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22/01/1990 | FRANCE | N°89-267

France | France, Conseil constitutionnel, 22 janvier 1990, 89-267


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1989, par MM Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Honoré Bailet, Jean Barras, Jacques Bérard, Roger Besse, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Jacques Braconnier, Mme Paulette Brisepierre, MM Robert Calméjane, Jean-Pierre Camoin, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, Henri Collette, Maurice Couve de Murville, Charles de Cuttoli, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet, Franz Duboscq, Alain Dufaut, Marcel Fortier, Philippe Francois, Philippe de Gaulle, Alain G

érard, François Gerbaud, Charles Ginesy, Georges Gruillot...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1989, par MM Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Honoré Bailet, Jean Barras, Jacques Bérard, Roger Besse, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Jacques Braconnier, Mme Paulette Brisepierre, MM Robert Calméjane, Jean-Pierre Camoin, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, Henri Collette, Maurice Couve de Murville, Charles de Cuttoli, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet, Franz Duboscq, Alain Dufaut, Marcel Fortier, Philippe Francois, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginesy, Georges Gruillot, Yves Guéna, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Bernard Hugo, Roger Husson, André Jarrot, André Jourdain, Gérard Larcher, René-Georges Laurin, Marc Lauriol, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Paul Masson, Michel Maurice-Bokanowski, Jacques de Menou, Mme Hélène Missoffe, MM Geoffroy de Montalembert, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano, Jacques Oudin, Charles Pasqua, Alain Pluchet, Christian Poncelet, Roger Rigaudière, Jean-Jacques Robert, Mme Nelly Rodi, MM Josselin de Rohan, Roger Romani, Jean Simonin, Jacques Sourdille, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, René Trégouet, Dick Ukeiwé, Jacques Valade, Serve Vincon, Raymond Bourgine, Désiré Debavelaere, Lucien Lanier, Michel Rufin, Claude Prouvoyeur, André-Georges Voisin, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu la loi du 21 juin 1865 relative aux associations syndicales, ensemble les textes qui l'ont modifiée et complétée ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le mémoire ampliatif présenté au nom des auteurs de la saisine, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 4 janvier 1990 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les sénateurs auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social ; qu'à l'appui de leur saisine ils contestent la conformité à la Constitution des articles de cette loi relatifs, d'une part, aux associations foncières agricoles et, d'autre part, aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural ;

- SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX ASSOCIATIONS FONCIERES AGRICOLES :

2. Considérant que dans le dernier état de leurs conclusions les auteurs de la saisine font porter leurs critiques non plus sur l'ensemble des articles 12 à 25 de la loi, mais exclusivement sur ses articles 17, 19 et 20 ;

. En ce qui concerne l'article 17 relatif à une mesure de sauvegarde :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 17 : "Dans le périmètre de l'association, la préparation et l'exécution de tous travaux modifiant l'état des lieux, tels que semis et plantations d'espèces pluriannuelles, établissement de clôtures, création de fossés et de chemins, arrachage ou coupe des arbres et des haies peuvent être interdites par le représentant de l'État dans le département à compter de l'ouverture de l'enquête et jusqu'à sa décision, pendant le délai d'un an au plus" ;

4. Considérant que les auteurs de la saisine estiment que ces dispositions portent atteinte au pouvoir de libre disposition de son bien reconnu à tout propriétaire, sans aucune justification tirée de l'intérêt national ; que le "gel" qui est prévu est dommageable pour le propriétaire ; que le texte ne lui donne aucune garantie ;

5. Considérant que les dispositions de l'article 17 répondent au souci d'éviter que des initiatives individuelles ne viennent compromettre ou rendre plus onéreuse la constitution d'une association foncière agricole autorisée ou la réalisation par elle, ou pour son compte, de travaux ou d'ouvrages d'intérêt collectif ; qu'il revient à l'autorité administrative d'apprécier, cas par cas, si, eu égard à l'objectif poursuivi par l'article 17, il convient de faire usage et pour quelle durée des pouvoirs prévus par ce texte ; que toute mesure limitant l'exercice du droit de propriété devra comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement et sera soumise au contrôle du juge de l'excès de pouvoir ; que, ni par leur objet, ni par leur libellé, les dispositions de l'article 17 n'excluent la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique au cas où une décision légalement prise sur leur fondement causerait un préjudice indemnisable ;

6. Considérant, dans ces conditions, que les dispositions de l'article 17 ne portent pas au droit de propriété une atteinte contraire à la Constitution ;

. En ce qui concerne l'article 19 relatif à la constitution des associations foncières agricoles autorisées :

7. Considérant que l'article 19 dispose, dans son premier alinéa, que le représentant de l'État dans le département peut réunir les propriétaires intéressés en association foncière agricole autorisée si, tout à la fois : "1° La moitié au moins des propriétaires représentant les deux tiers au moins de la superficie des terrains compris dans le périmètre de l'association ou les deux tiers au moins des propriétaires représentant la moitié au moins de la superficie ont donné leur adhésion ou sont considérés comme ayant adhéré à l'association... ; 2° une collectivité territoriale, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, l'association, un propriétaire de terres situées dans le périmètre ou un tiers prend l'engagement d'acquérir les biens dont le ou les propriétaires opteraient pour le délaissement prévu à l'article 20" ;

8. Considérant qu'en vertu du second alinéa de l'article 19, "lorsqu'une ou plusieurs collectivités territoriales participent à la constitution de l'association, la condition visée au 1° ci-dessus est tenue pour remplie si les collectivités territoriales et les autres propriétaires susceptibles d'être considérés comme ayant adhéré à l'association possèdent au moins les deux tiers de la superficie de ces terres" ;

9. Considérant que, selon les auteurs de la saisine, l'atteinte portée par ces dispositions au droit de propriété est "patente" ; que l'intervention des collectivités territoriales entraîne une inégalité de traitement des propriétaires à l'intérieur de l'association ; qu'enfin, il serait porté atteinte au principe de la liberté d'association ;

- Quant à l'atteinte au droit de propriété :

10. Considérant que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a défini elle-même ou par renvoi aux règles de droit commun fixées par la loi du 21 juin 1865 relative aux associations syndicales les conditions dans lesquelles une association foncière agricole peut être autorisée ; qu'en particulier, l'association doit s'assigner un objet de la nature de ceux définis à l'article 13 de la loi déférée et qui consistent à assurer ou faire assurer, soit des tâches d'intérêt collectif agricoles, pastorales ou forestières, soit des travaux ou ouvrages à des fins autres, dès lors qu'ils contribuent au développement rural ; qu'une association foncière agricole ne peut, comme le prescrit l'article 15 de la loi, être autorisée qu'après enquête administrative ; qu'au surplus, tout propriétaire de parcelles comprises dans le périmètre de l'association a la faculté d'exercer un droit de délaissement ;

11. Considérant que les dispositions de l'article 19 de la loi déférée, rapprochées des autres dispositions de ce texte, ne portent pas au droit de propriété une atteinte contraire à la Constitution ;

- Quant à l'atteinte au principe d'égalité :

12. Considérant que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce qu'à des situations différentes soient appliquées, compte tenu de l'objet de la loi, des règles différentes ; que la loi pouvait donc, pour la détermination des conditions auxquelles est subordonnée l'autorisation d'une association foncière agricole, édicter des règles différentes selon qu'une collectivité territoriale participe ou non à sa constitution ;

- Quant à l'atteinte à la liberté d'association :

13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de la loi du 21 juin 1865 que les associations syndicales autorisées sont, non des associations de droit privé, mais des établissements publics à caractère administratif ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les conditions de leur création seraient contraires à la liberté d'association est dénué de pertinence ;

. En ce qui concerne l'article 20 relatif au droit de délaissement :

14. Considérant que l'article 20 est ainsi rédigé : "Les propriétaires de parcelles comprises dans le périmètre d'une association foncière agricole autorisée qui ne peuvent pas être considérés comme ayant donné leur adhésion à la constitution de l'association peuvent, dans un délai de trois mois à partir de la publication de l'arrêté d'autorisation du représentant de l'État dans le département, délaisser leurs immeubles moyennant indemnité. A défaut d'accord amiable, cette indemnité est fixée comme en matière d'expropriation. L'exécution de travaux ou d'ouvrages sur les parcelles ainsi délaissées ne peut être entreprise qu'après paiement ou consignation des indemnités de délaissement." ;

15. Considérant que, selon les auteurs de la saisine, l'indemnisation prévue par ce texte est contraire à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme ; qu'en effet, il n'est pas précisé que l'indemnité doit être juste ; qu'elle n'est pas préalable au délaissement ; que les atteintes portées au droit de propriété ne sont pas justifiées par la nécessité publique ou l'intérêt général ; que le débiteur de l'indemnisation n'est pas clairement identifié ; qu'ainsi, la violation de l'article 17 de la Déclaration de 1789 se double d'une méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence au regard de l'article 34 de la Constitution ;

- Quant au moyen tiré de la violation de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen :

16. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : "La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité." ;

17. Considérant que l'exercice du droit de délaissement constitue une réquisition d'achat à l'initiative d'un propriétaire de parcelles qui n'entend pas adhérer à une association syndicale autorisée ; que par suite les conditions d'exercice de ce droit n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ;

18. Considérant cependant qu'il résulte du respect dû au droit de propriété garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, comme du principe d'égalité devant les charges publiques qui découle de son article 13, que le prix d'un bien délaissé au profit d'une association syndicale autorisée ne saurait être inférieur à sa valeur ;

19. Considérant que l'article 20 de la loi, selon lequel en cas de désaccord l'"indemnité" est fixée comme en matière d'expropriation, satisfait à cette exigence ;

- Quant au moyen tiré de la violation de l'article 34 de la Constitution :

20. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'article 19 de la loi que le prix du bien délaissé sera à la charge de celui des organismes ou personnes mentionnés au 2° dudit article qui aura souscrit un engagement en ce sens avant même la constitution de l'association autorisée ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le législateur aurait, en n'indiquant pas le débiteur de l'indemnisation, méconnu l'étendue de sa compétence, manque en fait ;

- SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX SOCIETES D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL :

21. Considérant que dans le dernier état de leurs conclusions les auteurs de la saisine limitent leurs critiques à l'article 30 de la loi ;

22. Considérant que l'article 30 ajoute à la loi n° 60-808 du 5 août 1960 un article 18-1 ; qu'en vertu du premier alinéa de cet article il est permis à tout propriétaire de mettre à la disposition d'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural (S.A.F.E.R.), pour une durée limitée, des immeubles ruraux libres de location en vue de leur aménagement parcellaire ou de leur mise en valeur dans le cadre de rapports contractuels non soumis au statut du fermage ; que, selon le deuxième alinéa, la S.A.F.E.R. consent sur les immeubles ainsi mis à sa disposition des baux qui ne sont eux-mêmes soumis au régime du fermage que pour ce qui concerne le prix et qui déterminent les améliorations que le preneur s'engage à apporter au fonds et les indemnités qu'il percevra à l'expiration du bail ; que le troisième alinéa dispose qu'à l'expiration de ce bail et dès lors que sa durée excède six ans le propriétaire ne peut donner à bail le bien dans les conditions du droit commun sans l'avoir préalablement proposé au preneur en place ; que le quatrième et dernier alinéa exonère les conventions conclues en application du premier alinéa de droits de timbre et d'enregistrement ainsi que des taxes sur le chiffre d'affaires ;

23. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que l'article 30 est contraire au principe d'égalité car il institue au profit des S.A.F.E.R. et de leurs cocontractants une double dérogation au statut du fermage qui n'est pas justifiée par des considérations tirées de l'intérêt général ;

24. Considérant que les dérogations apportées par l'article 30 au statut du fermage ont un caractère temporaire ; que la procédure instituée par cet article n'est applicable qu'à des immeubles ruraux libres de location d'une superficie qui ne peut excéder deux fois la surface minimum d'installation et a pour but de promouvoir leur aménagement parcellaire ou leur mise en valeur agricole ; qu'une fois ces objectifs réalisés, sous le contrôle de la S.A.F.E.R., le statut du fermage s'applique à nouveau ; que, prise dans son ensemble, la procédure prévue par l'article 30, qui répond à un souci de mise en valeur agricole, n'est pas contraire au principe constitutionnel d'égalité ;

- SUR LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI :

25. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;

Décide :

Article premier :

La loi complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social n'est pas contraire à la Constitution.

Article 2 :

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 89-267
Date de la décision : 22/01/1990
Loi complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

SAISINE SENATEURS

Les sénateurs soussignés défèrent au Conseil constitutionnel les articles 12 à 25 inclus et 26 à 32 inclus de la loi complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social, adoptée par l'Assemblée nationale le 20 décembre 1989.

En vertu de l'article 61 de la Constitution, les sénateurs soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer ladite loi non conforme à la Constitution.

Sur les articles 12 à 25 (inclus) de la loi :

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 est devenue partie intégrante du bloc de constitutionnalité.

L'article 2 de cette déclaration range la propriété au nombre des droits naturels et imprescriptibles de l'homme.

L'article 17, pour sa part, proclame " que la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ".

Or, il semble que les associations foncières agricoles portent atteinte à la propriété privée, sans que les conditions susénoncées soient remplies.

Les AFA portent atteinte à la propriété privée :

L'article 12 de la loi précise : " les associations foncières agricoles sont des associations syndicales libres ou autorisées, régies par les dispositions de la loi du 21 juin 1865 relative aux associations syndicales et les textes subséquents ainsi que par les articles 13 à 23 de la présente loi constituées entre propriétaires de terrains à vocation agricole pastorale ou forestière pour réaliser les opérations mentionnées à l'article 13 ".

L'article 13 précise : " dans les limites fixées par leur statut, les associations foncières agricoles peuvent :

" a) Assurer ou faire assurer l'exécution, l'aménagement, l'entretien et la gestion des travaux ou ouvrages collectifs permettant la mise en valeur agricole pastorale ou forestière des fonds sans se livrer d'une manière habituelle à leur exploitation directe.

" b) Assurer ou faire assurer l'exécution de travaux ou d'ouvrages à des fins autres qu'agricoles, pastorales ou forestières à la condition que ces travaux ou ouvrages contribuent au développement rural dans leur périmètre.

" Elles assurent la gestion des fonds compris dans leur périmètre pour lesquels elles ont reçu un mandat du propriétaire ou de son représentant. "

Le coût de ces travaux votés par l'association foncière est supporté par les propriétaires membres de l'association.

Or, pour ce qui concerne les associations foncières agricoles autorisées, l'article 19 de la loi précise : " le représentant de l'Etat dans le département peut réunir les propriétaires intéressés en association foncière agricole autorisée si, tout à la fois :

" 1. La moitié au moins des propriétaires représentant les deux tiers au moins de la superficie des terrains compris dans le périmètre de l'association ou les deux tiers au moins des propriétaires représentant la moitié au moins de la superficie ont donné leur adhésion ou sont considérés comme ayant adhéré à l'association dans les conditions prévues à l'article 11 de la loi du 21 juin 1865 précitée.

" 2. Une collectivité territoriale, la société d'aménagement foncier ou d'établissement rural, l'association, un propriétaire de terres situées dans le périmètre où un tiers prend l'engagement d'acquérir les biens dont le ou les propriétaires opteraient pour le délaissement prévu à l'article 20.

" Lorsqu'une ou plusieurs collectivités territoriales participent à la constitution de l'association, la condition visée au 1 ci-dessus est tenue pour remplie si les collectivités territoriales et les autres propriétaires susceptibles d'être considérés comme ayant adhéré à l'association possèdent au moins les deux tiers de la superficie de ces terres. "

L'article 20 pour sa part précise : " les propriétaires de parcelles comprises dans le périmètre d'une association foncière agricole autorisée, qui ne peuvent pas être considérés comme ayant donné leur adhésion à la constitution de l'association, peuvent, dans un délai de trois mois à partir de la publication de l'arrêté d'autorisation de représentant de l'Etat dans le département, délaisser leurs immeubles moyennant indemnité. A défaut d'accord amiable, cette indemnité est fixée comme en matière d'expropriation "

Dès lors, l'application combinée des articles 19 et 20 permet à la moitié au moins des propriétaires représentant deux tiers au moins de la superficie du périmètre de l'association :

: de contraindre l'autre moitié des propriétaires à adhérer à l'association et donc à supporter le coût des travaux réalisés par l'association ;

: ou de les contraindre à délaisser leurs terres.

Il y a donc réellement atteinte au droit de propriété, car s'il existe déjà des limitations à la plénitude de l'exercice du droit de propriété en matière agricole, les AFA constituent néanmoins des institutions totalement nouvelles qui auront pour effet de limiter encore davantage ce droit de propriété.

Cette atteinte est-elle justifiée par une nécessité publique, légalement constatée ?

Les conditions posées par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne sont pas remplies :

L'article 13 précité permet à l'association foncière " d'assurer ou faire assurer l'exécution de travaux ou d'ouvrages à des fins autres qu'agricoles, pastorales ou forestières à la condition que ces travaux ou ouvrages contribuent au développement rural dans leur périmètre ".

Le texte ne donne aucune définition du développement rural susceptible de justifier les restrictions apportées au droit de propriété.

Or, il n'est possible d'exproprier que si l'expropriation poursuit un but d'intérêt public (art 17, Déclaration des droits de l'homme et du citoyen).

La présente loi substitue à la condition de nécessité publique un concept mal défini, beaucoup plus large que la nécessité publique : la contribution au développement rural imposée par l'article 13 de la loi est une nécessité indéterminée, floue, imprécise, qui se substitue à l'intérêt général, seul susceptible de justifier une expropriation ou une atteinte au droit de propriété.

La loi ne démontre donc pas que " la contribution au développement rural " constitue une nécessité publique. De ce fait, l'atteinte au droit de propriété n'est pas justifiée.

Sur les articles 26 à 35 (inclus) de la loi :

L'article 30 de la loi permet aux SAFER de déroger par trois fois au statut du fermage :

: location des terres au propriétaire par un bail non soumis au statut ;

: sous-location des terres dont elles disposent ainsi ;

: contrat de sous-location non soumis au statut du fermage, sauf en ce qui concerne le prix.

De ce fait, cet article institue une rupture d'égalité des citoyens devant la loi en ce que les SAFER seront les seules personnes morales de droit privé à pouvoir déroger au statut du fermage, alors que cette possibilité est refusée à toute autre personne morale désirant louer des terres.

Or, la location des terres en vue de les faire exploiter par le biais de la location n'est pas une des missions d'intérêt général confiée aux SAFER.

L'article 26 de la loi précitée délimite l'étendue de la mission confiée aux SAFER en précisant notamment que leur action doit avoir pour finalité :

: d'accroître la superficie de certaines exploitations agricoles ou forestières ;

: de faciliter la mise en culture du sol et le maintien ou l'installation d'agriculteurs à la terre ;

: de réaliser des améliorations parcellaires.

Pour ce faire, il leur est possible d'acquérir des terres mises en vente librement par leur propriétaire (à l'aide d'un droit de préemption) puis de les rétrocéder à un acquéreur de leur choix.

La mission ainsi conférée aux SAFER ne peut être exercée qu'à l'occasion du transfert en pleine propriété des terres. Cette mission justifie également les prérogatives exorbitantes du droit commun qui leur en était alors conférées.

Mais cette mission ne peut être poursuivie à l'aide de location puis de sous-location de terres. En effet, la location confère une jouissance temporaire, alors que l'objectif premier des SAFER consiste à poursuivre les buts que leur ont assignés la loi par l'acquisition en pleine propriété de terres.

Dès lors, les opérations de location puis de sous-location de terres ne peuvent être considérées comme ayant pour but d'atteindre les objectifs énoncés dans l'article 26 de la loi.

Les SAFER, dans le cadre de ces contrats de location, agissent donc non en tant qu'organisme poursuivant une mission d'intérêt général, mais comme simple intervenant sur le marché foncier.

L'article 30 instaure une rupture de principe d'égalité devant la loi au profit des SAFER et au détriment d'autres personnes morales de droit privé.

En agissant sur le marché foncier comme locataire, puis bailleur en sous-location, les SAFER sortent de leur mission d'intérêt général.

L'article 30 leur permet d'échapper au statut du fermage puisque les baux conclus au profit des SAFER puis ceux qu'elles consentent ne sont pas soumis aux dispositions des articles L 411-1 du code rural et suivants.

Les SAFER sont, de ce fait, les seules personnes morales de droit privé à pouvoir s'affranchir des dispositions des articles du code rural précité.

En effet, aucun agent immobilier ne dispose de cette possibilité.

De ce fait, la loi confère aux SAFER un avantage incontestable, non justifié par la poursuite de l'intérêt général au détriment d'autres intervenants sur le marché foncier.


Références :

DC du 22 janvier 1990 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 22 janvier 1990 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°89-267 DC du 22 janvier 1990
Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1990:89.267.DC
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