LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 juillet 2024 d’une requête présentée par Mme Mathilde PARIS, candidate à l’élection qui s’est déroulée dans la 3e circonscription du département du Loiret, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6335 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les mémoires en défense présentés pour Mme Constance de PELICHY, députée, par Me Philippe Gras, avocat au barreau de Paris, enregistrés les 11 septembre et 13 novembre 2024 ;
- les mémoires en réplique présentés par Mme PARIS, enregistrés les 11 octobre et 28 novembre 2024 ;
- les observations du ministre de l’intérieur et des outre-mer, enregistrées le 21 novembre 2024 ;
- la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 28 octobre 2024 approuvant, après réformation, le compte de campagne de Mme de PELICHY ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. À l’issue du second tour des opérations électorales qui se sont déroulées les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député dans la 3e circonscription du Loiret, Mme Constance de PELICHY l’a emporté avec 51,11 % des suffrages exprimés (23 863 voix) et 1 036 voix d’avance sur son adversaire, Mme Mathilde PARIS.
- Sur les griefs relatifs aux opérations de vote :
2. En premier lieu, il résulte de l’instruction que les listes d’émargement des trois bureaux de vote de la commune de Jargeau n’ont pas été retrouvées et n’ont ainsi pas pu être produites à l’appui des résultats de ces bureaux de vote. L’absence de ces listes constitue une irrégularité qui fait obstacle au contrôle par le Conseil constitutionnel de la sincérité des opérations électorales dans les bureaux de vote concernés. Il y a lieu de considérer comme nuls les suffrages émis dans ces bureaux de vote et de les retrancher du nombre de voix obtenus par les candidats. Cette rectification est sans incidence sur le classement des trois candidats arrivés en tête au premier tour. À l’issue du second tour de scrutin, déduction faite des 1 266 suffrages attribués à Mme de PELICHY et des 829 suffrages attribués à Mme PARIS dans cette commune, Mme de PELICHY conserve 599 voix d’avance sur Mme PARIS.
3. En second lieu, si la requérante se prévaut d’irrégularités entachant les listes d’émargement de plusieurs communes, ce grief, invoqué pour la première fois dans un mémoire en réplique enregistré postérieurement à l’expiration du délai de dix jours prévu à l’article 33 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, est irrecevable.
- Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :
4. En premier lieu, si Mme PARIS dénonce la diffusion dans plusieurs communes d’un tract, entre les deux tours de scrutin, relatif à sa position sur le sujet de l’interruption volontaire de grossesse, le contenu de ce tract n’excédait pas les limites de la polémique électorale ni n’apportait d’élément nouveau auquel Mme PARIS n’aurait pas eu le temps de répondre avant le second tour de scrutin. Dès lors, la diffusion contestée n’a pas été de nature à altérer le résultat de l’élection.
5. En deuxième lieu, Mme PARIS critique la diffusion d’un tract qualifiant l’extrême droite de raciste et invitant les électeurs souhaitant voter par procuration à scanner un « QR code » qui, selon une attestation figurant au dossier, dirigeait l’électeur vers le site internet de l’association « Action populaire ». Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que Mme de PELICHY serait à l’origine de ce tract et l’ampleur de sa diffusion, qui n’est alléguée que pour une commune, n’est pas établie. Par suite, la diffusion de ce tract, pour regrettable qu’elle soit, ne peut être regardée comme ayant altéré la sincérité du scrutin. Par ailleurs, il n’est pas démontré, en l’espèce, que la diffusion de ce tract aurait constitué une participation de l’association « Action populaire » à la campagne électorale de Mme de PELICHY, en méconnaissance de l’article L. 52-8 du code électoral.
6. En troisième lieu, si certaines affiches officielles de Mme PARIS ont été dégradées, notamment par des inscriptions excédant les limites de la polémique électorale, ni l’origine ni la durée ou l’ampleur de ces irrégularités ne sont établies. Par suite, elles ne peuvent, au regard de l’écart de voix entre les deux adversaires au second tour, être regardées comme ayant altéré la sincérité du scrutin.
7. En quatrième lieu, si la requérante soutient que le maire de la commune de Saint-Gondon, remplaçant de Mme de PELICHY, aurait, le jour du second tour du scrutin, mené des actions de nature à influencer les électeurs à l’extérieur du bureau de vote qu’il présidait, il ne résulte pas de l’instruction que tel aurait été le cas et le procès-verbal du bureau de vote ne comporte aucune observation à ce sujet.
8. En dernier lieu, aux termes de la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».
9. La publication le 24 juin 2024 sur le compte officiel de la commune de Saint-Gondon sur un réseau social, à l’occasion d’un repas de l’équipe municipale, d’un message remerciant la candidate élue de sa présence, accompagné de photos sur lesquelles elle figure, doit être regardée, dans les circonstances de l’espèce, comme ayant une finalité électorale. Si elle méconnaît, par suite, les dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral, elle ne peut être regardée, en l’absence de précision sur l’ampleur de sa diffusion et au regard de l’écart de voix entre les deux adversaires au second tour, comme ayant exercé une influence déterminante sur le résultat du scrutin.
10. Si la requérante se prévaut également de l’irrégularité, au regard de l’article L. 52-8 du code électoral, d’un courrier du maire d’une commune invitant à voter pour Mme de PELICHY, ce grief, invoqué pour la première fois dans un mémoire en réplique enregistré postérieurement à l’expiration du délai de dix jours prévu à l’article 33 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, est irrecevable.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme PARIS doit être rejetée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - La requête de Mme Mathilde PARIS est rejetée.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 mars 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 7 mars 2025.