LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi visant à renforcer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents, sous le n° 2025-886 DC, le 20 mai 2025, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, MM. Rodrigo ARENAS, Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Pierre-Yves CADALEN, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Jean-François COULOMME, Sébastien DELOGU, Aly DIOUARA, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Abdelkader LAHMAR, Maxime LAISNEY, Aurélien LE COQ, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Claire LEJEUNE, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Marie MESMEUR, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Sandrine NOSBÉ, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Jean-Hugues RATENON, Arnaud SAINT-MARTIN, Aurélien SAINTOUL, Mmes Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER et par MM. Stéphane PEU, Édouard BÉNARD, Mme Soumya BOUROUAHA, M. Julien BRUGEROLLES, Mmes Elsa FAUCILLON, Émeline K BIDI, MM. Jean-Paul LECOQ, Emmanuel MAUREL, Marcellin NADEAU, Davy RIMANE et Nicolas SANSU, députés.
Il a également été saisi, le 22 mai 2025, par M. Boris VALLAUD, Mme Marie-José ALLEMAND, MM. Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, Fabrice BARUSSEAU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Laurent BAUMEL, Mme Béatrice BELLAY, MM. Karim BENBRAHIM, Mickaël BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Mme Colette CAPDEVIELLE, MM. Paul CHRISTOPHLE, Pierrick COURBON, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Mmes Dieynaba DIOP, Fanny DOMBRE COSTE, MM. Peio DUFAU, Inaki ECHANIZ, Romain ESKENAZI, Olivier FAURE, Denis FÉGNÉ, Guillaume GAROT, Mme Océane GODARD, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, MM. Emmanuel GRÉGOIRE, Jérôme GUEDJ, Stéphane HABLOT, Mmes Ayda HADIZADEH, Florence HEROUIN-LÉAUTEY, Céline HERVIEU, Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, MM. Gérard LESEUL, Laurent LHARDIT, Mme Estelle MERCIER, MM. Philippe NAILLET, Jacques OBERTI, Mme Sophie PANTEL, M. Marc PENA, Mmes Anna PIC, Christine PIRÈS BEAUNE, MM. Dominique POTIER, Pierre PRIBETICH, Christophe PROENÇA, Mmes Marie RÉCALDE, Valérie ROSSI, Claudia ROUAUX, MM. Aurélien ROUSSEAU, Fabrice ROUSSEL, Mme Sandrine RUNEL, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, Mme Isabelle SANTIAGO, MM. Hervé SAULIGNAC, Arnaud SIMION, Thierry SOTHER, Mmes Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mélanie THOMIN, MM. Roger VICOT, Jiovanny WILLIAM et par Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Pouria AMIRSHAHI, Mmes Christine ARRIGHI, Clémentine AUTAIN, Léa BALAGE EL MARIKY, Lisa BELLUCO, MM. Karim BEN CHEIKH, Benoît BITEAU, Arnaud BONNET, Nicolas BONNET, Alexis CORBIÈRE, Hendrik DAVI, Emmanuel DUPLESSY, Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Damien GIRARD, Steevy GUSTAVE, Mme Catherine HERVIEU, M. Jérémie IORDANOFF, Mme Julie LAERNOES, MM. Tristan LAHAIS, Benjamin LUCAS-LUNDY, Mme Julie OZENNE, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mme Sandra REGOL, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, Mme Sandrine ROUSSEAU, M. François RUFFIN, Mmes Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, Danielle SIMONNET, Sophie TAILLÉ-POLIAN, MM. Boris TAVERNIER, Nicolas THIERRY et Mme Dominique VOYNET, députés.
Il a en outre été saisi, le 27 mai 2025, par M. Patrick KANNER, Mmes Viviane ARTIGALAS, Audrey BÉLIM, Florence BLATRIX CONTAT, Nicole BONNEFOY, MM. Denis BOUAD, Hussein BOURGI, Mmes Isabelle BRIQUET, Colombe BROSSEL, Marion CANALÈS, M. Rémi CARDON, Mme Marie-Arlette CARLOTTI, MM. Christophe CHAILLOU, Yan CHANTREL, Mme Catherine CONCONNE, M. Thierry COZIC, Mme Karine DANIEL, MM. Jérôme DARRAS, Gilbert-Luc DEVINAZ, Jérôme DURAIN, Mme Frédérique ESPAGNAC, MM. Sébastien FAGNEN, Rémi FERRAUD, Mme Corinne FÉRET, MM. Jean-Luc FICHET, Hervé GILLÉ, Mme Laurence HARRIBEY, MM. Olivier JACQUIN, Éric JEANSANNETAS, Patrice JOLY, Bernard JOMIER, Mme Gisèle JOURDA, M. Éric KERROUCHE, Mmes Marie-Pierre de LA GONTRIE, Annie LE HOUEROU, Audrey LINKENHELD, M. Jean-Jacques LOZACH, Mme Monique LUBIN, MM. Victorin LUREL, Didier MARIE, Serge MÉRILLOU, Jean-Jacques MICHAU, Mme Marie-Pierre MONIER, M. Franck MONTAUGÉ, Mme Corinne NARASSIGUIN, MM. Saïd OMAR OILI, Alexandre OUIZILLE, Mme Émilienne POUMIROL, MM. Claude RAYNAL, Christian REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, MM. Pierre-Alain ROIRON, David ROS, Mme Laurence ROSSIGNOL, MM. Lucien STANZIONE, Rachid TEMAL, Jean-Claude TISSOT, Simon UZENAT, Mickaël VALLET, Jean-Marc VAYSSOUZE-FAURE, Michaël WEBER, Adel ZIANE et par Mmes Cécile CUKIERMAN, Cathy APOURCEAU-POLY, MM. Jérémy BACCHI, Pierre BARROS, Alexandre BASQUIN, Ian BROSSAT, Mmes Céline BRULIN, Evelyne CORBIÈRE NAMINZO, MM. Jean-Pierre CORBISEZ, Fabien GAY, Mme Michelle GRÉAUME, M. Gérard LAHELLEC, Mme Marianne MARGATÉ, MM. Pierre OUZOULIAS, Pascal SAVOLDELLI, Mmes Silvana SILVANI, Marie-Claude VARAILLAS, M. Robert Wienie XOWIE, ainsi que par MM. Guillaume GONTARD, Guy BENARROCHE, Grégory BLANC, Ronan DANTEC, Mme Monique DE MARCO, MM. Thomas DOSSUS, Jacques FERNIQUE, Mme Antoinette GUHL, MM. Yannick JADOT, Akli MELLOULI, Mmes Mathilde OLLIVIER, Raymonde PONCET MONGE, M. Daniel SALMON, Mmes Ghislaine SENÉE, Anne SOUYRIS, Mélanie VOGEL, Sophie BRIANTE-GUILLEMONT et M. Raphaël DAUBET, sénateurs.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code de la justice pénale des mineurs ;
- le code pénal ;
- le code de procédure pénale ;
- le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations du Gouvernement, enregistrées le 10 juin 2025 ;
- les observations en réplique présentées par les sénateurs requérants, enregistrées le 18 juin 2025 ;
Après avoir entendu les députés représentant les auteurs de la première saisine ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi visant à renforcer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents. Ils contestent la conformité à la Constitution de ses articles 5, 7, 12 et 14 ainsi que de certaines dispositions des articles 1er, 4, 6 et 13.
- Sur certaines dispositions de l’article 1er :
2. L’article 1er de la loi déférée modifie notamment l’article 227-17 du code pénal afin d’aggraver les peines réprimant le délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales lorsqu’il en est résulté la commission d’infractions par son enfant mineur.
3. Selon les députés et sénateurs requérants, ces dispositions permettraient de punir le représentant légal d’un mineur à raison d’une infraction commise par ce dernier. Elles méconnaîtraient ainsi le principe de responsabilité du fait personnel en matière pénale, protégé par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
4. Les députés auteurs de la première saisine soutiennent également que ces dispositions ne détermineraient pas l’élément intentionnel permettant de caractériser l’infraction à l’encontre du parent défaillant, en méconnaissance des exigences de clarté et d’intelligibilité de la loi.
5. En premier lieu, aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant ... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Le législateur tient de ces dispositions, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire.
6. Le premier alinéa de l’article 227-17 du code pénal punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait par un parent de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur.
7. Les dispositions contestées prévoient que les peines encourues sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque cette soustraction a conduit à la commission, par le mineur, d’au moins un crime ou de plusieurs délits ayant donné lieu à une condamnation définitive.
8. D’une part, la circonstance aggravante ainsi instituée suppose que les éléments constitutifs du délit précité soient préalablement réunis. À ce titre, il doit notamment être établi que le parent concerné s’est volontairement soustrait à ses obligations légales.
9. D’autre part, les dispositions contestées se bornent à exiger que cette soustraction ait directement conduit à la commission de certaines infractions par le mineur. Ce faisant, elles n’impliquent pas de démontrer que le parent aurait eu connaissance des infractions commises par son enfant.
10. Ces dispositions ne revêtent pas un caractère équivoque et sont suffisamment précises pour garantir contre le risque d’arbitraire. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit donc être écarté.
11. En second lieu, l’article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Selon son article 9, tout homme est « présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable ». Il résulte de ces articles que nul n’est punissable que de son propre fait.
12. Le fait que le parent puisse être puni plus sévèrement lorsque son comportement a directement conduit à la commission d’infractions par son enfant mineur n’a pas pour effet de le rendre personnellement responsable des infractions commises par ce dernier.
13. Le grief tiré de la méconnaissance du principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait doit donc être écarté.
14. Par conséquent, le deuxième alinéa de l’article 227-17 du code pénal, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 4 :
15. Le 1° de l’article 4 insère un nouvel article L. 423-5-1 au sein du code de la justice pénale des mineurs afin de prévoir que le mineur âgé d’au moins seize ans peut être jugé selon une procédure d’audience unique en comparution immédiate, sous certaines conditions.
16. Les députés et les sénateurs requérants soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs.
17. À l’appui de ce grief, les députés auteurs de la première saisine font valoir que la possibilité de recourir à une telle procédure ne serait pas nécessaire, compte tenu de la faculté dont dispose déjà le procureur de la République de saisir le tribunal pour enfants selon une procédure d’audience unique qui déroge à la règle de césure du procès pénal. Elle aurait, en outre, pour conséquence de favoriser la détention des mineurs. Ils dénoncent également le risque de détournement qui résulterait de la mise en œuvre de cette procédure, dans la mesure où, même en cas de refus du mineur d’être jugé immédiatement, le délai maximal dans lequel il serait tenu de comparaître passerait de trois mois à un mois.
18. Les députés auteurs de la deuxième saisine font valoir, quant à eux, que cette procédure ne permettrait pas à la juridiction de disposer d’une connaissance suffisante de la personnalité du mineur et que son champ d’application serait trop large, dès lors qu’elle recouvre tout délit puni de trois ans d’emprisonnement au moins. Ils considèrent, en outre, que la faculté laissée au mineur de s’opposer à la comparution immédiate ne serait pas suffisamment encadrée.
19. Les sénateurs auteurs de la troisième saisine rejoignent la critique des députés requérants et demandent au Conseil d’examiner la conformité à la Constitution des dispositions déjà promulguées du code de la justice pénale des mineurs relatives à la procédure d’audience unique.
20. En premier lieu, la conformité à la Constitution d’une loi déjà promulguée peut être appréciée à l’occasion de l’examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine.
21. Les dispositions contestées de l’article 4 ne modifient pas les dispositions déjà promulguées des articles L. 521-26 et L. 521-27 du code de la justice pénale des mineurs relatives à la procédure de jugement en audience unique. Elles ne les complètent pas davantage, ni n’en affectent le domaine d’application. Les conditions dans lesquelles la conformité à la Constitution de ces dispositions peut être utilement contestée ne sont donc pas réunies.
22. En second lieu, l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle. Ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante. Toutefois, la législation républicaine antérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives. En particulier, les dispositions originelles de l’ordonnance du 2 février 1945 n’écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n’excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention. Telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.
23. Les dispositions contestées prévoient que, en cas de saisine du tribunal pour enfants par procès-verbal lors d’un défèrement, le procureur de la République peut, sous certaines conditions, poursuivre le mineur âgé d’au moins seize ans aux fins de jugement en audience unique le jour même ou, à défaut, à la première audience utile fixée dans un délai de cinq jours ouvrables, lorsque le mineur encourt une peine supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement.
24. D’une part, cette procédure ne peut être mise en œuvre que si le mineur a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an. D’autre part, le mineur doit avoir expressément renoncé, en présence de son avocat et de ses représentants légaux, au bénéfice du délai de dix jours prévu avant sa comparution devant le tribunal pour enfants.
25. Toutefois, ces dispositions permettent au procureur de la République de renvoyer en jugement selon une telle procédure tout mineur âgé d’au moins seize ans au seul motif qu’il a fait l’objet de l’une des mesures précitées dans l’année qui précède la commission des faits, sans la réserver à des infractions graves ou à des cas exceptionnels, ni subordonner la décision du procureur de recourir à cette procédure à la condition que les charges réunies soient suffisantes et que l’affaire soit en l’état d’être jugée.
26. Dès lors, elles contreviennent aux exigences du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.
27. Par suite, le 1° de l’article 4 est contraire à la Constitution. Il en va de même, par voie de conséquence, du reste de cet article, qui en est inséparable.
- Sur l’article 5 :
28. L’article 5 modifie l’article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs afin d’étendre le champ des infractions pour lesquelles le mineur âgé d’au moins treize ans peut être poursuivi devant le tribunal pour enfants aux fins de jugement en audience unique.
29. Selon les sénateurs requérants, ces dispositions conduiraient à généraliser la possibilité de mettre en œuvre cette procédure, en particulier pour les mineurs âgés de moins de seize ans. Elles méconnaîtraient ainsi le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs. Ils demandent par ailleurs au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité à la Constitution des dispositions déjà promulguées des articles L. 423-4, L. 521-26 et L. 521-27 du code de la justice pénale des mineurs.
. En ce qui concerne le 1° de l’article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs :
30. La conformité à la Constitution d’une loi déjà promulguée peut être appréciée à l’occasion de l’examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine.
31. En l’espèce, l’article 5 modifie le 1° de l’article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs qui détermine le champ d’application de la procédure de jugement en audience unique.
32. Il résulte du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs, notamment, la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées.
33. En application de l’article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs, en cas de poursuites pour un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans, le procureur de la République peut saisir le tribunal pour enfants aux fins de jugement du mineur âgé d’au moins treize ans selon la procédure de mise à l’épreuve éducative lorsque sa personnalité, la gravité ou la complexité des faits le justifie.
34. Par dérogation, en vertu du 1° de ce même article, il peut saisir le tribunal pour enfants aux fins de jugement en audience unique lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement, si le mineur est âgé de moins de seize ans, ou supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement, si le mineur est âgé d’au moins seize ans.
35. En premier lieu, le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs ne s’oppose pas à ce que la juridiction pénale compétente pour juger un mineur statue lors d’une audience unique sur la culpabilité et la sanction.
36. En second lieu, d’une part, la procédure de jugement en audience unique ne peut être mise en œuvre qu’à titre exceptionnel et lorsque le mineur poursuivi a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an. D’autre part, même lorsqu’il est saisi selon cette procédure, le tribunal pour enfants peut toujours statuer selon la procédure de droit commun de mise à l’épreuve éducative.
37. Dans ces conditions, le 1° de l’article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs ne méconnaît pas les exigences du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs. Ces dispositions, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne les dispositions contestées de l’article 5 :
38. Les dispositions contestées abaissent les seuils en application desquels le mineur peut être poursuivi devant le tribunal pour enfants aux fins de jugement en audience unique.
39. En élargissant le champ d’application de cette procédure à tous les délits passibles d’une peine d’emprisonnement d’une durée de trois ans ou d’un an au moins, selon l’âge du mineur au moment des faits, le législateur a retenu des critères qui conduisent, en méconnaissance des exigences du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs, à ce que le tribunal pour enfants puisse être saisi selon une procédure qui n’est pas appropriée à la recherche du relèvement éducatif et moral des mineurs.
40. Par conséquent, l’article 5 est contraire à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 6 :
41. L’article 6 modifie notamment l’article L. 433-6 du code de la justice pénale des mineurs afin de prévoir que la durée totale de la détention provisoire applicable à un mineur âgé de moins de seize ans peut atteindre un an pour certains délits.
42. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, ces dispositions seraient manifestement contraires aux exigences du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.
43. En application de l’article L. 433-2 du code de la justice pénale des mineurs, la détention provisoire ordonnée à l’égard d’un mineur âgé de moins de seize ans, dans les conditions prévues par l’article L. 334-4 du même code, ne peut excéder une durée d’un mois, renouvelable une fois par ordonnance motivée, lorsque la peine d’emprisonnement encourue est de dix ans.
44. Les dispositions contestées prévoient que la durée totale de la détention provisoire est portée à un an pour l’instruction des délits mentionnés aux articles 421-2-1 et 421-2-6 du code pénal, ainsi que des délits commis en bande organisée pour lesquels la peine encourue est égale à dix ans d’emprisonnement.
45. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.
46. En second lieu, conformément à l’article L. 334-2 du code de la justice pénale des mineurs, la détention provisoire du mineur ne peut être ordonnée ou prolongée par le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou le juge des libertés et de la détention que si cette mesure est indispensable et s’il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure et des éléments de personnalité préalablement recueillis, qu’elle constitue l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs mentionnés à l’article 144 du code de procédure pénale et que ces objectifs ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou en cas d’assignation à résidence avec surveillance électronique.
47. Toutefois, en permettant, pour l’ensemble des délits précités, d’allonger à un an la durée totale de la détention provisoire, les dispositions contestées méconnaissent, compte tenu de l’âge du mineur, les exigences du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.
48. Par conséquent, le a du 5° de l’article 6 est contraire à la Constitution.
- Sur l’article 7 :
49. L’article 7 modifie l’article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs afin, d’une part, de supprimer le caractère exceptionnel de la possibilité reconnue à la juridiction compétente d’écarter les règles d’atténuation des peines lorsque le mineur est âgé de plus de seize ans et, d’autre part, de prévoir que ces règles ne s’appliquent pas dans certains cas.
50. Les députés et sénateurs requérants font valoir qu’en remettant en cause la règle d’atténuation de la responsabilité pénale pour certains mineurs, ces dispositions méconnaîtraient le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs ainsi que de l’intérêt supérieur de l’enfant.
51. Du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs découle, notamment, le principe de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge.
52. En application des articles L. 121-5 et L. 121-6 du code de la justice pénale des mineurs, il ne peut être prononcé à l’encontre d’un mineur une peine privative de liberté ni une peine d’amende supérieure à la moitié de la peine encourue par un majeur.
53. Par dérogation, l’article L. 121-7 du même code prévoit, pour le mineur âgé de plus de seize ans, que la juridiction peut, « à titre exceptionnel » et compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, décider qu’il n’y a pas lieu de faire application de ces règles d’atténuation des peines. Cette décision ne peut être prise que par une disposition spécialement motivée.
54. En premier lieu, les dispositions contestées mettent fin, pour l’ensemble des mineurs de plus de seize ans, au principe selon lequel les dérogations aux règles d’atténuation des peines ne peuvent avoir qu’un caractère exceptionnel.
55. En second lieu, elles prévoient que ces règles ne s’appliquent plus aux mineurs âgés de plus de seize ans ayant commis un crime ou un délit puni de cinq ans d’emprisonnement en situation de récidive légale, la juridiction ne pouvant en décider autrement que par une décision spécialement motivée.
56. Ce faisant elles conduisent à exclure, du seul fait de l’état de récidive légale, l’application des règles d’atténuation des peines pour un grand nombre d’infractions commises par des mineurs de plus de seize ans.
57. Dès lors, en écartant par principe, pour ces mineurs, le bénéfice des articles L. 121-5 et L. 121-6 du code de la justice pénale des mineurs, qui mettent en œuvre le principe de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, les dispositions contestées méconnaissent les exigences constitutionnelles précitées.
58. Par conséquent, l’article 7 est contraire à la Constitution.
- Sur l’article 12 :
59. L’article 12 de la loi insère un nouvel article L. 323-4 au sein du code de la justice pénale des mineurs afin de permettre, sous certaines conditions, le placement en rétention d’un mineur.
60. Les députés auteurs de la première saisine, rejoints par les sénateurs requérants, reprochent à ces dispositions de permettre le prononcé d’une mesure privative de liberté à l’encontre d’un mineur en dehors de toute nouvelle infraction commise par celui-ci, sur le fondement de simples soupçons de violation d’une mesure éducative judiciaire provisoire, sans prévoir, selon eux, de condition d’âge, ni l’intervention d’un magistrat spécialisé dans la protection de l’enfance. Il en résulterait une méconnaissance du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.
61. Pour les mêmes motifs, les députés requérants font en outre valoir que ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée à la liberté personnelle et à l’intérêt supérieur de l’enfant.
62. Il résulte du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs, notamment, la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées. Toutefois, ces exigences n’excluent pas que, en cas de nécessité, soient prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention.
63. En application de l’article L. 323-1 du code de la justice pénale des mineurs, une mesure éducative judiciaire peut être décidée à titre provisoire à tous les stades de la procédure avant le prononcé de la sanction. Une telle mesure peut comporter certaines interdictions, qui peuvent être prononcées alternativement ou cumulativement.
64. Les dispositions contestées prévoient que lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que le mineur a violé l’une des interdictions auxquelles il est soumis ou qu’il ne respecte pas les conditions d’un placement prononcé au titre de la mesure éducative provisoire, il peut, sous certaines conditions, être placé en rétention sur décision d’un officier de police judiciaire.
65. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre que, dans un tel cas, le mineur soit maintenu à la disposition de la justice afin de garantir sa comparution à bref délai devant le juge des enfants. Ce faisant, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et cherché à assurer la protection du mineur faisant l’objet d’une mesure éducative judiciaire.
66. En second lieu, d’une part, la rétention d’un mineur en application de ces dispositions ne peut être décidée que si les conditions prévues à l’article L. 331-1 du code de la justice pénale des mineurs sont remplies. D’autre part, à l’issue du placement en rétention du mineur, le juge des enfants peut ordonner que ce dernier soit conduit devant lui, soit pour lui rappeler le contenu et les modalités de la mesure dont il fait l’objet, soit pour statuer sur le prononcé d’une mesure de sûreté.
67. Toutefois, ces dispositions permettent à un officier de police judiciaire, sans prévoir une autorisation préalable ni même une information du juge des enfants, de décider du placement en rétention d’un mineur pour une durée pouvant aller jusqu’à douze heures, au seul motif que ce dernier n’aurait pas respecté l’une des interdictions ou le placement auquel il est soumis au titre d’une mesure éducative judiciaire, alors qu’il n’aurait pas commis de nouvelle infraction.
68. Dès lors, en ne prévoyant pas qu’une telle mesure soit prononcée sous le contrôle préalable d’une juridiction spécialisée ou selon une procédure appropriée, le législateur a contrevenu au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.
69. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, l’article 12 est contraire à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 13 et sur l’article 14 :
70. Le paragraphe I de l’article 13 complète l’article L. 422-1 du code de la justice pénale des mineurs afin de permettre au procureur de la République, au titre des mesures alternatives aux poursuites, de demander, à certaines conditions, à un mineur de ne pas aller et venir sur la voie publique.
71. L’article 14 réécrit le 7° de l’article L. 112-2 du même code relatif aux conditions de l’interdiction d’aller et venir sur la voie publique pouvant être prononcée par une juridiction des mineurs au titre d’une mesure éducative judiciaire.
72. Les sénateurs requérants reprochent à ces dispositions d’instaurer une « forme de couvre-feu généralisé » imposant un accompagnement systématique du mineur et dont les horaires seraient laissés à la libre appréciation du magistrat ou de la juridiction, sans prévoir de durée maximale ni tenir compte de l’âge du mineur et de sa situation personnelle. Il en résulterait une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et de venir.
73. Il résulte du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs, notamment, la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées. Toutefois, ces exigences n’excluent pas que, en cas de nécessité, soient prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention.
74. Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d’aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789.
75. En application du 7° de l’article L. 112-2 du code de la justice pénale des mineurs, les juridictions des mineurs saisies de poursuites à l’égard d’un mineur âgé d’au moins dix ans peuvent, dans le cadre d’une mesure éducative judiciaire décidée soit à titre de sanction soit à titre provisoire, prononcer à son encontre une interdiction d’aller et venir sur la voie publique entre 22 heures et 6 heures sans être accompagné de l’un de ses représentants légaux, pour une durée de six mois maximum.
76. Les dispositions contestées prévoient certaines exceptions à cette interdiction et en suppriment les limites horaires, renvoyant désormais à la juridiction le soin de les fixer.
77. Les dispositions contestées de l’article L. 422-1 du code de la justice pénale des mineurs permettent au procureur de la République, à titre d’alternative aux poursuites, de demander au mineur, dans les mêmes conditions et pour la même durée, de ne pas aller et venir sur la voie publique sans être accompagné de l’un de ses représentants légaux.
78. En premier lieu, il ressort des travaux préparatoires qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu empêcher la circulation sans surveillance et le regroupement de mineurs sur la voie publique. Ce faisant, il a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et cherché à assurer la protection des mineurs.
79. En second lieu, d’une part, l’interdiction prévue par les dispositions contestées ne fait pas obstacle à ce que le mineur se déplace sur la voie publique accompagné de l’un de ses représentants légaux. En outre, il ne peut lui être interdit de circuler seul sur la voie publique pour l’exercice d’une activité professionnelle, le suivi d’un enseignement ou d’une formation professionnelle ou un motif impérieux d’ordre médical ou administratif.
80. D’autre part, cette interdiction est décidée, selon le cas, par un magistrat du parquet chargé spécialement des affaires concernant les mineurs en application de l’article L. 12-2 du code de la justice pénale des mineurs ou par la juridiction des mineurs, auxquels il appartient de déterminer les conditions et les motifs de l’interdiction ainsi que de fixer précisément les horaires d’une telle interdiction, en tenant compte des obligations familiales et scolaires de l’intéressé.
81. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs, non plus que la liberté d’aller et de venir.
82. Par conséquent, le 7° de l’article L. 112-2 du code de la justice pénale des mineurs et le 3° de l’article L. 422-1 du même code, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur la place d’autres dispositions dans la loi déférée :
83. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions qui sont introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Selon une jurisprudence constante, il s’assure dans ce cadre de l’existence d’un lien entre l’objet de l’amendement et celui de l’une au moins des dispositions du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Il ne déclare des dispositions contraires à l’article 45 de la Constitution que si un tel lien, même indirect, ne peut être identifié. Il apprécie l’existence de ce lien après avoir décrit le texte initial puis, pour chacune des dispositions déclarées inconstitutionnelles, les raisons pour lesquelles elle doit être regardée comme dépourvue de lien même indirect avec celui-ci. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
84. La loi déférée, qui comporte seize articles, a pour origine la proposition de loi déposée le 15 octobre 2024 sur le bureau de l’Assemblée nationale, première assemblée saisie. Cette proposition comportait cinq articles.
85. Elle comportait des dispositions modifiant les éléments qui caractérisent le délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales envers un mineur, prévoyant la création d’une nouvelle circonstance aggravante de ce délit et complétant les peines complémentaires susceptibles d’être prononcées, instaurant la possibilité pour le juge des enfants statuant en assistance éducative de prononcer une amende civile à l’égard des parents qui ne respecteraient pas à l’obligation de déférer à certaines convocations, étendant la responsabilité solidaire de plein droit des parents pour les dommages causés par leurs enfants, créant une procédure de comparution immédiate pour les mineurs et modifiant les modalités d’atténuation de la peine pour les mineurs.
86. L’article 15 prévoit, à titre expérimental, que le nombre des assesseurs composant le tribunal des enfants peut être augmenté lorsqu’il connaît de crimes commis par les mineurs de moins de seize ans.
87. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles de l’article 4 qui instauraient une procédure de comparution immédiate applicable aux mineurs, ni avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans la proposition de loi déposée sur le bureau de la première assemblée saisie.
88. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater qu’elles ont été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution.
- Sur les autres dispositions :
89. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi visant à renforcer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents :
- l’article 4 ;
- l’article 5 ;
- le a du 5° de l’article 6 ;
- l’article 7 ;
- l’article 12 ;
- l’article 15.
Article 2. - Sont conformes à la Constitution :
- le deuxième alinéa de l’article 227-17 du code pénal, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi déférée ;
- le 3° de l’article L. 422-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l’article 13 de la loi déférée ;
- le 7° de l’article L. 112-2 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l’article 14 de la loi déférée.
Article 3. - Le 1° de l’article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs est conforme à la Constitution.
Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 juin 2025, où siégeaient : M. Richard FERRAND, Président, M. Philippe BAS, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, François SÉNERS et Mme Laurence VICHNIEVSKY.
Rendu public le 19 juin 2025.