Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1983, d'une part, par MM Jean Arthuis, Alphonse Arzel, Jean-Pierre Blanc, André Bohl, Roger Boileau, Charles Bosson, Raymond Bouvier, Louis Caiveau, Jean Cauchon, Pierre Ceccaldi-Pavard, Adolphe Chauvin, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Jean Colin, Jean Faure, Jean Francou, Jacques Genton, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Louis Jung, Bernard Laurent, Edouard Le Jeune, Bernard Lemarié, Georges Lombard, Jean Machet, Jean Madelain, Louis Mercier, Daniel Millaud, René Monory, Jacques Mossion, Dominique Pado, André Rabineau, Jean-Marie Rausch, Paul Séramy, Michel Souplet, René Tinant, Pierre Vallon, Albert Vecten, Louis Virapoullé, Frédéric Wirth, Marcel Daunay, Alfred Gérin, Roger Lise, Jean Amelin, Henri Belcour, Amédée Bouquerel, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Henri Collette, Charles de Cuttoli, Charles Descours, Philippe François, Adrien Gouteyron, Paul Kauss, Paul Malassagne, Michel Maurice-Bokanowski, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Pluchet, Michel Rufin, Louis Souvet, Jacques Valade, Philippe de Bourgoing, Henri Elby, Bernard Barbier, Roland du Luart, Serge Mathieu, Jean-Pierre Fourcade, Louis Boyer, Jacques Thyraud, Louis Lazuech, Jean-Pierre Tizon, Pierre-Christian Taittinger, Jean-Marie Girault, Jacques Ménard, sénateurs, et, d'autre part, par MM Claude Labbé, Jacques Chirac, Bernard Pons, Philippe Séguin, Serge Charles, René La Combe, Régis Perbet, Alain Peyrefitte, Jean-Paul de Rocca-Serra, Michel Péricard, Pierre Bachelet.
Gérard Chasseguet, Roger Corrèze, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Didier Julia, Roland Nungesser, Camille Petit, Yves Lancien, Pierre Messmer, Daniel Goulet, Pierre-Charles Krieg, Roland Vuillaume, Emmanuel Aubert, Marc Lauriol, Robert-André Vivien, Hyacinthe Santoni, Pierre Mauger, Pierre Bas, Jacques Toubon, Jacques Marette, Jean Foyer, Olivier Guichard, Gabriel Kaspereit, Maurice Couve de Murville, Georges Gorse, Jean de Lipkowski, Pierre Godefroy, Jean-Paul Charié, Jacques Chaban-Delmas, Jacques Godfrain, Etienne Pinte, René André, Robert Galley, Pierre-Bernard Cousté, Claude-Gérard Marcus, Michel Debré, Jean-Claude Gaudin, Victor Sablé, Pascal Clément, François d'Aubert, Jean Brocard, Michel d'Ornano, Jacques Barrot, Pierre Méhaignerie, Emmanuel Hamel, Charles Fèvre, Jean-Paul Fuchs, Georges Mesmin, Francis Geng, René Haby, Joseph-Henri Maujoüan du Gasset, Roger Lestas, Olivier Stirn, Adrien Zeller, Philippe Mestre, Raymond Barre, Adrien Durand, Albert Brochard, Paul Pernin, Marcel Bigeard, Jean Rigaud, Francisque Perrut, Germain Gengenwin, Jean-Marie Caro, Claude Wolff, Gilbert Gantier, Charles Millon, Jean-Pierre Soisson, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative au prix de l'eau en 1984 ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur la constitutionnalité des dispositions relatives à la fixation des prix hors taxes de l'eau potable distribuée :
1. Considérant que l'article 1er de la loi soumise au contrôle du Conseil constitutionnel décide que " les prix hors taxes de l'eau ne peuvent être supérieurs aux niveaux pratiqués au 31 décembre 1983 ou, à défaut, à la date antérieure la plus proche que dans les limites prévues par des accords conclus notamment avec les professionnels, ou, à défaut d'accord, par décret " ; qu'ainsi, la loi institue un blocage des prix de l'eau pendant l'année 1984 auquel il ne peut être mis fin que par des accords conclus entre le Gouvernement et l'Association des maires de France auxquels adhéreraient individuellement les communes, ou par des accords individuels directs intervenus entre les communes ou les syndicats de communes et le Gouvernement, ou encore par des accords négociés entre le Gouvernement et le syndicat professionnel des distributeurs d'eau ; que, par ailleurs, la loi dispose, d'une part, que ces accords "préciseront les normes d'évolution applicables en 1984 et, le cas échéant, les dispositions particulières permettant d'y déroger pour tenir compte de la création de services et d'installations ou pour des raisons de sécurité et de salubrité publique" et précise, d'autre part, que l'intervention directe du Gouvernement par décret ne peut avoir d'autre objet que de suppléer l'absence d'accord ;
2. Considérant qu'il résulte de l'analyse ci-dessus des termes de l'article 1er de la loi relative au prix de l'eau en 1984 que le législateur a d'abord posé le principe d'un blocage des prix, puis a retenu la possibilité de leur évolution dans le cadre d'une procédure nettement définie dont il délimite la portée ; qu'ainsi, le principe d'une sujétion nouvelle aux collectivités locales n'est pas imputable au Gouvernement, mais procède de la loi ; que, d'autre part, le pouvoir conféré au Gouvernement ne peut s'exercer que pendant une période limitée à une année, et qu'à titre subsidiaire si un accord de régulation n'a pu être conclu ; que, dès lors, dans le cadre des limites de temps et de procédure ainsi tracées par la loi et compte tenu des exigences propres à un système de contrôle des prix, les dispositions de l'article 1er ne portent pas atteinte aux articles 34 et 72 de la Constitution ;
3. Considérant, enfin, qu'en admettant même que l'article 1er de la loi relative aux prix de l'eau pour 1984 soit de nature à compromettre l'application d'autres dispositions législatives et, notamment, de celles qui régissent l'équilibre financier de certains services communaux, cette circonstance est sans incidence sur la conformité dudit article à la Constitution ;
Sur la constitutionnalité des dispositions relatives au montant des surtaxes communales ou syndicales perçues à l'occasion des fournitures d'eau :
4. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 1er de la loi relative au prix de l'eau en 1984 que le montant des surtaxes communales ou syndicales est soumis aux mêmes dispositions que celles qui se rapportent aux prix hors taxes de l'eau potable distribuée ;
5. Considérant que ces surtaxes sont instituées uniquement dans le cas où le service de l'eau est exploité en affermage ; qu'elles sont perçues, dans ce mode particulier de gestion, par la société fermière et reversées à la collectivité affermante qui finance les investissements ; qu'ainsi ces surtaxes sont un élément constitutif du prix de l'eau correspondant à la part des charges d'investissement dans le coût global du produit distribué par le service et réparti entre les usagers ; qu'il suit de là que ces surtaxes communales ou syndicales n'ont pas le caractère de taxes fiscales ou parafiscales ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent les députés auteurs de la saisine, le législateur, en permettant à des accords conclus notamment entre le Gouvernement et les professionnels ou, à défaut, à un décret de fixer le taux des surtaxes dont il s'agit, n'a pas méconnu les dispositions de l'article 34 de la Constitution qui réservent à la loi le pouvoir de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ;
Sur la constitutionnalité de la fixation du montant des redevances dues par les usagers :
6. Considérant que l'article 1er de la loi relative au prix de l'eau en 1984 ne dispose que pour "les redevances dues par les usagers et visées à l'article 75-III de la loi du 29 novembre 1965 portant loi de finances pour 1966" ; qu'ainsi, le législateur a écarté du champ d'application de la loi les dispositions de l'article 75-II de la loi du 29 novembre 1965 qui astreignent les propriétaires, qui n'ont pas raccordé leur immeuble au réseau d'assainissement, au paiement d'une somme sans lien avec un service rendu ;
7. Considérant que si les sommes réclamées au titre de l'article 75-II de la loi du 29 novembre 1965 ont le caractère d'une taxe fiscale et si, de ce fait, les sommes recouvrées concurremment au titre des dispositions II et III de l'article 75 de la loi du 29 novembre 1965 ont également le caractère de taxe fiscale, il n'en va pas de même pour les sommes uniquement perçues au titre de l'article 75-III dès lors que leur assiette est directement liée au volume d'eau prélevé par l'usager du service d'assainissement et que leur produit est exclusivement affecté aux charges de fonctionnement et d'investissement du service ; que ces particularités confèrent à l'élément de la redevance d'assainissement visé à l'article 75-III précité le caractère d'un prix versé en contrepartie d'un service rendu ; que cet élément ne saurait par suite être classé parmi les impositions de toutes natures dont l'article 34 de la Constitution prévoit que le taux est fixé par le législateur ; que, dès lors, contrairement à ce que soutiennent les députés auteurs de la saisine, les modalités de la fixation du taux de la redevance d'assainissement limitée à sa partie visée à l'article 75-III de la loi du 29 novembre 1965 ne sont pas contraires à l'article 34 de la Constitution ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucune des dispositions de l'article 1er de la loi relative au prix de l'eau en 1984 n'est contraire à la Constitution ; qu'il en va de même pour les dispositions de l'article 2 et dernier de cette loi,
Décide :
Article premier :
La loi relative au prix de l'eau en 1984 est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.