La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2025 | FRANCE | N°2025-876

France | France, Conseil constitutionnel, 20 mars 2025, 2025-876


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, sous le n° 2025-876 DC, le 24 février 2025, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, MM. Rodrigo ARENAS, Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Pierre-Yv

es CADALEN, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. ...

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, sous le n° 2025-876 DC, le 24 février 2025, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, MM. Rodrigo ARENAS, Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Pierre-Yves CADALEN, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Jean-François COULOMME, Sébastien DELOGU, Aly DIOUARA, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Zahia HAMDANE, Mathilde HIGNET, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Abdelkader LAHMAR, Maxime LAISNEY, Aurélien LE COQ, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Claire LEJEUNE, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Marie MESMEUR, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Sandrine NOSBÉ, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Jean-Hugues RATENON, Arnaud SAINT-MARTIN, Aurélien SAINTOUL, Mmes Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Pouria AMIRSHAHI, Mmes Christine ARRIGHI, Clémentine AUTAIN, Léa BALAGE EL MARIKY, Delphine BATHO, Lisa BELLUCO, MM. Karim BEN CHEIKH, Benoît BITEAU, Arnaud BONNET, Nicolas BONNET, Alexis CORBIÈRE, Hendrik DAVI, Emmanuel DUPLESSY, Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Damien GIRARD, Steevy GUSTAVE, Mme Catherine HERVIEU, M. Jérémie IORDANOFF, Mme Julie LAERNOES, MM. Tristan LAHAIS, Benjamin LUCAS-LUNDY, Mme Julie OZENNE, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mme Sandra REGOL, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, Mme Sandrine ROUSSEAU, M. François RUFFIN, Mmes Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, Danielle SIMONNET, Sophie TAILLÉ-POLIAN, MM. Boris TAVERNIER, Nicolas THIERRY et Mme Dominique VOYNET, députés.

Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code de l’environnement ;
- le code forestier ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
- le code pénal ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l’administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l’urbanisme ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ;
- le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;
Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 13 mars 2025 ;
Après avoir entendu les députés représentant les auteurs de la saisine ;
Et après avoir entendu les rapporteurs ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. Ils contestent la place dans la loi des articles 5, 33, 34, 39, 42, 43, 49 et 53 et de certaines dispositions de l’article 1er. Ils contestent également la conformité à la Constitution des articles 2, 4, 33, 35, 42, 43, 44, 45 et 58 ainsi que de certaines dispositions des articles 1er, 31, 32 et 48.
- Sur certaines dispositions de l’article 1er :
2. L’article 1er de la loi déférée modifie diverses dispositions du code rural et de la pêche maritime.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l’article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime :
3. Le 1° du paragraphe I de l’article 1er insère un nouvel article L. 1 A au sein du code rural et de la pêche maritime dont le premier alinéa prévoit que « La protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche sont d’intérêt général majeur en tant qu’ils garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation. Ils constituent un intérêt fondamental de la Nation en tant qu’éléments essentiels de son potentiel économique ».
4. Les députés requérants soutiennent tout d’abord qu’en reconnaissant le caractère d’« intérêt général majeur » à la protection, la valorisation et au développement de l’agriculture et de la pêche, ces dispositions permettraient aux projets ayant un tel objet de bénéficier de dérogations à certaines dispositions législatives ou réglementaires protectrices de l’environnement. Elles méconnaîtraient ainsi le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.
5. Ils critiquent également le manque de clarté et de précision des notions d’« intérêt général majeur » et d’« intérêt fondamental de la Nation » auxquelles se réfèrent ces dispositions. Il en résulterait une méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
6. En premier lieu, aux termes de l’article 1er de la Charte de l’environnement, « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
7. Aux termes du vingt-et-unième alinéa de l’article 34 de la Constitution : « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État ».
8. Les objectifs assignés par la loi à l’action de l’État ne sauraient contrevenir aux exigences de l’article 1er de la Charte de l’environnement. Le Conseil constitutionnel ne dispose toutefois pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne saurait se prononcer sur l’opportunité des objectifs que le législateur assigne à l’action de l’État, dès lors que ceux-ci ne sont pas manifestement inadéquats à la mise en œuvre de ces exigences constitutionnelles.
9. Les dispositions contestées, qui ont un caractère programmatique, se bornent à fixer comme objectif à l’action de l’État de protéger, valoriser et développer l’agriculture et la pêche, eu égard à leur importance pour la souveraineté alimentaire de la Nation. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement ne peut qu’être écarté.
10. En second lieu, l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques.
11. Ni la notion d’« intérêt général majeur » ni celle d’« intérêt fondamental de la Nation » ne sont inintelligibles. Le grief tiré de la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi à l’encontre de ces dispositions programmatiques doit donc être écarté.
12. Par conséquent, le premier alinéa de l’article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne l’avant-dernier alinéa du paragraphe I A de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime :
13. Le a du 2° du paragraphe I de l’article 1er modifie l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime afin d’insérer un nouveau paragraphe I A prévoyant notamment que les normes réglementaires en matière d’agriculture ne peuvent aller au‑delà des exigences minimales des normes européennes, sauf lorsqu’elles sont spécialement motivées et évaluées avant leur adoption et qu’elles ne sont pas susceptibles d’engendrer une situation de concurrence déloyale.
14. Selon les députés requérants, ces dispositions conduiraient à une immixtion du législateur dans l’exercice du pouvoir réglementaire, en méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs protégé par l’article 16 de la Déclaration de 1789. Elles seraient également contraires au principe de la souveraineté nationale, dès lors qu’il en résulterait un transfert de compétence au profit de l’Union européenne dans le domaine de l’agriculture.
15. Aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». La Constitution attribue au Gouvernement, d’une part, et au Parlement, d’autre part, des compétences qui leur sont propres.
16. En interdisant par principe au pouvoir réglementaire d’adopter, dans le domaine de l’agriculture, des dispositions dépassant les exigences de transposition ou d’adaptation résultant d’une directive ou d’un règlement de l’Union européenne, les dispositions contestées sont susceptibles de faire obstacle à l’exercice de sa compétence dans le domaine que lui reconnaît le premier alinéa de l’article 37 de la Constitution. Elles méconnaissent donc le principe de la séparation des pouvoirs.
17. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, l’avant-dernier alinéa du a du 2° du paragraphe I de l’article 1er est contraire à la Constitution.
. En ce qui concerne le 14° du paragraphe I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime :
18. Le b du 2° du paragraphe I de l’article 1er modifie le paragraphe I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime afin de prévoir, au titre des priorités de la politique en faveur de la souveraineté alimentaire, que celle-ci a notamment pour finalité « de maintenir un haut niveau de protection des cultures, en soutenant la recherche en faveur de solutions apportées aux agriculteurs économiquement viables, techniquement efficaces et compatibles avec le développement durable, afin de diminuer l’usage des produits phytopharmaceutiques et, à défaut de telles solutions, en s’abstenant d’interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne ».
19. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’elles auraient été introduites en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
20. Ils font également valoir qu’en prévoyant que les politiques en faveur de la souveraineté alimentaire s’abstiennent d’interdire l’usage de produits phytopharmaceutiques lorsqu’ils sont « autorisés par l’Union européenne », alors qu’une telle autorisation ne serait pas prévue en l’état actuel du droit, ces dispositions méconnaîtraient l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. En outre, ces dispositions interdiraient par avance à l’autorité compétente de prendre en compte l’évolution des connaissances scientifiques sur les risques présentés par certains produits phytopharmaceutiques. Il en résulterait une méconnaissance des exigences découlant des articles 1er, 3 et 5 de la Charte de l’environnement ainsi que de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé publique.
21. En premier lieu, aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions qui sont introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Selon une jurisprudence constante, il s’assure dans ce cadre de l’existence d’un lien entre l’objet de l’amendement et celui de l’une au moins des dispositions du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Il ne déclare des dispositions contraires à l’article 45 de la Constitution que si un tel lien, même indirect, ne peut être identifié. Il apprécie l’existence de ce lien après avoir décrit le texte initial puis, pour chacune des dispositions déclarées inconstitutionnelles, les raisons pour lesquelles elle doit être regardée comme dépourvue de lien même indirect avec celui-ci. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
22. La loi déférée, qui comporte cinquante-huit articles répartis en quatre titres, a pour origine le projet de loi déposé le 3 avril 2024 sur le bureau de l’Assemblée nationale, première assemblée saisie. Ce projet comportait dix-neuf articles répartis en quatre titres.
23. Son titre Ier comprenait des dispositions à caractère programmatique visant à faire de la souveraineté alimentaire un objectif des politiques publiques.
24. Son titre II prévoyait des objectifs en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation en matière agricole et comprenait des dispositions relatives aux missions des établissements de l’enseignement agricole et aux nouveaux « contrats territoriaux de consolidation ou de création de formation » dont ces établissements peuvent bénéficier, aux conditions de délivrance d’un nouveau diplôme national dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire, aux relations entre les organismes de recherche et instituts techniques avec les filières et l’enseignement agricoles, et aux actes pratiqués par les auxiliaires vétérinaires.
25. Son titre III comportait des objectifs en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, prévoyait la mise en place d’outils de diagnostic pour les exploitations agricoles, instaurait un réseau dénommé « France services agriculture » pour accompagner l’installation des exploitants, modifiait le statut des créances des groupements d’employeurs et fixait les conditions dans lesquelles peuvent être créés des groupements fonciers agricoles d’investissement.
26. Son titre IV comportait des dispositions habilitant le Gouvernement à adopter par ordonnance les mesures du domaine de la loi pour adapter le régime de répression des atteintes à la conservation de certaines espèces protégées, modifiant le régime juridique applicable à la gestion et à la protection des haies, introduisant un régime dérogatoire en cas de contentieux contre certains projets d’ouvrage hydraulique agricole et d’installations d’élevage, modifiant le statut des chiens de protection de troupeaux, assouplissant l’encadrement juridique des activités de valorisation des sous-produits lainiers et des activités aquacoles, étendant la compétence du département en matière de gestion de l’approvisionnement en eau et adaptant certaines règles relatives à la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs.
27. Introduites en première lecture, les dispositions du 14° du paragraphe I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, qui ont un caractère programmatique, ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec les dispositions programmatiques de l’article 1er du projet de loi initial visant à faire de la souveraineté alimentaire un objectif des politiques publiques. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
28. En deuxième lieu, l’objectif que ces dispositions assignent à l’action de l’État n’est pas manifestement inadéquat aux exigences de l’article 1er de la Charte de l’environnement.
29. En dernier lieu, en prévoyant que la politique en faveur de la souveraineté alimentaire a pour finalité de maintenir un haut niveau de protection des cultures en s’abstenant d’interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne en l’absence de solutions permettant de diminuer l’usage de tels produits, le législateur a seulement entendu fixer comme objectif, dans cette hypothèse, que les autorités nationales compétentes n’interdisent pas l’utilisation de substances approuvées au niveau européen. Ainsi, les dispositions contestées ne sont pas inintelligibles.
30. Par conséquent, le 14° du paragraphe I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, qui ne méconnaît en tout état de cause ni les articles 3 et 5 de la Charte de l’environnement ni l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé publique, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne la place de l’avant-dernier alinéa du b du 2° du paragraphe I de l’article 1er de la loi déférée :
31. Le b du 2° du paragraphe I de l’article 1er modifie le paragraphe I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime afin de prévoir, au titre des priorités de la politique en faveur de la souveraineté alimentaire, que celle-ci a notamment pour finalité de « veiller à mettre en œuvre une fiscalité compatible avec l’objectif d’amélioration du potentiel productif agricole ».
32. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’elles auraient été introduites en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
33. Introduites en première lecture, les dispositions contestées, qui ont un caractère programmatique, ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l’article 1er du projet de loi initial. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
34. Il en résulte que ces dispositions ont été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur l’article 2 :
35. L’article 2 insère un nouvel article L. 1 B au sein du code rural et de la pêche maritime afin de prévoir que les politiques publiques et les textes réglementaires ayant une incidence sur l’agriculture et la pêche s’inspirent du principe de non‑régression de la souveraineté alimentaire. Selon ce principe, la protection du potentiel agricole de la Nation ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.
36. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions, dont ils critiquent l’imprécision et le champ d’application trop général, méconnaîtraient le principe de la séparation des pouvoirs dans la mesure où elles seraient susceptibles de faire obstacle à l’exercice des compétences attribuées au pouvoir réglementaire par la Constitution. Selon eux, elles méconnaîtraient également les exigences des articles 1er, 3 et 5 de la Charte de l’environnement, dès lors qu’un tel principe de non‑régression pourrait rendre plus difficile l’adoption de règles protectrices de l’environnement.
37. Il résulte des travaux préparatoires que le principe de non-régression institué par les dispositions contestées, qui n’a pas vocation à lier le législateur, s’impose au pouvoir réglementaire.
38. Or, d’une part, ces dispositions ont pour effet de faire dépendre le respect de ce principe d’une évaluation systématique de l’effet des politiques publiques ou des textes réglementaires par référence au « potentiel agricole de la Nation ».
39. D’autre part, en prévoyant qu’un tel principe s’applique en toutes matières et s’impose à tout texte réglementaire du seul fait que ce dernier pourrait avoir une « incidence » sur l’agriculture et la pêche, ces dispositions sont susceptibles de faire obstacle à l’exercice de la compétence du pouvoir réglementaire dans le domaine que lui reconnaît le premier alinéa de l’article 37 de la Constitution.
40. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, les dispositions contestées, qui méconnaissent l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs, sont contraires à la Constitution.
- Sur l’article 4 :
41. L’article 4 complète l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme afin d’autoriser, dans les communes insulaires métropolitaines, des constructions et installations agricoles y compris dans les espaces proches du rivage.
42. Les députés requérants soutiennent qu’en prévoyant une telle exception à l’interdiction des constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles dans les espaces proches du rivage, ces dispositions instaureraient une différence de traitement injustifiée entre ces communes et, d’une part, les communes non insulaires situées sur le territoire hexagonal et, d’autre part, les autres communes insulaires situées en dehors de ce territoire. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
43. Ils font également valoir que, compte tenu de la fragilité des espaces proches du rivage, ces dispositions méconnaîtraient les exigences découlant des articles 1er, 3 et 5 de la Charte de l’environnement.
44. Selon l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
45. En application de l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme, dans les communes littorales et celles qui participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux, les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines peuvent être autorisées, sous certaines conditions, en discontinuité de l’urbanisation. Ces opérations ne peuvent toutefois être autorisées qu’en dehors des espaces proches du rivage, à l’exception des constructions ou installations nécessaires aux cultures marines.
46. Les dispositions contestées prévoient que cette dernière restriction ne s’applique pas aux « communes insulaires métropolitaines ».
47. Il en résulte que, dans ces communes, les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles peuvent être autorisées dans les espaces proches du rivage alors que, dans les autres communes, seules les constructions et installations nécessaires aux cultures marines peuvent y être autorisées.
48. Il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a souhaité favoriser le développement de l’agriculture dans des territoires insulaires soumis à des restrictions de construction à proximité du rivage.
49. Toutefois, en se bornant à faire référence aux « communes insulaires métropolitaines », sans définir ce que recouvre cette catégorie, ces dispositions ne permettent pas de déterminer si la dérogation qu’elles prévoient s’applique aux seules communes dépourvues de lien permanent avec le continent ou si elle est également applicable aux communes dont une partie seulement du territoire est insulaire. En outre, ces communes ne se distinguent pas nécessairement des autres communes littorales ou des communes d’outre-mer auxquelles s’appliquent les restrictions prévues par l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme.
50. Ainsi, les dispositions contestées instituent une différence de traitement qui ne repose ni sur une différence de situation ni sur un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi.
51. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, l’article 4 est contraire à la Constitution.
- Sur la place de l’article 5 :
52. L’article 5 modifie l’article 410-1 du code pénal afin de préciser que les éléments essentiels du potentiel économique de la nation, au sens du titre Ier du livre IV du code pénal relatif aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, comprennent notamment son potentiel agricole.
53. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’elles auraient été introduites en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
54. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l’article 1er du projet de loi initial visant à faire de la souveraineté alimentaire un objectif des politiques publiques contribuant notamment à la défense des intérêts fondamentaux de la nation. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
55. Il en résulte que l’article 5 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 31 :
56. Le b du 3° de l’article 31 modifie l’article L. 415-3 du code de l’environnement afin d’instituer des présomptions d’absence d’intention applicables au délit d’atteinte aux espèces protégées, à leurs habitats naturels ou à des sites d’intérêt géologique.
57. Les députés requérants font d’abord valoir, d’une part, qu’en prévoyant que tout individu répondant à l’exécution d’une obligation légale ou réglementaire ou à une prescription administrative est présumé ne pas avoir commis les faits intentionnellement, le législateur n’aurait pas déterminé le champ d’application de la loi pénale en des termes suffisamment clairs et précis et aurait, ce faisant, confié à d’autres autorités le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi. Ils soutiennent, d’autre part, que la présomption de non-intentionnalité instituée au bénéfice des exploitants forestiers serait rédigée en des termes trop imprécis et ambigus pour permettre aux justiciables de prévoir dans quelles conditions elle leur serait appliquée. Il en résulterait une méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines. Ils considèrent en outre que ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre les personnes en bénéficiant et les autres, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
58. L’article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».
59. Aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant … la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ».
60. Le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire.
. En ce qui concerne la première présomption de non-intentionnalité :
61. En application de l’article L. 415-3 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de la loi déférée, le fait, commis de manière intentionnelle ou par négligence grave, de porter certaines atteintes à la conservation d’espèces animales non domestiques, à la conservation d’espèces végétales non cultivées, à la conservation d’habitats naturels ou à des sites d’intérêt géologique est puni de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
62. Les dispositions contestées prévoient que de tels faits sont réputés n’avoir pas été commis de manière intentionnelle lorsqu’ils répondent à l’exécution d’une obligation légale ou réglementaire ou à des prescriptions prévues par une autorisation administrative.
63. Toutefois, si le législateur a institué une présomption simple qui peut être renversée, il n’a pas déterminé la nature de l’obligation légale ou réglementaire dont l’exécution permet à l’intéressé de bénéficier d’une telle présomption ni précisé le lien qui doit être établi entre cette obligation et les faits reprochés.
64. En outre, en se bornant à prévoir que cette présomption s’appliquerait également lorsque les faits répondent à une prescription prévue par une autorisation administrative, sans autre précision, le législateur a fait dépendre le champ d’application de la loi pénale d’une décision administrative.
65. Dès lors, les dispositions contestées méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, le deuxième alinéa du b du 3° de l’article 31 est contraire à la Constitution.
. En ce qui concerne la seconde présomption de non-intentionnalité :
66. Les dispositions contestées prévoient que « Sont également réputés n’avoir pas été commis de manière intentionnelle les faits prévus aux a à c du présent 1° correspondant à l’exercice des activités prévues par des documents de gestion mentionnés à l’article L. 122‑3 du code forestier dans des conditions qui comprennent la mise en œuvre de mesures pour éviter ou pour réduire les atteintes portées aux espèces protégées et à leurs habitats, présentant des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point que ce risque apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé ».
67. Cependant, par l’imprécision tant des activités concernées que de leurs conditions d’exercice, ces dispositions, qui se bornent à faire référence à des « mesures pour éviter ou pour réduire les atteintes » aux espèces protégées et à des « garanties d’effectivité », méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines.
68. Dès lors, les dispositions contestées méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, le dernier alinéa du b du 3° de l’article 31 est contraire à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 32 :
69. Le 1° de l’article 32 insère un nouvel article L. 171-7-3 au sein du code de l’environnement afin de prévoir que le montant de l’amende administrative encourue pour certains manquements aux obligations de déclaration ou d’enregistrement auxquelles sont soumises les installations d’élevage ne peut excéder 450 euros.
70. Les députés requérants reprochent tout d’abord à ces dispositions d’instituer une différence de traitement injustifiée entre les exploitants d’installations d’élevage et les exploitants d’autres installations classées pour la protection de l’environnement, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
71. Ils font ensuite valoir que le montant de l’amende encourue en application des dispositions contestées ôterait tout caractère dissuasif à cette sanction. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement ainsi que de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.
72. Ils soutiennent, enfin, que ces dispositions ne permettraient pas aux autorités publiques compétentes de prévenir des atteintes à l’environnement, faute de pouvoir s’assurer du respect de la réglementation applicable aux exploitants d’installations d’élevage. Il en résulterait une méconnaissance des exigences découlant de l’article 3 de la Charte de l’environnement.
73. En premier lieu, en application du paragraphe I de l’article L. 171-7 du code de l’environnement, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, l’autorité administrative compétente peut ordonner le paiement d’une amende administrative au plus égale à 45 000 euros lorsque des installations ou ouvrages sont exploités sans avoir fait l’objet notamment de la déclaration ou de l’enregistrement requis en application du même code.
74. Les dispositions contestées prévoient qu’en cas de mise en place, de participation à la mise en place ou d’exploitation d’une installation d’élevage sans la déclaration ou l’enregistrement prescrits, cette amende ne peut excéder 450 euros lorsque l’installation est soumise à l’un de ces régimes administratifs à la suite d’une modification de sa consistance et qu’elle fonctionnait légalement jusqu’alors, dès lors que cette installation ne dépasse pas le seuil d’application du régime de la déclaration ou de l’enregistrement de plus de 15 %.
75. Il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu tenir compte, pour la répression des atteintes à l’environnement, de l’effet de seuil induit par l’accroissement de la consistance d’une exploitation d’élevage.
76. Or, le législateur a pu considérer que les installations d’élevage sont, au regard de la nature de leur activité et des variations de leur consistance, davantage susceptibles de franchir le seuil d’application du régime de la déclaration ou de l’enregistrement que les autres installations classées pour la protection de l’environnement. Ainsi, les exploitants des installations d’élevage sont placés, au regard de l’objet de la loi, dans une situation différente des autres exploitants.
77. Dès lors, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport direct avec l’objet de la loi.
78. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.
79. En second lieu, les dispositions contestées, qui se bornent à plafonner le montant de l’amende administrative encourue par les exploitants d’installation d’élevage pour certains manquements, ne portent, par elles-mêmes, aucune atteinte aux exigences découlant des articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement.
80. Par conséquent, l’article L. 171-7-3 du code de l’environnement, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l’article 33 :
81. L’article 33 insère au sein du code forestier un nouvel article L. 121-7 relatif à certains travaux forestiers.
82. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
83. Ils reprochent en outre à ces dispositions d’être dépourvues de portée normative. À titre subsidiaire, ils soutiennent qu’elles méconnaîtraient le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement, l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ainsi que le droit à un recours juridictionnel effectif.
84. L’article 33 prévoit que « Les travaux forestiers réalisés dans le cadre de la gestion durable des forêts et de leur exploitation sont considérés comme indispensables à la préservation des écosystèmes, à l’adaptation des milieux naturels au changement climatique et à la fourniture de produits en bois destinés à tous les usages ». Ces dispositions prévoient en outre que les activités forestières qu’elles énumèrent « sont reconnues d’intérêt général et sécurisées juridiquement tout au long de l’année » et contribuent à certains objectifs.
85. Introduites en première lecture, ces dispositions, qui visent à atténuer l’incertitude juridique pesant sur certains travaux forestiers, ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l’article 1er du projet de loi initial visant à faire de la souveraineté alimentaire un objectif des politiques publiques. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.
86. Dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 34 :
87. L’article 34 modifie l’article 199 de la loi du 6 août 2015 mentionnée ci-dessus afin, d’une part, de prolonger jusqu’au 31 décembre 2068 la concession confiée à la société d’économie mixte d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de la région parisienne et, d’autre part, de lui attribuer une mission d’investissement, d’aménagement et de gestion des installations existantes.
88. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
89. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l’article 1er du projet de loi initial, visant à faire de l’approvisionnement alimentaire l’un des objectifs des politiques publiques concourant à la souveraineté alimentaire. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
90. Il en résulte que l’article 34 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur l’article 35 :
91. L’article 35 insère au sein du code des relations entre le public et l’administration un nouvel article L. 123-3 relatif au droit à régularisation en cas d’erreur applicable aux contrôles opérés dans une exploitation agricole.
92. Les députés requérants reprochent à ces dispositions d’instituer une différence de traitement injustifiée entre les exploitants agricoles et les autres administrés, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
93. En premier lieu, selon l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale... ». Il résulte de cet article comme de l’ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l’objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative.
94. Les deux premiers alinéas de l’article L. 123-3 du code des relations entre le public et l’administration se bornent à prévoir, d’une part, que la bonne foi de l’exploitant est présumée en cas de contrôle opéré dans une exploitation agricole et, d’autre part, que certaines procédures alternatives aux poursuites pénales « sont priorisées ». Ces dispositions sont dépourvues de portée normative.
95. En second lieu, l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques.
96. En prévoyant que, « Lorsqu’il est constaté un manquement reposant sur une norme qui entre en contradiction avec une autre norme, l’exploitation agricole ne peut être sanctionnée », les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 123-3 du code des relations entre le public et l’administration sont inintelligibles.
97. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner le grief soulevé par les députés requérants, l’article 35 est contraire à la Constitution.
- Sur la place de l’article 39 :
98. L’article 39 modifie l’article L. 214-14 du code forestier afin de ne plus soumettre à autorisation le défrichement de certains boisements en zone de montagne.
99. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
100. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec l’article 14 du projet de loi initial relatif à la protection des haies ou de son article 15 introduisant un régime dérogatoire en cas de contentieux contre certains projets d’ouvrage hydraulique agricole et d’installations d’élevage. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.
101. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur l’article 42 :
102. L’article 42 complète l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme afin de prévoir que les constructions, ouvrages, installations ou aménagements nécessaires à l’exploitation agricole sont exclus du décompte des zones artificialisées au sein des documents de planification et d’urbanisme.
103. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
104. Sur le fond, ils reprochent en outre à ces dispositions de méconnaître le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.
105. Introduites en première lecture, ces dispositions, qui modifient les règles d’évaluation de l’artificialisation des sols prise en compte par les documents de planification et d’urbanisme, ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l’article 1er du projet de loi initial visant à faire de la souveraineté alimentaire un objectif des politiques publiques. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.
106. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur l’article 43 :
107. L’article 43 insère au sein du code de l’urbanisme un nouvel article L. 151-6-3 afin de prévoir que les orientations d’aménagement et de programmation du plan local d’urbanisme définissent les conditions dans lesquelles est mise à la charge de l’aménageur l’institution d’un espace de transition entre les espaces agricoles et les espaces urbanisés. Il procède en outre à certaines coordinations. 
108. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
109. Sur le fond, ils reprochent en outre à ces dispositions de méconnaître les exigences découlant des articles 1er et 5 de la Charte de l’environnement ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.
110. Introduites en première lecture, ces dispositions, qui visent à prévoir de nouvelles obligations au sein de documents d’urbanisme, ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l’article 1er du projet de loi initial visant à faire de la souveraineté alimentaire un objectif des politiques publiques. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.
111. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur l’article 44 :
112. L’article 44 insère quatre nouveaux articles L. 77-15-1 à L. 77-15-4 au sein du code de justice administrative afin de prévoir plusieurs règles spéciales applicables au contentieux de certaines décisions administratives individuelles en matière agricole.
113. Les députés requérants soutiennent que cet article méconnaîtrait le droit à un recours juridictionnel effectif, le principe de précaution et l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.
114. Toutefois, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu ces exigences constitutionnelles ne peut être utilement présenté devant le Conseil constitutionnel, selon la procédure prévue par l’article 61 de la Constitution, qu’à l’encontre de dispositions déterminées et à la condition de contester le dispositif qu’elles instaurent.
115. Or, les députés requérants se bornent à faire état des observations du Conseil d’État, dans son avis du 21 mars 2024, sur certaines dispositions initiales du projet de loi. Ils ne contestent donc, pour en demander la censure, aucune disposition particulière de l’article 44 de la loi déférée. Leurs griefs ne peuvent dès lors qu’être écartés.
- Sur l’article 45 :
116. L’article 45 insère un nouveau paragraphe II ter au sein de l’article L. 214-3 du code de l’environnement afin de faciliter, pour les retenues collinaires, la modification de la nomenclature au sein de laquelle sont classées les opérations qui, en raison de leurs incidences sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques, doivent être soumises à une procédure administrative de déclaration ou d’autorisation.
117. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de permettre une dérogation au principe de non-régression environnementale qui ne serait pas assortie de garanties suffisantes au regard de son impact écologique. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance de la Charte de l’environnement et, en particulier, du principe de précaution garanti par son article 5. Ces dispositions méconnaîtraient, en outre, les exigences découlant de certaines normes du droit de l’Union européenne.
118. Selon l’article 1er de la Charte de l’environnement : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Son article 3 dispose : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ». Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés par cet article, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions.
119. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel.
120. En application du 9° du paragraphe II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, la connaissance, la protection, la mise en valeur, la restauration, la remise en état et la gestion de l’environnement doivent être inspirées par « Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ».
121. En application de l’article L. 214-2 du même code, certaines installations, certains ouvrages, travaux et activités ayant des incidences sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d’État, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu’ils présentent et la gravité de leurs effets.
122. Les dispositions contestées prévoient que le principe de non‑régression environnementale, défini au 9° du paragraphe II de l’article L. 110‑1 du même code, ne s’oppose pas, en ce qui concerne les retenues collinaires, à la modification de cette nomenclature.
123. D’une part, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier les règles et prescriptions auxquelles sont subordonnées les opérations concernant des retenues collinaires en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, qui les soumet, selon les cas, à un régime administratif d’autorisation ou de déclaration. En particulier, sont soumis à autorisation de l’autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles.
124. D’autre part, les dispositions contestées prévoient que, dans le cas où l’opération projetée porte gravement atteinte à certains intérêts environnementaux, l’autorité administrative peut solliciter la communication de mesures de compensation et s’y opposer lorsque l’opération porte à ces intérêts une atteinte d’une gravité telle qu’aucune mesure de compensation n’apparaît suffisante.
125. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences découlant des articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement.
126. Par ailleurs, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi en application de l’article 61 de la Constitution, d’examiner la conformité d’une loi aux stipulations d’un traité ou d’un accord international.
127. Par conséquent, le paragraphe II ter de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, qui ne méconnaît pas non plus le principe de précaution ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 48 :
128. Le paragraphe IV de l’article 48 modifie les articles L. 214-3 et L. 431-6 du code de l’environnement afin d’exclure les piscicultures du champ d’application du régime d’autorisation ou de déclaration applicable aux installations, ouvrages, travaux et activités prévu par l’article L. 214-3 du même code. Il modifie en outre l’article L. 512-8 du même code relatif aux installations classées pour la protection de l’environnement afin de prévoir que, « Pour les piscicultures, la déclaration inclut également les installations, ouvrages, travaux et activités relevant de l’article L. 214-1 projetés par le pétitionnaire que leur connexité rend nécessaires à l’installation classée ou dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou inconvénients. La déclaration vaut application des articles L. 214-3 à L. 214-6 ».
129. Les députés requérants font valoir qu’en exemptant les piscicultures des règles et prescriptions légales applicables aux installations, ouvrages, travaux et activités ayant des effets ou présentant des dangers pour le milieu aquatique et la ressource en eau, ces dispositions méconnaîtraient les articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.
130. Ils reprochent par ailleurs à ces dispositions d’instituer une différence de traitement injustifiée entre les piscicultures et les autres installations soumises au régime d’autorisation ou de déclaration prévu par l’article L. 214-3 du code de l’environnement. Il en résulterait une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi. Enfin, selon eux, ces dispositions méconnaîtraient l’objectif de valeur constitutionnelle de « préservation de l’ordre public ».
131. En application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, les installations, ouvrages, travaux et activités peuvent être soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu’ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques. Par ailleurs, en application de l’article L. 511-2 du même code, les installations susceptibles de présenter des dangers ou des inconvénients notamment pour la santé, la sécurité ou la salubrité publiques, l’agriculture ou la protection de la nature, de l’environnement et des paysages peuvent être soumises à un régime d’autorisation, d’enregistrement ou de déclaration, en fonction d’une nomenclature établie par décret en Conseil d’État.
132. Les dispositions contestées ont pour objet de soustraire l’ensemble des piscicultures au régime d’autorisation ou de déclaration prévu par l’article L. 214-3 du code de l’environnement et de prévoir, pour les seules installations relevant du régime de déclaration prévu par l’article L. 512-8, que cette déclaration « vaut application des articles L. 214-3 à L. 214-6 », quels que soient leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques.
133. Eu égard aux effets des piscicultures sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques, ces dispositions sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement.
134. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu encourager le développement des activités piscicoles en simplifiant les règles qui leur sont applicables, afin de contribuer à l’objectif de souveraineté alimentaire.
135. Toutefois, d’une part, les piscicultures ne relèvent pas nécessairement du régime des installations classées prévu par l’article L. 512-8 du code de l’environnement qui permet à l’autorité administrative d’imposer des prescriptions visant à prévenir certaines atteintes à l’environnement. D’autre part, seul le régime prévu à l’article L. 214-3 du même code a pour objet de prévenir en particulier les atteintes à la ressource en eau et aux écosystèmes aquatiques.
136. Dès lors, en permettant que certaines piscicultures ne soient soumises à aucun régime de protection des atteintes à l’environnement aquatique, le législateur a privé de garanties légales les exigences constitutionnelles découlant des articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement.
137. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, le paragraphe IV de l’article 48 est contraire à la Constitution.
- Sur la place de l’article 49 :
138. L’article 49 complète l’article L. 431-6 du code de l’environnement afin de donner une définition des étangs piscicoles. Il insère un article L. 431-9 dans le même code qui a pour objet de préciser que ces étangs bénéficient d’un soutien spécifique au titre de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et de leur contribution à la souveraineté alimentaire. 
139. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
140. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles de l’article 17 du projet de loi initial qui habilitait le Gouvernement à adapter le régime applicable aux activités aquacoles. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
141. Il en résulte que l’article 49 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur la place de l’article 53 :
142. L’article 53 modifie l’article L. 513-2 du code rural et de la pêche maritime afin de compléter les missions de l’établissement public Chambres d’agriculture France.
143. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
144. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles de l’article 10 du projet de loi initial qui instaurait un réseau dénommé « France services agriculture » pour accompagner l’installation des exploitants et complétait les missions confiées à l’établissement public Chambres d’agriculture France. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
145. Il en résulte que l’article 53 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur l’article 58 :
146. L’article 58 habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance à la mise en cohérence des textes législatifs avec les dispositions de la loi déférée, et à abroger les dispositions devenues sans objet. Cette habilitation est donnée pour une durée de six mois.
147. Les députés requérants soutiennent qu’en adoptant ces dispositions, le législateur n’aurait pas respecté l’exigence de clarté et de précision découlant de l’article 38 de la Constitution.
148. Aux termes du premier alinéa de l’article 38 de la Constitution : « Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Cette disposition fait obligation au Gouvernement d’indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu’il présente, la finalité des mesures qu’il se propose de prendre par voie d’ordonnances ainsi que leur domaine d’intervention. Toutefois, elle n’impose pas au Gouvernement de faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu’il prendra en vertu de cette habilitation.
149. Ainsi qu’il ressort des travaux parlementaires, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a seulement entendu autoriser le Gouvernement à tirer les conséquences, par voie d’ordonnance, des mesures adoptées et assurer ainsi, à droit constant, la coordination des dispositions législatives en vigueur. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 38 de la Constitution doit être écarté.
150. L’article 58, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur la place d’autres dispositions dans la loi déférée :
. En ce qui concerne les dispositions introduites en première lecture :
151. L’article 6 prévoit que l’État se donne pour objectif de porter au Conseil de l’Union européenne une proposition de révision d’un règlement européen relatif à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires.
152. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l’article 1er du projet de loi initial.
153. L’article 30 est relatif aux règles de rémunération des parts sociales d’épargne détenues par les associés coopérateurs.
154. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l’article 1er du projet de loi initial et de son article 8 qui fixait des objectifs en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles.
155. L’article 40 vise à exempter certains défrichements du régime d’autorisation et de compensation prévu par le code forestier. L’article 41 restreint le champ d’application du régime d’autorisation préalable au défrichement prévu par le même code.
156. Introduites en première lecture, les dispositions des articles 40 et 41 ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l’article 15 du projet de loi initial.
157. L’article 46 vise à prévoir que l’étude d’impact de certains ouvrages de production ou de stockage d’électricité et des transformateurs d’antenne-relais de radiotéléphonie mobile comprend un repérage des établissements d’élevage et de leurs installations situées à proximité de ces ouvrages.
158. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec l’article 3 du projet de loi initial relatif à l’enseignement et à la formation professionnelle agricoles.
159. L’article 56 modifie le régime d’imposition des bénéfices agricoles en ce qui concerne la provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et de vaches allaitantes.
160. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles, précitées, de l’article 1er du projet de loi initial.
161. Ces dispositions ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.
162. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
. En ce qui concerne les dispositions introduites après la première lecture :
163. Il ressort de l’économie de l’article 45 de la Constitution et notamment de la première phrase de son premier alinéa, selon laquelle : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique », que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion. Toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle. Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions adoptées en méconnaissance de cette règle de procédure.
164. L’article 55 prévoit la remise d’un rapport au Parlement relatif à la réglementation sur la dispense de travail bénéficiant à un associé d’un groupement agricole d’exploitation en commun dans l’impossibilité de travailler en raison de son état de santé.
165. La modification dont est issue cette disposition a été introduite par la commission mixte paritaire. Cette adjonction n’était pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion. Elle n’était pas non plus destinée à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, ces dispositions lui sont donc contraires.
- Sur les autres dispositions :
166. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture :
- l’avant-dernier alinéa du a du 2° du paragraphe I de l’article 1er ;
- les articles 2, 4, 6 et 30 ;
- le b du 3° de l’article 31 ;
- les articles 33, 35, 39, 40, 41, 42, 43 et 46 ;
- le paragraphe IV de l’article 48 ;
- les articles 55 et 56.
 
Article 2. - Sont conformes à la Constitution :
- le premier alinéa de l’article L. 1 A du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi déférée ;
- le 14° du paragraphe I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi déférée ;
- l’article L. 171-7-3 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’article 32 de la loi déférée ;
- le paragraphe II ter de l’article L. 214‑3 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de l’article 45 de la loi déférée ;
- l’article 58 de la loi déférée.
 
Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 mars 2025, où siégeaient : M. Richard FERRAND, Président, M. Philippe BAS, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, François SÉNERS et Mme Laurence VICHNIEVSKY.
 
Rendu public le 20 mars 2025.
 


Synthèse
Numéro de décision : 2025-876
Date de la décision : 20/03/2025
Loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Références :

DC du 20 mars 2025 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 20 mars 2025 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2025-876 DC du 20 mars 2025
Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2025:2025.876.DC
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award