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14/12/2023 | FRANCE | N°2023-858

France | France, Conseil constitutionnel, 14 décembre 2023, 2023-858


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi pour le plein emploi, sous le n° 2023-858 DC, le 16 novembre 2023, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexi

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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi pour le plein emploi, sous le n° 2023-858 DC, le 16 novembre 2023, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, MM. Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ÉTIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mmes Sylvie FERRER, Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mmes Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mmes Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Pascale MARTIN, Élisa MARTIN, MM. William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Mmes Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, MM. Paul VANNIER, Léo WALTER, René PILATO, Boris VALLAUD, Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, MM. Mickaël BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Inaki ECHANIZ, Olivier FAURE, Guillaume GAROT, Jérôme GUEDJ, Johnny HAJJAR, Mmes Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, MM. Philippe NAILLET, Bertrand PETIT, Mmes Mélanie THOMIN, Cécile UNTERMAIER, M. Roger VICOT, Mmes Anna PIC, Christine PIRÈS BEAUNE, Claudia ROUAUX, MM. Hervé SAULIGNAC, André CHASSAIGNE, Mme Soumya BOUROUAHA, M. Pierre DHARRÉVILLE, Mme Elsa FAUCILLON, MM. Sébastien JUMEL, Jean-Paul LECOQ, Yannick MONNET, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Nicolas SANSU, Jean-Marc TELLIER, Hubert WULFRANC, Jean-Victor CASTOR, Steve CHAILLOUX, Mmes Émeline K BIDI, Karine LEBON, MM. Tematai LE GAYIC, Frédéric MAILLOT, Marcellin NADEAU, Mme Mereana REID ARBELOT, MM. Davy RIMANE, Jiovanny WILLIAM, Mmes Cyrielle CHATELAIN, Christine ARRIGHI, M. Julien BAYOU, Mme Lisa BELLUCO, MM. Karim BEN CHEIKH, Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Jérémie IORDANOFF, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Mme Julie LAERNOES, M. Benjamin LUCAS, Mme Francesca PASQUINI, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mmes Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, M. Aurélien TACHÉ, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, MM. Nicolas THIERRY, Bertrand PANCHER, Jean-Louis BRICOUT, Charles de COURSON, Mme Martine FROGER, MM. Paul MOLAC, Benjamin SAINT-HUILE, David TAUPIAC et Stéphane LENORMAND, députés.
 

Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;
- le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE ;
- le code de l’action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;
- le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;
Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 7 décembre 2023 ;
Après avoir entendu les députés représentant les auteurs de la saisine ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi pour le plein emploi. Ils critiquent la procédure d’adoption de la loi et contestent en outre la conformité à la Constitution de certaines dispositions de ses articles 1er, 2, 3, 4 et 7.
- Sur la procédure d’adoption de la loi :
2. Les députés requérants font tout d’abord valoir que l’avis du Conseil d’État n’a pas suffisamment éclairé le Parlement sur les difficultés juridiques que soulevait le projet de loi. Ils reprochent ensuite au Gouvernement d’avoir déposé ce projet de loi sans attendre les résultats d’une expérimentation, engagée dans plusieurs départements, portant sur un nouveau dispositif d’accompagnement des allocataires du revenu de solidarité active. Ils dénoncent également l’insuffisance de l’étude d’impact jointe au projet de loi. Enfin, ils soutiennent que les membres de la commission mixte paritaire n’auraient pas disposé du temps nécessaire pour analyser le texte soumis à leur examen. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
3. En premier lieu, aux termes de la première phrase du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution : « Les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d’État et déposés sur le bureau de l’une des deux assemblées ». Il ne résulte ni de ces dispositions ni d’aucune autre exigence constitutionnelle ou organique que cet avis doit être transmis au Parlement.
4. En deuxième lieu, l’expérimentation invoquée par les députés requérants ne procède d’aucune disposition législative ou réglementaire prise sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution.
5. En troisième lieu, aux termes des troisième et quatrième alinéas de l’article 39 de la Constitution : « La présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique. - Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l’assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours ». Aux termes du premier alinéa de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 mentionnée ci-dessus : « Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact. Les documents rendant compte de cette étude d’impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d’État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent ». Selon le premier alinéa de l’article 9 de la même loi organique, la Conférence des présidents de l’assemblée sur le bureau de laquelle le projet de loi a été déposé dispose d’un délai de dix jours suivant le dépôt pour constater que les règles relatives aux études d’impact sont méconnues.
6. Le projet de loi a été déposé le 7 juin 2023 sur le bureau du Sénat et la Conférence des présidents n’a été saisie d’aucune demande tendant à constater que les règles relatives aux études d’impact étaient méconnues. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 ne peut qu’être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale ». Aux termes du premier alinéa de l’article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ». Ces dispositions imposent le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
8. Il ressort du rapport établi conjointement par les rapporteurs des deux assemblées à l’issue de la réunion de la commission mixte paritaire que la commission a adopté un texte commun. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de contrôler pour quels motifs ou dans quelles conditions une commission mixte paritaire parvient ou non à l’adoption d’un texte commun.
9. Le grief tiré de la méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire doit donc être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que la loi déférée a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 1er :
11. Le a du 1° du paragraphe I de l’article 1er modifie l’article L. 5411-1 du code du travail afin de prévoir l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de l’opérateur France Travail, notamment, de la personne qui demande le revenu de solidarité active ainsi que celle de son conjoint, de son concubin ou du partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité.
12. Les députés requérants reprochent à ces dispositions d’imposer l’inscription d’office des conjoints, concubins et partenaires des personnes sollicitant le revenu de solidarité active sur la liste des demandeurs d’emploi. Ce faisant, elles révéleraient à l’opérateur France Travail, sans le consentement des intéressés, les liens qu’ils entretiennent avec le demandeur de cette allocation. Ces dispositions auraient également pour conséquence de leur imposer des obligations auxquelles ils n’auraient pas consenti. Il en résulterait une méconnaissance du droit au respect de la vie privée, de la liberté individuelle et de la liberté personnelle.
13. Aux termes de l’article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée.
14. En premier lieu, en prévoyant que sont inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de l’opérateur France Travail, outre la personne qui demande le revenu de solidarité active, son conjoint, son concubin ou son partenaire, le législateur a entendu améliorer le recensement des personnes sans emploi afin de favoriser leur insertion sociale et professionnelle. Il a ainsi poursuivi un but d’intérêt général.
15. En deuxième lieu, d’une part, le revenu de solidarité active est une allocation versée à toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire. Son bénéfice est subordonné au respect de certaines conditions par le demandeur et, le cas échéant, par son conjoint, concubin ou partenaire.
16. D’autre part, les mêmes droits et devoirs s’appliquent au bénéficiaire du revenu de solidarité active et à son conjoint, concubin ou partenaire, qui signent chacun un contrat d’engagement avec l’organisme référent chargé d’assurer leur accompagnement pour leur insertion sociale et professionnelle.
17. En troisième lieu, l’inscription prévue par ces dispositions a pour seule finalité de permettre, en application du nouvel article L. 5411-5-1 inséré au sein du code du travail, à l’allocataire et à son conjoint, concubin ou partenaire de bénéficier d’un accompagnement personnalisé vers l’accès ou le retour à l’emploi ou, le cas échéant, d’un accompagnement à vocation d’insertion sociale.
18. En dernier lieu, si les informations recueillies par l’opérateur France Travail lors de l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi peuvent faire l’objet d’un traitement automatisé de données à caractère personnel, le législateur, en adoptant ces dispositions, n’a pas entendu déroger aux garanties apportées par le règlement du 27 avril 2016 mentionné ci-dessus et la loi du 6 janvier 1978 mentionnée ci-dessus, relatives notamment aux pouvoirs de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui s’appliquent au traitement en cause. Par suite, il appartient aux autorités compétentes, dans le respect de ces garanties et sous le contrôle de la juridiction compétente, de s’assurer que la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation, la communication, la contestation et la rectification des données de ce traitement seront mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à l’objectif poursuivi.
19. Dès lors, ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
20. Par ailleurs, en signant le contrat mentionné à l’article L. 262-34 du code de l’action sociale et des familles, dont le contenu est adapté à la situation et aux besoins personnalisés de chacun des membres du couple, ces derniers acceptent les engagements qu’il prévoit. Ainsi, en prévoyant l’inscription sur la liste des demandeurs d’emplois du conjoint, concubin ou partenaire de la personne qui demande le revenu de solidarité active, les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de le soumettre à des obligations auxquelles il n’aurait pas personnellement consenti.
21. Le grief tiré de la méconnaissance de la liberté personnelle doit donc être écarté.
22. Par conséquent, les mots « ainsi que son conjoint, son concubin ou le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité » figurant au 2° de l’article L. 5411-1 du code du travail, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté individuelle, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur certaines dispositions des articles 2 et 3 :
23. Les articles 2 et 3 modifient notamment diverses dispositions du code du travail et du code de l’action sociale et des familles.
. En ce qui concerne l’article L. 5411-6 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la loi déférée :
24. Le b du 1° du paragraphe I de l’article 2 réécrit notamment l’article L. 5411-6 du code du travail afin de prévoir que la personne inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de l’opérateur France Travail conclut un contrat d’engagement avec l’organisme référent vers lequel elle a été orientée.
25. Les députés requérants reprochent à ces dispositions d’imposer à l’ensemble des personnes inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi, y compris celles qui demandent le revenu de solidarité active, de réaliser, au titre de ce contrat d’engagement, une durée hebdomadaire d’activité d’au moins quinze heures, sous peine de se voir privées de tout revenu, sans tenir suffisamment compte de leur situation individuelle et de leur environnement économique et social. Ce faisant, elles méconnaîtraient le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence, le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que le principe de sécurité matérielle dont découlerait, selon eux, l’exigence qu’aucune personne ne soit privée de toutes ressources pour subvenir à ses besoins essentiels.
26. Ils soutiennent également que le législateur n’aurait pas défini avec une précision suffisante la notion d’« activité » mentionnée au titre du contrat d’engagement, qui pourrait inclure des activités assimilables à un emploi salarié, ainsi que le contenu du plan d’action prévu par ce contrat. Ils critiquent en outre l’absence de plafonnement de la durée hebdomadaire d’activité qu’une personne peut être tenue d’accomplir. Ces imprécisions seraient de nature à conférer à l’organisme référent un pouvoir discrétionnaire pour définir le contenu du contrat d’engagement et fixer la durée hebdomadaire d’activité, introduisant ainsi une rupture d’égalité entre les demandeurs d’emploi en fonction des activités disponibles dans leur bassin d’emploi et de leur organisme référent. Il en résulterait une méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence, de l’exigence de clarté de la loi, de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et du principe d’égalité devant la loi.
27. Aux termes du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi… ». En vertu de son dixième alinéa : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». Selon son onzième alinéa, la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».
28. Les exigences constitutionnelles résultant des cinquième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 impliquent l’existence d’un régime d’indemnisation des travailleurs privés d’emploi. Celles résultant de ses dixième et onzième alinéas impliquent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées.
29. Il appartient au législateur, pour satisfaire à ces exigences, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées. En particulier, il peut à tout moment, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, modifier des textes antérieurs ou abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions. Il peut également adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité. Cependant, l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel.
30. Il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34. Le plein exercice de cette compétence, ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques.
31. En application de l’article L. 5411-5-1 du code du travail, les personnes inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi sont orientées vers un organisme référent chargé d’assurer leur accompagnement vers l’accès ou le retour à l’emploi. Le paragraphe I du nouvel article L. 5411-5-2 inséré au sein du même code prévoit que l’organisme référent chargé de cet accompagnement réalise, conjointement avec la personne qu’il accompagne, un diagnostic global de sa situation.
32. Il résulte des dispositions contestées que, au vu de ce diagnostic, la personne intéressée élabore et signe, avec l’organisme référent vers lequel elle a été orientée, un contrat d’engagement qui est périodiquement actualisé. Ce contrat définit les engagements respectifs de l’organisme référent et du demandeur d’emploi, notamment l’assiduité et la participation active de ce dernier aux actions mises en œuvre en matière d’accompagnement personnalisé, de formation et de « levée des freins périphériques à l’emploi » qui sont prévues par un plan établi à cette fin. Ce plan d’action précise les objectifs d’insertion sociale et professionnelle et, en fonction de la situation de l’intéressé, l’intensité de l’accompagnement requis auquel correspond une durée hebdomadaire d’activité qui ne peut en principe être inférieure à quinze heures.
33. En premier lieu, il ressort des travaux parlementaires que, en prévoyant que tous les demandeurs d’emploi inscrits auprès de l’opérateur France Travail, y compris les allocataires du revenu de solidarité active, doivent conclure un contrat d’engagement, le législateur a entendu leur appliquer un cadre commun de droits et d’obligations en vue d’améliorer leur accompagnement socio-professionnel. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général.
34. En deuxième lieu, d’une part, en prévoyant l’accomplissement par le demandeur d’emploi d’une durée hebdomadaire minimale d’« activité », le législateur a entendu faire référence à toute action concourant à son insertion sociale ou professionnelle. À ce titre, la personne peut être tenue d’accomplir notamment des actions de formation, d’accompagnement et d’appui, mais aussi une activité salariée, qui implique, conformément au droit commun, la conclusion d’un contrat de travail et le versement d’une rémunération. Ainsi, en confiant à l’organisme référent et au demandeur d’emploi le soin de déterminer conjointement l’activité à réaliser au titre du plan d’action, le législateur, qui n’avait pas à énumérer l’ensemble des actions susceptibles d’être mises en œuvre en application du contrat d’engagement, a défini avec suffisamment de précision l’obligation d’activité prévue par ce contrat.
35. D’autre part, si le législateur n’a pas fixé de plafond à la durée hebdomadaire d’activité que le demandeur d’emploi peut être tenu d’accomplir, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que cette durée doit être déterminée en fonction des besoins de la personne, définis au titre des objectifs d’insertion sociale et professionnelle précisés par le plan d’action, et correspondre à l’intensité de l’accompagnement requis. Dès lors, sauf à méconnaître les exigences constitutionnelles résultant des dispositions précitées du Préambule de la Constitution de 1946, cette durée devra être adaptée à la situation personnelle et familiale de l’intéressé et limitée au temps nécessaire à l’accompagnement requis, sans pouvoir excéder la durée légale du travail en cas d’activité salariée.
36. En dernier lieu, d’une part, il résulte des dispositions contestées que le contrat d’engagement, élaboré en fonction des besoins du demandeur d’emploi, tient compte notamment de sa formation, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles et extraprofessionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation locale du marché du travail.
37. D’autre part, la durée d’activité hebdomadaire minimale peut être minorée, sans pouvoir être nulle, pour des raisons liées à la situation individuelle du demandeur d’emploi et au vu du diagnostic réalisé avec son organisme référent. En outre, les personnes rencontrant des difficultés particulières et avérées en raison de leur état de santé, de leur handicap, de leur invalidité ou de leur situation de parent isolé sans solution de garde pour un enfant de moins de douze ans peuvent disposer, à leur demande, d’un plan d’action sans durée hebdomadaire d’activité. Il résulte par ailleurs de l’article L. 262-31 du code de l’action sociale et des familles que l’allocataire du revenu de solidarité active bénéficiant de l’accompagnement à vocation d’insertion sociale peut être dispensé d’une telle obligation lorsqu’il n’est pas en mesure de s’engager dans une démarche de recherche d’emploi.
38. Il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 35, les griefs tirés de la méconnaissance des exigences des cinquième, dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, de l’article 34 de la Constitution et de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi doivent être écartés.
39. Par ailleurs, le régime applicable au contrat d’engagement est le même pour tous les demandeurs d’emploi, quel que soit l’organisme référent avec lequel ce contrat est conclu. Ainsi, les dispositions contestées n’instituent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre ces personnes. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.
40. Par conséquent, l’article L. 5411-6 du code du travail, qui ne méconnaît pas non plus le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est, sous la réserve énoncée au paragraphe 35, conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l’article L. 5426-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la loi déférée :
41. Le b du 7° du paragraphe I de l’article 2 réécrit l’article L. 5426-1 du code du travail afin notamment de déterminer l’organisme chargé d’exercer le contrôle des engagements pris par les demandeurs d’emploi.
42. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de prévoir que, selon que la personne inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi est ou non bénéficiaire du revenu de solidarité active, son contrat sera contrôlé par le président du conseil départemental ou par l’opérateur France Travail. Ce faisant, elles institueraient une différence de traitement injustifiée entre les demandeurs d’emploi, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
43. Selon l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle d’une façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
44. En application du paragraphe I de l’article L. 5426-1 du code du travail, le contrôle des engagements pris par les demandeurs d’emploi est exercé par l’opérateur France Travail, tandis que le contrôle des engagements pris par les bénéficiaires du revenu de solidarité active l’est par le président du conseil départemental, sous réserve des dérogations prévues par ce même article.
45. Si les personnes bénéficiaires du revenu de solidarité active font l’objet de règles spécifiques pour l’application du contrat d’engagement, elles sont soumises aux mêmes règles de contrôle du respect de leurs engagements que celui exercé par l’opérateur France Travail pour les personnes qui ne sont pas bénéficiaires du revenu de solidarité active. Ainsi, les dispositions contestées n’instituent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement.
46. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.
47. Par conséquent, la première phrase du premier alinéa du paragraphe I de l’article L. 5426-1 du code du travail, ainsi que celle du deuxième alinéa du même paragraphe, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l’article L. 5412-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la loi déférée, et certaines dispositions de l’article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi déférée :
48. Le 3° du paragraphe I de l’article 2 et le 9° du paragraphe I de l’article 3 modifient respectivement l’article L. 5412-1 du code du travail et l’article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles afin de prévoir le régime de sanctions applicable en cas de manquement du demandeur d’emploi aux obligations énoncées dans son contrat d’engagement.
49. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de permettre une application automatique de ces sanctions au motif qu’elles pourraient être prononcées sans qu’il soit tenu compte de la situation individuelle du demandeur d’emploi ou des conditions économiques de son bassin d’emploi. Ils critiquent également l’absence de définition précise du manquement à l’obligation d’« assiduité » ou de « participation active aux actions prévues par le plan d’action ». Ces dispositions méconnaîtraient ainsi les principes d’individualisation et de proportionnalité des peines. Il en résulterait également une méconnaissance du « droit à ouverture de l’assurance chômage garanti par le versement de cotisations d’assurance chômage ».
50. Ils reprochent en outre à ces dispositions de permettre au président du conseil départemental de déléguer à l’opérateur France Travail le prononcé d’une sanction de suspension du versement du revenu de solidarité active à l’encontre des bénéficiaires de cette allocation pour lesquels cet opérateur est l’organisme référent. Il en résulterait, selon eux, une différence de traitement entre ces bénéficiaires selon que, dans leur département de résidence, le président du conseil départemental décide ou non de faire usage de cette faculté.
51. Selon l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires … ». Les principes énoncés par cet article s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. En vertu du principe de légalité des délits et des peines, le législateur ou, dans son domaine de compétence, le pouvoir réglementaire, doivent fixer les sanctions ayant le caractère d’une punition en des termes suffisamment clairs et précis. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue. En outre, le principe d’individualisation des peines qui découle de cet article implique qu’une sanction administrative ne puisse être appliquée que si l’administration, sous le contrôle du juge, l’a expressément prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce.
S’agissant des paragraphes I et VI de l’article L. 5412-1 du code du travail :
52. Le paragraphe I de l’article L. 5412-1 du code du travail prévoit que le revenu de remplacement mentionné à l’article L. 5421-1 du même code et les allocations mentionnées à ses articles L. 5131-5 et L. 5131-6 peuvent être suspendus ou supprimés, en tout ou partie, ou que le demandeur d’emploi peut être radié de la liste des demandeurs d’emploi en cas de manquement aux obligations prévues par son contrat d’engagement relatives à l’assiduité, à la participation active aux actions prévues par le plan d’action et à l’obligation de réaliser des actes positifs et répétés en vue de trouver un emploi. Son paragraphe VI renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des modalités de mise en œuvre de ces dispositions.
53. En premier lieu, d’une part, aux termes mêmes des dispositions contestées, le manquement à l’obligation d’assiduité consiste en l’absence du demandeur d’emploi aux actions de formation, d’accompagnement et d’appui à la mise en œuvre de son projet d’insertion sociale ou professionnelle prévues par le contrat d’engagement. D’autre part, en faisant référence à un manquement à l’obligation de participer activement aux actions prévues par le plan d’action, ces dispositions visent à sanctionner le refus manifeste du demandeur d’emploi de participer à l’une de ces actions. Ainsi, ces manquements sont définis en des termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire.
54. En deuxième lieu, d’une part, la suspension ou la suppression du revenu de remplacement ou des allocations versés par l’assurance chômage ainsi que la radiation de la liste des demandeurs d’emploi ne peuvent être prononcées qu’en l’absence de motif légitime pouvant justifier le manquement du demandeur d’emploi. Ainsi, le prononcé de ces sanctions ne revêt pas un caractère automatique.
55. D’autre part, le législateur a prévu qu’un décret en Conseil d’État détermine les durées minimale et maximale de la sanction de radiation de la liste des demandeurs d’emploi et de celle de suspension ou de suppression du revenu ou des allocations versées par l’assurance chômage, ainsi que la part de ces revenus ou allocations pouvant faire l’objet d’une telle sanction. Il a également prévu que, lorsque le demandeur d’emploi bénéficie d’un accompagnement à vocation d’insertion sociale, les durées de ces sanctions peuvent être adaptées.
56. Toutefois, il appartiendra au pouvoir réglementaire, en fixant ces durées et la part du revenu ou des allocations pouvant être suspendue ou supprimée, de veiller au respect du principe de proportionnalité des peines.
57. En dernier lieu, le prononcé de ces sanctions doit tenir compte du manquement constaté, de sa fréquence et de la nature du revenu ou de l’allocation perçus par le demandeur d’emploi.
58. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas les principes de légalité, de nécessité et d’individualisation des peines et, sous la réserve énoncée au paragraphe 56, le principe de proportionnalité des peines.
59. Par conséquent, le paragraphe I de l’article L. 5412-1 du code du travail et, sous la réserve énoncée au paragraphe 56, le paragraphe VI de ce même article, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
S’agissant des paragraphes I à III, V et VIII de l’article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles :
60. Les paragraphes I à III de l’article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles prévoient que le revenu de solidarité active peut être suspendu ou supprimé, en tout ou partie et pour une certaine durée, en cas de refus d’élaborer ou d’actualiser le contrat d’engagement, de non-respect de tout ou partie des obligations énoncées dans ce contrat ou de refus de se soumettre à des contrôles. Son paragraphe V prévoit que le président du conseil départemental peut déléguer à l’opérateur France Travail le prononcé des mesures de suspension du versement du revenu de solidarité active. Son paragraphe VIII renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des modalités de mise en œuvre de ces dispositions.
61. En premier lieu, d’une part, la suspension ou la suppression du revenu de solidarité active ne peuvent être prononcées qu’en l’absence de motif légitime pouvant justifier le manquement du bénéficiaire de cette allocation. Ainsi, le prononcé de ces sanctions ne revêt pas un caractère automatique.
62. D’autre part, le législateur a prévu qu’un décret en Conseil d’État détermine les durées minimale et maximale de la sanction de suspension ou de suppression du revenu de solidarité active, la part maximale de cette allocation pouvant faire l’objet d’une telle sanction et les éléments pris en compte pour fixer le montant et la durée de la sanction.
63. Toutefois, il appartiendra au pouvoir réglementaire, en fixant ces durées et la part du revenu de solidarité active pouvant être suspendue ou supprimée, de veiller au respect du principe de proportionnalité des peines.
64. En second lieu, la durée de ces décisions de suspension ou de suppression et le montant du revenu de solidarité active pouvant en faire l’objet sont fixés en prenant en compte la situation du bénéficiaire, notamment la composition de son foyer, la nature et la fréquence des manquements constatés. En outre, une décision de suppression du versement du revenu de solidarité active ne peut intervenir qu’après avis de l’équipe pluridisciplinaire mentionnée à l’article L. 262-39 du code de l’action sociale et des familles, devant laquelle le bénéficiaire est mis en mesure de présenter ses observations.
65. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas les principes de nécessité et d’individualisation des peines et, sous la réserve énoncée au paragraphe 63, le principe de proportionnalité des peines.
66. Par ailleurs, en permettant au président du conseil départemental de déléguer à l’opérateur France Travail le prononcé des sanctions à l’encontre des bénéficiaires du revenu de solidarité active pour lesquels cet opérateur est l’organisme référent, les dispositions contestées du paragraphe V de l’article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles ne créent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les personnes intéressées par les décisions en cause, dès lors que les motifs susceptibles de fonder la suspension du versement du revenu de solidarité active sont les mêmes. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.
67. Par conséquent, les paragraphes I à III de l’article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles, son paragraphe V et, sous la réserve énoncée au paragraphe 63, son paragraphe VIII, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne le second alinéa du paragraphe IV de l’article 2 de la loi déférée :
68. Le second alinéa du paragraphe IV de l’article 2 prévoit que, au plus tard le 1er janvier 2025, chaque demandeur d’emploi conclut, dans un certain délai, un contrat d’engagement avec son organisme référent. Ce contrat se substitue, selon le cas, au projet personnalisé d’accès à l’emploi élaboré en application de l’article L. 5411-6-1 du code du travail, aux contrats conclus en application des articles L. 5131-5 et L. 5131-6 du même code ou au contrat d’engagements réciproques conclu en application des articles L. 262-35 et L. 262-36 du code de l’action sociale et des familles, dans leur rédaction antérieure à la loi déférée.
69. Les députés requérants font valoir que, en prévoyant que les contrats d’engagement se substituent aux contrats des allocataires de l’assurance chômage et des bénéficiaires du revenu de solidarité active en cours d’exécution, ces dispositions méconnaîtraient la liberté contractuelle.
70. Les contrats d’engagement ne pouvant être regardés, eu égard à leur nature, comme entrant dans le champ d’application des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789, le grief tiré de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles ne peut qu’être écarté.
71. Par conséquent, le second alinéa du paragraphe IV de l’article 2, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l’article L. 262-27 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi déférée :
72. Le c du 3° du paragraphe I de l’article 3 insère un nouvel alinéa au sein de l’article L. 262-27 du code de l’action sociale et des familles afin de prévoir que, dans les conditions prévues à l’article L. 5411-1 du code du travail, le bénéficiaire du revenu de solidarité active et son conjoint, son concubin ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité sont automatiquement inscrits, lors de la demande d’allocation, sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de l’opérateur France Travail.
73. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître le droit au respect de la vie privée, la liberté individuelle et la liberté personnelle au motif qu’elles prévoiraient une inscription automatique sur la liste des demandeurs d’emploi des conjoints, concubins ou partenaires des bénéficiaires du revenu de solidarité active.
74. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux paragraphes 14 à 18 et 20, ces dispositions ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée et la liberté personnelle.
75. Par conséquent, les mots « et son conjoint, son concubin ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité » figurant au deuxième alinéa de l’article L. 262-27 du code de l’action sociale et des familles, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté individuelle ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 4 :
76. Le 3° du paragraphe I de l’article 4 insère notamment deux nouveaux articles L. 5311-8 et L. 5311-11 au sein du code du travail afin, en particulier, d’autoriser les personnes morales constituant le réseau pour l’emploi à partager entre elles certaines informations.  
77. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée au motif que le partage des données qu’elles autorisent ne serait pas entouré de garanties suffisantes. Ils relèvent à cet égard que les données concernées ne seraient pas définies précisément et que les destinataires de ces données, incluant des organismes privés, seraient particulièrement nombreux. Ils affirment également que, en se bornant à renvoyer au pouvoir réglementaire les modalités d’application de ce partage de données, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence.
78. La liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée. Par suite, la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. Lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités.
79. L’article L. 5311-8 du code du travail prévoit que les différentes personnes morales constituant le réseau pour l’emploi, institué par le nouvel article L. 5311-7 du même code, coordonnent l’exercice de leurs compétences afin d’assurer le suivi et la continuité des parcours d’insertion ainsi que la réalisation des actions d’accompagnement socio-professionnel des bénéficiaires de leurs services.
80. Dans ce cadre, les dispositions contestées prévoient que ces personnes morales partagent certaines données relatives aux bénéficiaires de leurs services et les rendent accessibles à l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage. Elles renvoient à un décret en Conseil d’État la détermination des modalités de traitement des données à caractère personnel nécessaires à la mise en œuvre de leurs actions.
81. Ces dispositions visent à favoriser la coordination des acteurs concourant au service public de l’emploi et améliorer les parcours d’insertion sociale et professionnelle des personnes bénéficiant de leurs services.
82. Toutefois, d’une part, les personnes morales autorisées à partager ces données au sein du réseau pour l’emploi sont non seulement celles mentionnées au paragraphe II de l’article L. 5311-7 du code du travail, à savoir l’État, les régions, les départements, les communes et certains groupements de communes, l’opérateur France Travail, les missions locales et les organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, mais aussi celles mentionnées au paragraphe III du même article L. 5311-7, à savoir les organismes publics ou privés dont l’objet consiste en la fourniture de services relatifs au placement, à l’insertion, à la formation et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi, les organismes chargés du repérage et de l’accompagnement spécifique des personnes les plus éloignées de l’emploi, les entreprises adaptées constituées par des collectivités territoriales ou des organismes publics ou privés, les établissements et services d’aide par le travail accueillant des personnes handicapées, les établissements et services médico-sociaux de réadaptation, de préorientation et de rééducation professionnelle, les organismes chargés de la mise en œuvre des plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, les maisons de l’emploi, les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification, les autorités et les organismes délégataires du conseil départemental vers lesquels les demandeurs d’emploi peuvent être orientés en vue de leur accompagnement, les organismes débiteurs de prestations familiales chargés du service du revenu de solidarité active et les structures dont l’objet est l’accompagnement à la création d’entreprises pour les personnes à la recherche d’un emploi.
83. D’autre part, les données susceptibles d’être partagées sont, outre celles permettant l’identification des bénéficiaires des services des personnes morales participant au réseau pour l’emploi, toutes celles nécessaires à l’évaluation de leur situation, au suivi de leur parcours d’insertion, à la réalisation des actions d’accompagnement, à l’établissement des statistiques et à la gestion de l’assurance chômage.
84. En outre, le partage autorisé peut porter sur toute catégorie de données à caractère personnel, dont notamment des informations relatives à la santé des personnes.
85. Ainsi, le législateur a permis que des données à caractère personnel, y compris de nature médicale, soient communiquées à un très grand nombre de personnes, dont la désignation n’est subordonnée à aucune habilitation spécifique et sans qu’aucune garantie n’encadre ces transmissions d’informations.
86. Il résulte de ce qui précède que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
87. Par conséquent, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre grief, les dix-huitième, vingt-et-unième et cinquante-septième alinéas du 3° du paragraphe I de l’article 4 sont contraires à la Constitution.
88. Il en va de même, par voie de conséquence, du b du 12° du paragraphe I de l’article 3 de la loi déférée, ainsi que des mots « , notamment aux fins du partage des informations et des données mentionné au 4° du I de l’article L. 5311-8, » figurant au cinquième alinéa du h du 1° du paragraphe III de son article 6, qui en sont inséparables.
- Sur certaines dispositions de l’article 7 :
89. Le paragraphe I de l’article 7 insère notamment au sein du code du travail un nouvel article L. 5316-1 afin de prévoir que des organismes publics ou privés peuvent être chargés du repérage, de la remobilisation et de l’accompagnement socio-professionnel des personnes les plus éloignées de l’emploi ou qui ne sont pas inscrites dans un parcours d’insertion suivi par un autre membre du réseau pour l’emploi.
90. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre les personnes éloignées de l’emploi selon que les missions de repérage et d’accompagnement seront assurées par des organismes publics ou par des organismes privés, au motif que ces derniers assureraient un accompagnement de moindre qualité. Il en résulterait une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
91. D’une part, en application des dispositions contestées, l’ensemble des organismes auxquels peuvent être déléguées des missions de repérage, de remobilisation et d’accompagnement socio-professionnel exercent ces missions dans le cadre du dispositif mis en œuvre par l’État afin d’assurer l’insertion professionnelle et l’accompagnement des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières. Ils participent, à ce titre, au réseau pour l’emploi et agissent en lien avec les autres membres du réseau.
92. D’autre part, ces organismes, qui doivent répondre aux conditions fixées par un cahier des charges établi par arrêté conjoint des ministres chargés de l’emploi et du budget, concluent avec l’État des conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens qui précisent, notamment, les conditions d’évaluation des actions menées.
93. Dès lors, les dispositions contestées ne créent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les personnes les plus éloignées de l’emploi.
94. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.
95. Par conséquent, l’article L. 5316-1 du code du travail, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur les autres dispositions :
96. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi pour le plein emploi :
- le b du 12° du paragraphe I de l’article 3 ;
- les dix-huitième, vingt-et-unième et cinquante-septième alinéas du 3° du paragraphe I de l’article 4 ;
- les mots « , notamment aux fins du partage des informations et des données mentionné au 4° du I de l’article L. 5311-8, » figurant au cinquième alinéa du h du 1° du paragraphe III de l’article 6.
 
Article 2. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :
- sous la réserve énoncée au paragraphe 35, l’article L. 5411-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi déférée ;
- sous la réserve énoncée au paragraphe 56, le paragraphe VI de l’article L. 5412-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la loi déférée ;
- sous la réserve énoncée au paragraphe 63, le paragraphe VIII de l’article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi déférée.
 
Article 3. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi :
- les mots « ainsi que son conjoint, son concubin ou le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité » figurant au 2° de l’article L. 5411-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi déférée ;
- le paragraphe I de l’article L. 5412-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la loi déférée ;
- la première phrase des premier et deuxième alinéas du paragraphe I de l’article L. 5426-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la loi déférée ;
- le second alinéa du paragraphe IV de l’article 2 de la loi déférée ;
- les mots « et son conjoint, son concubin ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité » figurant au deuxième alinéa de l’article L. 262-27 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi déférée ;
- les paragraphes I à III et V de l’article L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi déférée ;
- l’article L. 5316-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’article 7 de la loi déférée.
 
Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 décembre 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 14 décembre 2023.
 


Synthèse
Numéro de décision : 2023-858
Date de la décision : 14/12/2023
Loi pour le plein emploi
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle - réserve
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Références :

DC du 14 décembre 2023 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 14 décembre 2023 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi pour le plein emploi (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2023-858 DC du 14 décembre 2023
Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2023:2023.858.DC
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