Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 21 décembre 1983, par MM Jean Arthuis, Alphonse Arzel, Jean-Pierre Blanc, André Bohl, Roger Boileau, Charles Bosson, Pierre Brantus, Louis Caiveau, Jean Cauchon, Pierre Ceccaldi-Pavard, Adolphe Chauvin, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Jean Colin, Jean Faure, André Fosset, Jean Francou, Jacques Genton, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Louis Jung, Bernard Laurent, Jean Lecanuet, Edouard Le Jeune, Bernard Lemarié, Georges Lombard, Jean Machet, Jean Madelain, Guy Malé, Louis Mercier, Daniel Millaud, René Monory, Claude Mont, Jacques Mossion, Dominique Pado, Roger Poudonson, André Rabineau, Jean-Marie Rausch, Marcel Rudloff, Pierre Salvi, Pierre Schiélé, Paul Séramy, Michel Souplet, René Tinant, Pierre Vallon, Albert Vecten, Louis Virapoullé, Frédéric Wirth, Marcel Daunay, Alfred Gérin, Claude Huriet, Yves Le Cozannet, Philippe de Bourgoing, Bernard Barbier, Roland Ruet, Guy de La Verpillière, Michel Miroudot, Marcel Lucotte, Jean Delaneau, Pierre Louvot, Louis Boyer, Jean-Pierre Fourcade, Pierre Croze, René Travert, Jean-Pierre Tizon, Louis Lazuech, Hubert Martin, Jacques Thyraud, Jean-Paul Bataille, Henry Elby, Roland du Luart, Serge Mathieu, Jean-Marie Girault, Jacques Ménard, Jean Amelin, Henri Belcour, Amédée Bouquerel, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Henri Collette, Charles de Cuttoli, Charles Descours, Philippe François, Adrien Gouteyron, Paul Kauss, Paul Malassagne, Michel Maurice-Bokanowski, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Pluchet, Michel Rufin, Louis Souvet, Jacques Valade, Charles Beaupetit, Michel Durafour, Victor Robini, Jacques Pelletier, sénateurs. Et le 22 décembre 1983, par MM Claude Labbé, Jacques Chirac, Bernard Pons, Philippe Séguin, Serge Charles, René La Combe, Régis Perbet, Alain Peyrefitte, Jean-Paul de Rocca Serra, Michel Péricard, Pierre Bachelet, Gérard Chasseguet, Roger Corrèze, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Didier Julia, Roland Nungesser, Camille Petit, Yves Lancien, Pierre Messmer, Daniel Goulet, Pierre-Charles Krieg, Roland Vuillaume, Emmanuel Aubert, Marc Lauriol, Robert-André Vivien, Hyacinthe Santoni, Pierre Mauger, Pierre Bas, Jacques Toubon, Jacques Marette, Jean Foyer, Olivier Guichard, Gabriel Kaspereit, Maurice Couve de Murville, Georges Gorse, Jean de Lipkowski, Pierre Godefroy, Jean-Paul Charié, Jacques Chaban-Delmas, Jacques Godfrain, Etienne Pinte, René André, Robert Galley, Pierre-Bernard Cousté, Claude-Gérard Marcus, Michel Debré, Jean-Claude Gaudin, Jean Bégault, Yves Sautier, Marcel Bigeard, Charles Deprez, Mme Louise Moreau, MM Bernard Stasi, Gilbert Mathieu, Francisque Perrut, Germain Gengenwin, Jacques Dominati, Pierre Micaux, Francis Geng, Georges Mesmin, Charles Fèvre, René Haby, Jean-Paul Fuchs, Jacques Fouchier, Joseph-Henri Maujoüan du Gasset, Gilbert Gantier, François d'Aubert, Michel d'Ornano, Philippe Mestre, Emmanuel Hamel, Adrien Zeller, Maurice Ligot, Alain Madelin, Jean-Pierre Soisson, Pascal Clément, Jacques Blanc, Raymond Barre, Victor Sablé, François d'Harcourt, Jacques Barrot, Jean Brocard, Claude Wolff, Jean Briane, Loïc Bouvard, Edmond Alphandéry, Charles Million, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi sur l'enseignement supérieur.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance : Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les sénateurs auteurs de la première saisine soutiennent que les articles 30, 31, 39, 46, 68 et 70 de la loi qu'ils défèrent à l'examen du Conseil constitutionnel sont contraires à la Constitution et que ces articles étant inséparables du reste de la loi, celle-ci doit, dans son ensemble, être déclarée contraire à la Constitution ;
2. Considérant que les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent que les articles 30, 39 et 60 de la loi qu'ils défèrent à l'examen du Conseil constitutionnel sont contraires à la Constitution et que, ces articles étant inséparables des autres articles 24 à 38, ces derniers doivent être également déclarés contraires à la Constitution ;
3. Considérant qu'il convient d'examiner, d'une part, les critiques formées contre des dispositions relatives à la composition des conseils intervenant dans l'administration des universités, d'autre part, les critiques dirigées contre d'autres dispositions de la loi ;
Sur les dispositions relatives à la composition des organes assurant l'administration des universités :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, "le président d'université par ses décisions, le conseil d'administration par ses délibérations, le conseil scientifique ainsi que le conseil des études et de la vie universitaire par leurs propositions, leurs avis et leurs voeux, assurent l'administration des universités" ;
5. Considérant qu'en vertu de l'article 27, le président, chargé de la direction de l'université, est élu par l'ensemble des membres des trois conseils réunis en assemblée à la majorité absolue des membres en exercice de celle-ci ;
6. Considérant que les articles 28, 29, 30 et 31 fixent les attributions et la composition des divers conseils ; que chacun de ceux-ci comprend des représentants élus des enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs, des représentants élus des étudiants, des représentants élus des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service, ainsi que des personnalités extérieures ;
7. Considérant que le nombre des membres composant chacun des trois conseils ainsi que les proportions applicables à chacune des quatre catégories sus énoncées sont différents selon la nature et les attributions du conseil dont il s'agit ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 38, alinéa 2, de la loi, "L'élection s'effectue pour l'ensemble des personnels au scrutin de liste à un tour avec représentation proportionnelle au plus fort reste, panachage et possibilité de listes incomplètes" ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 39, alinéa 2, "Les enseignants-chercheurs et les personnels qui leur sont assimilés forment un collège électoral unique. Il en va de même pour les personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service et les personnels qui leur sont assimilés. La composition de chacun de ces collèges peut varier en fonction de la représentation à assurer au sein de chaque conseil. Pour l'élection du conseil scientifique, les personnels sont répartis en trois sections correspondant aux catégories énumérées au deuxième alinéa de l'article 30 de la présente loi, qui désignent séparément leurs représentants" ; qu'aux termes du même article 39, alinéa 3 : "Au sein de la représentation des enseignants-chercheurs et personnels assimilés de chaque conseil, le nombre des professeurs et personnels de niveau équivalent doit être égal à celui des autres personnels" ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 60, alinéa 2 : "Les personnels scientifiques des bibliothèques et des musées sont assimilés aux enseignants-chercheurs pour leur participation aux différents conseils et au fonctionnement de l'établissement" ;
En ce qui concerne les griefs élevés contre ces dispositions par les auteurs de l'une et l'autre saisine :
11. Considérant que les sénateurs auteurs de la première saisine soutiennent que les articles 30 et 31 qui prévoient la présence de représentants des étudiants et de représentants des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service dans le conseil scientifique et dans le conseil des études et de la vie universitaire auraient pour but et pour effet, eu égard aux attributions de ces conseils, de priver les enseignants et notamment les professeurs d'une réelle indépendance dans l'enseignement et la recherche et, ainsi, de porter atteinte à la liberté de l'enseignement et à l'autonomie des universités qui, selon la saisine, en serait une conséquence nécessaire ;
12. Considérant que les sénateurs auteurs de la première saisine soutiennent également qu'en instituant, pour l'élection des représentants des enseignants-chercheurs aux divers conseils à l'exception du conseil scientifique, un collège électoral unique, toutes catégories confondues d'enseignants et de chercheurs, la loi porterait une grave atteinte à la liberté de l'enseignement ; qu'en effet elle remettrait la désignation des représentants des professeurs aux autres enseignants-chercheurs et, en fait à leurs organisations syndicales, privant ainsi le corps professoral de toute possibilité d'expression propre ;
13. Considérant que, outre le grief d'atteinte à la liberté de l'enseignement fait à l'article 39, alinéa 2, les sénateurs auteurs de la première saisine soutiennent que ce texte méconnaît l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'il ne tient pas compte, en ce qui concerne les professeurs, de l'égale admissibilité aux emplois publics et des nécessaires distinctions entre les capacités et entre les talents ;
14. Considérant que, toujours selon la même saisine, l'article 39 méconnaîtrait le principe constitutionnel de l'égalité devant le suffrage en privant le corps professoral d'une représentation spécifique alors que les autres catégories d'enseignants-chercheurs sont assurées, en raison de leur importance numérique, d'une telle représentation ;
15. Considérant qu'il est enfin fait grief à l'article 39 par les sénateurs auteurs de la première saisine de méconnaître l'alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946 selon lequel "tout travailleur participe par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises" ; qu'en effet, le collège électoral unique aurait pour effet d'empêcher une représentation authentique des professeurs au sein du conseil d'administration et au sein du conseil des études et de la vie universitaire ;
16. Considérant que les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent que les articles 30, 39 et 60 de la loi sont contraires à la Constitution en ce qu'ils méconnaissent "le principe fondamental de représentation consacré par les lois de la République et exprimé, pour la représentation politique, par les articles 3 de la Déclaration des droits de 1789 et 3 de la Constitution" ; qu'en effet, selon les auteurs de cette saisine, il serait de principe que, seules les personnes ou les catégories dont la représentation doit être assurée dans une assemblée élue participent à la désignation de leurs représentants ; que, dès lors, l'article 39, alinéa 3, de la loi assurant aux professeurs une représentation spécifique, le législateur ne pouvait en même temps faire désigner ces représentants par un collège électoral unique comprenant une forte majorité d'enseignants-chercheurs non professeurs et de membres du personnel scientifique des bibliothèques ; qu'ainsi les dispositions relatives au mode de désignation des représentants des enseignants-chercheurs et assimilés au sein du conseil d'administration sont contraires à la Constitution ainsi que, par voie de conséquence, l'ensemble des autres dispositions des articles 26 à 40 qui en sont inséparables ;
En ce qui concerne les principes applicables à l'examen des dispositions critiquées :
17. Considérant que les dispositions critiquées ne touchent pas à la liberté de l'enseignement mais sont relatives à l'organisation d'un service public et aux droits et obligations des enseignants et chercheurs chargés de l'exécution de ce service et associés à sa gestion et, comme tels, relevant d'un statut différent de celui des personnes privées ; que cependant ce statut ne saurait limiter le droit à la libre communication des pensées et des opinions garanti par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que dans la seule mesure des exigences du service public en cause ;
18. Considérant que, selon les termes de l'article 3 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel : "Le service public de l'enseignement supérieur est laïc et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l'objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l'enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique" ;
19. Considérant dès lors que, par leur nature même, les fonctions d'enseignement et de recherche non seulement permettent mais demandent, dans l'intérêt même du service, que la libre expression et l'indépendance des personnels soient garanties par les dispositions qui leur sont applicables ; que l'article 57 de la loi fait, dans leur principe, droit à ces exigences en disposant : "Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et dans leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions de la présente loi, les principes de tolérance et d'objectivité" ;
20. Considérant qu'en ce qui concerne les professeurs, auxquels l'article 55 de la loi confie des responsabilités particulières, la garantie de l'indépendance résulte en outre d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République, et notamment par les dispositions relatives à la réglementation des incompatibilités entre le mandat parlementaire et les fonctions publiques ;
21. Considérant que c'est à la lumière de ces principes que doivent être examinées les critiques adressées aux diverses dispositions mises en cause par l'une et l'autre saisine ;
En ce qui concerne la composition du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire (art 30 et 31 de la loi) :
22. Considérant que le conseil scientifique, eu égard à ses attributions, ne comporte pas de représentants des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service et ne fait place, pour les étudiants, qu'à une représentation des étudiants de troisième cycle, et donc engagés dans la recherche, dans une proportion maximale de 12,5 p 100 ; qu'ainsi le grief manque en fait et que l'article 30 n'est pas contraire à la Constitution ;
23. Considérant que, si la composition du conseil des études et de la vie universitaire comporte une participation des étudiants dans une proportion maximale de 40 p 100 au regard d'une participation égale des enseignants-chercheurs et une participation maximale de 15 p 100 des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service, cette composition, eu égard à la nature et au caractère purement consultatif des attributions dudit conseil, n'est pas de nature à porter atteinte à la liberté et à l'indépendance des enseignants-chercheurs et notamment des professeurs ; qu'ainsi l'article 31 n'est pas contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne l'article 39 (alinéa 2) de la loi :
24. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des alinéas 2 et 3 de l'article 39 que si, dans la représentation des enseignants-chercheurs, le nombre des professeurs doit être égal à celui des autres enseignants-chercheurs, la désignation de l'ensemble des représentants des enseignants-chercheurs se fait par un collège électoral unique, sous la seule réserve des règles particulières concernant le conseil scientifique ;
25. Considérant qu'il est constant que, en raison de la disproportion numérique existant entre le corps des professeurs et celui des autres corps d'enseignants-chercheurs, l'indépendance des professeurs serait menacée à divers points de vue par le système ainsi institué ; que, notamment, le libre exercice des responsabilités particulières qui leur sont attribuées par l'article 55, avant-dernier alinéa, en ce qui concerne la préparation des programmes, l'orientation des étudiants et la coordination des équipes pédagogiques et par leur participation obligatoire aux décisions individuelles concernant la carrière des autres enseignants-chercheurs prévue à l'article 56 (alinéa 2) serait altéré par l'existence d'un collège électoral unique ; que cette indépendance serait d'autant plus atteinte du fait qu'au sein de la juridiction disciplinaire prévue par l'article 29 de la loi, les professeurs devant composer la formation chargée de juger les professeurs seraient désignés par l'ensemble des représentants des enseignants-chercheurs eux-mêmes élus par l'ensemble des enseignants-chercheurs toutes catégories confondues, sans que, parmi leurs juges, les professeurs puissent compter des représentants émanant de leur propre vote ;
26. Considérant, d'autre part, que l'indépendance des enseignants-chercheurs autres que les professeurs et la sincérité de leur suffrage risquerait elle-même, compte tenu des articles 55, avant-dernier alinéa, et 56, alinéa 2, sus rappelés, d'être mise en cause dans le cadre d'un collège électoral unique ;
27. Considérant que l'indépendance des professeurs comme celle des enseignants-chercheurs ayant une autre qualité suppose, pour chacun de ces deux ensembles, une représentation propre et authentique dans les conseils de la communauté universitaire ;
28. Considérant dès lors que, sans qu'il soit besoin d'examiner la portée que pourrait avoir un "principe de représentation" de caractère général, l'alinéa 2 de l'article 39 et l'alinéa 2 de l'article 29 ne sont pas conformes à la Constitution ;
En ce qui concerne l'article 60 relatif au personnel des bibliothèques :
29. Considérant que l'article 60, alinéa 2, de la loi assimile les personnels scientifiques des bibliothèques et des musées aux enseignants-chercheurs pour la participation aux différents conseils et au fonctionnement de l'établissement ;
30. Considérant que ces dispositions qui concernent un personnel étroitement associé à l'enseignement et à la recherche ne sont contraires à aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ;
Sur diverses dispositions de la loi critiquées par la première saisine :
En ce qui concerne l'article 46 relatif au contrôle administratif et financier :
31. Considérant que l'article 46 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel dispose : "Les décisions des présidents des universités et des présidents ou directeurs des autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ainsi que les délibérations des conseils entrent en vigueur, sous réserve des dispositions des troisièmes alinéas des articles 42 et 48, sans approbation préalable. Toutefois, les décisions et délibérations qui présentent un caractère réglementaire n'entrent en vigueur qu'après leur transmission au chancelier. Le chancelier peut saisir le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation des décisions ou délibérations des autorités de ces établissements qui lui paraissent entachées d'illégalité. Le tribunal statue d'urgence. Au cas où l'exécution de la mesure attaquée serait de nature à porter gravement atteinte au fonctionnement de l'établissement, le chancelier peut en suspendre l'application pour un délai de trois mois" ;
32. Considérant que, selon les sénateurs auteurs de la première saisine, ces dispositions, par les pouvoirs qu'elles confèrent au chancelier, sont contraires à l'autonomie de l'établissement et donc à la liberté d'enseigner ;
33. Considérant que ces dispositions tendent, en premier lieu, à consacrer le pouvoir du chancelier d'assurer le respect de la légalité par le recours à la juridiction administrative ; que, par suite, elles ne sauraient être contraires à la Constitution ;
34. Considérant que ces dispositions tendent, en second lieu, à prévenir l'exécution de décisions ou de délibérations arguées d'illégalité dans le cas où elles seraient de nature à compromettre gravement le fonctionnement de l'établissement ; que l'exercice du pouvoir ainsi conféré au chancelier est lui-même, de plein droit, soumis au contrôle du juge ; qu'il n'en résulte aucune atteinte à des règles ou principes de valeur constitutionnelle ;
En ce qui concerne l'article 68, avant-dernier alinéa, de la loi relatif aux aménagements à apporter à l'ordonnance du 30 décembre 1958 :
35. Considérant que l'avant-dernier alinéa de l'article 68 de la loi est ainsi conçu : "Les dispositions de l'ordonnance n° 58-1373 du 30 décembre 1958 demeurent applicables sous réserve des aménagements nécessaires apportés par voie de décret en Conseil d'État " ;
36. Considérant que les sénateurs auteurs de la première saisine soutiennent que ces dispositions sont contraires à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, en ce qu'elles permettent la modification d'un texte de forme législative intervenu après l'entrée en vigueur de la Constitution de 1958 sans décision de déclassement du Conseil constitutionnel ;
37. Considérant que cette critique est justifiée et qu'elle conduit à déclarer contraire à la Constitution le membre de phrase ainsi conçu : "apportés par voie de décret en Conseil d'État" ;
En ce qui concerne l'article 70 de la loi relatif aux territoires d'outre-mer :
38. Considérant qu'aux termes de l'article 70 de la loi : "Des dispositions dérogatoires seront prises, en tant que de besoin, par décrets en Conseil d'État, pour permettre l'application de la présente loi aux territoires d'outre-mer" ;
39. Considérant que les sénateurs auteurs de la première saisine soutiennent que ces dispositions sont contraires à l'article 74 de la Constitution, selon lequel l'organisation particulière des territoires d'outre-mer "est définie et modifiée par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée" ; qu'il est en effet constant qu'une telle consultation n'a pas eu lieu ;
40. Considérant que cette critique est justifiée ; qu'en effet, la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel intéresse l'organisation particulière des territoires d'outre-mer et que, dès lors, elle ne saurait être applicable dans ces territoires en vertu d'une disposition législative votée sans consultation préalable des assemblées territoriales intéressées ; que, dès lors, l'article 70 de la loi doit être déclaré non conforme à la Constitution ;
Sur l'alinéa 1er de l'article 68 de la loi abrogeant la loi du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur :
41. Considérant que l'article 68, alinéa 1er, de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est ainsi conçu : "La présente loi abroge la loi n° 68-978 du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur à l'exception des articles 46 à 62, ainsi que toutes les dispositions qui lui sont contraires, sous réserve des dispositions réglementaires qui restent en vigueur jusqu'à leur remplacement par les mesures d'application de la présente loi" ;
42. Considérant que, si l'abrogation des dispositions de la loi ancienne contraires aux dispositions de la loi nouvelle, ainsi que le maintien en vigueur de la réglementation ancienne jusqu'à son remplacement par une réglementation nouvelle n'appellent pas d'observations du point de vue de leur conformité à la Constitution, en revanche l'abrogation totale de la loi d'orientation du 12 novembre 1968 dont certaines dispositions donnaient aux enseignants des garanties conformes aux exigences constitutionnelles qui n'ont pas été remplacées dans la présente loi par des garanties équivalentes n'est pas conforme à la Constitution ; qu'ainsi l'alinéa 1er de l'article 68, d'ailleurs superfétatoire en ce qui regarde l'abrogation des dispositions anciennes contraires à la nouvelle loi et au maintien en vigueur de la réglementation ancienne jusqu'à l'entrée en vigueur de la réglementation nouvelle, n'est pas conforme à la Constitution ;
Sur le reste de la loi :
43. Considérant qu'en l'espèce, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,
Décide :
Article premier :
Sont déclarés non conformes à la Constitution le deuxième alinéa de l'article 29, le deuxième alinéa de l'article 39, le premier alinéa de l'article 68, le membre de phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 68 ainsi conçu : "apportés par voie de décret en Conseil d'Etat" et l'article 70 de la loi sur l'enseignement supérieur.
Article 2 :
Les autres dispositions de la loi sur l'enseignement supérieur sont déclarées conformes à la Constitution.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.