LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 juillet 2024 d’une requête présentée pour Mme Sabrina ALI BENALI, candidate à l’élection qui s’est déroulée dans la 7e circonscription du département de Seine-Saint-Denis, par Me Jérôme Léron, avocat au barreau de Versailles, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6358 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- le mémoire en défense présenté pour M. Alexis CORBIЀRE, député, par Me Sébastien Mabile, avocat au barreau de Paris, enregistré le 14 septembre 2024 ;
- le mémoire en réplique présenté pour Mme ALI BENALI par Me Léron, enregistré le 11 octobre 2024 ;
- le mémoire en défense présenté pour M. CORBIЀRE par Mes Mabile et Lauren Philippe, avocate au barreau de Paris, enregistré le 25 octobre 2024 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
- Sur l’annulation des opérations électorales :
1. À l’appui de sa requête, la requérante soutient que M. CORBIЀRE se serait prévalu dans ses documents de propagande du soutien de la coalition « Nouveau Front Populaire », alors que seule Mme ALI BENALI, qui avait reçu l’investiture du parti « La France Insoumise », pouvait s’en prévaloir. Elle estime que cette manœuvre aurait été de nature à créer une confusion dans l’esprit des électeurs et aurait altéré la sincérité du scrutin.
2. Il appartient au juge de l’élection de vérifier si des manœuvres ont été susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de l’investiture des candidats par les partis politiques.
3. En premier lieu, il résulte de l’instruction que M. CORBIЀRE a fait figurer dans sa profession de foi, sur ses affiches électorales et sur son bulletin de vote un logo mentionnant, en grands caractères, « Front populaire ! ». Cette mention, dans une police différente du logo du « Nouveau Front populaire », n’a pu induire en erreur les électeurs sur l’absence d’investiture de ce candidat par la coalition « Nouveau Front populaire ».
4. En second lieu, si, à l’issue du premier tour, M. CORBIЀRE a fait apposer sur ses affiches de campagne un bandeau avec la mention « Alexis Corbière en tête du 1er tour pour le Nouveau Front populaire », il résulte de l’instruction, d’une part, que le refus d’investiture qui a été opposé par « La France insoumise » à M. CORBIЀRE, député sortant de la circonscription, a donné lieu à une large publicité et, d’autre part, que la question des soutiens politiques dont il a disposé de la part de représentants de certains partis membres du « Nouveau Front populaire », a fait l’objet d’un débat public durant la campagne, relayé par la presse locale comme nationale. Dès lors, dans les circonstances de l’espèce, et compte tenu de la connaissance que les électeurs avaient de la situation de M. CORBIЀRE ainsi que de l’écart de voix séparant les candidats au second tour, les faits dénoncés ne sont pas susceptibles d’avoir créé dans l’esprit des électeurs une confusion telle que l’issue du scrutin en ait été affectée.
- Sur l’inéligibilité de M. CORBIЀRE :
5. Aux termes de l’article L.O. 136-3 du code électoral : « Saisi d'une contestation contre l'élection, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manœuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin ».
6. Les faits invoqués ne présentent pas le caractère de manœuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Il n’y a donc pas lieu pour le Conseil constitutionnel de prononcer à l’égard de M. CORBIЀRE une inéligibilité sur le fondement de ces dispositions.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme ALI BENALI doit être rejetée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - La requête de Mme Sabrina ALI BENALI est rejetée.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 janvier 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 17 janvier 2025.