LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 juillet 2024 d’une requête présentée pour M. William MARTINET, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 11e circonscription du département des Yvelines, par Me Joris Caunes, avocat au barreau de Paris, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6336 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les mémoires en défense présentés pour M. Laurent MAZAURY, député, par Me Didier Girard, avocat au barreau de Paris, enregistrés les 15 septembre et 22 octobre 2024 ;
- le mémoire en réplique présenté pour M. MARTINET par Me Caunes, enregistré le 4 octobre 2024 ;
- la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 28 octobre 2024 approuvant après sa réformation le compte de campagne de M. MAZAURY ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
- Sur les griefs relatifs au déroulement de la campagne électorale :
1. En premier lieu, aux termes de la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».
2. M. MARTINET reproche à M. MAZAURY, candidat élu, d’avoir bénéficié de concours ou d’avantages en nature de la part de la commune d’Élancourt, en méconnaissance de ces dispositions. Toutefois, il résulte de l’instruction que si des électeurs de cette commune ont reçu, les 4 et 5 juillet 2024, au moyen d’un automate d’appel, un message vocal du maire d’Élancourt en faveur de la candidature de M. MAZAURY, ce dernier, qui a eu recours à un prestataire de service pour la diffusion de ce message, a retracé la dépense correspondante dans son compte de campagne. Dans ces conditions, cette opération de communication ne peut être regardée comme un don d’une personne morale au sens de l’article L. 52-8 du code électoral, ni comme ayant eu pour objet ou pour effet d’exercer une pression sur les électeurs de cette commune. Ces circonstances n’ont pas non plus été de nature à porter atteinte à l’égalité entre les candidats.
3. En deuxième lieu, M. MARTINET fait grief au maire du Mesnil-Saint-Denis d’avoir publié sur le site internet de cette commune, le 2 juillet 2024, un message de soutien en faveur de M. MAZAURY en vue du second tour. Il résulte toutefois de l’instruction que ce message se bornait à rappeler les résultats obtenus par les candidats à l’issue du premier tour de scrutin ainsi que le soutien apporté par l’ensemble des maires de la circonscription au candidat se présentant sous l’étiquette « Union des démocrates et des indépendants », à l’exception du suppléant de M. MARTINET, et concluait en indiquant que « la campagne continue ». Ainsi, pour regrettable qu’elle soit, la diffusion de ce message ne peut, dans les circonstances de l’espèce, être regardée comme une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.
4. En dernier lieu, si le requérant fait valoir que le maire de Bois-d’Arcy, soutien de M. MAZAURY, a publié un message de propagande électorale le 29 juin 2024, en méconnaissance de l’article L. 49 du code électoral, ce grief, dirigé contre les opérations électorales du premier tour de scrutin, est inopérant dès lors que cette irrégularité, à la supposer établie, n’a pas été de nature à modifier l’ordre de préférence exprimé par les électeurs et, par voie de conséquence, les conditions de déroulement du second tour.
- Sur les griefs relatifs aux opérations de vote :
5. Aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même" ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement.
6. Le requérant soutient qu’en violation de ces dispositions, cent cinquante-deux signatures figurant sur les listes d’émargement de plusieurs bureaux de vote présentent des différences significatives entre les deux tours de scrutin.
7. Il résulte toutefois de l’instruction, et notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote concernés, que, dans la plupart des cas, les différences de signatures alléguées, ou bien ne sont pas probantes, ou bien correspondent, soit à l’apposition d’un paraphe ou d’une signature abrégée à la place de la signature de l’électeur, soit à un vote par procuration, soit, dans un cas, à la circonstance que l’électrice a utilisé tour à tour son nom patronymique et son nom d’usage. En revanche, vingt-cinq signatures comportent des différences significatives entre les deux tours de scrutin qui ne sont pas justifiées. Les votes correspondants doivent, par suite, être regardés comme irrégulièrement exprimés.
8. Il y a ainsi lieu de déduire vingt-cinq voix tant du nombre de suffrages obtenus au second tour par M. MAZAURY que du nombre total de suffrages exprimés. L’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s’établit ainsi à cent-quinze voix. Cette rectification n’est donc pas de nature à affecter le résultat de l’élection.
9. Par ailleurs, si, contrairement aux dispositions de l’article L. 62 du code électoral, une électrice a été accompagnée dans l’isoloir dans le bureau de vote n° 1 de la commune de La Verrière, il n’est ni établi, ni même allégué, que cette personne ait fait l’objet d’une quelconque pression ou contrainte. En tout état de cause, ce fait, pour regrettable qu’il soit, n’a pas eu en l’espèce, compte tenu de l’écart des voix séparant les deux candidats au second tour de l’élection, d’incidence sur le résultat du scrutin.
10. Enfin, si le requérant invoque de « possibles irrégularités » ayant eu lieu dans le bureau de vote n° 7 de la commune de Trappes, il se borne à produire à l’appui de cette allégation une attestation d’un assesseur qui, insuffisamment précise et circonstanciée, n’est pas, à elle-seule, de nature à établir l’existence d’irrégularités ayant pu exercer une influence sur les résultats du scrutin. Au demeurant, il résulte de l’instruction qu’aucune observation ou réclamation n’a été portée en ce sens au procès-verbal de ce bureau de vote.
11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir opposées par M. MAZAURY ni de procéder à l’audition demandée par ce dernier, que la requête de M. MARTINET doit être rejetée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - La requête de M. William MARTINET est rejetée.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 mars 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 7 mars 2025.