Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 11 décembre 1987, par MM Pierre Joxe, Lionel Jospin, Jean Anciant, Jean Auroux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Alain Barrau, Philippe Bassinet, Jean Beaufils, André Billardon, Gilbert Bonnemaison, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron (Ille-et-Vilaine), Pierre Bourguignon, Mme Denise Cacheux, MM Alain Calmat, Guy Chanfrault, Alain Chénard, Didier Chouat, André Clert, Jean-Hugues Colonna, Gérard Collomb, Michel Delebarre, Freddy Deschaux-Beaume, Jean-Pierre Destrade, Mmes Georgina Dufoix, Martine Frachon, M Gérard Fuchs, Mme Françoise Gaspard, MM Maurice Janetti, Jean Lacombe, André Laignel, Mme Catherine Lalumière, MM Michel Lambert, Christian Laurissergues, Georges Le Baill, Jean-Yves Le Déaut, Robert Le Foll, Jean Le Garrec, André Ledran, Mme Ginette Leroux, MM François Loncle, Martin Malvy, Philippe Marchand, Michel Margnes, Joseph Menga, Louis Mermaz, Pierre Métais, Gilbert Mitterrand, Mme Christiane Mora, M Jean Oehler, Mme Jacqueline Osselin, MM François Patriat, Jean Peuziat, Christian Pierret, Jean-Claude Portheault, Philippe Puaud, Jean-Jack Queyranne, Noël Ravassard, Jean Rigal, Mme Yvette Roudy, MM Dominique Saint-Pierre, Michel Sapin, Mmes Odile Sicard, Gisèle Stiévenard, M Olivier Stirn, Mme Catherine Trautmann, MM Guy Vadepied, Michel Vauzelle, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative aux élections cantonales.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les auteurs de la saisine mettent en cause la conformité à la Constitution de l'article 2 de la loi relative aux élections cantonales soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ;
2. Considérant que l'article 2 de la loi dispose : "Le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 221 du code électoral est porté à six mois en cas de vacance survenue pendant le premier trimestre de l'année 1988" ;
3. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que ces dispositions, en portant de trois à six mois le délai dans lequel il doit être procédé à une élection cantonale partielle, sont entachées d'erreur manifeste dans l'étendue des pouvoirs que le législateur peut confier à l'autorité administrative ; qu'elles méconnaissent, en outre, le principe d'égalité ; qu'elles confèrent enfin un pouvoir discrétionnaire aux Commissaires de la République ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles "concernant le régime électoral... des assemblées locales" ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 72, les collectivités territoriales "s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi" ;
5. Considérant qu'en application de ces dispositions il appartient à la loi de fixer le délai dans lequel il doit être procédé à des élections cantonales partielles ; que cependant, en raison des garanties d'objectivité qui doivent présider à toute consultation électorale, le délai susceptible d'être retenu ne doit pas ouvrir à l'autorité administrative une possibilité de choix telle qu'elle puisse engendrer l'arbitraire ; que, dans certains cas, par sa durée, le délai risquerait d'affecter les conditions d'exercice de la libre administration des collectivités territoriales ; qu'au demeurant, c'est en fonction de ces considérations que le délai de trois mois a été adopté par l'article 22 de la loi du 10 août 1871, dont les dispositions sont codifiées sous l'article L. 221, alinéa 1, du code électoral ;
6. Considérant que, en raison de la proximité de l'élection du Président de la République, l'article 2 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a pour objet de porter de trois à six mois le délai dans lequel il doit être procédé à une élection cantonale partielle en cas de vacance d'un siège de conseiller général survenue au cours du premier trimestre de l'année 1988 ; que ce texte ne subordonne à aucun critère le choix de la date à retenir au cours de ce délai dérogatoire ; que par ailleurs l'article 2 n'édicte aucune suspension des opérations électorales partielles pendant le trimestre considéré, ni pour les vacances ouvertes au cours de ce trimestre, ni pour celles ouvertes antérieurement et qui restent soumises au délai de trois mois de l'article L. 221 ; que l'article 2 ne prévoit pas davantage de suspension des élections partielles pour les vacances qui se produiraient à l'expiration du premier trimestre de l'année 1988 ; que s'impose uniquement l'obligation prévue par l'article L. 220 du code électoral de respecter un intervalle de quinze jours francs entre la date de convocation du corps électoral et le jour de l'élection ; qu'en cet état des textes, l'article 2 de la loi permet à l'autorité administrative, pour les vacances ouvertes pendant le premier trimestre, de choisir pour des élections partielles toute date à sa convenance au cours d'une période de six mois suivant l'ouverture de la vacance sans qu'en apparaisse la nécessité ;
7. Considérant qu'en prévoyant à l'article 2 un délai dérogatoire d'une aussi longue durée sans en préciser les conditions ni les limites de son application, le législateur est resté en deçà de sa compétence et a méconnu la Constitution ;
8. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;
Décide :
Article premier :
L'article 2 de la loi relative aux élections cantonales est déclaré non conforme à la Constitution.
Article 2 :
Les autres dispositions de la loi relative aux élections cantonales sont déclarées conformes à la Constitution.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.