LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 juillet 2024 d’une requête présentée par M. Bastian DUENAS, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 2e circonscription du département du Cher, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6350 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- le mémoire en défense présenté pour M. Nicolas SANSU, député, par Me Jean-Louis Peru, avocat au barreau de Paris, enregistré le 17 septembre 2024 ;
- la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 28 octobre 2024 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. SANSU ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l’article R. 27 du code électoral : « Sont interdites, sur les affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral, l’utilisation de l’emblème national ainsi que la juxtaposition des trois couleurs : bleu, blanc et rouge dès lors qu’elle est de nature à entretenir la confusion avec l’emblème national, à l’exception de la reproduction de l’emblème d’un parti ou groupement politique ». Ces dispositions prohibent l’usage des couleurs officielles sur les affiches de campagne apposées sur les panneaux officiels réservés à cet effet, ainsi que sur les professions de foi adressées par voie postale aux électeurs.
2. Si l’une des photographies insérées au verso de la profession de foi de M. SANSU, député sortant, le représente ceint de l’écharpe tricolore aux côtés de parents d’élèves, cette utilisation de l’emblème national, en méconnaissance de l’article R. 27 du code électoral, n’a cependant pas été de nature à conférer un caractère officiel à sa candidature ni à exercer une influence sur les résultats du scrutin. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués … ». Aux termes de l’article L. 50 du même code : « Il est interdit à tout agent de l’autorité publique ou municipale de distribuer des bulletins de vote, professions de foi et circulaires des candidats ».
4. Il ne résulte pas de l’instruction que la conception, l’impression et la distribution du courrier signé par les maires de trois communes de la circonscription appelant leurs administrés à voter pour M. SANSU auraient été réalisées au moyen de fonds publics, en méconnaissance de l’article L. 52-8 du code électoral.
5. Le requérant soutient également qu’entre les deux tours de scrutin, la maire de Vierzon a adressé aux associations de sa commune, depuis la messagerie de la mairie, un courriel dans lequel elle appelait à faire battre l’extrême-droite. Le candidat élu aurait ainsi bénéficié d’un avantage accordé par une personne morale en violation de l’article L. 52-8 du code électoral, qui aurait été de nature à altérer la sincérité du scrutin.
6. Toutefois, il n’est pas établi que le courriel en cause a été envoyé depuis une adresse officielle de la mairie ni qu’il a été diffusé avec l’accord du candidat soutenu, lequel a attesté, devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, ne pas avoir eu connaissance de cette initiative personnelle de l’élue. Dans les circonstances de l’espèce, ce courriel ne peut donc être regardé comme un don d’une personne morale au sens de l’article L. 52-8 du code électoral. Le courriel litigieux, dont il n’est pas démontré qu’il a été relayé par les dirigeants des associations destinataires auprès de leurs membres, n’est pas, en outre, de nature à avoir exercé une influence sur les résultats du second tour de scrutin. Enfin, le grief tiré de l’utilisation d’adresses électroniques en violation du règlement du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 sur la protection des données ne peut être utilement invoqué devant le juge électoral.
7. Le requérant soutient, par ailleurs, que M. SANSU aurait bénéficié entre les deux tours de scrutin du concours d’agents publics de l’hôpital de Vierzon, en violation des articles L. 50 et L. 52-8 du code électoral.
8. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que les agents qui ont soutenu la candidature de M. SANSU ont agi autrement qu’à titre bénévole et en dehors de leurs horaires de service. Si le requérant fait également valoir que des tracts en faveur de son adversaire ont été affichés sur les grilles et dans les locaux de l’hôpital de Vierzon et diffusés sur les réseaux sociaux, ces allégations ne sont pas assorties des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
9. Dès lors, les griefs tirés d’une violation des articles L. 50 et L. 52-8 du code électoral doivent être écartés.
10. En dernier lieu, les irrégularités alléguées relatives au déroulement du scrutin du second tour dans les bureaux de vote de la commune de Vierzon, à les supposer avérées, n’ont pu avoir une influence sur le résultat du scrutin, compte tenu de leur ampleur limitée au regard de l’écart de voix entre les deux candidats.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. DUENAS doit être rejetée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - La requête de M. Bastian DUENAS est rejetée.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 janvier 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 17 janvier 2025.