Le conseil Constitutionnel a été saisi le 2 juillet 1984 par MM Jean-Claude Gaudin, Jean-Paul Fuchs, Jean Briane, Charles Fèvre, Henri Bayard, Francisque Perrut, Jean Rigaud, Francis Geng, Charles Deprez, Jacques Fouchier, Gilbert Gantier, Emmanuel Hamel, Joseph-Henri Maujoüan du Gasset, François d'Aubert, Pascal Clément, Maurice Dousset, Roger Lestas, Jean-Pierre Soisson, Marcel Esdras, Claude Labbé, Jacques Chirac, Bernard Pons, Marc Lauriol, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Gabriel Kaspereit, Pierre Messmer, Jacques Godfrain, Robert-André Vivien, Roger Corrèze, Jean-Paul Charié, Jacques Toubon, Jean Foyer, Maurice Couve de Murville, Jacques Chaban-Delmas, Pierre Mauger, Georges Tranchant, Pierre Bachelet, Etienne Pinte, Hyacinthe Santoni, René André, Pierre Bas, Pierre-Bernard Cousté, Robert Galley, René La Combe, Daniel Goulet, Yves Lancien, Didier Julia, Pierre-Charles Krieg.
Claude-Gérard Marcus, Michel Debré, Emmanuel Aubert, Alain Peyrefitte, Régis Perbet, Bruno Bourg-Broc, Jacques Baumel, François Fillon, Henri de Gastines, Xavier Deniau, Pierre Weisenhorn, Jean Falala, Michel Barnier, Christian Bergelin, Roland Vuillaume, Michel Noir, Jean-Louis Masson, Jean de Lipkowski, Jean-Paul de Rocca-Serra, Roland Nungesser, Jean Brocard, Philippe Mestre, Jacques Dominati, Alain Madelin, Michel d'Ornano, Maurice Ligot, Jean-Marie Caro, Edmond Alphandéry, Georges Mesmin, Pierre Micaux, René Haby, Jacques Blanc, Claude Birraux, Adrien Durand, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi modifiant la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et relative à certaines dispositions applicables aux services de communication audiovisuelle soumis à autorisation.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur les moyens tirés de l'atteinte aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et au principe d'égalité :
1. Considérant que, selon les auteurs de la saisine, la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel qui permet, sous certaines conditions, aux associations titulaires d'une autorisation d'usage des fréquences radioélectriques sur le territoire national de recourir à la collecte de ressources et à la diffusion de messages publicitaires est "directement contraire aux principes qui servent de base à la loi du 1er juillet 1901 en ce qui concerne l'activité non lucrative des associations" ; qu'en outre, en excluant du bénéfice des aides publiques les associations qui recourent à la publicité, elle méconnaît le principe d'égalité ;
2. Considérant que le principe, constitutionnellement garanti, de liberté d'association n'interdit pas aux associations de se procurer les ressources nécessaires à la réalisation de leur but, qui ne peut être le partage de bénéfices entre leurs membres, par l'exercice d'activités lucratives ; que par suite ce moyen n'est pas fondé ;
3. Considérant que l'interdiction faite aux associations autorisées de cumuler des ressources de publicité et des aides publiques n'opère aucune discrimination entre ces associations qui toutes peuvent opter pour les modalités de financement de leur choix ; qu'ainsi, le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 :
4. Considérant que les auteurs de la saisine estiment que l'article 6 de la loi critiquée méconnaît les principes de la légalité des délits et des peines et celui de la nécessité des peines ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 "la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée " ; que l'article 34 de la Constitution dispose : "La loi fixe les règles concernant (...) la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables (...)" ;
6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions l'obligation pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ;
7. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que la loi fait dépendre l'existence d'infractions pénales de "l'arbitraire de l'autorité administrative" habilitée à délivrer les autorisations en sanctionnant des peines qu'elle définit : l'émission sans autorisation, l'émission en méconnaissance d'une décision de retrait ou de suspension de l'autorisation, l'émission faite en ne respectant pas les conditions fixées par l'autorisation ;
8. Considérant que les faits ainsi définis constituent des infractions suffisamment claires et caractérisées pour satisfaire aux exigences du principe constitutionnel de légalité des délits et des peines ;
9. Considérant que les auteurs de la saisine estiment qu'en fixant le maximum de la peine encourue à 500000 F d'amende et trois mois d'emprisonnement, la loi, eu égard à la "gravité manifestement insignifiante" des faits incriminés, méconnaît le principe de nécessité des peines tel qu'il résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ;
10. Considérant que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient pas, dès lors, de substituer sa propre appréciation à celle du législateur en ce qui concerne la gravité des peines attachées aux infractions définies par celui-ci ; qu'aucune des dispositions pénales de la loi n'est manifestement contraire au principe de nécessité des peines et que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 :
11. Considérant que l'article 11 de la Déclaration susvisée dispose : "la libre communication des pensées et des opinions est l'un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi" ; 12. Considérant que les députés auteurs de la saisine font valoir qu'une interprétation restrictive de la loi annoncée par le Gouvernement pourrait porter "atteinte aux dispositions de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen " ;
13. Considérant que l'article 61, alinéa 2, de la Constitution ne donne compétence au Conseil constitutionnel que pour se prononcer sur la conformité des lois avant leur promulgation ;
14. Considérant qu'aucune des dispositions de la loi examinée n'est contraire aux dispositions de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et que la conformité d'une loi à la Constitution ne saurait être appréciée au regard de déclarations relatives à l'application qui en serait faite ; qu'ainsi, le moyen ne saurait être retenu ;
15. Considérant qu'en l'état il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,
Décide :
Article premier :
La loi modifiant la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et relative à certaines dispositions applicables aux services de communication audiovisuelle soumis à autorisation n'est pas contraire à la Constitution ;
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.