LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 juillet 2024 d’une requête présentée pour M. Louis MARGUERITTE, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 5e circonscription du département de Saône-et-Loire, par Me Philippe Azouaou, avocat au barreau de Paris, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6367 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- le mémoire en défense présenté pour M. Arnaud SANVERT, député, enregistré le 8 août 2024 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu les parties et leurs conseils ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Aux termes du troisième alinéa de l’article L. 162 du code électoral : « Sous réserve des dispositions de l’article L. 163, nul ne peut être candidat au deuxième tour s’il ne s’est présenté au premier tour et s’il n’a obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits ».
2. À l’issue du premier tour du scrutin, M. Arnaud SANVERT, Mme Fatima KOURICHE, M. Louis MARGUERITTE et M. Gilles PLATRET se sont qualifiés pour le second tour, le nombre de suffrages obtenus par M. PLATRET excédant de quatre voix seulement le seuil de 12,5 % du nombre des électeurs inscrits. M. MARGUERITTE, qui n’a pas présenté sa candidature pour le second tour, soutient que plusieurs irrégularités ont entaché les opérations de vote du premier tour.
3. Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 65 du code électoral : « Les enveloppes contenant les bulletins sont regroupées par paquet de cent. Ces paquets sont introduits dans des enveloppes spécialement réservées à cet effet. Dès l’introduction d’un paquet de cent bulletins, l’enveloppe est cachetée et y sont apposées les signatures du président du bureau de vote et d’au moins deux assesseurs représentant, sauf liste ou candidat unique, des listes ou des candidats différents. / À chaque table, l’un des scrutateurs extrait le bulletin de chaque enveloppe et le passe déplié à un autre scrutateur ; celui-ci le lit à haute voix ; les noms portés sur les bulletins sont relevés par deux scrutateurs au moins sur des listes préparées à cet effet. Si une enveloppe contient plusieurs bulletins, le vote est nul quand les bulletins portent des listes et des noms différents. Les bulletins multiples ne comptent que pour un seul quand ils désignent la même liste, le même binôme de candidats ou le même candidat. Les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. Une enveloppe ne contenant aucun bulletin est assimilée à un bulletin blanc ».
4. Le requérant invoque des discordances entre les mentions portées sur les procès-verbaux de recensement des votes de certains bureaux. Il résulte de l’examen du procès-verbal du bureau de vote n° 4 de la commune de Chalon-sur-Saône que l’addition des voix obtenues par l’ensemble des candidats excède de deux voix la différence entre le nombre de votants et le nombre de bulletins blancs ou nuls recensés, alors qu’il est fait état d’erreurs commises par une table de dépouillement ayant conduit à recenser 102 suffrages exprimés pour un paquet de cent enveloppes. Il résulte, par ailleurs, de l’examen du procès-verbal du bureau de vote n° 1 de la commune de Torcy que l’addition des voix obtenues par l’ensemble des candidats excède de deux voix la différence entre le nombre de votants et le nombre de bulletins blancs ou nuls recensés, alors qu’il est fait état de 102 bulletins trouvés par une table de dépouillement pour 100 enveloppes. Enfin, le nombre de votants et d’émargements recensés au procès-verbal du bureau de vote n° 9 de Chalon-sur-Saône s’établit, selon les pages de ce document, soit à 458 soit à 459, alors que, pour une table de dépouillement, il est fait état de 101 bulletins trouvés pour cent enveloppes. Il y a lieu, par suite, de réduire de cinq voix le nombre de suffrages obtenus par chaque candidat présent au premier tour et le nombre total de suffrages exprimés.
5. La prise en compte des déductions qui doivent être opérées en conséquence des irrégularités constatées conduit à modifier l’identité des candidats qualifiés pour le second tour de scrutin, M. PLATRET ne remplissant pas la condition prévue par l’article L. 162 du code électoral pour s’y présenter. Dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs soulevés par la requête, les résultats du premier tour de scrutin ayant eu des conséquences déterminantes sur le second tour, il y a lieu d’annuler les opérations électorales contestées.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Les opérations électorales qui se sont déroulées dans la 5e circonscription du département de Saône-et-Loire les 30 juin et 7 juillet 2024 sont annulées.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 mars 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 7 mars 2025.