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16/05/2025 | FRANCE | N°2025-1139

France | France, Conseil constitutionnel, 16 mai 2025, 2025-1139


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 26 février 2025, dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution et selon les modalités fixées par la dernière phrase du premier alinéa de l’article 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée pour Mme Mireille B., Mme Mounira B., M. Faouzi B. et M. Ryad B. par Me Antoine Ory, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 202

5-1139 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Cons...

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 26 février 2025, dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution et selon les modalités fixées par la dernière phrase du premier alinéa de l’article 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée pour Mme Mireille B., Mme Mounira B., M. Faouzi B. et M. Ryad B. par Me Antoine Ory, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2025-1139 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 1er de la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français.

Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français ;
- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées pour les requérants par la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 mars 2025 ;
- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;
- les secondes observations présentées pour les requérants par la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, enregistrées le 1er avril 2025 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Ory et Me Raphaële Bouniol-Brochier, avocate au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour les requérants, et M. Benoît Camguilhem, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 6 mai 2025 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L’article 1er de la loi du 23 février 2022 mentionnée ci-dessus prévoit :
« La Nation exprime sa reconnaissance envers les harkis, les moghaznis et les personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie et qu’elle a abandonnés.
« Elle reconnaît sa responsabilité du fait de l’indignité des conditions d’accueil et de vie sur son territoire, à la suite des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie, des personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et des membres de leurs familles, hébergés dans des structures de toute nature où ils ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu’à des privations et à des atteintes aux libertés individuelles qui ont été source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables ».
2. Les requérants reprochent à ces dispositions de réserver aux harkis, aux moghaznis et aux personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local le bénéfice de la réparation prévue par l’article 3 de la loi du 23 février 2022 au titre des préjudices résultant de l’indignité des conditions d’accueil et de vie dans certaines structures d’hébergement sur le territoire français. Selon eux, en excluant de ce dispositif de réparation les autres personnes qui ont servi la France et ont été rapatriées, notamment les personnes ayant servi dans les unités régulières de l’armée française et les membres de leurs familles, et qui ont séjourné dans l’une de ces structures, ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi. Elles méconnaîtraient également les principes de responsabilité et de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « des personnes rapatriées d’Algérie » figurant au second alinéa de l’article 1er de la loi du 23 février 2022.
4. Selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
5. L’article 3 de la loi du 23 février 2022 prévoit un droit à réparation en faveur des personnes mentionnées à l’article 1er de cette loi ainsi qu’à leurs conjoints et leurs enfants ayant séjourné, entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, dans un camp, un hameau de forestage ou toute autre structure figurant sur une liste fixée par décret, en raison des préjudices résultant de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans ces structures.
6. En application des dispositions contestées de l’article 1er de cette loi, les personnes en faveur desquelles la Nation reconnaît sa responsabilité du fait de l’indignité résultant de telles conditions d’accueil sont celles, anciennement de statut civil de droit local, ayant été rapatriées d’Algérie.
7. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 23 février 2022 que le législateur n’a pas entendu réserver ce droit à réparation aux personnes ayant servi la France en Algérie mentionnées au premier alinéa de l’article 1er de cette loi mais a souhaité l’ouvrir, ainsi qu’il résulte des termes mêmes des dispositions contestées de son second alinéa, à toute personne rapatriée anciennement de statut civil de droit local et aux membres de sa famille.
8. Dès lors, les dispositions contestées n’instituent aucune différence de traitement, pour le bénéfice de cette réparation, entre les personnes anciennement de statut civil de droit local ayant été hébergées au sein d’une structure d’accueil. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.
9. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus le principe de responsabilité, ni le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Les mots « des personnes rapatriées d’Algérie » figurant au second alinéa de l’article 1er de la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français sont conformes à la Constitution.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 mai 2025, où siégeaient : M. Richard FERRAND, Président, M. Philippe BAS, Mme Jacqueline GOURAULT, MM. Alain JUPPÉ, Jacques MÉZARD, François PILLET et Mme Laurence VICHNIEVSKY.
 
Rendu public le 16 mai 2025.
 


Synthèse
Numéro de décision : 2025-1139
Date de la décision : 16/05/2025
Consorts B. [Responsabilité de l’État du fait de l’indignité des conditions d’accueil et de vie sur le territoire français des personnes rapatriées d’Algérie]
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 16 mai 2025 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 16 mai 2025 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2025-1139 QPC du 16 mai 2025
Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2025:2025.1139.QPC
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