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29/07/2025 | FRANCE | N°2025-890

France | France, Conseil constitutionnel, 29 juillet 2025, 2025-890


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, sous le n° 2025-890 DC, le 7 juillet 2025, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, MM. Rodrigo ARENAS, Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Pierre-Yves CADALEN, Aymeric CAR

ON, Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia...

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, sous le n° 2025-890 DC, le 7 juillet 2025, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, MM. Rodrigo ARENAS, Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Pierre-Yves CADALEN, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Jean-François COULOMME, Sébastien DELOGU, Aly DIOUARA, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Zahia HAMDANE, Mathilde HIGNET, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Abdelkader LAHMAR, Maxime LAISNEY, Aurélien LE COQ, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Claire LEJEUNE, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Marie MESMEUR, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Sandrine NOSBÉ, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Jean-Hugues RATENON, Arnaud SAINT-MARTIN, Aurélien SAINTOUL, Mmes Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, MM. Paul VANNIER et Jean-Paul LECOQ, députés.

Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code de l’éducation ;
- le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;
Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 19 juillet 2025 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur. Ils contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de son article 3.
- Sur certaines dispositions du 3° de l’article 3 :
2. Le 3° de l’article 3 de la loi déférée insère au sein du code de l’éducation un article L. 811-5-1 prévoyant la création, dans chaque région académique, d’une section disciplinaire commune à certains établissements publics d’enseignement supérieur.
3. Les députés requérants reprochent au législateur d’avoir méconnu l’étendue de sa compétence en renvoyant au pouvoir réglementaire la détermination des modalités d’application de cet article.
4. Il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34.
5. En application de l’article L. 811-5 du code de l’éducation, les conseils académiques des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel statuant à l’égard des usagers comprennent une section disciplinaire.
6. Selon le premier alinéa du nouvel article L. 811-5-1 du même code, une section disciplinaire commune à ces établissements est créée par le recteur dans chaque région académique.
7. Les dispositions contestées du dernier alinéa de cet article prévoient qu’un décret en Conseil d’État en détermine les modalités d’application, et précise notamment la composition de la section disciplinaire commune, les modalités de désignation de ses membres et ses règles de fonctionnement.
8. Ni la composition d’une telle section disciplinaire, ni ses règles de fonctionnement, ni les modalités de désignation de ses membres ne relèvent des matières que la Constitution range dans le domaine de la loi.
9. Dès lors, en renvoyant à un décret en Conseil d’État la détermination des modalités d’application de l’article L. 811-5-1 du code de l’éducation, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence.
10. Par conséquent, le dernier alinéa de l’article L. 811-5-1 du code de l’éducation, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions du 4° de l’article 3 :
11. Le 4° de l’article 3 modifie l’article L. 811-6 du code de l’éducation afin notamment de définir les faits commis par un usager du service public de l’enseignement supérieur susceptibles de constituer une faute disciplinaire.
12. Selon les députés requérants, faute d’avoir défini ces manquements en des termes suffisamment précis, ces dispositions permettraient de réprimer des faits extrêmement divers, sans qu’il soit exigé d’établir un lien entre ces faits et le bon fonctionnement de l’établissement ou le fonctionnement normal du service public. Il en résulterait une méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi que des principes de proportionnalité des peines et non bis in idem.
13. Ils soutiennent également qu’en sanctionnant de tels faits, même lorsqu’ils sont commis en dehors de l’enceinte d’un établissement, ces dispositions feraient peser sur l’usager la charge de la preuve de l’absence de commission du manquement, en méconnaissance du « principe de sûreté » protégé par l’article 2 de la Déclaration de 1789, et du « principe de clarté de la loi ».
14. Selon l’article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». En vertu du principe de légalité des délits et des peines, le législateur ou, dans son domaine de compétence, le pouvoir réglementaire, doivent fixer les sanctions ayant le caractère d’une punition en des termes suffisamment clairs et précis.
15. Le paragraphe I du nouvel article L. 811-6 du code de l’éducation prévoit que sont passibles d’une sanction disciplinaire tous faits constitutifs d’une faute disciplinaire. Au nombre de ces fautes figurent la méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires relatives à la vie universitaire ou du règlement intérieur de l’établissement, la fraude ou la tentative de fraude, les faits de violence ou de harcèlement, les faits d’antisémitisme, de racisme, de discrimination ou d’incitation à la haine ou à la violence ainsi que les faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre ou au bon fonctionnement de l’établissement. Il résulte du dernier alinéa de ce même paragraphe que les faits commis en dehors de l’établissement sont passibles d’une sanction disciplinaire lorsqu’ils présentent un lien suffisant avec l’établissement ou les activités qu’il organise.
16. D’une part, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu réprimer les comportements d’usagers du service public de l’enseignement supérieur méconnaissant des obligations auxquelles ils sont soumis, en cette qualité, dans l’enceinte de l’établissement.
17. D’autre part, en prévoyant que sont également passibles d’une sanction disciplinaire les faits commis en dehors de l’établissement lorsqu’ils présentent « un lien suffisant » avec l’établissement ou les activités qu’il organise, les dispositions contestées ne revêtent pas un caractère équivoque et sont suffisamment précises pour garantir contre le risque d’arbitraire.
18. Dès lors, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits et des peines.
19. Par conséquent, le paragraphe I de l’article L. 811-6 du code de l’éducation, qui ne méconnaît pas non plus le principe de proportionnalité des peines, le principe non bis in idem et le principe de séparation des pouvoirs, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur les autres dispositions :
20. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur :
- le dernier alinéa de l’article L. 811-5-1 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de l’article 3 de la loi déférée ;
- le paragraphe I de l’article L. 811-6 du code de l’éducation, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi déférée.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juillet 2025, où siégeaient : M. Richard FERRAND, Président, M. Philippe BAS, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François SÉNERS et Mme Laurence VICHNIEVSKY.
 
Rendu public le 29 juillet 2025.
 


Synthèse
Numéro de décision : 2025-890
Date de la décision : 29/07/2025
Loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Références :

DC du 29 juillet 2025 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 29 juillet 2025 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2025-890 DC du 29 juillet 2025
Origine de la décision
Date de l'import : 22/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2025:2025.890.DC
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