Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 mai 2011 par le Conseil d'État (décision n° 346994 du 12 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le département de Haute-Savoie, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 313-5 du code de l'éducation.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Jean Barthélemy, Olivier Matuchansky et Claire Vexliard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 juin 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 6 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean Barthélemy, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 28 juin 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-5 du code de l'éducation : « Les centres publics d'orientation scolaire et professionnelle peuvent être transformés en services d'État. Lorsqu'il est procédé à la transformation de ces centres, les dépenses de fonctionnement et d'investissement de ceux-ci, précédemment à la charge du département ou de la commune à la demande desquels ils ont été constitués, sont prises en charge par l'État.
« Cette mesure ne peut entraîner de changement dans l'affectation, au centre transformé, de locaux n'appartenant pas à l'État. L'usage de ces locaux par le service nouveau donne lieu à versement d'un loyer » ;
2. Considérant que le département requérant fait valoir que ces dispositions contraignent les collectivités territoriales à financer les dépenses de fonctionnement et d'investissement relatives aux centres d'information et d'orientation qui ont été créés à leur demande, tant que ceux-ci n'ont pas été, soit transformés en service d'État, soit supprimés, alors que la création, la gestion et la suppression de ces centres relèvent de la compétence de l'État ; qu'ainsi, elles méconnaîtraient tant le principe de la libre administration des collectivités territoriales que celui de la libre disposition de leurs ressources ;
3. Considérant que si, en vertu du troisième alinéa de l'article 72 et du premier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », chacune d'elles le fait dans les conditions prévues par la loi ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux. . . de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources » ;
4. Considérant que, si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, c'est à la condition notamment que celles-ci concourent à une fin d'intérêt général ;
5. Considérant, d'une part, que, selon l'article L. 313-1 du code de l'éducation, « le droit au conseil en orientation et à l'information sur les enseignements, sur l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée dans les conditions définies à l'article L. 6211 1 du code du travail, sur les professions ainsi que sur les débouchés et les perspectives professionnels fait partie du droit à l'éducation » ; que ce même article prévoit que les collectivités territoriales contribuent à l'élaboration par les élèves de « leur projet d'orientation scolaire et professionnelle avec l'aide des parents, des enseignants, des personnels d'orientation et des autres professionnels compétents » ; qu'ainsi, la contribution d'une collectivité territoriale au financement d'un centre public d'information et d'orientation répond à une fin d'intérêt général ;
6. Considérant, d'autre part, que l'article L. 313-4 du code de l'éducation impose l'organisation d'un centre public d'orientation scolaire et professionnelle dans chaque département ; qu'en dehors de cette exigence légale, un ou plusieurs centres supplémentaires peuvent être créés par l'État à la demande d'une collectivité territoriale ; que, si cette collectivité demande à ne plus assumer la charge correspondant à l'entretien d'un centre supplémentaire dont l'État n'a pas décidé la transformation en service d'État, l'article L. 313-5 a pour conséquence nécessaire d'obliger la collectivité et l'État à organiser sa fermeture ;
7. Considérant qu'il s'ensuit que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les articles 72 et 72-2 de la Constitution ; qu'elles ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
DÉCIDE :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 6, l'article L. 313-5 du code de l'éducation est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 13 juillet 2011.