Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 janvier 2011 par la Cour de cassation (chambre civile, arrêt n° 192 du 5 janvier 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Selamet B., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 8223-1 du code du travail.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 27 janvier 2011 ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Jean-Claude Broutin, avocat au barreau d'Amiens, enregistrées les 27 janvier et 11 février 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Broutin pour la requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 8 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail : « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire » ;
2. Considérant que, selon la requérante, ces dispositions instituent une sanction pécuniaire automatique et forfaitaire contraire au principe d'individualisation des peines ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; qu'il s'ensuit que ces principes ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ;
4. Considérant que l'article L. 8223-1 du code du travail prévoit, en cas de licenciement d'un salarié dont le travail a été dissimulé, le versement d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; que cette indemnité a pour objet d'assurer une réparation minimale du préjudice subi par le salarié du fait de la dissimulation du travail, qui conduit, faute de versement de cotisations sociales, à une perte de droits ; que le caractère forfaitaire de l'indemnité est destiné à compenser la difficulté, pour ce salarié, de prouver le nombre d'heures de travail accompli ; que, dès lors, cette indemnité, qui est distincte des sanctions pénales prévues par les articles L. 8224-1 et suivants du code du travail, ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; qu'il s'ensuit que les griefs tirés de la violation de cette disposition sont inopérants ;
5. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
DÉCIDE :
Article 1er.- L'article L. 8223-1 du code du travail est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 25 mars 2011.