LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 14 mars 2024 par le président de l’assemblée de la Polynésie française, dans les conditions prévues à l’article 12 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, d’une demande enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-14 LOM. Le président de l’assemblée de la Polynésie française demande au Conseil constitutionnel de constater que sont intervenues dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française les mots « en Polynésie française » figurant :
- au paragraphe I de l’article L. 671-1 du code de l’énergie, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2011-1105 du 14 septembre 2011 portant transposition des directives 2009/28/CE et 2009/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 dans le domaine des énergies renouvelables et des biocarburants ;
- et à l’article L. 6312-2 du code de la défense, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2019-1335 du 11 décembre 2019 portant dispositions relatives à l’outre-mer du code de la défense.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment ses articles 74 et 74-1 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française ;
- le code de la défense ;
- le code de l’énergie ;
- l’ordonnance n° 2011-1105 du 14 septembre 2011 portant transposition des directives 2009/28/CE et 2009/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 dans le domaine des énergies renouvelables et des biocarburants, ratifiée par l’article 37 de la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable ;
- l’ordonnance n° 2019-1335 du 11 décembre 2019 portant dispositions relatives à l’outre-mer du code de la défense, ratifiée par l’article 71 de la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 4 avril 2024 ;
- les observations présentées par le président de l’assemblée de la Polynésie française, enregistrées le 20 avril 2024 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Selon l’article 12 de la loi organique du 27 février 2004 mentionnée ci-dessus, pris en application du neuvième alinéa de l’article 74 de la Constitution : « Lorsque le Conseil constitutionnel a constaté qu’une loi promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi organique est intervenue dans les matières ressortissant à la compétence de la Polynésie française, en tant qu’elle s’applique à cette dernière, cette loi peut être modifiée ou abrogée par l’assemblée de la Polynésie française ».
2. Le premier alinéa de l’article 13 de la loi organique du 27 février 2004 prévoit : « Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l’État par l’article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française ». Son article 14 dispose : « Les autorités de l’État sont compétentes dans les seules matières suivantes : (…) - 4° Défense ; (...) matières premières stratégiques telles qu’elles sont définies pour l’ensemble du territoire de la République, à l’exception des hydrocarbures liquides et gazeux (...) ». Selon son article 27, « la Polynésie française exerce ses compétences dans le respect des sujétions imposées par la défense nationale. À cet égard, la répartition des compétences prévue par la présente loi organique ne fait pas obstacle à ce que l’État : (...) 3° Fixe les règles relatives au transport, au stockage et à la livraison des produits pétroliers nécessaires à l’exercice des missions de sécurité et de défense (...) ».
3. Si le 4° de l’article 14 de la loi organique excepte de la compétence de l’État les « hydrocarbures liquides et gazeux », la compétence de la Polynésie française en cette matière s’exerce sans préjudice des prérogatives de l’État en matière de sécurité et de défense prévues au 3° de l’article 27.
4. En application de l’article L. 671-1 du code de l’énergie, les personnes qui mettent à la consommation ou livrent à l’avitaillement des aéronefs civils des produits pétroliers en Polynésie française ont l’obligation de constituer et de conserver des stocks de réserve de ces produits. Selon l’article L. 6312-2 du code de la défense, les règles applicables en Polynésie française pour la constitution et la conservation de stocks stratégiques pétroliers sont définies par L. 671-1 du code de l’énergie.
5. Ces dispositions, qui visent exclusivement à garantir la sécurité d’approvisionnement sur l’ensemble du territoire de la République en cas de crise internationale ou locale, sont relatives aux prérogatives de l’État en matière de sécurité et de défense prévues au 3° de l’article 27 de la loi organique du 27 février 2004.
6. Par conséquent, les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l’article L. 671-1 du code de l’énergie et à l’article L. 6312-2 du code de la défense relèvent d’une matière qui est de la compétence de l’État.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Ne relèvent pas d’une matière de la compétence de la Polynésie française les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l’article L. 671-1 du code de l’énergie et à l’article L. 6312-2 du code de la défense.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juin 2024, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 12 juin 2024.