LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 juillet 2024 d’une requête présentée pour M. Didier PARIS, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 5e circonscription du département de la Côte-d’Or, par Me Philippe Azouaou, avocat au barreau de Paris, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6334 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- le mémoire en défense présenté pour M. René LIORET, député, par Me Emmanuel Touraille, avocat au barreau de Dijon, enregistré le 13 septembre 2024 ;
- les observations du ministre de l’intérieur et des outre-mer, enregistrées le 16 septembre 2024 ;
- le mémoire en réplique présenté pour M. PARIS par Me Azouaou, enregistré le 11 octobre 2024 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu les parties et leurs conseils ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. À l’issue du second tour des opérations électorales qui se sont déroulées les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député dans la 5e circonscription de la Côte-d’Or, M. René LIORET l’a emporté avec 50,04 % des suffrages exprimés (28 677 voix) et 44 voix d’avance sur son adversaire, M. Didier PARIS.
- Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :
2. En premier lieu, si des affiches en faveur du candidat élu ont pu être apposées en dehors des emplacements réglementaires, d’une part, de telles irrégularités ont également concerné son adversaire, d’autre part, il n’est établi ni que le candidat élu serait à l’origine de ce comportement, ni que cet affichage ait revêtu un caractère massif de nature à modifier le résultat de l’élection.
3. En second lieu, le requérant dénonce la diffusion, sur le site internet du Journal du dimanche, dans la soirée du vendredi 5 juillet 2024, d’une information inexacte selon laquelle le Gouvernement s’apprêtait à « suspendre les éléments les plus répressifs de la loi immigration » et qui a été relayée par certains médias audiovisuels ainsi que par des personnalités politiques sur les pages de leurs réseaux sociaux.
4. Il résulte toutefois de l’instruction que cette information a été immédiatement démentie par le Gouvernement, ce qui a amené le Journal du dimanche à corriger, dans la nuit du 5 au 6 juillet, la publication litigieuse sur son site internet. Par ailleurs, il n’est pas établi, ni même allégué, que l’un des candidats à l’élection dans la 5e circonscription de la Côte-d’Or aurait relayé cette information, ni que celle-ci aurait rencontré un écho particulier dans cette circonscription.
5. Dans ces conditions, pour regrettable qu’elle soit, une telle publication, qui n’a pas méconnu les articles L. 47 A, L. 48-2 et L. 49 du code électoral, ne peut être regardée, en l’espèce, comme ayant altéré la sincérité du scrutin.
- Sur les griefs relatifs aux opérations de vote :
6. En premier lieu, le requérant soutient que le candidat élu aurait, le jour du second tour du scrutin, fait campagne aux abords de bureaux de vote et discuté avec des électeurs à l’intérieur de ceux-ci en méconnaissance des articles L. 47 A et R. 48 du code électoral. Si la présence du candidat élu à proximité et au sein de bureaux de vote est attestée par plusieurs témoignages, ni les attestations contradictoires produites par les parties ni aucun autre élément ne permettent cependant d’établir la réalité du comportement dénoncé et les procès-verbaux des opérations de vote de ces bureaux ne comportent par ailleurs aucune observation à ce sujet. Dès lors, il n’est pas démontré que les faits allégués aient été de nature à influer sur les résultats du scrutin.
7. En deuxième lieu, si le requérant soutient que le président d’un bureau de vote se serait soustrait au contrôle des assesseurs lors du décompte des bulletins nuls et blancs, il n’est pas établi que l’assesseur en cause aurait été empêché de suivre les opérations de dépouillement ou qu’une atteinte aurait été alors portée à la véracité des mentions du procès-verbal de dépouillement. En particulier, aucune réclamation à ce sujet n’a été portée sur le procès-verbal et les documents joints à ce procès-verbal correspondent à la description qui en est faite. Dans ces conditions, la circonstance que certains bulletins blancs ou nuls annexés au procès-verbal n’auraient pas été paraphés par tous les membres du bureau de vote n’est pas de nature à établir l’existence d’une irrégularité et le décompte des bulletins blancs et nuls ne peut être remis en cause.
8. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même" ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement.
9. D’une part, si un électeur a apposé au second tour de scrutin une simple croix sur la liste d’émargement, il résulte d’une attestation du maire de la commune que cet électeur, qui était blessé au bras, a bien voté en personne.
10. D’autre part, si, dans une autre commune, certains électeurs ont émargé au premier tour dans la colonne correspondant au second tour, les émargements du premier tour ont été, suivant une mention expresse portée sur la liste d’émargement, identifiés par un surlignement jaune et le nombre des émargements pour le premier tour comme pour le second tour, tel qu’il résulte de la liste d’émargement, correspond au nombre, mentionné au procès-verbal, des enveloppes trouvées dans l’urne. Par suite, il ne résulte pas de l’instruction que les erreurs commises lors des émargements du premier tour, pour regrettables qu’elles soient, aient fait obstacle au recensement des votes à chacun des tours de scrutin.
11. Enfin, le requérant soutient que cinquante-cinq suffrages auraient été irrégulièrement exprimés au second tour au motif que les signatures sur les listes d’émargement présenteraient des différences entre les premier et second tours pour un même électeur ou que les signatures d’électeurs différents seraient identiques.
12. Il résulte toutefois de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement, que, dans la plupart des cas, les différences ou ressemblances alléguées ne sont pas probantes ou correspondent, soit à l’apposition d’un paraphe à la place de la signature de l’électeur, soit à un vote par procuration, soit à la circonstance que l’électrice a utilisé tour à tour son nom de famille et son nom d’usage. En revanche, onze votes, correspondant à des différences de signature significatives, doivent être regardés comme irrégulièrement exprimés.
13. En dernier lieu, il résulte de l’instruction qu’une procuration a été acheminée tardivement et distribuée après le scrutin du 7 juillet 2024, ce qui a indûment privé un électeur d’exprimer son suffrage.
14. Dès lors, il y a lieu de déduire onze voix tant du nombre de suffrages obtenus par M. LIORET que du nombre total de suffrages exprimés et d’ajouter une voix au nombre de suffrages exprimés en faveur de M. PARIS. L’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s’établit ainsi à trente-deux.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. PARIS doit être rejetée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - La requête de M. Didier PARIS est rejetée.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 mars 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 7 mars 2025.