LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2016 par le Conseil d'État (décision n° 395321 du 27 juin 2016), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France, par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-569 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale et de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales ;
- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées pour les syndicats requérants par la SCP Sevaux et Mathonnet, enregistrées le 21 juillet 2016 ;
- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 21 juillet 2016 ;
- les pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu M. Paul Mathonnet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les syndicats requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 13 septembre 2016 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
- Sur l'article 41-1-1 du code de procédure pénale :
1. L'article 41-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions, prévoit : « I. - L'officier de police judiciaire peut, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement et sur autorisation du procureur de la République, transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la poursuite :
« 1° Des contraventions prévues par le code pénal, à l'exception des contraventions des quatre premières classes pour lesquelles l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire en application de l'article 529 ;
« 2° Des délits prévus par le code pénal et punis d'une peine d'amende ;
« 3° Des délits prévus par le même code et punis d'un an d'emprisonnement au plus, à l'exception du délit d'outrage prévu au deuxième alinéa de l'article 433-5 dudit code ;
« 4° Du délit prévu à l'article 311-3 du même code, lorsque la valeur de la chose volée est inférieure à un seuil fixé par décret ;
« 5° Du délit prévu à l'article L. 3421-1 du code de la santé publique ;
« 6° Du délit prévu au premier alinéa de l'article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation.
« Lorsque le procureur de la République autorise le recours à la transaction en application du présent article, l'officier de police judiciaire peut soumettre l'auteur de l'infraction, compte tenu de ses ressources et de ses charges, à l'obligation de consigner une somme d'argent, en vue de garantir le paiement de l'amende mentionnée au 1° du II ou, le cas échéant, de l'amende prononcée en cas de poursuites et de condamnation dans les conditions prévues au dernier alinéa du III.
« La transaction autorisée par le procureur de la République, proposée par l'officier de police judiciaire et acceptée par l'auteur de l'infraction est homologuée par le président du tribunal de grande instance ou par un juge par lui désigné, après avoir entendu, s'il y a lieu, l'auteur de l'infraction assisté, le cas échéant, par son avocat.
« II. - La proposition de transaction est déterminée en fonction des circonstances et de la gravité de l'infraction, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges. Elle fixe :
« 1° L'amende transactionnelle due par l'auteur de l'infraction et dont le montant ne peut excéder le tiers du montant de l'amende encourue ;
« 2° Le cas échéant, l'obligation pour l'auteur de l'infraction de réparer le dommage résultant de celle-ci ;
« 3° Les délais impartis pour le paiement et, s'il y a lieu, l'exécution de l'obligation de réparer le dommage.
« III. - L'acte par lequel le président du tribunal de grande instance ou le juge par lui désigné homologue la proposition de transaction est interruptif de la prescription de l'action publique.
« L'action publique est éteinte lorsque l'auteur de l'infraction a exécuté dans les délais impartis l'intégralité des obligations résultant pour lui de l'acceptation de la transaction.
« En cas de non-exécution de l'intégralité des obligations dans les délais impartis ou de refus d'homologation, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en œuvre les mesures prévues à l'article 41-1 ou une composition pénale, ou engage des poursuites.
« IV. - Les opérations réalisées par l'officier de police judiciaire en application des I et II du présent article sont relatées dans un seul procès-verbal.
« V. - Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »
2. Les syndicats requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent le droit à un procès équitable et les droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que le droit au respect de la présomption d'innocence reconnu par l'article 9 de cette Déclaration. Ils soutiennent également que ces dispositions portent atteinte à l'article 34 de la Constitution et au principe de « légalité procédurale » qui découlerait des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789.
. En ce qui concerne la méconnaissance des exigences résultant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 :
3. Selon les syndicats requérants, la procédure prévue à l'article 41-1-1 du code de procédure pénale ne présente pas les caractères d'une transaction librement consentie et exécutée. En effet, d'une part, la personne à laquelle la transaction est proposée serait exposée à un risque de pression résultant directement de la qualité et des pouvoirs de l'officier de police judiciaire qui présente cette proposition. D'autre part, la faculté reconnue à ce dernier d'exiger la consignation d'une somme correspondant au montant de l'amende transactionnelle conférerait un caractère exécutoire à cette amende.
4. Les syndicats requérants soutiennent qu'il appartenait, par conséquent, au législateur d'entourer cette procédure de garanties propres à assurer le respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable. Or, selon eux, les dispositions contestées n'ont prévu ni d'informer l'intéressé de son droit à être assisté d'un avocat, ni de porter à sa connaissance les faits qui lui sont reprochés, leur qualification pénale et la peine encourue. Elles n'auraient pas non plus exclu que la mesure de transaction pénale puisse être proposée pendant une garde à vue, alors que s'exerce une contrainte sur la personne à laquelle l'infraction est reprochée. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un procès équitable et des droits de la défense reconnus par l'article 16 de la Déclaration de 1789.
5. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que les droits de la défense.
6. L'article 41-1-1 du code de procédure pénale est relatif à la procédure par laquelle, tant que l'action publique n'est pas mise en mouvement, un officier de police judiciaire peut transiger sur la poursuite de certaines contraventions et de certains délits. La proposition de transaction doit être autorisée par le procureur de la République et acceptée par l'auteur de l'infraction. Elle est déterminée en fonction des circonstances et de la gravité de l'infraction, de la personnalité et de la situation de l'auteur des faits. Elle précise le montant de l'amende transactionnelle due, qui ne peut être supérieure au tiers de l'amende encourue, l'obligation faite à l'auteur de l'infraction de réparer les dommages causés, ainsi que les délais impartis pour sa mise en œuvre. La transaction est homologuée par le président du tribunal de grande instance ou le juge désigné par lui, après avoir entendu, le cas échéant, la personne concernée, éventuellement assistée de son avocat. L'action publique est éteinte si l'auteur de l'infraction exécute, dans les délais impartis, les obligations mises à sa charge. Par ailleurs, lorsque la proposition de transaction a été autorisée par le procureur de la République, l'officier de police peut soumettre l'auteur de l'infraction à l'obligation de consigner une somme d'argent en vue de garantir le paiement de l'amende transactionnelle ou de celle à laquelle il pourrait être condamné, en cas de poursuites.
7. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les syndicats requérants, les dispositions relatives à la consignation d'une somme d'argent en vue de garantir le paiement de l'amende transactionnelle ne confèrent pas à cette dernière un caractère exécutoire, puisque l'auteur de l'infraction peut toujours, même après l'homologation, refuser d'acquitter la somme due. La circonstance que le décret pris en application des dispositions contestées aurait conféré un tel caractère exécutoire à la mesure transactionnelle en prévoyant que la consignation valait paiement, une fois la transaction homologuée, ne saurait à cet égard être prise en compte, dans l'exercice de son contrôle, par le Conseil constitutionnel.
8. En second lieu, pour que les droits de la défense soient assurés dans le cadre d'une procédure de transaction ayant pour objet l'extinction de l'action publique, la procédure de transaction doit reposer sur l'accord libre et non équivoque, avec l'assistance éventuelle de son avocat, de la personne à laquelle la transaction est proposée.
9. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître les droits de la défense, autoriser qu'une transaction soit conclue sans que la personne suspectée d'avoir commis une infraction ait été informée de son droit à être assistée de son avocat avant d'accepter la proposition qui lui est faite, y compris si celle-ci intervient pendant qu'elle est placée en garde à vue.
10. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, les dispositions contestées, qui n'instituent pas une sanction ayant le caractère d'une punition, ne portent aucune atteinte aux exigences qui résultent de l'article 16 de la Déclaration de 1789.
. En ce qui concerne la méconnaissance de la présomption d'innocence :
11. Selon les syndicats requérants, en n'interdisant pas que les déclarations de l'auteur de l'infraction, faites à l'occasion de la procédure de transaction, puissent être ensuite utilisées contre lui, dans le cadre des poursuites engagées en cas d'échec de la transaction, les dispositions contestées méconnaîtraient la présomption d'innocence.
12. Ni le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, qui découle de l'article 9 de la Déclaration de 1789, ni aucune autre exigence constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu'une personne suspectée d'avoir commis une infraction reconnaisse librement sa culpabilité et consente à exécuter une peine, s'acquitter d'une amende transactionnelle ou exécuter des mesures de nature à faire cesser l'infraction ou à en réparer les conséquences. Par conséquent, les dispositions contestées ne méconnaissent pas la présomption d'innocence.
. En ce qui concerne la méconnaissance par le législateur de sa compétence :
13. Les syndicats requérants soutiennent qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire la définition de la valeur de l'objet volé, en deçà de laquelle une transaction pénale peut intervenir, le législateur n'a pas respecté la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution en matière pénale et porté atteinte au « principe de légalité procédurale » qui découlerait des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789.
14. Selon le premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.
15. En vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale. Il incombe à ce titre au législateur de déterminer les conditions d'extinction de l'action publique.
16. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». S'il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales.
17. Le 4° du paragraphe I de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale prévoit qu'un décret fixe la valeur de l'objet volé en-deçà de laquelle il est possible de proposer à l'auteur d'un vol une transaction pénale. En renvoyant ainsi au pouvoir réglementaire le soin de délimiter le champ d'application d'une procédure ayant pour objet l'extinction de l'action publique, le législateur a méconnu sa compétence dans des conditions affectant l'égalité devant la procédure pénale.
18. Le 4° du paragraphe I de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale doit être déclaré contraire à la Constitution.
19. Sous la réserve énoncée au paragraphe 9, les autres dispositions de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution.
- Sur l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure :
20. L'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure prévoit, dans sa rédaction issue de la loi du 15 août 2014 mentionnée ci-dessus : « I.- Au sein du conseil départemental de prévention de la délinquance et, le cas échéant, de la zone de sécurité prioritaire, l'état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure sont chargés d'animer et de coordonner, sur leur territoire, les actions conduites par l'administration pénitentiaire, les autres services de l'État, les collectivités territoriales, les associations et les autres personnes publiques ou privées, en vue de favoriser l'exécution des peines et prévenir la récidive.
« Dans le cadre de leurs attributions, l'état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure :
« 1° Sont informés par le procureur de la République, au moins une fois par an, de la politique pénale mise en œuvre sur leur territoire ;
« 2° Examinent et donnent leur avis sur les conditions de mise en œuvre des mesures prévues à l'article 41-1 du code de procédure pénale ;
« 3° Organisent les modalités du suivi et du contrôle en milieu ouvert, par les services et personnes publiques ou privées mentionnés au premier alinéa du présent I, des personnes condamnées sortant de détention, désignées par l'autorité judiciaire compte tenu de leur personnalité, de leur situation matérielle, familiale et sociale ainsi que des circonstances de la commission des faits ;
« 4° Informent régulièrement les juridictions de l'application des peines ainsi que le service pénitentiaire d'insertion et de probation des conditions de mise en œuvre, dans le ressort, du suivi et du contrôle des personnes désignées en application du 3° du présent I et peuvent se voir transmettre par ces mêmes juridictions et ce même service toute information que ceux-ci jugent utile au bon déroulement du suivi et du contrôle de ces personnes.
« II.- Les informations confidentielles échangées en application du I du présent article ne peuvent être communiquées à des tiers.
« L'échange d'informations est réalisé selon les modalités prévues par un règlement intérieur établi par le conseil départemental de prévention de la délinquance sur la proposition des membres des groupes de travail mentionnés au premier alinéa.
« III.- Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État ».
21. Les syndicats requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître la garantie des droits proclamée à l'article 16 de la Déclaration de 1789 et la liberté individuelle protégée par l'article 66 de la Constitution. En confiant à des autorités administratives une mission d'organisation des modalités de suivi et de contrôle en milieu ouvert de personnes condamnées, les dispositions contestées empiéteraient sur les prérogatives de l'autorité judiciaire en matière d'exécution des peines. Par ailleurs, en prévoyant l'échange d'informations entre ces autorités administratives et l'autorité judiciaire, le législateur aurait méconnu le droit au respect de la vie privée découlant de l'article 2 de la Déclaration de 1789.
22. En conséquence, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les 3° et 4° du paragraphe I de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure.
23. En premier lieu, aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de confier à des autorités autres que des juridictions judiciaires le soin de fixer certaines modalités d'exécution des peines. En se bornant à prévoir que l'état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure organisent les modalités du suivi et du contrôle des seules personnes condamnées qui leur sont désignées à cette fin par l'autorité judiciaire, les dispositions contestées ne méconnaissent aucune des prérogatives constitutionnelles des juridictions judiciaires en matière d'exécution des peines. Les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et de l'article 66 de la Constitution doivent donc être écartés.
24. En second lieu, selon l'article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée. Les échanges d'informations entre, d'une part, l'état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure et, d'autre part, les juridictions de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation, sont susceptibles de porter atteinte à ce droit. Pour être conformes à la Constitution, ces atteintes doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et mises en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif.
25. En prévoyant ces échanges d'informations, le législateur a entendu, en améliorant le suivi et le contrôle des personnes condamnées, favoriser l'exécution des peines et prévenir la récidive. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.
26. Toutefois, le législateur a prévu que puisse être transmise à l'état-major de sécurité et à la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure « toute information » que les juridictions de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation « jugent utile » au bon déroulement du suivi et du contrôle des personnes condamnées, sans définir la nature des informations concernées, ni limiter leur champ. Ce faisant, même s'il s'agissait d'améliorer le suivi et le contrôle des personnes condamnées, de favoriser l'exécution des peines et de prévenir la récidive, le législateur a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
27. En conséquence, les mots : « et peuvent se voir transmettre par ces mêmes juridictions et ce même service toute information que ceux-ci jugent utile au bon déroulement du suivi et du contrôle de ces personnes » figurant au 4° du paragraphe I de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure doivent être déclarés contraires à la Constitution.
28. Les dispositions du 3° et les autres dispositions du 4° du paragraphe I de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution.
- Sur les effets des déclarations d'inconstitutionnalité :
29. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration.
30. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter la date de l'abrogation des dispositions contestées. Les déclarations d'inconstitutionnalité du 4° du paragraphe I de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale et celle des mots : « et peuvent se voir transmettre par ces mêmes juridictions et ce même service toute information que ceux-ci jugent utile au bon déroulement du suivi et du contrôle de ces personnes » figurant au 4° du paragraphe I de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure prennent effet à compter de la date de la publication de la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er.- Sont contraires à la Constitution :
- le 4° du paragraphe I de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales ;
- les mots : « et peuvent se voir transmettre par ces mêmes juridictions et ce même service toute information que ceux-ci jugent utile au bon déroulement du suivi et du contrôle de ces personnes » figurant au 4° du paragraphe I de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au paragraphe 30.
Article 3.- Sont conformes à la Constitution :
- sous la réserve énoncée au paragraphe 9, les autres dispositions de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi mentionnée à l'article 1er ;
- les dispositions du 3° et les autres dispositions du 4° du paragraphe I de l'article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la loi mentionnée à l'article 1er.
Article 4.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mme Corinne LUQUIENS et M. Michel PINAULT.
Rendu public le 23 septembre 2016.