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30/04/2020 | FRANCE | N°2020-835

France | France, Conseil constitutionnel, 30 avril 2020, 2020-835


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 janvier 2020 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 243 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Ferhat H. et l'union des syndicats anti-précarité par la SELAS Dadi-avocats, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2020-835 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'arti

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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 janvier 2020 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 243 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Ferhat H. et l'union des syndicats anti-précarité par la SELAS Dadi-avocats, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2020-835 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2121-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- la loi organique n° 2020-365 du 30 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-63/64/65 QPC du 12 novembre 2010 ;
- les arrêts de la Cour de cassation du 22 février 2017 et du 17 octobre 2018 (chambre sociale, nos 16-60.123, 17-19.732 et 18-60.030) ;
- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées pour la société Transdev Île-de-France, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 20 février 2020 ;
- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Cécile Burlot, avocate au barreau de Paris, pour la société Transdev Île-de France, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 21 avril 2020 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L'article L. 2121-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi du 20 août 2008 mentionnée ci-dessus, prévoit : « La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants :
« 1° Le respect des valeurs républicaines ;
« 2° L'indépendance ;
« 3° La transparence financière ;
« 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ;
« 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ;
« 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ;
« 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations ».

2. Les requérants reprochent à ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, de méconnaître la liberté syndicale, le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, le principe d'égalité devant la loi ainsi que le principe de séparation des pouvoirs, en ce qu'elles imposent aux syndicats non représentatifs de satisfaire au critère de transparence financière pour pouvoir exercer dans l'entreprise les prérogatives que la loi leur attribue.
3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 3° de l'article L. 2121-1 du code du travail.
- Sur la recevabilité :
4. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 et du troisième alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qu'il a déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions, sauf changement des circonstances.
5. Dans sa décision du 12 novembre 2010 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné le 3° de l'article L. 2121-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi du 20 août 2008. Il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision. Ces dispositions sont identiques à celles contestées par les requérants dans la présente question prioritaire de constitutionnalité.
6. Toutefois, depuis cette déclaration de conformité, la Cour de cassation a jugé, dans l'arrêt du 22 février 2017 mentionné ci-dessus, qu'il résulte de l'article L. 2121-1 du code du travail que, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise, tout syndicat, qu'il soit ou non représentatif, doit satisfaire au critère de transparence financière. Il en découle un changement des circonstances justifiant le réexamen des dispositions contestées.
- Sur le fond :
7. Aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». Aux termes du huitième alinéa du même préambule : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».
8. Comme énoncé au paragraphe 6, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que les dispositions contestées imposent à tout syndicat, qu'il soit ou non représentatif, de satisfaire au critère de transparence financière pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise. En particulier, à défaut de respecter cette exigence, un syndicat non représentatif ne peut donc pas valablement désigner un représentant de la section syndicale en application de l'article L. 2142-1-1 du code du travail.
9. Toutefois, d'une part, en imposant aux syndicats une obligation de transparence financière, le législateur a entendu permettre aux salariés de s'assurer de l'indépendance, notamment financière, des organisations susceptibles de porter leurs intérêts.
10. D'autre part, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation qu'un syndicat non représentatif peut rapporter la preuve de sa transparence financière soit par la production des documents comptables requis en application des articles L. 2135-1, L. 2135-4 et L. 2135-5 du code du travail, soit par la production de tout autre document équivalent.
11. Dès lors, en imposant à l'ensemble des syndicats, y compris non représentatifs, de satisfaire à l'exigence de transparence financière, les dispositions contestées ne méconnaissent ni la liberté syndicale ni le principe de participation des travailleurs.
12. Le 3° de l'article L. 2121-1 du code du travail, qui ne méconnaît pas non plus le principe d'égalité devant la loi, ni en tout état de cause le principe de séparation des pouvoirs, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit donc être déclaré conforme à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Le 3° de l'article L. 2121-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, est conforme à la Constitution.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 avril 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.

Rendu public le 30 avril 2020.


Synthèse
Numéro de décision : 2020-835
Date de la décision : 30/04/2020
M. Ferhat H. et autre [Condition de transparence financière des organisations syndicales]
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 30 avril 2020 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 30 avril 2020 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2020-835 QPC du 30 avril 2020
Origine de la décision
Date de l'import : 14/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2020:2020.835.QPC
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