Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, le 23 février 2006, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude BEAUCHAUD, Éric BESSON, Jean-Louis BIANCO, Jean-Pierre BLAZY, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Daniel BOISSERIE, Maxime BONO, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Michel CHARZAT, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mme Claude DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Marc DOLEZ, François DOSÉ, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Mme Odette DURIEZ, MM. Henri EMMANUELLI, Laurent FABIUS, Albert FACON, Jacques FLOCH, Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean GAUBERT, Mmes Nathalie GAUTIER, Catherine GÉNISSON, MM. Jean GLAVANY, Gaétan GORCE, Alain GOURIOU, Mmes Elisabeth GUIGOU, Paulette GUINCHARD, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. François HOLLANDE, Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Eric JALTON, Serge JANQUIN, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean LE GARREC, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Guy LENGAGNE, Mme Annick LEPETIT, MM. Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES- CASSOU, MM. François LONCLE, Victorin LUREL, Louis-Joseph MANSCOUR, Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, MM. Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, MM. Christian PAUL, Germinal PEIRO, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Geneviève PERRIN-GAILLARD, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Paul QUILÈS, Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Mmes Ségolène ROYAL, Odile SAUGUES, MM. Henri SICRE, Dominique STRAUSS-KAHN, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE, Paul GIACOBBI, Joël GIRAUD, Simon RENUCCI et Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, députés ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ;
Vu la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 3 mars 2006 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de son article 32 ;
- SUR L'ARTICLE 32 :
2. Considérant que l'article 32 de la loi déférée, issu d'un amendement gouvernemental adopté par le Sénat en première lecture, autorise le Gouvernement, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, à " instituer, à titre expérimental pour une durée qui ne saurait excéder deux ans, en lieu et place de la convention de reclassement personnalisé prévue à l'article L. 321-4-2 du code du travail, un contrat de transition professionnelle, ayant pour objet le suivi d'un parcours de transition professionnelle pouvant comprendre des mesures d'accompagnement, des périodes de formation et des périodes de travail au sein d'entreprises ou d'organismes publics, au profit des personnes dont le licenciement est envisagé pour motif économique par les entreprises non soumises aux dispositions de l'article L. 321-4-3 du code du travail, implantées dans certains bassins d'emploi " ;
3. Considérant que les requérants font grief au Gouvernement d'avoir demandé cette habilitation par voie d'amendement ; qu'ils soutiennent, en outre, que cet amendement ayant été déposé au Sénat, seconde assemblée saisie, l'Assemblée nationale a été privée, en raison de la procédure d'urgence, de tout droit d'amendement ; qu'ils ajoutent que l'article 38 de la Constitution fait obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision la finalité des mesures qu'il prendra en application de cette procédure ainsi que leur domaine d'intervention ;
. En ce qui concerne la demande d'habilitation par voie d'amendement :
4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 38 de la Constitution : " Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi " ;
5. Considérant qu'il résulte de cette disposition que, si le Gouvernement peut seul demander au Parlement l'autorisation de prendre de telles ordonnances, il a la faculté de le faire en déposant soit un projet de loi, soit un amendement à un texte en cours d'examen ;
. En ce qui concerne le droit d'amendement de l'Assemblée nationale :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi est l'expression de la volonté générale... " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 34 de la Constitution : " La loi est votée par le Parlement " ; qu'aux termes du premier alinéa de son article 39 : " L'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement " ; que le droit d'amendement que la Constitution confère aux parlementaires et au Gouvernement est mis en oeuvre dans les conditions et sous les réserves prévues par ses articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1 ;
7. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le droit d'amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées ; qu'il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et dans le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité ainsi que par la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie ;
8. Considérant qu'il ne résulte ni de l'article 38 de la Constitution ni d'aucune autre de ses dispositions qu'un amendement autorisant le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ne puisse être déposé devant la seconde assemblée saisie, fût-ce immédiatement avant la réunion de la commission mixte paritaire ;
9. Considérant, par ailleurs, que l'amendement dont est issue la disposition contestée n'était pas dépourvu de tout lien avec l'objet du projet de loi initialement déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie ;
. En ce qui concerne la précision de l'habilitation demandée :
10. Considérant que l'article 38 de la Constitution fait obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnances ainsi que leur domaine d'intervention ; qu'il ne lui impose pas pour autant de faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu'il prendra en vertu de cette habilitation ; que l'article 32 de la loi déférée définit le domaine d'intervention et les finalités de l'ordonnance avec une précision suffisante au regard des exigences de l'article 38 de la Constitution ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'article 32 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 31 :
12. Considérant que l'article 31 de la loi déférée, issu d'un amendement adopté par le Sénat en première lecture, a pour objet de fixer, jusqu'au 31 décembre 2008, le régime des heures supplémentaires dans les entreprises de vingt salariés au plus ;
13. Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'une disposition ne peut être introduite par voie d'amendement lorsqu'elle est dépourvue de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie ;
14. Considérant, en l'espèce, que l'article 31 de la loi déférée est dépourvu de tout lien avec un projet de loi qui, lors de son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie, comportait exclusivement des mesures relatives au retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux ; qu'il suit de là qu'il a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ;
15. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,
Décide :
Article premier.- L'article 31 de la loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux est déclaré contraire à la Constitution.
Article 2.- L'article 32 de la même loi est déclaré conforme à la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 mars 2006, où siégeaient : M. Pierre MAZEAUD, Président, MM. Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE et Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER, M. Pierre STEINMETZ et Mme Simone VEIL.