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07/05/2015 | FRANCE | N°2015-467

France | France, Conseil constitutionnel, 07 mai 2015, 2015-467


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 février 2015 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 891 du 18 février 2015), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour M. Mohamed D. par Me François Sartre, avocat au barreau de Marseille, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article 530 du code de procédure pénale.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembr

e 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code...

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 février 2015 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 891 du 18 février 2015), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour M. Mohamed D. par Me François Sartre, avocat au barreau de Marseille, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article 530 du code de procédure pénale.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de la route ;
Vu la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, notamment son article 5 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Sartre, enregistrées le 25 février 2015 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 16 mars 2015 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Sartre pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 21 avril 2015 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 530 du code de procédure pénale, relatif aux formalités de la réclamation formée contre l'amende forfaitaire majorée prononcée pour certaines contraventions, dans sa rédaction issue de la loi du 20 décembre 2007 susvisée : « La réclamation doit être accompagnée de l'avis d'amende forfaitaire majorée correspondant à l'amende considérée ainsi que, dans le cas prévu par l'article 529-10, de l'un des documents exigés par cet article, à défaut de quoi elle est irrecevable » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en prévoyant l'obligation de joindre l'avis d'amende forfaitaire majorée correspondant à l'amende considérée en cas de réclamation alors que cet avis n'est pas systématiquement adressé au contrevenant, ces dispositions méconnaissent les droits de la défense ; que, par ailleurs, l'absence de voie de recours contre la décision par laquelle l'officier du ministère public rejette pour irrecevabilité une réclamation au motif qu'elle n'est pas accompagnée de cet avis méconnaîtrait le droit à un recours juridictionnel effectif ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots : « de l'avis d'amende forfaitaire majorée correspondant à l'amende considérée ainsi que » figurant au troisième alinéa de l'article 530 du code de procédure pénale ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que les droits de la défense lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition ;
5. Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article 529 du code de procédure pénale « pour les contraventions dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire qui est exclusive de l'application des règles de la récidive » ; qu'en application du second alinéa de l'article 529-2 du même code, à défaut de paiement ou de requête en exonération dans un délai de quarante-cinq jours, l'amende forfaitaire est majorée de plein droit et recouvrée en vertu d'un titre exécutoire ; que, selon l'article 530 du même code, le contrevenant peut, dans les trente jours suivant l'envoi de l'avis d'amende forfaitaire majorée, former auprès du ministère public une réclamation motivée qui a pour effet d'annuler le titre exécutoire ; que cette réclamation reste recevable tant que la peine n'est pas prescrite, s'il ne résulte pas d'un acte d'exécution ou de tout autre moyen de preuve que l'intéressé a eu connaissance de l'amende forfaitaire majorée ; que s'il s'agit d'une contravention au code de la route, la réclamation n'est toutefois plus recevable à l'issue d'un délai de trois mois lorsque l'avis d'amende forfaitaire majorée est envoyé par lettre recommandée à l'adresse figurant sur le certificat d'immatriculation du véhicule, sauf si le contrevenant justifie qu'il a, avant l'expiration de ce délai, déclaré son changement d'adresse au service d'immatriculation des véhicules ; que le troisième alinéa de cet article 530 subordonne la recevabilité de cette réclamation à la production de l'avis d'amende forfaitaire majorée correspondant à l'amende considérée ; que le premier alinéa de l'article 530-1 du même code prévoit notamment que le ministère public avise le contrevenant de l'irrecevabilité de sa réclamation si celle-ci n'est pas accompagnée de cet avis ;
6. Considérant, en premier lieu, que le contrevenant, qui a eu la possibilité de contester l'infraction relevée contre lui en formant une requête aux fins d'exonération de l'amende forfaitaire encourue dans les conditions prévues par l'article 529-2 du code de procédure pénale, peut encore s'opposer au paiement de l'amende forfaitaire majorée, qui lui est infligée à défaut d'une telle contestation ou d'acquittement de la somme due, en formant une réclamation contre le titre d'exécution ; que, par la disposition attaquée, le législateur lui a imposé, à peine d'irrecevabilité, d'accompagner sa réclamation de l'avis qui lui a été envoyé ; qu'une telle condition, nécessaire à l'identification de la procédure de poursuite visée par la réclamation, est justifiée par l'objectif de bonne administration de la justice et n'apporte aucune restriction aux droits de la défense ;
7. Considérant, en second lieu, que le droit à un recours juridictionnel effectif impose que la décision du ministère public déclarant la réclamation prévue par le troisième alinéa de l'article 530 du code de procédure pénale irrecevable au motif qu'elle n'est pas accompagnée de l'avis d'amende forfaitaire majorée puisse être contestée devant le juge de proximité, soit que le contrevenant prétende que, contrairement aux prescriptions du deuxième alinéa de l'article 530, l'avis d'amende forfaitaire majorée ne lui a pas été envoyé, soit qu'il justifie être dans l'impossibilité de le produire pour des motifs légitimes ; que, sous cette réserve, le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté ;
8. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent, sous la réserve énoncée au considérant 7, être déclarées conformes à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 7, les mots : « de l'avis d'amende forfaitaire majorée correspondant à l'amende considérée ainsi que » figurant au troisième alinéa de l'article 530 du code de procédure pénale sont conformes à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 mai 2015, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Lionel JOSPIN et Mme Nicole MAESTRACCI.


Synthèse
Numéro de décision : 2015-467
Date de la décision : 07/05/2015
M. Mohamed D. [Réclamation contre l'amende forfaitaire majorée]
Sens de l'arrêt : Conformité - réserve
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 07 mai 2015 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 07 mai 2015 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2015-467 QPC du 07 mai 2015
Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2015:2015.467.QPC
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