LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, sous le n° 2025-878 DC, le 24 mars 2025, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, MM. Rodrigo ARENAS, Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Pierre-Yves CADALEN, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Jean-François COULOMME, Sébastien DELOGU, Aly DIOUARA, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Zahia HAMDANE, Mathilde HIGNET, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Abdelkader LAHMAR, Maxime LAISNEY, Aurélien LE COQ, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Claire LEJEUNE, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Marie MESMEUR, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Sandrine NOSBÉ, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Jean-Hugues RATENON, Arnaud SAINT-MARTIN, Aurélien SAINTOUL, Mmes Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Pouria AMIRSHAHI, Mmes Christine ARRIGHI, Clémentine AUTAIN, Léa BALAGE EL MARIKY, Lisa BELLUCO, MM. Karim BEN CHEIKH, Benoît BITEAU, Arnaud BONNET, Nicolas BONNET, Alexis CORBIÈRE, Hendrik DAVI, Emmanuel DUPLESSY, Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Damien GIRARD, Steevy GUSTAVE, Mme Catherine HERVIEU, M. Jérémie IORDANOFF, Mme Julie LAERNOES, MM. Tristan LAHAIS, Benjamin LUCAS-LUNDY, Mme Julie OZENNE, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mmes Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, M. François RUFFIN, Mmes Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, Danielle SIMONNET, Sophie TAILLÉ-POLIAN, MM. Boris TAVERNIER, Nicolas THIERRY, Mmes Dominique VOYNET et Elsa FAUCILLON, députés.
Il a également été saisi, le 27 mars 2025, par M. Boris VALLAUD, Mme Marie-José ALLEMAND, MM. Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, Fabrice BARUSSEAU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Laurent BAUMEL, Mme Béatrice BELLAY, MM. Karim BENBRAHIM, Mickaël BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Mme Colette CAPDEVIELLE, MM. Paul CHRISTOPHLE, Pierrick COURBON, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Mmes Dieynaba DIOP, Fanny DOMBRE COSTE, MM. Peio DUFAU, Inaki ECHANIZ, Romain ESKENAZI, Olivier FAURE, Denis FÉGNÉ, Guillaume GAROT, Mme Océane GODARD, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, MM. Emmanuel GRÉGOIRE, Jérôme GUEDJ, Stéphane HABLOT, Mmes Ayda HADIZADEH, Florence HEROUIN-LÉAUTEY, Céline HERVIEU, Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, MM. Gérard LESEUL, Laurent LHARDIT, Mme Estelle MERCIER, MM. Philippe NAILLET, Jacques OBERTI, Mme Sophie PANTEL, M. Marc PENA, Mmes Anna PIC, Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, Pierre PRIBETICH, Christophe PROENÇA, Mmes Marie RÉCALDE, Valérie ROSSI, Claudia ROUAUX, MM. Aurélien ROUSSEAU, Fabrice ROUSSEL, Mme Sandrine RUNEL, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, Mme Isabelle SANTIAGO, MM. Hervé SAULIGNAC, Arnaud SIMION, Thierry SOTHER, Mmes Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mélanie THOMIN, MM. Roger VICOT et Jiovanny WILLIAM, députés.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ;
- le code pénal ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code des transports ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;
- la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions ;
- le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;
Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 7 avril 2025 ;
Après avoir entendu les députés représentant les auteurs de la première saisine ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports. Ils contestent la procédure d’adoption de son article 15. Ils contestent également la conformité à la Constitution de certaines dispositions de ses articles 1er, 2, 3 et 4. Les députés auteurs de la première saisine contestent en outre la conformité à la Constitution des articles 9, 11, 13, 14, 15 et 18. Les députés auteurs de la seconde saisine contestent par ailleurs la conformité à la Constitution des articles 5 et 16.
- Sur certaines dispositions de l’article 1er :
. En ce qui concerne les premier et troisième alinéas de l’article L. 2251-9 du code des transports :
2. Le 2° de l’article 1er de la loi déférée modifie l’article L. 2251-9 du code des transports afin notamment de prévoir que les agents des services internes de sécurité de la société nationale SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent procéder, sous certaines conditions, à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages ainsi qu’à des palpations de sécurité, y compris en l’absence d’arrêté constatant des circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique ou d’arrêté instituant un périmètre de protection.
3. Les députés auteurs de la première saisine, rejoints par les députés auteurs de la seconde saisine, reprochent à ces dispositions de permettre à ces agents de procéder à de telles opérations sans autorisation préfectorale ni contrôle d’un officier de police judiciaire, et de soumettre ainsi à leur seule appréciation la mise en œuvre de palpations de sécurité. Ce faisant, elles auraient pour effet de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la force publique, en méconnaissance de l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
4. Les députés auteurs de la première saisine font également valoir que, faute d’avoir suffisamment précisé les critères de mise en œuvre de ces opérations, qui reposeraient sur un consentement « purement fictif » de l’intéressé et ne seraient pas réalisées sous le contrôle d’un officier de police judiciaire, ces dispositions seraient entachées d’incompétence négative et porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
5. En premier lieu, selon l’article 12 de la Déclaration de 1789 : « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Il en résulte l’interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits.
6. Cette exigence ne fait cependant pas obstacle à ce que des prérogatives de portée limitée puissent être exercées par des personnes privées, dans des lieux déterminés relevant de leur compétence, lorsqu’elles sont strictement nécessaires à l’accomplissement des missions de surveillance ou de sécurité qui leur sont légalement confiées. Elle ne fait pas non plus obstacle à ce que ces personnes puissent être associées à la mise en œuvre de telles prérogatives dans l’espace public, à la condition qu’elles soient alors placées sous le contrôle effectif des agents de la force publique.
7. En application de l’article L. 2251-9 du code des transports, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent être autorisés, par arrêté préfectoral, à procéder à l’inspection visuelle des bagages et, avec le consentement des personnes, à leur fouille ainsi qu’à des palpations de sécurité en cas de circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique ou lorsqu’un périmètre de protection est institué à des fins de sécurisation d’un lieu ou d’un événement exposé à un risque terroriste.
8. Les dispositions contestées prévoient que, même en l’absence d’un tel arrêté, ces agents peuvent procéder à des palpations de sécurité si des éléments objectifs indiquent qu’une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes ou des biens.
9. D’une part, il résulte de l’article L. 2251-1-1 du même code que les agents du service interne de sécurité de la SNCF exercent leurs missions de prévention dans les emprises immobilières nécessaires à l’exploitation des services de transport ferroviaire de personnes et de marchandises et des services routiers effectués en substitution des services ferroviaires, ainsi que dans les véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés. En vertu de l’article L. 2251-1-2, les agents du service interne de sécurité de la Régie autonome des transports parisiens exercent, quant à eux, leurs missions dans les emprises immobilières de l’infrastructure du réseau express régional, du réseau de métropolitain et des infrastructures du Grand Paris express dont elle est gestionnaire, ainsi que dans les véhicules de transport public de personnes nécessaires à l’exploitation ou à la gestion de ces réseaux et, en ce qui concerne les lignes de tramway et de transport routier régulier ou à la demande, dans les véhicules de transport public et les emplacements correspondant aux arrêts et stations qu’ils desservent.
10. D’autre part, les dispositions contestées autorisent uniquement ces agents à procéder, dans les lieux relevant ainsi de leur compétence, à des palpations de sécurité pour prévenir des atteintes à la sécurité des personnes ou des biens susceptibles de résulter de la détention d’objets.
11. Par ailleurs, lorsqu’ils exercent leurs missions sur la voie publique conformément à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 2251-1 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la loi déférée, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens ne disposent pas des pouvoirs de palpations de sécurité mentionnés à l’article L. 2251-9 du même code.
12. Dès lors, en conférant à ces agents des prérogatives de portée limitée pour prévenir des atteintes à la sécurité des personnes ou des biens dans les lieux relevant de leur compétence, le législateur n’a pas méconnu l’article 12 de la Déclaration de 1789.
13. En second lieu, il appartient au législateur, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. Il lui incombe également d’assurer la conciliation entre l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et le droit au respect de la vie privée protégé par l’article 2 de la Déclaration de 1789.
14. D’une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu renforcer la sécurité des usagers et des personnels de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens et prévenir les atteintes à la sécurité des biens appartenant à ces exploitants. Il a donc poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public.
15. D’autre part, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens ne peuvent procéder à des inspections et fouilles de bagages que dans les lieux relevant de leur compétence. En l’absence d’arrêté les y autorisant, ils ne peuvent effectuer des palpations de sécurité que si des éléments objectifs font apparaître qu’une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes ou des biens.
16. En outre, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que les fouilles de bagages et les palpations de sécurité ne peuvent être réalisées qu’avec le consentement des personnes. Les palpations de sécurité doivent alors être effectuées par une personne du même sexe que la personne qui en fait l’objet.
17. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée doit donc être écarté. Il en va de même du grief tiré de l’incompétence négative.
18. Par conséquent, les premier et troisième alinéas de l’article L. 2251-9 du code des transports, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne le premier alinéa de l’article L. 2251-10 du code des transports :
19. Le 3° de l’article 1er insère au sein du code des transports un nouvel article L. 2251-10 afin de permettre aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens de conserver, sous certaines conditions, « un objet autre qu’une arme qui, par sa nature ou son usage, peut être dangereux pour les voyageurs ».
20. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de confier ainsi à ces agents le pouvoir de conserver tout objet pour un motif insuffisamment défini et qui serait laissé à leur seule appréciation en l’absence d’autorisation préfectorale ou de contrôle d’un officier de police judiciaire. Il en résulterait une méconnaissance des exigences qui découlent de l’article 12 de la Déclaration de 1789. Les députés auteurs de la première saisine soutiennent en outre que, pour les mêmes motifs, ces dispositions seraient entachées d’incompétence négative et porteraient une atteinte manifeste au droit de propriété.
21. En premier lieu, la propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». En l’absence de privation de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.
22. D’une part, les dispositions contestées, qui se bornent à prévoir que les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent conserver temporairement, avec l’accord de son propriétaire, un objet susceptible de présenter un danger pour les voyageurs, n’entraînent pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789.
23. D’autre part, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public.
24. En outre, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées, qui se bornent à permettre aux agents compétents de conserver un objet dont le caractère dangereux est manifeste, que cette mesure est subordonnée au consentement de la personne concernée. Celle-ci se voit alors remettre une copie du document décrivant l’objet conservé et indiquant son identité et peut obtenir la remise de cet objet dans un délai, précisé par un décret en Conseil d’État, qui ne peut excéder quarante-huit heures à compter de la délivrance de ce document. Ce décret précise également la durée minimale de conservation de l’objet, qui ne peut être inférieure à six mois à compter de la délivrance du même document, au terme de laquelle, en l’absence d’une telle demande, celui-ci peut être détruit.
25. Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Le grief tiré de la méconnaissance de ce droit doit donc être écarté. Il en va de même du grief tiré de l’incompétence négative.
26. En second lieu, les dispositions contestées autorisent uniquement les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens à conserver les objets susceptibles de présenter un danger, pour le seul accomplissement de leurs missions de prévention dans les lieux relevant de leur compétence. Ces agents ne disposent pas d’une telle prérogative lorsqu’ils exercent leurs missions sur la voie publique conformément à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 2251-1 du code des transports.
27. Dès lors, le législateur, qui a par ailleurs prévu qu’une copie du document décrivant l’objet conservé et indiquant l’identité de la personne concernée est transmise sans délai à l’officier de police judiciaire territorialement compétent, n’a pas méconnu l’article 12 de la Déclaration de 1789.
28. Par conséquent, le premier alinéa de l’article L. 2251-10 du code des transports, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 2 :
. En ce qui concerne le dernier alinéa de l’article L. 2251-1 du code des transports :
29. Le b du 1° de l’article 2 complète l’article L. 2251-1 du code des transports afin d’élargir les cas dans lesquels les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent exercer des missions de prévention sur la voie publique.
30. Selon les députés requérants, ces dispositions méconnaîtraient l’article 12 de la Déclaration de 1789 au motif qu’elles conduiraient à déléguer à des personnes privées des missions de police administrative.
31. Selon l’avant-dernier alinéa de l’article L. 2251-1 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la loi déférée, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent exercer leurs missions de prévention sur la voie publique, de façon programmée, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
32. Les dispositions contestées prévoient que ces agents peuvent également être autorisés à exercer sur la voie publique des missions, même itinérantes, de prévention et de surveillance aux abords des emprises immobilières mentionnées aux articles L. 2251-1-1 et L. 2251-1-2 du même code.
33. En premier lieu, d’une part, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens ne peuvent exercer des missions de prévention et de surveillance sur la voie publique que lorsqu’ils y sont, à titre exceptionnel, autorisés par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police. D’autre part, ces missions ne peuvent être exercées qu’aux abords immédiats des biens dont ils ont la garde.
34. En second lieu, d’une part, ces dispositions prévoient que ces missions ne peuvent avoir pour objet que de prévenir des atteintes aux personnes ainsi que les vols, les dégradations, les effractions et les actes de terrorisme visant les biens dont ces agents ont la garde. Ces dispositions doivent être interprétées comme autorisant les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens à intervenir uniquement pour la prévention des atteintes aux personnes et aux biens visant les exploitants, les personnels ou les usagers des réseaux de transports publics dont ils relèvent.
35. D’autre part, ainsi qu’il a été dit aux paragraphes 11 et 26, lorsqu’ils exercent leurs missions sur la voie publique, ces agents ne disposent pas des pouvoirs de fouille, de palpation de sécurité et de conservation des objets mentionnés aux articles L. 2251-9 et L. 2251-10 du code des transports.
36. Dès lors, sous la réserve énoncée au paragraphe 34, le grief tiré de la méconnaissance des exigences de l’article 12 de la Déclaration de 1789 doit être écarté.
37. Par conséquent, sous cette même réserve, le dernier alinéa de l’article L. 2251-1 du code des transports, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne les quatre derniers alinéas de l’article L. 2251-1-4 du code des transports :
38. Le 2° de l’article 2 insère au sein du code des transports un nouvel article L. 2251-1-4 afin notamment de permettre aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens de constater le délit de vente à la sauvette, lorsqu’il est commis aux abords immédiats des emprises immobilières des transports publics de voyageurs, et de procéder, le cas échéant, à la saisie des marchandises et des étals les supportant ainsi qu’à la destruction ou à la remise des marchandises saisies à des organisations caritatives ou humanitaires d’intérêt général.
39. Selon les députés auteurs de la première saisine, en confiant à ces agents de tels pouvoirs, sans autorisation judiciaire et hors la présence d’un officier de police judiciaire, ces dispositions méconnaîtraient le droit de propriété, l’article 66 de la Constitution ainsi que les exigences découlant de l’article 12 de la Déclaration de 1789.
40. En application de l’article L. 2241-5 du code des transports, les agents assermentés missionnés des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent constater par procès-verbal le délit de vente à la sauvette, prévu à l’article 446-1 du code pénal, lorsqu’il est commis dans les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs. Le cas échéant, ils peuvent appréhender, en vue de leur confiscation par le tribunal, les marchandises de toute nature offertes, mises en vente ou exposées en vue de la vente et saisir les étals supportant ces marchandises. Les marchandises saisies sont, selon les cas, détruites ou remises à des organisations caritatives ou humanitaires d’intérêt général.
41. Les dispositions contestées prévoient que les agents de ces mêmes services disposent également de tels pouvoirs lorsque le délit prévu à l’article 446-1 du code pénal est commis aux abords immédiats des emprises immobilières des transports publics de voyageurs mentionnées aux articles L. 2251-1-1 et L. 2251-1-2 du code des transports.
42. En premier lieu, d’une part, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions.
43. D’autre part, contrairement à ce que soutiennent les députés auteurs de la première saisine, ces dispositions ne confèrent pas aux agents compétents un pouvoir de confiscation, mais leur permettent uniquement de saisir les marchandises et les étals ayant servi à la commission de l’infraction. Ils doivent en outre rendre compte à l’officier de police judiciaire compétent de la saisie des marchandises et de leur destruction, s’il s’agit de denrées impropres à la consommation, ou de leur remise à des organisations caritatives ou humanitaires lorsqu’il s’agit de denrées périssables. Il appartient le cas échéant à l’autorité judiciaire de se prononcer sur le sort des objets saisis, dont la personne peut demander la restitution.
44. Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Le grief tiré de la méconnaissance de ce droit doit donc être écarté.
45. En second lieu, aux termes de l’article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Il en résulte que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire.
46. D’une part, les dispositions contestées permettent uniquement aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens de constater, sans le rechercher, le délit prévu à l’article 446-1 du code pénal. À cet égard, ils doivent être assermentés pour procéder à ces constatations.
47. D’autre part, si ces agents peuvent également appréhender les marchandises proposées à la vente ainsi que les étals les supportant, et procéder à la destruction de ces marchandises ou à leur remise à des organisations caritatives ou humanitaires d’intérêt général, ils ne peuvent exercer ces pouvoirs particuliers que pour les besoins de cette mission de constatation et sous le contrôle d’un officier de police judiciaire.
48. Dès lors, compte tenu des prérogatives ainsi confiées à ces agents et de leurs modalités d’exercice, ces dispositions ne méconnaissent pas l’article 66 de la Constitution.
49. Par conséquent, les quatre derniers alinéas de l’article L. 2251-1-4 du code des transports, qui ne méconnaissent pas non plus l’article 12 de la Déclaration de 1789 ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 3 :
50. Le 1° de l’article 3 modifie l’article L. 2241-6 du code des transports afin de reconnaître à des agents privés de sécurité certaines prérogatives en matière d’accès aux transports publics de personnes.
51. Les députés auteurs de la première saisine reprochent à ces dispositions de permettre à de tels agents d’empêcher l’accès à un service public de transport à une personne qui refuserait de se soumettre à une fouille ou à une palpation de sécurité. En leur accordant ainsi un pouvoir de contrainte sans encadrement suffisant ni contrôle effectif ou formation adaptée, ces dispositions méconnaîtraient les exigences résultant de l’article 12 de la Déclaration de 1789.
52. Les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent en outre que ces dispositions reconnaîtraient aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens le pouvoir d’enjoindre à une personne de descendre d’un véhicule de transport ou de quitter une emprise de transport public. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté d’aller et de venir.
53. En application de l’article L. 2241-6 du code des transports, les agents mentionnés au paragraphe I de l’article L. 2241-1 du même code peuvent, dans certains cas, enjoindre à une personne de descendre d’un véhicule de transport ou de quitter les espaces, gares ou stations gérés par un exploitant du réseau de transport public.
54. Les dispositions contestées étendent ces prérogatives aux agents privés de sécurité exerçant l’activité mentionnée au 1° de l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure au profit d’un opérateur de transport public de personnes.
55. En premier lieu, d’une part, ces dispositions permettent uniquement à ces agents d’interdire à une personne l’accès à un véhicule de transport ferroviaire ou routier, ou de lui demander soit d’en descendre soit de quitter sans délai les espaces, gares ou stations gérés par l’exploitant du réseau de transport public pour lequel ils agissent. Ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître les exigences résultant de l’article 12 de la Déclaration de 1789, permettre aux agents d’être spécialement désignés par l’exploitant pour exercer, en vertu de l’article L. 2241-6 du code des transports, une contrainte sur la personne qui refuse d’obtempérer.
56. D’autre part, de telles mesures ne peuvent être prises qu’en cas de manquement à des dispositions tarifaires ou à des dispositions dont l’inobservation est susceptible de compromettre la sécurité des personnes, la régularité des circulations ou de troubler l’ordre public, ou en cas de refus de l’intéressé de se soumettre à l’inspection ou à la fouille de ses bagages ou à une palpation de sécurité.
57. Ainsi, en conférant à ces agents des prérogatives de portée limitée dans les lieux où ils exercent leur activité au profit d’un opérateur de transport public, le législateur n’a, sous la réserve énoncée au paragraphe 55, pas méconnu l’article 12 de la Déclaration de 1789.
58. En second lieu, les prérogatives dont disposent les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens ne résultent pas des dispositions contestées de l’article 3 de la loi déférée.
59. Le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’aller et de venir, qui manque en fait, ne peut qu’être écarté.
60. Par conséquent, sous la réserve énoncée au paragraphe 55, les mots « et par les agents exerçant l’activité mentionnée au 1° de l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure au profit d’un opérateur de transport public de personnes » figurant à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2241-6 du code des transports, dans sa rédaction résultant des articles 3 et 4 de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 4 :
61. Le 1° de l’article 4 modifie l’article L. 2241-6 du code des transports afin d’élargir les prérogatives dont disposent les agents mentionnés au paragraphe I de l’article L. 2241-1 du même code en matière d’accès aux espaces, gares ou stations gérés par un exploitant du réseau de transport public. Son 2° modifie les dispositions du même article L. 2241-6 relatives au pouvoir de contrainte des agents spécialement désignés par l’exploitant du réseau de transport public, en cas de refus d’obtempérer.
62. Les députés auteurs de la première saisine reprochent à ces dispositions d’accorder, en dehors de toute autorisation administrative, aux agents mentionnés au paragraphe I de l’article L. 2241-1 du code des transports le pouvoir d’interdire à certaines personnes l’accès à ces lieux et ainsi à des moyens de transport, alors que ces agents n’ont pas la qualité d’officier de police judiciaire. Les députés auteurs de la seconde saisine font valoir que les motifs justifiant un tel refus d’accès seraient insuffisamment définis, ce qui exposerait les personnes à un risque d’arbitraire. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté d’aller et de venir.
63. Les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent en outre qu’en transférant ainsi aux agents internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens des compétences qui, par nature, seraient réservées à la puissance publique, ces dispositions méconnaîtraient les exigences résultant de l’article 12 de la Déclaration de 1789.
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l’article 12 de la Déclaration de 1789 :
64. Les dispositions contestées prévoient que les agents mentionnés au paragraphe I de l’article L. 2241-1 du code des transports peuvent, dans certains cas, interdire à une personne l’accès aux emprises des espaces, gares et stations gérés par l’exploitant du réseau de transport public. En cas de refus d’obtempérer à un refus d’accès ou à une injonction, les agents spécialement désignés par l’exploitant peuvent contraindre l’intéressé à quitter ces lieux ou à descendre d’un véhicule de transport.
65. D’une part, en ce qu’elles permettent uniquement aux agents mentionnés au paragraphe I du même article L. 2241-1 de refuser l’accès aux seules emprises gérées par l’exploitant d’un réseau de transport public pour le compte duquel ils agissent, ces dispositions ne méconnaissent pas l’article 12 de la Déclaration de 1789.
66. Toutefois, d’autre part, ces dispositions permettent également à des agents privés spécialement désignés d’exercer une contrainte sur une personne qui refuse d’obtempérer, sans devoir requérir l’assistance de la force publique. En reconnaissant une telle prérogative à ces agents, alors qu’une mesure de contrainte relève, par nature, de la seule compétence des autorités de police, elles méconnaissent l’article 12 de la Déclaration de 1789.
67. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, le 2° de l’article 4 est contraire à la Constitution.
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’aller et de venir :
68. Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789.
69. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées du premier alinéa de l’article L. 2241-6 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l’article 4 de la loi déférée, le législateur a souhaité assurer la sécurité des emprises de transport et des voyageurs. Ce faisant, il a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.
70. En deuxième lieu, les agents mentionnés au paragraphe I de l’article L. 2241-1 du code des transports ne peuvent interdire l’accès aux espaces, gares ou stations qu’à une personne se trouvant au seuil de leur emprise, lorsqu’elle trouble l’ordre public, lorsque son comportement est de nature à compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations, ou lorsqu’elle refuse de se soumettre à l’inspection visuelle, à la fouille de ses bagages ou à des palpations de sécurité. À cet égard, en faisant référence à « la régularité des circulations », les dispositions contestées ne sont ni imprécises ni équivoques.
71. Toutefois, la mise en œuvre de ces dispositions ne saurait s’opérer qu’en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes.
72. En troisième lieu, seuls les agents mentionnés au paragraphe I de l’article L. 2241-1 du code des transports, qui sont assermentés et spécialement chargés d’une mission de police du transport ferroviaire ou guidé, ont le pouvoir de refuser un tel accès.
73. En dernier lieu, la personne à laquelle est refusé l’accès en raison d’un manquement ou de son comportement reste libre d’avoir recours à un autre moyen de transport à sa disposition.
74. Dès lors, sous la réserve énoncée au paragraphe 71, les dispositions contestées opèrent une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées.
75. Par conséquent, sous la même réserve, le premier alinéa de l’article L. 2241-6 du code des transports, dans sa rédaction résultant du 1° de l’article 4, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l’article 5 :
76. L’article 5 modifie l’article L. 2251-4 du code des transports afin d’autoriser les agents du service interne de sécurité de la SNCF à porter un pistolet à impulsion électrique.
77. Les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent que ces dispositions conduiraient à déléguer à des personnes privées des missions de police administrative, en méconnaissance de l’article 12 de la Déclaration de 1789.
78. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions qui sont introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Selon une jurisprudence constante, il s’assure dans ce cadre de l’existence d’un lien entre l’objet de l’amendement et celui de l’une au moins des dispositions du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Il ne déclare des dispositions contraires à l’article 45 de la Constitution que si un tel lien, même indirect, ne peut être identifié. Il apprécie l’existence de ce lien après avoir décrit le texte initial puis, pour chacune des dispositions déclarées inconstitutionnelles, les raisons pour lesquelles elle doit être regardée comme dépourvue de lien même indirect avec celui-ci. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
79. La loi déférée, qui comporte 27 articles répartis en sept chapitres, a pour origine la proposition de loi déposée le 28 décembre 2023 sur le bureau du Sénat, première assemblée saisie. Cette proposition comportait 19 articles répartis en sept chapitres.
80. Son chapitre Ier comportait des dispositions facilitant l’inspection des bagages, les palpations de sécurité et la saisie de certains objets par les agents des services internes de sécurité des opérateurs de transport, élargissant leur périmètre d’intervention aux abords immédiats des gares et emprises, prévoyant certains cas d’interdiction d’accès aux espaces gérés par l’exploitant d’un réseau de transport public, permettant le recours à des équipes cynotechniques et autorisant certaines interventions dans les services de transport routier interurbains dès lors qu’ils sont interconnectés avec les services de transport ferroviaire.
81. Son chapitre II comprenait des dispositions visant à autoriser les agents de la police municipale à accéder librement aux espaces de transports et aux trains et à permettre l’affectation de certains agents d’Île-de-France Mobilités au sein de salles d’information et de commandement relevant de l’État, afin de visionner les images des systèmes de vidéoprotection déployés dans les réseaux de transport en commun.
82. Son chapitre III comportait des dispositions pérennisant le régime expérimental en vertu duquel les agents de contrôle peuvent utiliser des caméras-piétons, permettant le recours à des logiciels de traitement de données non biométriques par les services de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens afin d’améliorer les délais de réponse aux réquisitions judiciaires, permettant de collecter et de traiter des données personnelles dans le cadre du traitement de certaines infractions flagrantes, et autorisant les opérateurs de transport public de voyageurs à mettre en œuvre des systèmes de captation du son dans les matériels qu’ils exploitent.
83. Son chapitre IV créait un délit visant à sanctionner plus sévèrement les contrevenants réguliers aux règles tarifaires et de comportement, instaurait une peine complémentaire d’interdiction de paraître spécifique aux réseaux de transport public, réprimait par une amende délictuelle certains faits relatifs à l’oubli de bagages par négligence ayant des conséquences sur l’exploitation des trains et métros et instaurait un délit spécifique réprimant l’usage détourné ou dangereux des véhicules de transports collectifs.
84. Son chapitre V prévoyait la création d’un fichier administratif centralisant les données sur les auteurs d’infractions dans les transports.
85. Son chapitre VI comportait des dispositions rendant automatique l’information de l’opérateur de transport en cas de suspension, annulation ou interdiction de délivrance du permis de conduire d’un agent habilité au transport de voyageurs et modifiant les modalités de vérification des antécédents de certains des agents de sûreté aéroportuaire pouvant mettre en œuvre des opérations d’inspection-filtrage.
86. Son chapitre VII visait à élargir aux agents de contrôle des exploitants des services de transport public et aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens la possibilité d’obtenir la communication par l’administration fiscale de renseignements sur les contrevenants.
87. Introduites en première lecture, les dispositions de l’article 5 ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles de l’article 4 de la proposition de loi initiale, qui visaient à permettre aux opérateurs ferroviaires de recourir à des équipes cynotechniques. Ces dispositions ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans la proposition de loi déposée sur le bureau du Sénat.
88. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre grief et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater qu’elles ont été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution.
- Sur l’article 9 :
89. L’article 9 insère un nouvel article L. 1241-4-1 A au sein du code des transports afin d’autoriser l’affectation de certains agents de l’établissement public Île-de-France Mobilités dans des salles d’information et de commandement pour visionner certaines images des systèmes de vidéoprotection déployés dans les réseaux de transport en commun.
90. Les députés auteurs de la première saisine reprochent à ces dispositions de ne pas prévoir de garanties suffisantes concernant les conditions d’habilitation et d’intervention des agents concernés, alors qu’ils peuvent visionner en temps réel des images de vidéoprotection, et de ne pas avoir renvoyé à un décret en Conseil d’État la détermination des garanties indispensables en matière de formation de ces agents, de sécurité technique et de traçabilité des accès. Ces dispositions seraient ainsi entachées d’incompétence négative et méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée.
91. Ils soutiennent en outre que l’autorisation donnée à certains agents d’Île-de-France Mobilités de visionner des images prises sur la voie publique au moyen de caméras frontales embarquées sur les matériels roulants, en application de l’article 14 de la loi déférée, constituerait une délégation implicite, à des agents privés, d’une mission de surveillance générale de l’espace public que seule la force publique est habilitée à exercer. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance de l’article 12 de la Déclaration de 1789.
92. Les dispositions contestées permettent à certains agents d’Île-de-France Mobilités d’accéder aux images de vidéoprotection transmises en temps réel depuis les véhicules et les emprises immobilières des transports publics de voyageurs, ou leurs abords immédiats.
93. En premier lieu, d’une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public.
94. D’autre part, en application des paragraphes II et III de l’article L. 2251-4-2 du code des transports auxquels renvoient les dispositions contestées, l’accès aux salles d’information et de commandement relevant de l’État est limité aux agents d’Île-de-France Mobilités individuellement désignés et dûment habilités par le représentant de l’État dans le département. Un décret en Conseil d’État précise leurs conditions d’exercice, les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données à caractère personnel, ainsi que les garanties techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et la traçabilité des accès.
95. En outre, ces agents ne peuvent visionner ces images que sous l’autorité et en présence des agents de la police ou de la gendarmerie nationales, et aux seules fins de concourir aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des personnels et des usagers.
96. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence et de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée doivent être écartés.
97. En second lieu, si les agents d’Île-de-France Mobilités exerçant des missions relatives à la sûreté des transports peuvent être autorisés à visionner des images des systèmes de vidéoprotection transmises depuis les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs ou leurs abords immédiats, ce n’est que sous l’autorité et en présence des agents de la police ou de la gendarmerie nationales, et dans les conditions énoncées précédemment.
98. Dès lors, le législateur, qui a associé ces agents à la mise en œuvre de telles prérogatives dans l’espace public en les plaçant sous le contrôle effectif des agents de la force publique, n’a pas méconnu l’article 12 de la Déclaration de 1789.
99. Par conséquent, l’article L. 1241-4-1 A du code des transports, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l’article 11 :
100. L’article 11 prévoit, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, que les conducteurs des services réguliers de transport public par autobus ou par autocar peuvent procéder sous certaines conditions, dans le cadre des missions qu’ils exercent au profit des opérateurs de transport public de voyageurs, à un enregistrement audiovisuel au moyen de caméras individuelles.
101. Les députés auteurs de la première saisine mettent en cause la proportionnalité de l’atteinte qu’une telle faculté, même entourée de certaines garanties, porterait au droit au respect de la vie privée, dans la mesure où elle concerne des salariés de droit privé et non des agents publics.
102. En premier lieu, les enregistrements autorisés par les dispositions contestées ont pour seule finalité la prévention des incidents au cours des missions exercées par les conducteurs des services réguliers de transport public par autobus ou par autocar au profit des opérateurs de transport public de voyageurs. Ainsi, le législateur, qui a entendu prévenir la commission d’agressions contre ces salariés et leurs passagers ainsi que les actes de dégradations de ces véhicules, a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public.
103. En deuxième lieu, l’enregistrement, qui n’est pas permanent, ne peut être déclenché que lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances ou au comportement des personnes concernées. En subordonnant à de tels motifs le recours à ces caméras individuelles, le législateur en a exclu un usage généralisé et discrétionnaire.
104. En troisième lieu, d’une part, les dispositions contestées prévoient que l’enregistrement ne peut avoir lieu hors des véhicules de transport public de personnes dans lesquels les conducteurs exercent leurs missions et qu’il ne peut avoir lieu sur la voie publique. Ainsi, il pourra uniquement être effectué depuis l’intérieur du véhicule. D’autre part, les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de trente jours.
105. En quatrième lieu, d’une part, une information générale du public sur l’emploi de ces caméras individuelles est organisée par le ministre chargé des transports et un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre, celle-ci devant être portée de façon apparente par les conducteurs. D’autre part, si les dispositions contestées prévoient que le déclenchement de l’enregistrement peut ne pas faire l’objet d’une information des personnes enregistrées, elles n’ont réservé cette possibilité qu’au cas où les circonstances de l’incident l’interdisent.
106. En cinquième lieu, si le législateur a autorisé la transmission en temps réel au poste de commandement du service concerné des images captées et enregistrées, cette transmission est limitée au seul cas où la sécurité des conducteurs, des voyageurs ou des véhicules est menacée. En outre, les conducteurs auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.
107. En dernier lieu, d’une part, ces enregistrements sont soumis à la loi du 6 janvier 1978 mentionnée ci-dessus, notamment en ce qui concerne le contrôle par la Commission nationale de l’informatique et des libertés et le droit d’accès aux enregistrements. D’autre part, les modalités d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, auquel il appartient de préciser les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux images.
108. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. Le grief tiré de la méconnaissance de ce droit doit donc être écarté.
109. Par ailleurs, les dispositions contestées, qui n’ont ni pour objet ni pour effet d’investir d’une mission générale de surveillance de la voie publique les conducteurs de ces véhicules et les opérateurs de transport public de voyageurs, ne méconnaissent pas non plus l’article 12 de la Déclaration de 1789.
110. Par conséquent, l’article 11, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l’article 13 :
111. L’article 13 prévoit, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, que les opérateurs de transport scolaire routier à Mayotte peuvent, dans certaines conditions, mettre en œuvre des caméras frontales et latérales embarquées sur les matériels roulants qu’ils exploitent.
112. Les députés auteurs de la première saisine font valoir que le législateur n’aurait pas entouré cette expérimentation de garanties suffisantes pour exclure l’enregistrement des images de domiciles privés et d’individus se déplaçant sur la voie publique, assurer une information du public et assigner des limites géographiques ou temporelles à un tel dispositif. Ces dispositions porteraient ainsi une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
113. Par ailleurs, selon eux, en confiant des prérogatives de police administrative à des opérateurs privés, ces dispositions méconnaîtraient les exigences de l’article 12 de la Déclaration de 1789.
114. Les dispositions contestées autorisent toute personne morale exerçant à Mayotte l’activité d’opérateur de transport scolaire routier à procéder à la captation, la transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique et dans des lieux ouverts au public pour dissuader les atteintes affectant la sécurité des conducteurs de ces matériels roulants et de leurs passagers et pour permettre l’identification des auteurs de ces faits.
115. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions en tenant compte des risques particuliers auquel le département de Mayotte est soumis.
116. D’une part, les caméras embarquées sont employées de telle sorte qu’elles ne visent pas à recueillir les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. L’enregistrement doit, sinon, être interrompu et, à défaut, les images effacées, sauf transmission à l’autorité judiciaire. D’autre part, les enregistrements comportant des données à caractère personnel, qui sont soumis à la loi du 6 janvier 1978, sont en principe effacés au bout de trente jours. En outre, il est prévu une information générale du public, ainsi que par une signalétique spécifique.
117. Toutefois, le déclenchement des caméras embarquées n’est pas subordonné à la circonstance que se produit ou est susceptible de se produire un incident. Ce faisant, le législateur a autorisé un usage généralisé de dispositifs mobiles captant l’image d’un grand nombre d’individus, y compris de mineurs, sans encadrer la durée de leur mise en œuvre.
118. En outre, les dispositions contestées ne précisent ni les conditions dans lesquelles peuvent être transmises ces images, ni leurs destinataires, ni les personnes autorisées à consulter les enregistrements réalisés.
119. Dès lors, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d’une part, les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions, et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée.
120. Par ailleurs, ces dispositions permettent à des opérateurs privés de transport de mettre en œuvre des dispositifs de surveillance de la voie publique au-delà des abords immédiats de leurs véhicules, aux fins de prévenir les atteintes à l’ordre public et de faciliter la recherche des auteurs d’infractions. Elles rendent ainsi possible la délégation à une personne privée des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la force publique nécessaire à la garantie des droits.
121. Par conséquent, l’article 13 de la loi déférée, qui méconnaît l’article 12 de la Déclaration de 1789 et le droit au respect de la vie privée, est contraire à la Constitution.
- Sur l’article 14 :
122. L’article 14 autorise, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la mise en œuvre, sous certaines conditions, de caméras frontales embarquées sur les matériels roulants des opérateurs de transports guidés urbains.
123. Les députés auteurs de la première saisine formulent à l’encontre de ces dispositions les mêmes griefs que ceux soulevés à l’encontre de l’article 13, tirés d’une méconnaissance du droit au respect de la vie privée et de l’article 12 de la Déclaration de 1789.
124. D’une part, les dispositions contestées n’autorisent la captation d’images prises sur la voie publique au moyen de ces caméras que pour la prévention et l’analyse des accidents ainsi que pour la formation des personnels de conduite et de leur hiérarchie.
125. Elles prévoient l’effacement au terme d’une période de trente jours des enregistrements comportant des données à caractère personnel, hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire.
126. Elles obligent également les opérateurs à informer le public de la présence de ces caméras par une signalétique spécifique et prévoient son information générale par le ministre chargé des transports.
127. D’autre part, les caméras embarquées sont employées de telle sorte qu’elles ne visent pas à recueillir les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. L’enregistrement doit, sinon, être interrompu et, à défaut, les images effacées, sauf transmission à l’autorité judiciaire.
128. Toutefois, le fonctionnement permanent de caméras frontales embarquées sur des véhicules de transports urbains est susceptible d’entraîner la captation de l’image d’un grand nombre de personnes se trouvant sur la voie publique. Dès lors, sauf à méconnaître le droit au respect de la vie privée, ces dispositions ne sauraient permettre la captation d’images par ces caméras au-delà des seuls abords immédiats des véhicules.
129. Enfin, les modalités d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ainsi, si les enregistrements autorisés par les dispositions contestées sont susceptibles de faire l’objet d’un traitement automatisé de données à caractère personnel, le législateur, en adoptant ces dispositions, n’a pas entendu déroger aux garanties apportées par le règlement du 27 avril 2016 mentionné ci-dessus et la loi du 6 janvier 1978. Il appartient à ce décret de préciser les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux images.
130. Dans ces conditions, le législateur a assorti de garanties adaptées la mise en œuvre des caméras lorsqu’elle est susceptible de conduire à la collecte de données à caractère personnel et de porter atteinte à la vie privée des intéressés.
131. Sous la réserve énoncée au paragraphe 128, le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée doit donc être écarté.
132. Par ailleurs, les dispositions contestées, qui n’ont ni pour objet ni pour effet d’investir les opérateurs de transports guidés urbains d’une mission générale de surveillance de la voie publique, ne méconnaissent pas non plus l’article 12 de la Déclaration de 1789.
133. Par conséquent, sous la réserve énoncée au paragraphe 128, l’article 14, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l’article 15 :
134. L’article 15 de la loi déférée modifie l’article 10 de la loi du 19 mai 2023 mentionnée ci-dessus afin de proroger jusqu’au 1er mars 2027 l’expérimentation relative à la mise en œuvre de traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection et de caméras installées sur des aéronefs dans le cadre de certains événements. Il reporte en outre, au 1er décembre 2026, la date de remise du rapport d’évaluation de cette expérimentation.
135. Les députés requérants font d’abord valoir que ces dispositions n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’elles auraient été introduites en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. Les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent en outre que ces dispositions auraient été adoptées en méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, faute pour les membres du Parlement d’avoir eu connaissance des résultats de l’évaluation prévue par l’article 10 de la loi du 19 mai 2023.
136. Sur le fond, les députés auteurs de la première saisine soutiennent par ailleurs que ces dispositions méconnaîtraient le droit à un recours juridictionnel effectif.
137. Introduites en première lecture, ces dispositions, qui visent à proroger une expérimentation permettant le traitement algorithmique d’images collectées lors de manifestations sportives, récréatives ou culturelles, pour détecter en temps réel la survenance d’un risque et permettre la mise en œuvre des mesures nécessaires, ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles de l’article 9 de la proposition de loi initiale visant à autoriser le recours à des logiciels de traitement de données non biométriques par les services de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens afin d’améliorer les délais de réponse aux réquisitions judiciaires. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans la proposition de loi déposée sur le bureau du Sénat.
138. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater qu’elles ont été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution.
- Sur l’article 16 :
139. L’article 16 prévoit, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, la mise en œuvre par les opérateurs de transport public de voyageurs, dans certaines conditions, d’un système de captation et de transmission en temps réel du son dans les véhicules qu’ils utilisent dans le cadre de services réguliers de transport public de voyageurs par autobus et par autocar.
140. Selon les députés auteurs de la seconde saisine, ces dispositions, faute de définir suffisamment les modalités de captation et de traitement des données sonores, exposeraient les personnes à un risque d’application arbitraire. Elles seraient ainsi entachées d’incompétence négative et porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
141. En premier lieu, la mise en œuvre de ce système de captation et de transmission du son a pour seule finalité d’assurer le traitement des incidents ou atteintes affectant la sécurité des conducteurs ainsi que le secours à ces personnes. Ainsi, le législateur, qui a entendu prévenir la commission d’agressions sur les agents du transport public de voyageurs et permettre l’envoi de secours, a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public.
142. En deuxième lieu, le dispositif ne peut être déclenché par le conducteur que lorsque sa sécurité est menacée. La durée de la captation et de la transmission ne peut excéder le temps strictement nécessaire à la caractérisation des faits ayant justifié le déclenchement du système et à la détermination de la réponse appropriée. En subordonnant à de tels motifs et à de telles limites le recours à ce système, le législateur en a exclu un usage généralisé et discrétionnaire et a encadré la durée de la captation et de la transmission.
143. En troisième lieu, les dispositions contestées prévoient, d’une part, que cette captation et cette transmission sont limitées à l’environnement immédiat du conducteur, que les données sonores sont uniquement transmises au poste de contrôle et de commandement, et qu’il ne peut être procédé à un enregistrement. D’autre part, les données en cause ne peuvent faire l’objet d’aucun autre traitement.
144. En quatrième lieu, une information générale du public sur l’emploi de ce système est organisée par le ministre chargé des transports et, sauf lorsque les circonstances l’interdisent, une annonce sonore signale le début et la fin de la captation.
145. En dernier lieu, les modalités d’application de l’expérimentation sont précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ainsi, le législateur, en adoptant ces dispositions, n’a pas entendu déroger aux garanties apportées par le règlement du 27 avril 2016 et la loi du 6 janvier 1978. Il appartient à ce décret de préciser les mesures techniques mises en œuvre pour s’assurer de la sécurité et de la traçabilité des accès aux données sonores.
146. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. Le grief tiré de la méconnaissance de ce droit doit donc être écarté. Il en va de même du grief tiré de l’incompétence négative.
147. Par conséquent, l’article 16, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l’article 18 :
148. L’article 18 insère dans le code des transports un article L. 2242-4-1 réprimant de l’amende prévue, selon les cas, pour les contraventions de la troisième, quatrième ou cinquième classe, certains faits d’abandon de bagages, matériaux ou objets dans les véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises.
149. Les députés auteurs de la première saisine soutiennent qu’en opérant une gradation des infractions en fonction du caractère intentionnel ou non de l’abandon, le législateur n’aurait pas déterminé le champ d’application de la loi pénale en des termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire. Il en résulterait une méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines ainsi que du principe de nécessité des peines.
150. L’article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». En vertu de ce principe, le législateur ou, dans son domaine de compétence, le pouvoir réglementaire, doivent fixer le champ d’application de la loi pénale et définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire.
151. Le premier alinéa de l’article L. 2242-4-1 du code des transports punit de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe le fait pour une personne ayant des bagages, matériaux ou objets sous sa garde d’avoir, par imprudence, par inattention ou par négligence, abandonné ceux-ci dans un espace ou un véhicule affecté au transport public de voyageurs ou de marchandises.
152. Le deuxième alinéa du même article punit de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe l’abandon de bagages, matériaux ou objets ne comportant pas de manière visible les nom et prénom du voyageur dans les catégories de véhicules affectés au transport de voyageurs préalablement désignées par arrêté ministériel. En l’absence d’exigence d’une faute d’imprudence ou de négligence, la seule imputabilité matérielle de cet abandon suffit à caractériser l’infraction.
153. Le dernier alinéa de ce même article punit de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ces différents faits d’abandon lorsqu’ils présentent un caractère volontaire manifeste.
154. Ainsi, le législateur, à qui il était loisible de faire de l’intention un élément constitutif de certaines de ces infractions, a distingué les contraventions instituées au regard tant de leur élément moral que de leur élément matériel.
155. Au demeurant, la contravention d’abandon volontaire prévue par les dispositions contestées se distingue du délit prévu par le 4° de l’article L. 2242-4 du code des transports, lequel suppose que l’intéressé ait intentionnellement troublé ou entravé la mise en marche ou la circulation des trains.
156. Dès lors, les dispositions contestées ne revêtent pas un caractère équivoque et sont suffisamment précises pour garantir contre le risque d’arbitraire. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit donc être écarté.
157. Par conséquent, l’article L. 2242-4-1 du code des transports, qui ne méconnaît pas non plus le principe de nécessité des peines ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur la place d’autres dispositions dans la loi déférée :
158. L’article 12 prévoit la mise en place, par les entreprises ferroviaires, d’un numéro téléphonique national commun permettant de recueillir et de procéder au traitement des signalements de voyageurs en matière de sûreté dans les réseaux de transport ferroviaire.
159. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles de l’article 7 de la proposition de loi initiale, qui visaient à autoriser certains agents d’Île-de-France Mobilités à visionner les images des systèmes de vidéoprotection déployés dans les réseaux de transport en commun.
160. L’article 22 permet à l’employeur de déposer plainte au nom de la victime pour certains faits susceptibles de constituer une infraction commise à l’égard d’une personne participant à l’exécution d’un service public de transport de voyageurs.
161. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles de l’article 13 de la proposition de loi initiale, qui instauraient une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les réseaux de transport public.
162. Ces dispositions ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans la proposition de loi déposée sur le bureau du Sénat.
163. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater qu’elles ont été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution.
- Sur les autres dispositions :
164. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports :
- le 2° de l’article 4 ;
- l’article 5 ;
- l’article 12 ;
- l’article 13 ;
- l’article 15 ;
- l’article 22.
Article 2. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution :
- au paragraphe 34, le dernier alinéa de l’article L. 2251-1 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la loi déférée ;
- au paragraphe 55, les mots « et par les agents exerçant l’activité mentionnée au 1º de l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure au profit d’un opérateur de transport public de personnes » figurant à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2241-6 du code des transports, dans sa rédaction résultant des articles 3 et 4 de la loi déférée ;
- au paragraphe 71, le premier alinéa de l’article L. 2241-6 du code des transports, dans sa rédaction issue de l’article 4 de la loi déférée ;
- au paragraphe 128, l’article 14 de la loi déférée.
Article 3. - Sont conformes à la Constitution :
- les premier et troisième alinéas de l’article L. 2251-9 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi déférée ;
- le premier alinéa de l’article L. 2251-10 du code des transports, dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi déférée ;
- les quatre derniers alinéas de l’article L. 2251-1-4 du code des transports, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi déférée ;
- l’article L. 1241-4-1 A du code des transports, dans sa rédaction issue de l’article 9 de la loi déférée ;
- l’article 11 de la loi déférée ;
- l’article 16 de la loi déférée ;
- l’article L. 2242-4-1 du code des transports, dans sa rédaction issue de l’article 18 de la loi déférée.
Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 avril 2025, où siégeaient : M. Richard FERRAND, Président, M. Philippe BAS, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS.
Rendu public le 24 avril 2025.