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13/02/2025 | FRANCE | N°2025-874

France | France, Conseil constitutionnel, 13 février 2025, 2025-874


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi de finances pour 2025, sous le n° 2025-874 DC, le 6 février 2025, par Mme Marine LE PEN, MM. Alexandre ALLEGRET-PILOT, Franck ALLISIO, Charles ALLONCLE, Maxime AMBLARD, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Philippe BALLARD, Mme Anchya BAMANA, MM. Christophe BARTHÈS, Christophe BENTZ, Théo BERNHARDT, Mme Sophie BLANC, MM. Matthieu BLOCH, Frédéric BOCCALETTI, Mme Pascale BORDES, M. Anthony BOULOGNE, Mme Manon BOUQUIN, MM. Jorys BOVET, Jérôme BUIS

SON, Bernard CHAIX, Marc CHAVENT, Sébastien CHENU, Roger CHUDEAU, Éric CIOTTI...

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi de finances pour 2025, sous le n° 2025-874 DC, le 6 février 2025, par Mme Marine LE PEN, MM. Alexandre ALLEGRET-PILOT, Franck ALLISIO, Charles ALLONCLE, Maxime AMBLARD, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Philippe BALLARD, Mme Anchya BAMANA, MM. Christophe BARTHÈS, Christophe BENTZ, Théo BERNHARDT, Mme Sophie BLANC, MM. Matthieu BLOCH, Frédéric BOCCALETTI, Mme Pascale BORDES, M. Anthony BOULOGNE, Mme Manon BOUQUIN, MM. Jorys BOVET, Jérôme BUISSON, Bernard CHAIX, Marc CHAVENT, Sébastien CHENU, Roger CHUDEAU, Éric CIOTTI, Mmes Caroline COLOMBIER, Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, MM. Marc de FLEURIAN, Hervé de LÉPINAU, Mmes Sandra DELANNOY, Sandrine DOGOR-SUCH, MM. Nicolas DRAGON, Alexandre DUFOSSET, Gaëtan DUSSAUSAYE, Aurélien DUTREMBLE, Auguste ÉVRARD, Frédéric FALCON, Olivier FAYSSAT, Guillaume FLORQUIN, Emmanuel FOUQUART, Thierry FRAPPÉ, Julien GABARRON, Mme Stéphanie GALZY, MM. Jonathan GÉRY, Yoann GILLET, Christian GIRARD, Antoine GOLLIOT, José GONZALEZ, Mmes Florence GOULET, Géraldine GRANGIER, Monique GRISETI, MM. Julien GUIBERT, Jordan GUITTON, Mme Marine HAMELET, MM. Sébastien HUMBERT, Jean-Philippe TANGUY, Alexis JOLLY, Mmes Tiffany JONCOUR, Sylvie JOSSERAND, M. Robert LE BOURGEOIS, Mmes Julie LECHANTEUX, Nadine LECHON, Gisèle LELOUIS, MM. Bartolomé LENOIR, Julien LIMONGI, René LIORET, Mmes Christine LOIR, Marie-France LORHO, MM. Philippe LOTTIAUX, David MAGNIER, Mme Claire MARAIS-BEUIL, MM. Pascal MARKOWSKY, Patrice MARTIN, Mmes Michèle MARTINEZ, Alexandra MASSON, MM. Bryan MASSON, Kévin MAUVIEUX, Nicolas MEIZONNET, Mmes Joëlle MÉLIN, MM. Thomas MÉNAGÉ, Maxime MICHELET, Thibaut MONNIER, Serge MULLER, Julien ODOUL, Thierry PEREZ, Mmes Lisette POLLET, Angélique RANC, MM. Julien RANCOULE, Matthias RENAULT, Mmes Catherine RIMBERT, Laurence ROBERT-DEHAULT, Béatrice ROULLAUD, Sophie-Laurence ROY, Anaïs SABATINI, MM. Alexandre SABATOU, Émeric SALMON, Arnaud SANVERT, Philippe SCHRECK, Mme Anne SICARD, MM. Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Michaël TAVERNE, Thierry TESSON, Lionel TIVOLI, Mme Sophie RICOURT VAGINAY, MM. Gérault VERNY, Antoine VILLEDIEU, Frédéric WEBER et Frédéric-Pierre VOS, députés.
Il a également été saisi, le 7 février 2025, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, MM. Rodrigo ARENAS, Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Pierre-Yves CADALEN, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Jean-François COULOMME, Sébastien DELOGU, Aly DIOUARA, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Zahia HAMDANE, Mathilde HIGNET, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Abdelkader LAHMAR, Maxime LAISNEY, Aurélien LE COQ, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Claire LEJEUNE, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Marie MESMEUR, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Sandrine NOSBÉ, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Jean-Hugues RATENON, Arnaud SAINT-MARTIN, Aurélien SAINTOUL, Mmes Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ et M. Paul VANNIER, députés.

Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
- la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l’énergie ;
- le code des impositions sur les biens et services ;
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 ;
- la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ;
- la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 ;
- la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 ;
- la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 ;
- le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;
Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 10 février 2025 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2025. Les députés auteurs de la première saisine contestent la procédure d’adoption et la place en loi de finances de ses articles 17 et 177, la procédure d’adoption de son article 18, ainsi que la conformité à la Constitution de certaines dispositions de ses articles 17 et 27. Les députés auteurs de la seconde saisine critiquent la procédure d’adoption de la loi déférée et contestent la conformité à la Constitution de ses articles 46, 109 et 135, ainsi que de certaines dispositions de ses articles 9, 32, 106 et 186. Ils contestent également la place en loi de finances de ses articles 103 et 152.
- Sur la procédure d’adoption de la loi :
2. Les députés auteurs de la seconde saisine font valoir que la procédure d’adoption de la loi de finances pour 2025 aurait été entachée de plusieurs irrégularités. Ils reprochent, à ce titre, au Gouvernement d’avoir méconnu les délais impartis pour la présentation du rapport prévu par le paragraphe I de l’article 48 de la loi organique du 1er août 2001 mentionnée ci-dessus et pour le dépôt du projet de loi de finances de l’année. Ils font également valoir que le Gouvernement aurait refusé de communiquer certains documents budgétaires au président et au rapporteur général de la commission chargée des finances de l’Assemblée nationale, en méconnaissance de l’article 57 de la même loi organique.
3. Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale ». Aux termes du premier alinéa de l’article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ». Ces dispositions imposent le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
4. En premier lieu, d’une part, en application du paragraphe I de l’article 48 de la loi organique du 1er août 2001, le Gouvernement doit, en vue de l’examen et du vote du projet de loi de finances de l’année suivante par le Parlement, présenter avant le 15 juillet un rapport indiquant notamment les plafonds de crédits envisagés pour l’année à venir pour chaque mission du budget général et les prévisions relatives à l’évolution de la dépense des administrations publiques. L’objet de ces dispositions est de prévoir les conditions dans lesquelles les membres du Parlement sont informés de l’exécution des lois de finances, de la gestion des finances publiques et des prévisions de ressources et de charges de l’État avant d’examiner les projets de loi de finances.
5. D’autre part, le premier alinéa de l’article 39 de la loi organique du 1er août 2001 prévoit que le dépôt du projet de loi de finances de l’année doit intervenir au plus tard le premier mardi d’octobre de l’année qui précède celle de l’exécution du budget. Ce délai a pour objet d’assurer l’information du Parlement en temps utile pour qu’il se prononce en connaissance de cause sur le projet de loi de finances soumis à son approbation.
6. Une éventuelle méconnaissance de ces dispositions ne saurait faire obstacle à l’examen du projet concerné. La conformité de la loi de finances à la Constitution doit alors être appréciée au regard tant des exigences de continuité de la vie nationale que de l’impératif de sincérité qui s’attache à l’examen des lois de finances pendant toute la durée de celui-ci.
7. S’il ressort des travaux préparatoires que le rapport mentionné au paragraphe I de l’article 48 de la loi organique du 1er août 2001 et le projet de loi de finances n’ont pas été transmis au Parlement dans les délais requis, il n’en est pas résulté, compte tenu des circonstances exceptionnelles ayant conduit à la formation tardive du Gouvernement, de la date de dépôt effective du projet de loi de finances et de ses conditions d’examen, d’atteinte substantielle aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
8. En second lieu, en application des deux premiers alinéas de l’article 57 de la loi organique du 1er août 2001, le président et le rapporteur des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances peuvent, dans le cadre du suivi et du contrôle de l’exécution des lois de finances, procéder à des investigations sur pièces et sur place, et demander que leur soit fourni, sous certaines réserves, tout renseignement ou document d’ordre financier et administratif. Ces dispositions visent à mettre en œuvre, conformément au premier alinéa de l’article 47 de la Constitution, les procédures d’information et de contrôle sur la gestion des finances publiques nécessaires à un vote éclairé du Parlement sur les projets de lois de finances.
9. Si les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent que certains documents n’auraient pas été fournis au président et au rapporteur général de la commission chargée des finances de l’Assemblée nationale malgré leurs demandes, ils n’établissent pas que, pour très regrettable qu’elle ait été, cette circonstance aurait porté une atteinte substantielle aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
10. Il résulte de ce qui précède que les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire n’ont pas été méconnues. Par conséquent, la loi de finances a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 9 :
11. Le paragraphe I de l’article 9 modifie l’article 30 de la loi du 29 décembre 2023 mentionnée ci-dessus afin d’étendre le champ de la réduction d’impôt sur le revenu prévue en faveur de la conservation et de la restauration du patrimoine immobilier religieux appartenant à certaines personnes publiques.
12. Les députés auteurs de la seconde saisine reprochent à ces dispositions de subventionner les activités cultuelles et de promouvoir le fait religieux, en méconnaissance du principe de laïcité.
13. Aux termes de l’article 10 de la Déclaration de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Aux termes des trois premières phrases du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Il résulte du principe de laïcité, qui découle de ces dispositions, la neutralité de l’État. Il en résulte également que la République ne reconnaît aucun culte. Le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes.
14. En application de l’article 30 de la loi du 29 décembre 2023, les dons et versements, effectués entre le 15 septembre 2023 et le 31 décembre 2025, au profit de la Fondation du patrimoine ouvrent droit, dans certaines conditions, à la réduction d’impôt prévue au 1 de l’article 200 du code général des impôts à un taux majoré.
15. Les dispositions contestées étendent le bénéfice de cette réduction d’impôt aux dons et versements effectués au profit d’autres fondations et pour certaines finalités.
16. D’une part, il résulte des termes mêmes de ces dispositions que ne peuvent donner lieu à réduction d’impôt que les dons et versements effectués au profit de fondations reconnues d’utilité publique dont les statuts prévoient qu’elles remplissent une mission d’intérêt général de sauvegarde du patrimoine, en vue de contribuer au financement d’études et de travaux pour la conservation et la restauration du patrimoine immobilier religieux. D’autre part, les sommes issues de ces dons et versements ne peuvent financer que des études et travaux portant sur des édifices appartenant à une personne publique.
17. Ainsi, les dispositions contestées, qui visent au bon entretien d’un patrimoine public, n’ont ni pour objet ni pour effet de subventionner certains cultes ou de promouvoir le fait religieux.
18. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe de laïcité ne peut qu’être écarté.
19. Par conséquent, les mots « des fondations reconnues d’utilité publique dont les statuts prévoient qu’elles remplissent une mission » et les mots « pour contribuer au financement d’études et de travaux pour » figurant au premier alinéa de l’article 30 de la loi du 29 décembre 2023, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur l’article 17 :
20. L’article 17 modifie plusieurs dispositions du code des impositions sur les biens et services, du livre des procédures fiscales et du code de l’énergie afin notamment d’instaurer une taxe assise sur certains revenus de l’exploitation des centrales électronucléaires historiques et d’en prévoir les modalités de reversement au consommateur final d’électricité.
21. Les députés auteurs de la première saisine soutiennent que ces dispositions auraient été adoptées au terme d’une procédure contraire aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, faute d’avoir fait l’objet d’une étude d’impact conforme aux exigences de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 mentionnée ci-dessus. Leur entrée en vigueur n’étant fixée qu’à compter du 1er janvier 2026, ces dispositions méconnaîtraient, en outre, le principe d’annualité budgétaire. Ils estiment, par ailleurs, que les dispositions de cet article relatives à la régulation et à la fixation des prix et tarifs d’électricité n’auraient pas leur place en loi de finances. Enfin, ils font valoir que les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 336-11 du code de l’énergie, qui renverraient au pouvoir réglementaire la détermination de certains éléments de l’assiette d’une taxe, seraient entachées d’incompétence négative.
. En ce qui concerne la procédure d’adoption de l’article 17 et sa place en loi de finances :
22. En premier lieu, il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions adoptées en méconnaissance de la règle de procédure relative au contenu des lois de finances, résultant des articles 34 et 47 de la Constitution et de la loi organique du 1er août 2001. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
23. Selon le 2° du paragraphe I de l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001, dans la première partie, la loi de finances de l’année « Comporte les dispositions relatives aux ressources de l’État ».
24. Le paragraphe II de l’article 17 précise les missions et prérogatives attribuées à la Commission de régulation de l’énergie dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle taxe sur l’utilisation de combustible nucléaire pour la production d’électricité. Le B de son paragraphe III prévoit que la compensation pour les fournisseurs d’électricité de la minoration tarifaire dont bénéficient les consommateurs est déterminée par référence au produit de la taxe.
25. Ces dispositions, qui portent sur la répartition de cette ressource et son contrôle, constituent, avec celles du paragraphe I instituant la taxe et celles du A du paragraphe III précisant son assiette, qui sont relatives aux ressources de l’État, les éléments indivisibles d’un dispositif d’ensemble. Elles en sont, dès lors, inséparables et doivent être regardées comme ayant leur place en loi de finances.
26. En deuxième lieu, en application du 2° du paragraphe I de l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001, la première partie de la loi de finances peut comporter des dispositions relatives aux ressources de l’État, y compris lorsqu’elles n’affectent pas l’équilibre budgétaire. Le paragraphe IV de l’article 17 de la loi déférée, qui prévoit notamment que les dispositions contestées entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2026, ne méconnaît ni ces exigences organiques ni le principe de l’annualité de la loi de finances, qui découle de l’article 47 de la Constitution.
27. En dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 : « Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact ». Aux termes de son article 11 : « L’article 8 n’est pas applicable … aux projets de loi de finances ». Par suite, le grief tiré de la méconnaissance des exigences organiques relatives aux études d’impact ne peut qu’être écarté. Au demeurant, l’article déféré a fait l’objet d’une évaluation préalable suffisante en application du 8° de l’article 51 de la loi organique du 1er août 2001.
28. Par conséquent, l’article 17, dont les conditions d’adoption n’ont pas méconnu les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l’article 17 :
29. Selon l’article 34 de la Constitution, « La loi fixe les règles concernant ... l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». Il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34.
30. En application des articles L. 336-6 à L. 336-10 du code de l’énergie, les revenus pris en compte dans l’assiette de la nouvelle taxe sur l’utilisation de combustible nucléaire pour la production d’électricité sont les revenus d’exploitation des centrales électronucléaires historiques imputés à l’utilisation de combustible nucléaire et se rapportant à certaines transactions relatives à l’électricité. L’article L. 336-11 du même code prévoit que ces dispositions ne sont pas applicables aux transactions en temps réel ou quasi réel.
31. Les dispositions contestées se bornent à renvoyer au pouvoir réglementaire la détermination des catégories de produits relevant des transactions en temps réel ou quasi réel, parmi ceux pour lesquels l’injection dans le système électrique intervient au plus tard à la fin du mois calendaire suivant la transaction. Dès lors, le législateur n’a pas méconnu la compétence que lui confie l’article 34 de la Constitution.
32. Par conséquent, le dernier alinéa de l’article L. 336-11 du code de l’énergie, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur la procédure d’adoption de l’article 18 :
33. L’article 18 modifie le régime de taxation applicable à certaines installations nucléaires de base.
34. Les députés auteurs de la première saisine soutiennent que ces dispositions auraient été adoptées au terme d’une procédure contraire aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, faute d’avoir fait l’objet d’une étude d’impact conforme aux exigences de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009.
35. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au paragraphe 27, ce grief ne peut qu’être écarté.
36. Par conséquent, l’article 18, dont les conditions d’adoption n’ont pas méconnu les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 27 :
37. Le 1° du paragraphe I de l’article 27 modifie l’article L. 421-62 du code des impositions sur les biens et services relatif aux barèmes de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone des véhicules de tourisme.
38. Les députés auteurs de la première saisine reprochent à ces dispositions d’abaisser le seuil d’assujettissement à la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone des véhicules de tourisme et d’en augmenter le tarif maximum.  Selon eux, en soumettant la plupart des véhicules de tourisme dotés d’une motorisation thermique à une telle taxe, ces dispositions revêtiraient un caractère confiscatoire ou feraient peser une charge excessive sur certains contribuables. Il en résulterait une méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques.
39. Selon l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Cette exigence ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.
40. En application de l’article L. 421-30 du code des impositions sur les biens et services, l’immatriculation de certains véhicules de tourisme en France est soumise à une taxe sur les émissions de dioxyde de carbone. Selon l’article L. 421-59 du même code, le montant de cette taxe est déterminé notamment en fonction des émissions de dioxyde de carbone de ces véhicules au moyen de barèmes mentionnés à l’article L. 421-62, applicables selon l’année de première immatriculation.
41. Les dispositions contestées modifient ces barèmes en abaissant le niveau d’émissions de dioxyde de carbone à partir duquel la taxe est due par le propriétaire d’un véhicule de tourisme et en augmentant le montant du tarif de cette taxe pour certaines tranches.
42. Cette taxe portant uniquement sur l’achat de certains véhicules de tourisme par des particuliers en toute connaissance de cause, il ne saurait être utilement soutenu qu’elle revêtirait un caractère confiscatoire ou qu’elle ferait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive.
43. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques doit être écarté.
44. Par conséquent, les deuxième à quatrième alinéas de l’article L. 421-62 du code des impositions sur les biens et services, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 32 :
45. Le 7° du paragraphe I de l’article 32 modifie l’article 293 B du code général des impôts relatif aux plafonds de chiffre d’affaires en dessous desquels s’applique la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée.
46. Les députés auteurs de la seconde saisine reprochent à ces dispositions de mettre en place un plafond unique de chiffre d’affaires sans tenir compte du type d’activité exercée. Selon eux, elles institueraient entre les contribuables une différence de traitement qui serait injustifiée et ne reposerait pas sur un critère objectif et rationnel, en méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.
47. Aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Si, en règle générale, ce principe impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n’en résulte pas pour autant qu’il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes.
48. En vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.
49. En application de l’article 293 B du code général des impôts, pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France bénéficient d’une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’ils n’ont pas réalisé en France un chiffre d’affaires excédant certains plafonds fixés en fonction du type d’opérations.
50. Les dispositions contestées remplacent ces plafonds par un plafond unique de chiffre d’affaires d’un montant de 27 500 euros au titre de l’année en cours et de 25 000 euros au titre de l’année civile précédente.
51. En premier lieu, en fixant ainsi un même plafond pour tous les assujettis établis en France, quelle que soit l’opération réalisée, les dispositions contestées n’instituent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les contribuables.
52. En second lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu simplifier le régime de franchise de taxe sur la valeur ajoutée et lutter contre les distorsions de concurrence. Au regard de cet objectif, il a pu retenir un tel plafond de chiffre d’affaires sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées.
53. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques doit être écarté.
54. Par conséquent, le second alinéa du paragraphe I de l’article 293 B du code général des impôts, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l’article 46 :
55. L’article 46 complète le paragraphe II de l’article 15 de la loi du 29 décembre 2020 mentionnée ci-dessus relatif aux conditions d’application dans le temps du crédit d’impôt institué en faveur des investissements réalisés en outre-mer par certaines entreprises en difficulté.
56. Les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent que ces dispositions viseraient à accorder à une seule société un avantage financier qui ne serait pas ouvert aux autres entreprises. Il en résulterait une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.
57. Les dispositions contestées rétablissent, pour la période du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2025, le bénéfice du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater W du code général des impôts en faveur des investissements productifs réalisés dans les départements d’outre-mer par certaines entreprises en difficulté.
58. Contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, il ne résulte pas de ces dispositions que leur application serait réservée à une seule société, dès lors que toute entreprise en difficulté qui remplit les conditions ouvrant droit à ce crédit d’impôt peut en bénéficier.
59. Le grief tiré de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques doit donc être écarté.
60. Par conséquent, les mots « et entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2025 » figurant au paragraphe II de l’article 15 de la loi du 29 décembre 2020, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur la place de l’article 103 en loi de finances :
61. L’article 103 modifie certaines dispositions relatives aux paris sur les épreuves hippiques.
62. Les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent que ces dispositions n’auraient pas leur place en loi de finances.
63. Selon le 2° du paragraphe I de l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001, dans la première partie, la loi de finances de l’année « Comporte les dispositions relatives aux ressources de l’État ».
64. Le paragraphe I de l’article 103 modifie l’article 302 bis ZG du code général des impôts afin d’instituer un prélèvement sur le produit brut des paris mutuels sur certaines épreuves hippiques passées. Ces dispositions, qui sont relatives aux ressources de l’État, ont leur place en loi de finances.
65. Les autres dispositions de l’article 103, qui autorisent ce type de paris hippiques et fixent les conditions dans lesquelles ils se déroulent, constituent, avec les dispositions instituant le prélèvement, les éléments indivisibles d’un dispositif d’ensemble. Elles en sont dès lors inséparables et doivent être regardées comme ayant également leur place en loi de finances.
66. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune question de conformité à la Constitution de ces dispositions et ne s’est donc pas prononcé sur leur conformité à d’autres exigences constitutionnelles.
- Sur certaines dispositions de l’article 106 :
67. Le paragraphe I de l’article 106 modifie l’article 199 terdecies-0 C du code général des impôts afin de proroger jusqu’au 31 décembre 2027 la réduction d’impôt sur le revenu au titre des souscriptions en numéraire au capital de sociétés de presse.
68. Les députés auteurs de la seconde saisine reprochent à ces dispositions de favoriser la détention de parts dans les entreprises de presse par des actionnaires privés dans un contexte de concentration des médias, en méconnaissance des objectifs de valeur constitutionnelle de préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels ainsi que de pluralisme des quotidiens d’information politique et générale.
69. L’article 199 terdecies-0 C du code général des impôts prévoit une réduction d’impôt sur le revenu égale à 30 % des versements effectués jusqu’au 31 décembre 2024 au titre de souscriptions en numéraire réalisées au capital de sociétés éditant certaines publications de presse ou services de presse en ligne.
70. Les dispositions contestées, qui se bornent à prolonger pour une durée de trois ans une réduction d’impôt applicable à tout contribuable domicilié fiscalement en France, ne portent, par elles-mêmes, aucune atteinte au pluralisme des courants de pensées et d’opinions ainsi qu’au pluralisme des quotidiens d’information politique et générale.
71. Dès lors, et en tout état de cause, les griefs tirés de la méconnaissance des objectifs de valeur constitutionnelle de pluralisme des courants de pensées et d’opinions ainsi que de pluralisme des quotidiens d’information politique et générale ne peuvent qu’être écartés.
72. Par conséquent, l’année « 2027 » figurant au premier alinéa du a du 1 de l’article 199 terdecies-0 C du code général des impôts, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l’article 109 :
73. L’article 109 modifie plusieurs dispositions des lois de finances pour 2017, 2020, 2021 et 2023 afin de reconduire, en 2025, les montants de taxe sur la valeur ajoutée versés au titre de l’année 2024 aux collectivités territoriales et à leurs groupements en remplacement de diverses ressources dont elles disposaient antérieurement.
74. Les députés auteurs de la seconde saisine reprochent à ces dispositions de procéder au gel de la fraction du produit de taxe sur la valeur ajoutée affectée aux collectivités territoriales pour l’année 2025 et de réduire ainsi leurs ressources propres, en particulier celles des communes, en méconnaissance des principes d’autonomie financière et de libre administration des collectivités territoriales.
75. L’article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources. En vertu du troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution, « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus ».
76. Aux termes des trois premiers alinéas de l’article 72-2 de la Constitution : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. - Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine. - Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources ». L’article L.O. 1114-2 du code général des collectivités territoriales définit, au sens du troisième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, la notion de « ressources propres des collectivités territoriales ». Il prévoit que ces ressources « sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l’assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d’assiette ». Il ressort de la combinaison de ces dispositions que les recettes fiscales qui entrent dans la catégorie des ressources propres des collectivités territoriales s’entendent, au sens de l’article 72-2 de la Constitution, du produit des impositions de toutes natures non seulement lorsque la loi autorise ces collectivités à en fixer l’assiette, le taux ou le tarif ou qu’elle en détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d’assiette, mais encore lorsqu’elle procède à une répartition de ces recettes fiscales au sein d’une catégorie de collectivités territoriales.
77. En application du paragraphe II de l’article 149 de la loi du 29 décembre 2016 mentionnée ci-dessus, une fraction du produit net de la taxe sur la valeur ajoutée est affectée, depuis le 1er janvier 2018, aux régions et à certaines autres collectivités territoriales en substitution de la suppression de leur dotation globale de fonctionnement. Ces mêmes collectivités bénéficient également, depuis 2021, d’une fraction de ce produit en application du paragraphe IV de l’article 8 de la loi du 29 décembre 2020 en substitution de la part de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qu’elles recevaient auparavant.
78. En application du paragraphe V de l’article 16 de la loi du 28 décembre 2019 mentionnée ci-dessus, une fraction du produit net de la taxe sur la valeur ajoutée est affectée, depuis 2021, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, aux départements et à certaines autres collectivités territoriales en substitution, selon les cas, de la suppression de la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties ou de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales.
79. En application des paragraphes XXIV et XXV de l’article 55 de la loi du 30 décembre 2022 mentionnée ci-dessus, depuis 2023, une fraction du produit net de la taxe sur la valeur ajoutée est affectée en substitution de la suppression de la part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises revenant, d’une part, à certaines communes, collectivités territoriales et groupements, d’autre part, aux départements et à certaines autres collectivités territoriales.
80. Il résulte des dispositions contestées que la fraction du produit net de la taxe sur la valeur ajoutée affectée à chaque collectivité en substitution des ressources précitées est établie en prenant en compte l’évaluation des recettes nettes de cette taxe pour l’année précédente figurant dans l’annexe au projet de loi de finances de l’année.
81. Ces dispositions ont pour seul objet de maintenir, au titre de l’exercice 2025, la fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée bénéficiant aux collectivités territoriales au montant qui leur a été affecté en 2024. Il ressort à cet égard des travaux préparatoires que la minoration du montant des recettes en résultant pour ces collectivités représenterait 1,2 milliard d’euros, soit environ 0,35 % du total de leurs ressources propres. Cette réduction de leurs ressources n’est pas d’une ampleur telle qu’elle entraverait la libre administration des collectivités territoriales ou porterait atteinte à leur autonomie financière.
82. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des exigences constitutionnelles résultant des articles 72 et 72-2 de la Constitution, qui sont au demeurant inopérants s’agissant des établissements publics de coopération intercommunale, doivent être écartés.
83. Par conséquent, le second alinéa du paragraphe VIII de l’article 149 de la loi du 29 décembre 2016, les mots « précédente » et « encaissé l’année précédente » figurant respectivement à la première et à la seconde phrase du septième alinéa du 1 des B, C et D du paragraphe V de l’article 16 de la loi du 28 décembre 2019, le dernier alinéa du C du paragraphe IV de l’article 8 de la loi du 29 décembre 2020, le dernier alinéa du A du paragraphe XXIV de l’article 55 de la loi du 30 décembre 2022 et l’avant-dernier alinéa du A du paragraphe XXV de ce même article, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur l’article 135 :
84. L’article 135 autorise le ministre chargé de l’économie à abandonner certaines créances détenues sur la société Corsair au titre des prêts accordés en 2020 et imputés sur le compte de concours financiers intitulé « Prêts du Fonds de développement économique et social ».
85. Les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent que ces dispositions, en octroyant à une seule société un avantage financier direct qui n’est pas ouvert aux autres entreprises, méconnaîtraient les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.
86. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre le redressement financier de la société Corsair. Ces dispositions participent ainsi de l’objectif d’intérêt général de maintenir l’emploi et d’assurer la desserte des territoires ultra-marins. Au regard de cet objectif, il était loisible au législateur de permettre un tel abandon de créance au profit de cette société.
87. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques doit être écarté.
88. Par conséquent, l’article 135 de la loi déférée, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur la place de l’article 152 en loi de finances :
89. L’article 152 modifie l’article L. 135 ZA du livre des procédures fiscales relatif à la communication d’informations entre les agents de la direction générale des finances publiques et certains agents publics.
90. Les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent que ces dispositions n’auraient pas leur place en loi de finances.
91. Selon le g du 7° du paragraphe II de l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001, dans la seconde partie, la loi de finances de l’année peut « Comporter des dispositions autorisant le transfert de données fiscales, lorsque celui-ci permet de limiter les charges ou d’accroître les ressources de l’État ».
92. L’article L. 135 ZA du livre des procédures fiscales prévoit que les agents de la direction générale des finances publiques et les agents des services préfectoraux chargés des associations et fondations peuvent se communiquer les renseignements et documents utiles à l’appréciation de la capacité des associations et fondations à recevoir des dons ou legs ou à bénéficier des avantages fiscaux réservés à ces organismes.
93. Les dispositions contestées étendent cette possibilité aux agents des services centraux du ministère de l’intérieur et ajoutent les fonds de dotation aux organismes sur lesquels peut porter cette communication. Ces dispositions, qui sont relatives au transfert de données fiscales, ont leur place en loi de finances.
94. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune question de conformité à la Constitution de ces dispositions et ne s’est donc pas prononcé sur leur conformité à d’autres exigences constitutionnelles.
- Sur la procédure d’adoption de l’article 177 et sa place en loi de finances :
95. L’article 177 crée un établissement public national à caractère industriel et commercial chargé notamment de gérer le patrimoine immobilier de l’État.
96. Les députés auteurs de la première saisine soutiennent que ces dispositions auraient dû faire l’objet d’une étude d’impact répondant aux exigences de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009, quand bien même elles sont issues d’un amendement adopté en première lecture. En outre, selon eux, elles n’auraient pas leur place en loi de finances.
97. Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions adoptées en méconnaissance de la règle de procédure relative au contenu des lois de finances, résultant des articles 34 et 47 de la Constitution et de la loi organique du 1er août 2001. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
98. Les dispositions contestées ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties de l’État, ni la comptabilité publique. Elles n’ont pas trait à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État. Elles n’ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières. Elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques. Elles ne portent pas sur le transfert de données fiscales, lorsque celui-ci permet de limiter les charges ou d’accroître les ressources de l’État. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de finances.
99. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur certaines dispositions de l’article 186 :
100. L’article 186 instaure un dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales. Son paragraphe I prévoit que ce dispositif repose sur plusieurs contributions prélevées sur le montant des ressources fiscales versées à ces collectivités et à leurs groupements, dans les conditions prévues aux paragraphes II à IV, et dont le produit est mis en réserve et reversé dans les conditions prévues aux paragraphes VI et VII.
101. Selon les députés auteurs de la seconde saisine, en imposant la mise en réserve du produit de ces contributions, ces dispositions auraient pour effet de réduire les ressources propres des collectivités, en particulier des communes, dans des proportions telles qu’elles méconnaîtraient les principes d’autonomie financière et de libre administration des collectivités territoriales.
102. Le dispositif prévu par le paragraphe I de l’article 186 repose sur trois contributions dont le produit est mis en réserve. La première contribution, d’un montant de 500 millions d’euros, porte sur les ressources fiscales des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. La deuxième contribution, d’un montant de 220 millions d’euros, porte sur les ressources fiscales des départements, de la Ville de Paris, de la métropole de Lyon, de la collectivité de Corse et des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique. La troisième contribution, d’un montant de 280 millions d’euros, porte sur les ressources fiscales des régions, de la collectivité de Corse et des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique.
103. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a souhaité faire participer les collectivités territoriales et leurs groupements à l’effort général de réduction des déficits publics. Il a ainsi entendu mettre en œuvre « l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques » figurant à l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution.
104. En second lieu, d’une part, si le dispositif de lissage conjoncturel porte sur un montant total d’un milliard d’euros en 2025, celui-ci est réparti entre l’ensemble des collectivités territoriales et leurs groupements en fonction, notamment, de leur population et de leurs ressources et charges. Pour chaque collectivité ou groupement, la contribution ne peut excéder 2 % des recettes réelles de fonctionnement de son budget principal.
105. D’autre part, il résulte du paragraphe VII de l’article 186 que le produit de chacune des contributions est reversé, dans les trois années suivant sa mise en réserve, à hauteur d’un tiers par année et dans la limite du montant du produit de la contribution pour l’année en cours, à raison de 90 % de son montant aux collectivités territoriales et aux établissements contributeurs au prorata de leur contribution, le reste étant alloué au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, au fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements et au fonds de solidarité régional.
106. Il résulte de tout ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance des principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales, qui sont au demeurant inopérants s’agissant des établissements publics de coopération intercommunale, doivent être écartés.
107. Par conséquent, le paragraphe I de l’article 186, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur d’autres dispositions :
. En ce qui concerne la place de certaines dispositions en loi de finances :
108. Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions adoptées en méconnaissance de la règle de procédure relative au contenu des lois de finances, résultant des articles 34 et 47 de la Constitution et de la loi organique du 1er août 2001. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
109. L’article 155 modifie les conditions dans lesquelles les établissements publics de coopération intercommunale peuvent mettre à la charge des communes un prélèvement sur leurs ressources et leur reverser le montant de certains fonds.
110. L’article 174 modifie les modalités de cession de certains contrats d’achat d’électricité détenus par les entreprises locales de distribution.
111. L’article 176 prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la politique de l’économie sociale et solidaire.
112. Les articles 179, 180 et 181 sont relatifs aux conditions de réunion, d’information et de consultation des commissions consultatives départementales sur la dotation d’équipement des territoires ruraux.
113. L’article 187 modifie certaines modalités de révision des attributions de compensation entre établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris et leurs communes membres.
114. L’article 194 prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le régime d’assurance chômage des travailleurs frontaliers.
115. Ces dispositions ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties de l’État, ni la comptabilité publique. Elles n’ont pas trait à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État. Elles n’ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières. Elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques. Elles ne portent pas sur le transfert de données fiscales, lorsque celui-ci permet de limiter les charges ou d’accroître les ressources de l’État. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de finances. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
. En ce qui concerne certaines dispositions introduites après la première lecture :
116. Il ressort de l’économie de l’article 45 de la Constitution et notamment de la première phrase de son premier alinéa, selon laquelle : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique », que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion. Toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle.
117. L’article 108 de la loi déférée vise à rendre éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée certaines redevances versées à une société publique locale d’aménagement d’intérêt national par les collectivités territoriales et leurs groupements.
118. La modification dont est issue cette disposition a été introduite par la commission mixte paritaire. Cette adjonction n’était pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion. Elle n’était pas non plus destinée à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, ces dispositions lui sont donc contraires.
- Sur les autres dispositions :
119. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. -  Sont contraires à la Constitution les articles 108, 155, 174, 176, 177, 179, 180, 181, 187 et 194 de la loi de finances pour 2025.
 
Article 2. - Sont conformes à la Constitution :
- les mots « des fondations reconnues d’utilité publique dont les statuts prévoient qu’elles remplissent une mission » et les mots « pour contribuer au financement d’études et de travaux pour » figurant au premier alinéa de l’article 30 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, dans sa rédaction résultant de l’article 9 de la loi déférée ;
- le dernier alinéa de l’article L. 336-11 du code de l’énergie, dans sa rédaction résultant de l’article 17 de la loi déférée ;
- les deuxième à quatrième alinéas de l’article L. 421-62 du code des impositions sur les biens et services, dans sa rédaction résultant de l’article 27 de la loi déférée ;
- le second alinéa du paragraphe I de l’article 293 B du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l’article 32 de la loi déférée ;
- les mots « et entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2025 » figurant au paragraphe II de l’article 15 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, dans sa rédaction résultant de l’article 46 de la loi déférée ;
- l’année « 2027 » figurant au premier alinéa du a du 1 de l’article 199 terdecies-0 C du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l’article 106 de la loi déférée ;
- le second alinéa du paragraphe VIII de l’article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, dans sa rédaction résultant de l’article 109 de la loi déférée, les mots « précédente » et « encaissé l’année précédente » figurant respectivement à la première et à la seconde phrase du septième alinéa du 1 des B, C et D du paragraphe V de l’article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, dans sa rédaction résultant de l’article 109 de la loi déférée, le dernier alinéa du C du paragraphe IV de l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, dans sa rédaction résultant de l’article 109 de la loi déférée, le dernier alinéa du A du paragraphe XXIV de l’article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 et l’avant-dernier alinéa du A du paragraphe XXV de ce même article, dans sa rédaction résultant de l’article 109 de la loi déférée ;
- l’article 135 de la loi déférée ;
- le paragraphe I de l’article 186 de la loi déférée.
 
Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 février 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 13 février 2025.
 


Synthèse
Numéro de décision : 2025-874
Date de la décision : 13/02/2025
Loi de finances pour 2025
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Références :

DC du 13 février 2025 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 13 février 2025 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi de finances pour 2025 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2025-874 DC du 13 février 2025
Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2025:2025.874.DC
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