernement puissent utiliser sans entrave les procédures mises à leur disposition à ces fins.
12. Cette double exigence implique qu’il ne soit pas fait un usage manifestement excessif de ces droits.
13. Au regard des conditions générales du débat, l’adoption de la motion de rejet préalable en première lecture à l’Assemblée nationale n’a méconnu ni le droit d’amendement, ni les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
14. En second lieu, le deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution prévoit : « Lorsque, par suite d’un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n’a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée sans que les Conférences des présidents s’y soient conjointement opposées, après une seule lecture par chacune d’entre elles, le Premier ministre ou, pour une proposition de loi, les présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ».
15. Il ressort de cet article 45 que, comme le rappelle l’article 109 du règlement de l’Assemblée nationale, le fait qu’une proposition de loi examinée par le Parlement soit rejetée par l’une ou l’autre de ses deux assemblées n’interrompt pas les procédures prévues pour parvenir à l’adoption d’un texte définitif. Il en va notamment ainsi lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de rejet préalable dans les conditions prévues par l’article 91, alinéa 5, de son règlement. Dès lors, rien ne faisait obstacle à ce que l’examen de la loi déférée se poursuive après le vote par les députés de la motion de rejet préalable et le rejet du texte qui en est résulté.
16. Le grief tiré de la méconnaissance du deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
17. Il résulte de ce qui précède que la loi déférée a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 1er :
18. L’article 1er modifie plusieurs dispositions du chapitre IV du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime, relatif à la mise en vente, la vente, la distribution à titre gratuit, l’application et le conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.
. En ce qui concerne le paragraphe VI de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime et le 6° de l’article 1er de la loi déférée :
19. Le 1° de l’article 1er réécrit notamment le paragraphe VI de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime relatif à l’incompatibilité de l’activité de producteur de produits phytopharmaceutiques avec celle de conseil pour l’utilisation de ces produits.
20. Les députés auteurs de la première saisine soutiennent qu’en permettant que des conseils sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques soient fournis aux exploitants agricoles par les distributeurs, ces dispositions favoriseraient les conflits d’intérêts. Selon eux, elles pourraient empêcher les exploitants agricoles de recevoir les informations portant sur les risques pour l’environnement et la santé humaine nécessaires au respect de leurs devoirs issus de la Charte de l’environnement. Il en résulterait une méconnaissance des exigences de l’article 8 de cette Charte.
21. Rejoints par les sénateurs requérants, ils reprochent par ailleurs à ces dispositions de réduire l’encadrement des conseils délivrés aux exploitants agricoles en matière de produits phytopharmaceutiques et de les rendre facultatifs. En ne garantissant plus le contenu, la qualité et la neutralité de ces conseils, elles méconnaîtraient ainsi le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement.
22. En outre, ils reprochent à ces dispositions de prévoir, en faveur des producteurs de semences enrobées, une dérogation à l’incompatibilité entre activités de production et de conseil. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance d’un principe constitutionnel de non-régression en matière environnementale, de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ainsi que des exigences découlant des articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement.
23. Enfin, les sénateurs requérants, rejoints par les députés auteurs de la première saisine, reprochent à ces mêmes dispositions d’instaurer une différence de traitement injustifiée entre producteurs de produits phytopharmaceutiques, selon qu’ils vendent ces produits à des utilisateurs sous la forme de semences enrobées ou sous une autre forme. Il en résulterait ainsi une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
S’agissant du premier alinéa du paragraphe VI de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime ainsi que du 6° de l’article 1er de la loi déférée :
24. En application du premier alinéa du paragraphe VI de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, l’exercice de l’activité de conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, lorsque cette activité s’exerce à titre professionnel, est incompatible avec l’activité de producteur. Pour l’application de cette règle, le producteur s’entend au sens du règlement européen du 21 octobre 2009 mentionné ci-dessus, à l’exception du producteur produisant exclusivement des produits de biocontrôle, des produits composés uniquement de substances de base, des produits à faible risque ou des produits dont l’usage est autorisé dans le cadre de l’agriculture biologique. Par ailleurs, en application du 6° de l’article 1er de la loi déférée, qui abroge les articles L. 254-6-2 et L. 254-6-3 du code rural et de la pêche maritime, la notion de « conseil spécifique » est supprimée. En outre, le « conseil stratégique » pour l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, que certaines entreprises utilisatrices devaient être en mesure de justifier s’être fait délivrer, est désormais rendu facultatif.
25. En premier lieu, aux termes de l’article 8 de la Charte de l’environnement : « L’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte ».
26. L’activité de conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques exercée à titre professionnel ne constitue pas une activité relevant de l’éducation et de la formation au sens de ces dispositions. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la Charte de l’environnement ne peut qu’être écarté.
27. En second lieu, aux termes de l’article 1er de la Charte de l’environnement, « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
28. Les dispositions contestées, qui se bornent, d’une part, à encadrer les conditions d’exercice de l’activité de conseil à l’utilisation des produits pharmaceutiques lorsqu’une telle activité est exercée à titre professionnel et, d’autre part, à rendre facultatifs certains conseils délivrés aux exploitants agricoles, n’ont ni pour objet ni pour effet d’atténuer les obligations légales auxquelles sont soumis les utilisateurs de ces produits.
29. Par ailleurs et en tout état de cause, en application de l’article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime, les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques doivent justifier d’un certificat, délivré par l’autorité administrative ou un organisme qu’elle habilite, garantissant l’acquisition des connaissances exigées en adéquation avec les fonctions déclarées. La formation prévue pour la délivrance ou le renouvellement de ces certificats contient plusieurs modules spécifiques relatifs à l’exigence de sobriété dans l’usage des produits phytopharmaceutiques et aux alternatives disponibles, dont notamment un module d’aide à l’élaboration de la stratégie de l’exploitation agricole en matière d’utilisation de produits phytopharmaceutiques.
30. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement ne peut qu’être écarté.
31. Par conséquent, le premier alinéa du paragraphe VI de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime ainsi que le 6° de l’article 1er de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
S’agissant du second alinéa du paragraphe VI de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime :
32. En application du second alinéa du paragraphe VI de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, les informations fournies à leurs clients par les producteurs pour l’enrobage des semences ne sont pas concernées par l’incompatibilité entre l’activité de conseil et l’activité de producteur.
33. En premier lieu, selon l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
34. Les dispositions contestées, qui se bornent à préciser que l’incompatibilité ne concerne pas certains types d’informations, s’appliquent à l’ensemble des producteurs de produits phytopharmaceutiques. Ainsi, elles n’instituent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les personnes exerçant cette activité.
35. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi ne peut donc qu’être écarté.
36. En second lieu, ces dispositions se limitent à permettre la fourniture d’informations techniques nécessaires pour procéder à l’enrobage des semences aux prestataires de service assurant l’application des produits phytopharmaceutiques. Ainsi, elles ne portent, par elles-mêmes, aucune atteinte aux exigences découlant des articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement, ni n’entraînent, en tout état de cause, de régression de la protection de l’environnement. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent donc être écartés.
37. Par conséquent, le second alinéa du paragraphe VI de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne le 9° de l’article 1er :
38. Le 9° de l’article 1er modifie le premier alinéa de l’article L. 254-7 du code rural et de la pêche maritime relatif aux informations fournies lors de la vente de produits phytopharmaceutiques pour l’utilisation de ces produits.
39. Les députés auteurs de la première saisine, rejoints par les sénateurs requérants, reprochent à ces dispositions de supprimer, parmi les informations devant être fournies à l’utilisateur lors de la vente de produits phytopharmaceutiques, celles relatives à la cible et à la dose recommandée. Il en résulterait, selon eux, un risque de mauvaise utilisation des produits phytopharmaceutiques, en méconnaissance des articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement ainsi que des objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et de protection de la santé.
40. L’article L. 254-7 du code rural et de la pêche maritime définit les informations concernant l’utilisation des produits phytopharmaceutiques qui doivent être fournies aux utilisateurs lors de la vente.
41. Les dispositions contestées suppriment la précision selon laquelle figurent, au nombre de ces informations, celles relatives à la cible et la dose recommandée.
42. Selon l’article 1er de la Charte de l’environnement : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Son article 3 dispose : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ». Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés par cet article, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions.
43. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel.
44. Il ressort des termes mêmes des dispositions du premier alinéa de l’article L. 254-7 du code rural et de la pêche maritime que, lors de la vente de produits phytopharmaceutiques, une personne, titulaire d’un certificat délivré par l’autorité administrative ou un organisme habilité, est disponible pour fournir aux utilisateurs les informations appropriées concernant l’utilisation des produits vendus, notamment les conditions de mise en œuvre, les risques pour la santé et l’environnement liés à une telle utilisation et les consignes de sécurité afin de gérer ces risques.
45. Ces dispositions n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de dispenser le vendeur d’indiquer aux utilisateurs l’usage pour lequel le produit est destiné ainsi que la dose recommandée, lorsqu’il s’agit d’informations appropriées pour l’utilisation des produits vendus.
46. Dès lors, ces dispositions ne privent pas de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement. Le grief tiré de la méconnaissance de cette exigence constitutionnelle doit donc être écarté.
47. Par conséquent, le 9° de l’article 1er de la loi déférée, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l’article L. 254-10-1 du code rural et de la pêche maritime :
48. Le 11° de l’article 1er modifie l’article L. 254-10-1 du code rural et de la pêche maritime définissant les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques soumis à des obligations de mettre en place des actions de réduction de l’usage de ces produits.
49. Les sénateurs requérants reprochent à ces dispositions de ne plus soumettre certains utilisateurs de produits phytopharmaceutiques à de telles obligations. Il en résulterait, selon eux, une atteinte disproportionnée au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.
50. L’article L. 254-10 du code rural et de la pêche maritime met en place un dispositif visant à la réduction de l’utilisation de certains produits phytopharmaceutiques et comportant l’émission de certificats d’économie de ces produits.
51. Pour l’application de ce dispositif, l’article L. 254-10-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi déférée, soumettait à des obligations de réalisation d’actions tendant à la réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques les personnes auprès desquelles la redevance pour pollutions diffuses est exigible.
52. En application des dispositions contestées, les personnes soumises à ces obligations sont désormais celles exerçant les activités de mise en vente, de vente et de distribution à titre gratuit de produits phytopharmaceutiques.
53. Ces dispositions, qui se bornent à recentrer de telles obligations sur les vendeurs et les distributeurs de ces produits, ne portent pas, par elles-mêmes, atteinte aux exigences découlant de l’article 1er de la Charte de l’environnement.
54. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles ne peut qu’être écarté.
55. Par conséquent, les mots « exerçant les activités mentionnées au 1° du II de l’article L. 254-1 » figurant à la première phrase du premier alinéa du paragraphe I de l’article L. 254-10-1 du code rural et de la pêche maritime, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 2 :
56. L’article 2 modifie plusieurs dispositions du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime, relatif à la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.
. En ce qui concerne le 1° de l’article 2 :
57. Le 1° de l’article 2 insère un nouvel article L. 253-1 A au sein du code rural et de la pêche maritime, dont le premier alinéa prévoit : « Lorsque l’État interdit des produits phytopharmaceutiques contenant une substance active ou une famille de substances actives déterminées qui sont approuvées en application de la réglementation européenne, il accompagne les professionnels dans la recherche et la diffusion de solutions alternatives et se fixe pour objectif d’indemniser les exploitants agricoles subissant des pertes d’exploitation significatives tant que les alternatives disponibles à l’utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes ». Son second alinéa précise ce qui constitue une « solution alternative » au sens de ce texte.
58. Les sénateurs requérants critiquent le manque de clarté et de précision des termes « accompagne » et « professionnels » retenus par le législateur. Il en résulterait une méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
59. En outre, selon eux, faute d’avoir défini de façon suffisamment précise la notion de « solution alternative » à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence.
60. Ils font par ailleurs valoir que la définition de ces solutions alternatives, qui se réfère aux caractéristiques de produits interdits, ne prendrait pas en compte la protection de l’environnement et la santé humaine. Il en résulterait une méconnaissance des exigences découlant des articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement.
61. En premier lieu, l’article 1er de la Charte de l’environnement dispose que « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
62. Aux termes du vingt-et-unième alinéa de l’article 34 de la Constitution : « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État ».
63. Les objectifs assignés par la loi à l’action de l’État ne sauraient contrevenir aux exigences de l’article 1er de la Charte de l’environnement. Le Conseil constitutionnel ne dispose toutefois pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait se prononcer sur l’opportunité des objectifs que le législateur assigne à l’action de l’État, dès lors que ceux-ci ne sont pas manifestement inadéquats à la mise en œuvre de ces exigences constitutionnelles.
64. Les dispositions contestées, qui ont un caractère programmatique, se bornent à fixer comme objectif à l’action de l’État d’accompagner les professionnels dans la recherche et la diffusion de solutions alternatives en cas d’interdiction de produits phytopharmaceutiques contenant une substance active approuvée au niveau européen. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement ne peut qu’être écarté.
65. En second lieu, l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques.
66. Ni le terme « accompagne » ni celui de « professionnels » ne sont inintelligibles. Le grief tiré de la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi à l’encontre de ces dispositions programmatiques doit donc être écarté.
67. Par conséquent, l’article L. 253-1 A du code rural et de la pêche maritime, qui n’est pas entaché d’incompétence négative et ne méconnaît pas non plus l’article 3 de la Charte de l’environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne le d du 3° de l’article 2 :
68. Le d du 3° de l’article 2 insère un paragraphe II ter au sein de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime afin de permettre, sous certaines conditions, de déroger par décret à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, ainsi que des semences traitées avec ces produits.
69. Les députés et sénateurs requérants reprochent à ces dispositions de ne pas suffisamment encadrer cette dérogation dans le temps, l’espace et les usages autorisés et de ne pas la soumettre à des conditions suffisamment précises tenant notamment compte des risques pour la biodiversité et pour la santé humaine. À cet égard, ils soulignent les incidences négatives de ces produits sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs, les oiseaux et les autres animaux invertébrés, les conséquences sur les sols et la qualité de l’eau, ainsi que la dangerosité de certaines de ces substances pour la santé humaine.
70. Il en résulterait une méconnaissance du droit de vivre dans un environnement sain et équilibré, du devoir de toute personne de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement, d’un principe de non-régression en matière environnementale qu’ils demandent au Conseil constitutionnel de reconnaître, des principes de prévention et de précaution, ainsi que du devoir, pour les politiques publiques, de promouvoir un développement durable, garantis par les articles 1er, 2, 3, 5 et 6 de la Charte de l’environnement. Selon eux, seraient également méconnus, pour les mêmes motifs, le droit à la protection de la santé résultant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.
71. Les sénateurs requérants reprochent par ailleurs à ces dispositions d’être manifestement incompatibles avec l’article 53 du règlement européen du 21 octobre 2009 fixant les conditions dans lesquelles un État membre peut déroger aux dispositions relatives à l’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques. Il en résulterait selon eux une méconnaissance de l’article 88-1 de la Constitution.
72. L’article 1er de la Charte de l’environnement dispose que « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Son article 2 prévoit que « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ». Aux termes de son article 6, « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».
73. S’il est loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, il doit prendre en compte, notamment, le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement mentionné à l’article 2 de la Charte de l’environnement et ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement.
74. Les limitations portées par le législateur à l’exercice de ce droit ne sauraient être que liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et doivent être proportionnées à l’objectif poursuivi.
75. Selon le paragraphe II de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, est interdite l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances, ainsi que des semences traitées avec ces produits.
76. Le nouveau paragraphe II ter du même article L. 253-8 prévoit qu’un décret peut, sous certaines conditions, déroger à cette interdiction.
77. Il résulte des travaux préparatoires que le législateur a ainsi entendu permettre à certaines filières agricoles de faire face aux graves dangers qui menacent leurs cultures, afin de préserver leurs capacités de production et de les prémunir de distorsions de concurrence au niveau européen. Il a, ce faisant, poursuivi un motif d’intérêt général.
78. Les dispositions contestées permettent, pour faire face à une menace grave compromettant la production agricole et pour un usage déterminé, de déroger à l’interdiction d’utilisation des produits en cause s’ils contiennent des substances approuvées en application du règlement européen du 21 octobre 2009. Une telle dérogation peut être décidée, après avis public du conseil de surveillance prévu au paragraphe II bis de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, lorsque les alternatives disponibles à l’utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes et qu’il existe un plan de recherche sur les alternatives à leur utilisation. Elle intervient sans préjudice de la nécessité d’obtenir une autorisation de mise sur le marché ou une autorisation accordée dans les conditions prévues à l’article 53 de ce même règlement.
79. Toutefois, en premier lieu, les produits en cause ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux, ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine.
80. En second lieu, d’une part, les dispositions contestées permettent d’accorder une dérogation à l’interdiction d’utilisation de ces produits pour toutes les filières agricoles, sans les limiter à celles pour lesquelles le législateur aurait identifié une menace particulière dont la gravité compromettrait la production agricole.
81. D’autre part, ces dispositions se bornent à prévoir que le conseil de surveillance rend un avis public au terme d’une période de trois ans puis chaque année sur le point de savoir si les conditions de la dérogation demeurent réunies et qu’il doit y être mis fin lorsque l’une de ces conditions n’est plus remplie. Ce faisant, elles n’imposent pas que la dérogation soit accordée, à titre transitoire, pour une période déterminée.
82. En outre, une telle dérogation peut être décidée pour tous types d’usage et de traitement, y compris ceux qui, recourant à la pulvérisation, présentent des risques élevés de dispersion des substances.
83. Il résulte de tout ce qui précède que le législateur, en permettant de déroger dans de telles conditions à l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, a privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement.
84. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, le d du 3° de l’article 2 est contraire à la Constitution. Il en va de même par voie de conséquence du troisième alinéa du b de ce même 3°, qui en est inséparable.
- Sur certaines dispositions de l’article 3 :
85. L’article 3 modifie notamment certaines dispositions du code de l’environnement.
. En ce qui concerne certaines dispositions des 1°, 4° et 5° du paragraphe III de l’article L. 181-10-1 du code de l’environnement :
86. Le 1° du paragraphe I de l’article 3 modifie les modalités de consultation du public sur certains projets destinés à l’élevage et soumis à autorisation environnementale.
87. Les sénateurs requérants, rejoints par les députés auteurs de la première saisine, soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient l’article 7 de la Charte de l’environnement, faute pour le législateur d’avoir suffisamment défini les conditions de participation du public et d’obliger le pétitionnaire à répondre aux avis du public.
88. Les députés auteurs de la première saisine soutiennent en outre que ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre les pétitionnaires, selon la nature de leur activité, seuls les élevages de bovins, de porcs et de volailles pouvant bénéficier de modalités dérogatoires de consultation du public, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
89. En premier lieu, selon l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
90. Le 1° du paragraphe I de l’article 3 de la loi déférée modifie notamment le paragraphe III de l’article L. 181-10-1 du code de l’environnement relatif à la consultation du public en vue de l’obtention d’une autorisation environnementale, afin de définir des modalités particulières de recueil des contributions du public dans le cadre de l’autorisation de certains projets destinés à l’élevage de bovins, de porcs ou de volailles.
91. Ce faisant, ces dispositions instaurent une différence de traitement entre les demandeurs de ces autorisations selon le type d’élevage du projet soumis à la procédure d’autorisation environnementale.
92. Il ressort des travaux préparatoires qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu faire bénéficier certaines exploitations d’élevage de simplifications administratives afin de corriger les conséquences de dispositions du droit national qui excèdent, selon lui, les exigences de transposition résultant de plusieurs directives de l’Union européenne.
93. Or, au regard des dispositions de droit national transposant les directives européennes du 24 novembre 2010 et du 13 décembre 2011 mentionnées ci-dessus relatives à l’élevage de bovins, de porcs ou de volailles, le législateur a pu considérer que les installations destinées à ces types d’élevages se distinguent des autres exploitations.
94. Ainsi, la différence de traitement instituée par ces dispositions, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi.
95. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.
96. En second lieu, selon l’article 7 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions.
97. D’une part, les dispositions contestées des 1° et 5° du paragraphe III de l’article L. 181-10-1 du code de l’environnement, qui se bornent à remplacer les réunions publiques d’ouverture et de clôture de la consultation du public par une permanence organisée par le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête, ne modifient pas les conditions et les limites définies par ailleurs à cet article qui assurent la mise en œuvre du principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques en cause.
98. D’autre part, si les dispositions contestées du 4° du paragraphe III du même article précisent que les réponses du pétitionnaire aux avis, observations et propositions du public sont facultatives, il ressort en tout état de cause du premier alinéa de son paragraphe II que ceux parvenus pendant la durée de la consultation doivent être pris en considération par le maître d’ouvrage et par l’autorité compétente pour prendre la décision.
99. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 7 de la Charte de l’environnement doit donc être écarté.
100. Par conséquent, le dernier alinéa du 1°, l’avant-dernière phrase du 4° et le deuxième alinéa du 5° du paragraphe III de l’article L. 181-10-1 du code de l’environnement, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne le paragraphe I ter de l’article L. 512-7 du code de l’environnement :
101. Le b du 2° du paragraphe I de l’article 3 insère notamment un nouveau paragraphe I ter au sein de l’article L. 512-7 du code de l’environnement relatif aux installations classées pour la protection de l’environnement soumises à enregistrement, afin de prévoir que certaines installations d’élevage peuvent être soumises à ce régime au lieu du régime d’autorisation prévu à l’article L. 512-1 du même code.
102. Les sénateurs requérants soutiennent que ces dispositions porteraient atteinte au droit d’accéder à l’information relative à l’environnement, dès lors que les installations soumises à enregistrement peuvent être dispensées de réaliser une évaluation environnementale complète accessible au public. Ils soutiennent, pour les mêmes motifs, que serait méconnue l’exigence constitutionnelle de participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement, le public n’étant plus systématiquement amené à pouvoir formuler des observations sur l’étude d’impact d’un projet. Il en résulterait une méconnaissance des exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement, ainsi que, en raison de la réduction des obligations imposées aux installations d’élevage, une méconnaissance du principe de préservation de l’environnement garanti par son article 2.
103. En application de l’article L. 512-7 du code de l’environnement, les installations classées pour la protection de l’environnement sont soumises à enregistrement lorsqu’elles présentent de graves dangers ou inconvénients pour la santé, la sécurité publique et l’environnement, mais que ces dangers et inconvénients peuvent en principe être prévenus par le respect de prescriptions générales. Toutefois, les installations relevant de la directive européenne du 24 novembre 2010 au titre de son annexe I sont exclues du champ d’application de cet article et soumises à autorisation.
104. Le nouveau paragraphe I ter de l’article L. 512-7 du code de l’environnement prévoit que peuvent désormais relever du régime de l’enregistrement certaines installations d’élevages de porcs ou de volailles relevant de l’annexe I bis de la directive européenne du 24 novembre 2010, à l’exception des installations destinées à l’élevage intensif énumérées à l’annexe I de la directive européenne du 13 décembre 2011.
105. En premier lieu, l’article 1er de la Charte de l’environnement dispose que « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Aux termes de son article 2, « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ».
106. S’il est loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, il doit prendre en compte, notamment, le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement mentionné à l’article 2 de la Charte de l’environnement et ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement.
107. Les dispositions contestées se bornent à prévoir que certains projets d’installation d’élevage auxquels s’applique la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement peuvent relever de la procédure d’enregistrement. Elles n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier les obligations légales auxquelles sont soumises à ce titre ces installations.
108. Ainsi, le ministre compétent fixe par arrêté des prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement soumises à enregistrement propres à prévenir et à réduire les dangers et inconvénients qu’elles présentent pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement. En outre, en vue d’assurer la protection de ces intérêts, le préfet qui prend l’arrêté d’enregistrement peut l’assortir de prescriptions particulières complétant ou renforçant les prescriptions générales applicables à l’installation. Enfin, il ne peut prendre un tel arrêté que si le demandeur a justifié que les conditions de l’exploitation projetée garantiraient le respect de l’ensemble des prescriptions générales, et éventuellement particulières, applicables.
109. Le grief tiré de la méconnaissance des articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement doit donc être écarté.
110. En second lieu, d’une part, les dispositions contestées ne modifient pas l’étendue du droit d’accès du public aux informations en matière environnementale. D’autre part, l’instruction des demandes relatives aux projets d’installations soumis à enregistrement demeure soumise à une procédure assurant la participation du public, en application de l’article L. 512-7-1 du code de l’environnement.
111. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance des exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement doit être écarté.
112. Par conséquent, le paragraphe I ter de l’article L. 512-7 du code de l’environnement, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne le paragraphe III de l’article 3 de la loi déférée :
113. Le paragraphe III de l’article 3 vise à faciliter, pour certaines installations d’élevage, la modification de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement soumises, selon les cas, à une procédure administrative de déclaration, d’enregistrement ou d’autorisation.
114. Selon les sénateurs et les députés auteurs de la première saisine, ces dispositions méconnaîtraient un principe constitutionnel de non-régression en matière environnementale. Les sénateurs requérants reprochent également à ces dispositions d’assouplir les exigences applicables aux installations d’élevage, de leur permettre d’élargir leur exploitation sans tenir compte de leur impact environnemental, d’être imprécises et de ne pas être assorties de garanties suffisantes. Il en résulterait une méconnaissance des principes de prévention et de précaution découlant respectivement des articles 3 et 5 de la Charte de l’environnement. Pour les mêmes motifs, les députés auteurs de la première saisine soutiennent que seraient méconnus les articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement, qui proclament le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ainsi que le devoir de protéger l’environnement.
115. Selon l’article 1er de la Charte de l’environnement : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Son article 3 dispose : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ». Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés par cet article, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions.
116. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel.
117. En application du 9° du paragraphe II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, la connaissance, la protection, la mise en valeur, la restauration, la remise en état et la gestion de l’environnement doivent être inspirées par « Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ».
118. En application de l’article L. 511-2 du même code, les installations susceptibles de présenter des dangers ou des inconvénients notamment pour la santé, la sécurité ou la salubrité publiques, l’agriculture ou la protection de la nature, de l’environnement et des paysages peuvent être soumises à un régime d’autorisation, d’enregistrement ou de déclaration, en fonction d’une nomenclature établie par décret en Conseil d’État.
119. Les dispositions contestées prévoient que le principe de non‑régression environnementale, défini au 9° du paragraphe II de l’article L. 110‑1 du même code, ne s’oppose pas, en ce qui concerne les élevages bovins, porcins et avicoles, au relèvement des seuils de cette nomenclature.
120. Ces dispositions se bornent à autoriser le pouvoir réglementaire à relever les seuils séparant, d’une part, les régimes de la déclaration et de l’enregistrement et, d’autre part, les régimes de l’enregistrement et de l’autorisation. Elles n’ont ni pour objet, ni pour effet, de modifier les règles et prescriptions auxquelles sont subordonnées les installations classées en application des articles L. 512-1, L. 512-7 et L. 512-8 du code de l’environnement, qui les soumettent, selon les cas, à un régime administratif d’autorisation, d’enregistrement ou de déclaration.
121. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences découlant des articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement.
122. Par conséquent, le paragraphe III de l’article 3 de la loi déférée, qui ne méconnaît pas non plus l’article 2 de la Charte de l’environnement, ni, en tout état de cause, le principe de précaution, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 5 :
123. L’article 5 insère notamment un nouvel article L. 211-1-2 au sein du code de l’environnement, afin de prévoir que certains ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux associés sont présumés d’intérêt général majeur. Il insère en outre un nouvel article L. 411-2-2 au sein du même code prévoyant que ces mêmes ouvrages et prélèvements sont présumés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur de nature à justifier la délivrance d’une dérogation aux interdictions de porter atteinte à des espèces protégées ainsi qu’à leurs habitats.
124. Les sénateurs requérants font tout d’abord valoir que, faute d’avoir défini de manière suffisamment précise les ouvrages de stockage d’eau et prélèvements concernés ainsi que plusieurs notions permettant d’établir de telles présomptions, ces dispositions en autoriseraient un usage trop large et systématique. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
125. Les députés et sénateurs requérants soutiennent par ailleurs que ces dispositions instaureraient une présomption irréfragable que certains ouvrages de stockage d’eau répondent à une raison impérative d’intérêt public majeur, ce qui favoriserait leur implantation. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif ainsi que de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et des exigences découlant des articles 1er, 3 et 5 de la Charte de l’environnement, compte tenu des effets nocifs que ces ouvrages peuvent avoir sur la ressource en eau, sur les espèces protégées et sur leurs habitats.
126. Les députés auteurs de la première saisine, rejoints par les sénateurs requérants, font ensuite valoir qu’en restreignant excessivement la possibilité pour le public de débattre sur le caractère d’intérêt général majeur ou la raison impérative d’intérêt public majeur d’un projet de stockage d’eau, ces dispositions méconnaîtraient l’article 7 de la Charte de l’environnement.
127. Enfin, ils reprochent à ces dispositions de méconnaître l’obligation de transposition des directives résultant de l’article 88-1 de la Constitution. Pour les mêmes motifs, les députés auteurs de la première saisine considèrent qu’elles méconnaîtraient également l’article 10 de la Charte de l’environnement selon lequel cette dernière « inspire l’action européenne et internationale de la France ».
128. Aux termes de l’article 1er de la Charte de l’environnement, « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
129. L’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques.
130. L’article L. 411-1 du code de l’environnement interdit toute atteinte aux espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées ainsi que la destruction, l’altération ou la dégradation d’habitats naturels ou des habitats de ces espèces, lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient leur conservation. En application du c du 4° du paragraphe I de l’article L. 411-2 du même code, des dérogations à ces interdictions peuvent être délivrées, sous certaines conditions, dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impérieuses d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique.
131. Les dispositions contestées de l’article L. 211-1-2 prévoient que, lorsqu’ils sont situés dans certaines zones et remplissent plusieurs conditions, les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés poursuivant, à titre principal, une finalité agricole, sont présumés d’intérêt général majeur.
132. Les dispositions contestées de l’article L. 411-2-2 prévoient en outre que, pour la délivrance des dérogations prévues au c du 4° du paragraphe I de l’article L. 411-2, les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements associés se situant dans ces mêmes zones et répondant aux mêmes conditions ainsi qu’à la même finalité, sont présumés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur.
133. Eu égard aux incidences sur la ressource en eau et la biodiversité des ouvrages de stockage d’eau et des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés, la réalisation de tels ouvrages est susceptible de porter atteinte à l’environnement.
134. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu préserver la production agricole dans des zones soumises à un déficit quantitatif pérenne d’eau susceptible d’affecter la capacité de production agricole. Il a ainsi poursuivi un motif d’intérêt général.
135. En deuxième lieu, d’une part, ne peuvent être présumés d’intérêt général majeur ou répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur que des ouvrages de stockage d’eau ou les prélèvements associés poursuivant à titre principal une finalité agricole, lorsqu’ils sont situés dans des zones affectées d’un déficit quantitatif pérenne d’eau compromettant le potentiel de production.
136. D’autre part, ces ouvrages et prélèvements ne peuvent bénéficier des présomptions prévues par les dispositions contestées qu’à la condition qu’ils résultent d’« une démarche territoriale concertée » sur la répartition de la ressource en eau entre l’ensemble des usagers, qu’ils s’accompagnent d’un « engagement des usagers dans des pratiques sobres en eau » et qu’ils concourent à un accès à l’eau pour tous les usagers. Ces notions ne sont pas inintelligibles.
137. Toutefois, si les dispositions contestées s’appliquent à des prélèvements sur les eaux souterraines, elles ne sauraient, sans méconnaître le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, être interprétées comme permettant la réalisation de tels prélèvements au sein de nappes inertielles.
138. En outre, sauf à méconnaître ces mêmes exigences, les présomptions instituées par ces dispositions ne sauraient être regardées comme revêtant un caractère irréfragable faisant obstacle à la contestation de l’intérêt général majeur ou de la raison impérative d’intérêt général majeur du projet d’ouvrage concerné.
139. En dernier lieu, la présomption instituée par les dispositions contestées ne dispense pas les projets d’ouvrages de stockage d’eau et de prélèvements associés auxquels elle s’appliquera du respect des autres conditions prévues pour la délivrance d’une dérogation aux interdictions prévues par l’article L. 411-1 du code de l’environnement. À cet égard, l’autorité administrative compétente s’assure, sous le contrôle du juge, qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
140. Dès lors, sous les réserves énoncées aux paragraphes 137 et 138, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences découlant de l’article 1er de la Charte de l’environnement. Elles ne méconnaissent pas non plus l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
141. Par conséquent, sous les mêmes réserves, les articles L. 211-1-2 et L. 411-2-2 du code de l’environnement, qui ne méconnaissent pas non plus l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement, ni les articles 3, 5, 7 et 10 de la Charte de l’environnement, ni le droit à un recours juridictionnel effectif, ni, en tout état de cause, l’article 88-1 de la Constitution, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur la place de certaines dispositions dans la loi déférée :
142. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions qui sont introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Selon une jurisprudence constante, il s’assure dans ce cadre de l’existence d’un lien entre l’objet de l’amendement et celui de l’une au moins des dispositions du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Il ne déclare des dispositions contraires à l’article 45 de la Constitution que si un tel lien, même indirect, ne peut être identifié. Il apprécie l’existence de ce lien après avoir décrit le texte initial puis, pour chacune des dispositions déclarées inconstitutionnelles, les raisons pour lesquelles elle doit être regardée comme dépourvue de lien même indirect avec celui-ci. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
143. La loi déférée, qui compte huit articles répartis en quatre titres, a pour origine la proposition de loi déposée le 1er novembre 2024 sur le bureau du Sénat, première assemblée saisie. Ce projet comportait six articles répartis en quatre titres.
144. Son titre Ier comportait des dispositions visant à supprimer la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques, à rendre facultatif le conseil stratégique phytosanitaire, à modifier certaines conditions de vente de produits phytopharmaceutiques, à autoriser dans certaines conditions la suspension d’une décision en matière d’homologation de tels produits et à autoriser l’usage d’aéronefs sans pilote pour la pulvérisation de ces mêmes produits.
145. Son titre II comprenait des dispositions procédant à des simplifications du régime des installations classées pour la protection de l’environnement bénéficiant aux bâtiments d’élevage et visait à mettre en place des modalités effectives de recours en cas de contestation des évaluations des pertes de récolte ou de culture.
146. Son titre III comportait des dispositions visant à faciliter la réalisation des projets de stockage d’eau présentant un intérêt général majeur.
147. Son titre IV comprenait des dispositions précisant que le délégué territorial de l’Office français de la biodiversité est tenu d’inviter ce dernier à privilégier la procédure administrative lorsque les faits poursuivis relèvent d’une primo infraction ou d’une infraction ayant causé un faible préjudice environnemental.
. En ce qui concerne la place du 1° du paragraphe I de l’article 6 :
148. Le 1° du paragraphe I de l’article 6 de la loi déférée modifie les articles L. 131-9 et L. 172-16 du code de l’environnement afin de préciser que l’Office français de la biodiversité contribue à ses missions de police administrative sous l’autorité du représentant de l’État dans le département et, pour ses missions de police judiciaire, sous l’autorité du procureur de la République.
149. Les sénateurs requérants soutiennent que le 1° du paragraphe I de l’article 6 n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
150. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles de l’article 6 de la proposition de loi initiale précisant que le délégué territorial de l’Office français de la biodiversité est tenu d’inviter l’office à privilégier la procédure administrative lorsque les faits poursuivis relèvent d’une primo-infraction ou d’une infraction ayant causé un faible préjudice environnemental. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
151. Il en résulte que le 1° du paragraphe I de l’article 6 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne la place de l’article 7 :
152. L’article 7 étend l’application de l’article L. 258-1 du code rural et de la pêche maritime, relatif à l’introduction dans l’environnement d’un macro-organisme utile aux végétaux, aux macro-organismes non indigènes utilisés dans le cadre de la lutte autocide, afin de donner une base légale à la technique de l’insecte stérile.
153. Les sénateurs requérants soutiennent que l’article 7 n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
154. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles de l’article 1er de la proposition de loi initiale relatives aux conditions de vente de produits phytopharmaceutiques, et avec celles de son article 2 relatives à certaines décisions en matière d’homologation de produits phytopharmaceutiques. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
155. Il en résulte que l’article 7 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne la place de l’article 8 :
156. L’article 8 modifie plusieurs articles du code rural et de la pêche maritime afin d’étendre le pouvoir d’injonction contraventionnelle et de renforcer les sanctions pénales en vue de prévenir le développement de vignes non cultivées, de faciliter l’exécution d’office en cas de non-respect des mesures de police administrative, de simplifier la procédure visant à détruire les végétaux lorsque le propriétaire est défaillant dans l’exécution de mesures phytosanitaires et de permettre aux administrations de communiquer entre elles des informations pour identifier les propriétaires de terrains concernés.
157. Les sénateurs requérants soutiennent que l’article 8 n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
158. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, des articles 1er et 2 de la proposition de loi initiale. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans la proposition de loi déposée sur le bureau de la première assemblée saisie.
159. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater qu’elles ont été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution.
- Sur les autres dispositions :
160. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur :
- le troisième alinéa du b et le d du 3° de l’article 2 ;
- l’article 8.
Article 2. - Sous les réserves énoncées aux paragraphes 137 et 138, les articles L. 211-1-2 et L. 411-2-2 du code de l’environnement, dans leur rédaction issue de l’article 5 de la loi déférée, sont conformes à la Constitution.
Article 3. - Sont conformes à la Constitution :
- le paragraphe VI de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi déférée ;
- le 6° de l’article 1er de la loi déférée ;
- le 9° de l’article 1er de la loi déférée ;
- les mots « exerçant les activités mentionnées au 1° du II de l’article L. 254-1 » figurant à la première phrase du premier alinéa du paragraphe I de l’article L. 254-10-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi déférée ;
- l’article L. 253-1 A du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi déférée ;
- le dernier alinéa du 1°, l’avant-dernière phrase du 4° et le deuxième alinéa du 5° du paragraphe III de l’article L. 181-10-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi déférée ;
- le paragraphe I ter de l’article L. 512-7 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi déférée ;
- le paragraphe III de l’article 3 de la loi déférée.
Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 août 2025, où siégeaient : M. Richard FERRAND, Président, M. Philippe BAS, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François SÉNERS et Mme Laurence VICHNIEVSKY.
Rendu public le 7 août 2025.