LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 juillet 2024 d’une requête présentée par M. Pierrick BERTELOOT, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 15e circonscription du département du Nord, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6349 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les mémoires en défense présentés pour M. Jean-Pierre BATAILLE, député, par Me Philippe Simoneau, avocat au barreau de Lille, enregistrés les 13 septembre et 13 novembre 2024 ;
- le mémoire en réplique présenté par M. BERTELOOT, enregistré le 10 octobre 2024 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Le requérant soutient, en premier lieu, que M. BATAILLE aurait distribué des tracts au sein des marchés de quatre communes de la circonscription, en méconnaissance des arrêtés municipaux proscrivant les activités de tractage à l’intérieur de ces marchés. Toutefois, d’une part, il résulte de l’instruction que les arrêtés municipaux réglementant les marchés des communes d’Estaires et de Merville n’interdisent pas les opérations de distribution de tracts en leur sein. D’autre part, si le requérant soutient que de telles opérations seraient interdites au sein du marché de la commune d’Hazebrouck, il n’apporte aucun élément permettant de l’établir. Enfin, concernant le marché de la commune de Bailleul, le requérant se borne à produire deux témoignages qui, pour le premier, dénonce des distributions de tracts intervenues avant le premier tour, à l’issue duquel le requérant est arrivé en tête et qui n’ont donc pas été de nature à affecter l’issue du scrutin, et, pour le second, est, en tout état de cause, insuffisamment circonstancié pour établir la matérialité des irrégularités alléguées.
2. Le requérant soutient, en deuxième lieu, que dans la commune de Renescure, M. BATAILLE aurait bénéficié d’un affichage irrégulier au motif que l’une de ses affiches aurait été apposée sur un panneau qui ne lui était pas attribué. Toutefois, compte tenu de son caractère isolé, une telle irrégularité est insusceptible d’avoir induit les électeurs en erreur et affecté le résultat du scrutin. Il produit par ailleurs deux témoignages faisant état de ce que, dans les communes de Renescure et Nieppe, ont été apposées sur les affiches de M. BATAILLE des affichettes qui ne respectaient pas le format prescrit par le code électoral. Toutefois, la seule circonstance que ces affichettes aient excédé, en largeur, les dimensions permises par le code électoral n’a, en tout état de cause, pas été de nature à influencer les résultats du scrutin.
3. En troisième lieu, les témoignages de deux électeurs concernant un même bureau de vote ne suffisent pas à établir une carence dans l’exercice du contrôle de l’identité des électeurs prescrit par les articles L. 62 et R. 58 du code électoral, aucun manquement aux dispositions de ces articles n’ayant au demeurant été mentionné sur les procès-verbaux des opérations de vote.
4. En quatrième lieu, d’une part, la seule présence, au sein des bureaux de vote, d’enfants accompagnant les électeurs n’est pas de nature à entacher d’irrégularité les opérations électorales. En l’espèce, si M. BERTELOOT fait valoir que des enfants ont accompagné les électeurs dans un bureau de vote de la commune de Cassel, le témoignage qu’il produit ne permet pas d’établir, à lui seul, qu’il en soit résulté des troubles ayant affecté le déroulement des opérations de vote. D’autre part, si le requérant soutient qu’une enfant aurait participé aux opérations de dépouillement dans le bureau de vote présidé par son père en méconnaissance de l’article R. 67 du code électoral, il ne résulte pas de l’instruction que cette dernière ait pris une part active à ces opérations. Cette circonstance n’entache ainsi pas ces opérations d’irrégularité.
5. Le requérant soutient, en cinquième lieu, qu’un bureau de vote de la commune de Nieppe aurait été déplacé sans qu’en soient avertis les électeurs. Il résulte toutefois de l’instruction que ce bureau a été déplacé par arrêté préfectoral du 25 mai 2022, pour les élections législatives des 12 et 19 juin 2022, et que les électeurs ont été dûment informés de ce déplacement à l’occasion de chacune des consultations électorales ayant eu lieu depuis lors, en particulier avant le premier tour des opérations électorales objet de la présente requête.
6. En sixième lieu, le requérant soutient que le contrôle des bulletins en préfecture aurait été entaché de plusieurs irrégularités. Toutefois, d’une part, la disparition d’un bulletin de vote blanc d’un bureau de vote de la commune de Nieppe et, d’autre part, les erreurs alléguées dans le report des voix portant sur dix-neuf voix dans un bureau de vote de la commune de Hazebrouck sont, compte tenu de l’écart de voix entre les candidats, dépourvues d’incidence sur l’issue du scrutin. D’autre part, si l’article L. 60 du code électoral prévoit que les enveloppes sont obligatoirement d’une couleur différente de celle de la précédente consultation générale, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu’il soit recouru à des enveloppes d’une même couleur, en l’espèce bleue, présentant des tonalités différentes. Si le requérant critique également le fait que dans le bureau de vote de la commune d’Haverskerque, des enveloppes « beige-kraft » ont été utilisées lors du second tour du scrutin, il ne résulte pas de l’instruction que le recours à ces enveloppes ait eu une incidence sur le déroulement des opérations de vote dans la circonscription concernée qui soit de nature à constituer un indice de l’utilisation frauduleuse d’enveloppes, de sorte que la sincérité du scrutin n’a pas été altérée par cette irrégularité. En outre, si le requérant affirme qu’une erreur matérielle aurait affecté le contrôle en préfecture des bulletins du bureau de vote n° 6 de la commune d’Hazebrouck, il n’assortit pas ce moyen des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé. Enfin, le grief tiré de ce que M. BATAILLE aurait utilisé des bulletins non conformes, soulevé par le requérant dans son mémoire en réplique, est en tout état de cause irrecevable car tardif.
7. En septième lieu, M. BERTELOOT fait état d’un défaut d’acheminement de sa propagande électorale avant le premier tour du scrutin. Toutefois, ces faits, à les supposer établis, n’ont pu avoir une incidence sur l’issue du scrutin, compte tenu, d’une part, de l’écart des voix en faveur du requérant, arrivé en tête à l’issue du premier tour, et d’autre part, de la possibilité qu’ont eue les électeurs de prendre connaissance de ses documents de propagande électorale avant le second tour.
8. En huitième lieu, le requérant soutient avoir fait l’objet d’un acte diffamatoire de la part d’un militant ayant apposé, sur l’un de ses panneaux d’affichage officiel, une affiche comportant des éléments insultants. Sans qu’il soit besoin d’examiner son caractère prétendument diffamatoire, ce fait isolé n’est pas susceptible d’avoir influencé le résultat du scrutin, d’autant que l’affiche a été immédiatement remplacée.
9. En neuvième lieu, M. BERTELOOT soutient qu’auraient été distribuées dans de nombreuses communes des enveloppes intitulées « Votre maire a un message pour vous », contenant un courrier identique faisant apparaître le nom de la commune concernée et le logo de campagne de M. BATAILLE, par lequel les maires de ces communes apportaient leur soutien à ce candidat. Il considère que l’utilisation de la fonction de maire pour influencer les électeurs serait constitutive d’une manœuvre. Toutefois, il résulte de l’instruction que les courriers se présentaient clairement comme des documents de campagne du candidat, faisant état du soutien de nombreux maires de communes de la circonscription, et ne pouvaient être regardés par les électeurs comme un courrier officiel émanant de leur commune. Par suite, la diffusion de ces courriers ne peut être considérée comme une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.
10. En dernier lieu, il ne résulte pas de l’instruction, contrairement à ce qu’allègue le requérant, que les maires ayant apporté leur soutien à M. BATAILLE aient fait l’objet de la part de l’intéressé ou de son suppléant de pressions à cette fin.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. BERTELOOT doit être rejetée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - La requête de M. Pierrick BERTELOOT est rejetée.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 février 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 13 février 2025.