LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 juillet 2024 d’une requête présentée par M. Stéphane MORIN, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 3e circonscription du département de Charente-Maritime, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6364 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- le mémoire en défense, présenté pour M. Fabrice BARUSSEAU, député, par Me Philippe Bluteau, avocat au barreau de Paris, enregistré le 12 septembre 2024 ;
- le mémoire en réplique présenté par M. MORIN, enregistré le 12 octobre 2024 ;
- la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 24 octobre 2024, approuvant après réformation le compte de campagne de M. BARUSSEAU ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
- Sur les griefs relatifs au déroulement de la campagne électorale :
1. En premier lieu, si M. MORIN soutient que des affiches de M. BARUSSEAU, candidat élu, ont été apposées en dehors des emplacements autorisés en violation des dispositions de l’article L. 51 du code électoral, les photographies, non datées, qu’il produit ne permettent pas d’établir que cet affichage irrégulier aurait été massif, prolongé ou répété. Dès lors, cette circonstance ne saurait être regardée comme ayant été de nature à altérer la sincérité du scrutin.
2. En deuxième lieu, le requérant fait état de ce que certaines de ses affiches électorales apposées sur les panneaux qui lui étaient réservés ou d’affichage libre ont fait l’objet de dégradations entre les 5 et 7 juillet 2024. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que de tels faits auraient présenté un caractère systématique ou massif. En outre, le requérant n’établit pas qu’il aurait été dans l’impossibilité de faire remplacer les affiches dégradées. Par suite, de tels agissements ne sauraient être regardés comme ayant eu une incidence sur les résultats du scrutin.
3. En troisième lieu, M. MORIN reproche à M. BARUSSEAU d’avoir republié sur le compte qu’il utilise sur un réseau social, le 6 juillet 2024, pendant la période d’interdiction prévue à l’article L. 49 du code électoral, un message diffusé la veille par une personnalité politique appelant à voter en faveur des candidats de la coalition « Nouveau Front populaire ». À supposer une telle irrégularité établie, ce message ne constitue toutefois pas, à lui seul et compte tenu de sa teneur, une manœuvre de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin.
4. En dernier lieu, le requérant fait valoir que M. BARUSSEAU a bénéficié du soutien d’une association, qui est subventionnée par la communauté d’agglomération « Saintes Grandes Rives » dont il est le vice-président, ainsi que du maire de Saintes qui en est le président, en méconnaissance des articles L. 51 et L. 52-8 du code électoral. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que l’affichage, pendant une courte durée, d’un tract en faveur de M. BARUSSEAU sur la vitrine du local de cette association et la publication, le 2 juillet 2024, sur la page de cette association sur un réseau social d’un message appelant à voter contre le Rassemblement national, accompagné d’une photographie de cette vitrine, auraient eu une audience significative, ni, en tout état de cause, que cette prise de position serait constitutive d’une manœuvre ou d’une pression de nature à avoir modifié les résultats du scrutin. Il en va de même de la manifestation publique du soutien personnel du maire de Saintes en faveur de la candidature de M. BARUSSEAU. Ces faits ne constituent pas davantage une aide présentant le caractère d’un concours en nature d’une personne morale prohibé par l’article L. 52-8 du code électoral.
- Sur les griefs relatifs aux opérations de vote et de dépouillement :
5. En premier lieu, si M. MORIN fait état de deux incidents survenus dans les communes des Gonds et de Taillebourg, il résulte de l’instruction que ces faits, consignés dans le procès-verbal des deux bureaux de vote concernés, pour regrettables qu’ils soient, sont restés isolés et n’ont pas empêché, eu égard à leur nature et à leur durée, le déroulement régulier des opérations de vote et de dépouillement. Par suite, ils n’ont pas eu pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin.
6. En deuxième lieu, le requérant invoque des erreurs dans le décompte des bulletins blancs ou nuls dans les bureaux de vote de douze communes. Toutefois, à supposer ces erreurs établies, elles ne portent que sur trente-sept suffrages et ne sauraient, en tout état de cause, être de nature à modifier les résultats du scrutin, compte tenu de l’écart de voix entre les deux candidats au second tour de scrutin.
7. En troisième lieu, le requérant conteste l’utilisation dans deux bureaux de vote d’enveloppes de nuances différentes et ne comportant pas de tampon de la mairie. Si l’article L. 60 du code électoral prévoit que les enveloppes utilisées pour le vote sont obligatoirement d’une couleur différente de celle de la précédente consultation générale, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu’il soit recouru à des enveloppes d’une même couleur, en l’espèce bleue, présentant des nuances différentes. Par ailleurs, en l’absence de recours à d’autres types d’enveloppes, il ne saurait être reproché aux enveloppes réglementaires mises à la disposition des électeurs dans les bureaux des communes de Brizambourg et de Sainte-Même de ne pas avoir été frappées du timbre de la mairie. Enfin, l’utilisation dans le bureau de vote de cette dernière commune, lors des opérations de dépouillement, d’enveloppes de grand format de couleur « beige-kraft » regroupant les bulletins nuls et blancs est sans incidence sur la sincérité du scrutin.
8. En dernier lieu, le requérant soutient que, en violation de l’article L. 62-1 du code électoral, plusieurs signatures figurant sur les listes d’émargement des bureaux de vote des communes de Voissay, de Saintes et de Saint-Jean-d’Angély, présenteraient des différences significatives entre les deux tours de scrutin et qu’en outre, dans ce dernier bureau de vote, les signatures de deux électeurs présenteraient des similitudes manifestes.
9. Il résulte toutefois de l’instruction, et notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote concernés, que, selon les cas, les différences de signatures alléguées, ou bien ne sont pas probantes, ou bien correspondent soit à l’apposition d’un paraphe ou d’une signature abrégée à la place de la signature de l’électeur, soit, dans un cas, à un vote par procuration. Par ailleurs, l’existence de similitudes entre les signatures d’électeurs différents sur les listes d’émargement du bureau de vote de la commune de Saint-Jean-d’Angély n’est pas établie.
- Sur les autres griefs :
10. Si M. MORIN se plaint, d’une part, d’avoir été empêché, le 8 juillet 2024, d’assister aux travaux de la commission de recensement général des votes prévue à l’article L. 175 du code électoral, ce grief n’est pas assorti de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé.
11. S’il fait état, d’autre part, de difficultés rencontrées pour accéder aux listes d’émargement et procès-verbaux des opérations de vote, il résulte de l’instruction qu’il a demandé à consulter ces documents le 8 juillet 2024 et qu’il a pu les consulter dès le 10 juillet suivant, dans le délai prévu au troisième alinéa de l’article L. 68 du code électoral. Dans ces conditions, le grief doit, en tout état de cause, être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. MORIN doit être rejetée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - La requête de M. Stéphane MORIN est rejetée.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 mars 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 7 mars 2025.