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30/12/1982 | FRANCE | N°82-155

France | France, Conseil constitutionnel, 30 décembre 1982, 82-155


Le Conseil constitutionnel,

Saisi les 20 et 21 décembre 1982 par M Claude Labbé, Mme Florence d'Harcourt, MM Michel Cointat, Didier Julia, Claude-Gérard Marcus, Tutaha Salmon, Roger Corrèze, Bruno Bourg-Broc, François Fillon, Henri de Gastines, Georges Tranchant, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Serge Charles, Jean de Lipkowski, Jean-Louis Masson, René La Combe, Camille Petit, Michel Debré, Maurice Couve de Murville, Jacques Marette, Gabriel Kaspereit, Roland Vuillaume, Jean Falala, Jacques Chirac, Edouard Frédéric-Dupont, Mme Hélène Missoffe, MM Georges Gorse, Pierre-Bernard C

ousté, Jacques Godfrain, Jacques Toubon, Pierre-Charles Krieg, M...

Le Conseil constitutionnel,

Saisi les 20 et 21 décembre 1982 par M Claude Labbé, Mme Florence d'Harcourt, MM Michel Cointat, Didier Julia, Claude-Gérard Marcus, Tutaha Salmon, Roger Corrèze, Bruno Bourg-Broc, François Fillon, Henri de Gastines, Georges Tranchant, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Serge Charles, Jean de Lipkowski, Jean-Louis Masson, René La Combe, Camille Petit, Michel Debré, Maurice Couve de Murville, Jacques Marette, Gabriel Kaspereit, Roland Vuillaume, Jean Falala, Jacques Chirac, Edouard Frédéric-Dupont, Mme Hélène Missoffe, MM Georges Gorse, Pierre-Bernard Cousté, Jacques Godfrain, Jacques Toubon, Pierre-Charles Krieg, Michel Péricard, Bernard Pons, Alain Peyrefitte, Etienne Pinte, Marc Lauriol, Jean-Louis Goasduff, Yves Lancien, Pierre Mauger, Jean-Paul de Rocca Serra, Roland Nungesser, Philippe Séguin, Jean de Préaumont, Jean Foyer, Georges Delatre, Jacques Chaban-Delmas, Pierre Messmer, Pierre Weisenhorn, Pierre Bas, Michel Noir, Jean-Paul Charié, Jean-Charles Cavaillé, Jean Tiberi, Robert Galley, Antoine Gissinger, Jean Valleix, Germain Sprauer, Emile Bizet, Jacques Baumel, Olivier Guichard, Jean Narquin, Lucien Richard, Emmanuel Aubert, Robert-André Vivien, Michel Barnier, Hyacinthe Santoni, Michel Inchauspé, Daniel Goulet, Christian Bergelin, Jacques Lafleur, Gérard Chasseguet, Pierre Raynal, Gilbert Mathieu, Roger Lestas, Germain Gengenwin, Jean Bégault, Albert Brochard, Alain Madelin, René Haby, Philippe Mestre, Christian Bonnet, François d'Harcourt, Gilbert Gantier, Jacques Dominati, Edmond Alphandéry, Maurice Dousset, Charles Fèvre, Charles Millon, Joseph-Henri Maujoüan du Gasset, Georges Mesmin, Adrien Durand, Jean Briane, Jacques Fouchier, Jacques Blanc, Pascal Clément, Claude Birraux, Jean-Pierre Soisson, Francisque Perrut, Henri Bayard, Georges Delfosse, Francis Geng, Jean-Claude Gaudin, Jean Brocard, Robert Wagner, Lucien Richard, Raymond Barre, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances rectificative pour 1982, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement le 20 décembre 1982 ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

Sur la procédure législative :

1. Considérant que les députés auteurs de la saisine font valoir que, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, le Gouvernement a fait connaître à celle-ci plusieurs amendements qu'il envisageait et dont certains introduisaient dans la loi des dispositions fiscales totalement nouvelles ; que la commission mixte paritaire qui, tenant séance dans les locaux de l'Assemblée nationale, aurait dû suivre la procédure prescrite par son règlement, ne l'a pas fait ; que l'échec de la commission paritaire qui n'a pu élaborer aucun texte serait dû à cet ensemble de circonstances ; qu'ainsi, bien que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ait été finalement votée par les deux assemblées, la nouvelle lecture ayant abouti à ces votes a procédé d'une violation de l'article 45 de la Constitution en raison des irrégularités ayant entaché le fonctionnement de la commission mixte paritaire et d'une violation de l'article 39 de la Constitution en ce que les amendements soumis à la commission mixte paritaire auraient dû être présentés en priorité à l'Assemblée nationale ;

2. Considérant que ni les violations alléguées du règlement de l'Assemblée nationale, ni les circonstances ayant provoqué l'échec de la commission mixte paritaire ne sont de nature à justifier une déclaration de non-conformité à la Constitution ; que les dispositions de l'article 45 de la Constitution relatives au fonctionnement des commissions mixtes paritaires ont été respectées ; que celles de l'article 39 ne l'ont pas moins été puisque, lors de la nouvelle lecture ayant suivi l'échec de la commission mixte paritaire, les amendements incriminés ont été soumis en priorité à l'Assemblée nationale ;

3. Considérant, dès lors, que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été votée selon une procédure législative régulière ;

Sur la conformité à l'article 34 de la Constitution des articles 17 (2°) et 19-I de la loi :

4. Considérant que l'article 17 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel modifie, dans son 1°, les taux de la taxe sur la publicité fixés par l'article L 233-21 du code des communes ; que le 2° du même article dispose : "Ces tarifs sont relevés chaque année, à compter de 1984, dans la même proportion que la limite inférieure de la septième tranche du barème de l'impôt sur le revenu " ; que l'article 19-I de la même loi détermine les taux de la taxe sur les emplacements publicitaires fixes et dispose dans son pénultième alinéa : "Les tarifs de la taxe prévus au présent article sont relevés chaque année dans la même proportion que la limite inférieure de la septième tranche du barème de l'impôt sur le revenu" ;

5. Considérant que l'une et l'autre de ces dispositions de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel font droit dans leur principe aux exigences de l'article 34 de la Constitution, aux termes duquel la loi "fixe l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures" ;

6. Considérant que les auteurs de la saisine font cependant valoir que la loi, en l'absence de toute indication non équivoque sur la date d'actualisation des taxes en question, laisse au pouvoir réglementaire la faculté de fixer le nouveau taux à une date de son choix entre le 1er janvier et le 31 décembre de chaque année ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions critiquées que le relèvement éventuel du taux des taxes en cause s'opère automatiquement à la date d'entrée en vigueur du texte législatif relevant la limite inférieure de la septième tranche du barème de l'impôt sur le revenu, la première application de ce relèvement ne pouvant intervenir pour la taxe visée par l'article 17 (2°) avant 1984 et, pour la taxe visée par l'article 19-I antérieurement à la première modification du barème de l'impôt sur le revenu en vigueur à la date d'entrée en application de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ; qu'ainsi la critique dirigée contre les articles 17 (2°) et 19-I de la loi ne saurait être retenue ;

Sur la conformité de la loi à l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances :

8. Considérant que les trois premiers alinéas de l'article 1er de l'ordonnance susvisée sont ainsi conçus : "Les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent. Les dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ou à imposer aux agents des services publics des responsabilités pécuniaires sont contenues dans les lois de finances. Les lois de finances peuvent également contenir toutes dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature." ;

9. Considérant que les députés auteurs de la saisine soutiennent que diverses dispositions de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel sont contraires à ces prescriptions ;

En ce qui concerne l'article 21 de la loi :

10. Considérant que le décret n° 46-2380 du 25 octobre 1946 portant création d'un conseil général à Saint-Pierre-et-Miquelon comportait, outre des dispositions concernant la composition, le mode d'élection et le fonctionnement du conseil général de ce territoire, des dispositions relatives à ses attributions, notamment en matière de "mode d'assiette, de règles de perception et de tarifs des impôts, taxes et contributions de toute nature" ;

11. Considérant que la loi n° 82-104 du 29 janvier 1982 complétant le code électoral et relative à l'élection des membres du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon modifie dans son article 1er la composition du conseil général du territoire ainsi que les modalités de l'élection de ses membres telles qu'elles résultaient antérieurement du décret du 25 octobre 1946 ;

12. Considérant que, cependant, l'article 2 de ladite loi est ainsi conçu : "Le décret n° 46-2380 du 28 octobre 1946 modifié portant création d'un conseil général à Saint-Pierre-et-Miquelon est abrogé" ; que, prise à la lettre, cette disposition aurait pour effet de priver de ses attributions, notamment en matière fiscale, le conseil général du territoire ;

13. Considérant que l'article 21 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a pour objet de substituer à cette formule générale d'abrogation une formule plus conforme à l'intention réelle du législateur de 1982 en limitant l'abrogation du décret du 25 octobre 1946 aux dispositions contraires à la loi du 29 janvier 1982, de manière à laisser subsister sans équivoque les dispositions du décret de 1946 relatives aux attributions du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon, notamment en matière fiscale ;

14. Considérant, ainsi, que l'article 21 de la loi a pour objet non exclusif mais essentiel la consécration des attributions du conseil général du territoire en matière fiscale avant l'ouverture de l'année budgétaire nouvelle ; que cet objet est au nombre de ceux qui relèvent d'une loi de finances ; que, par suite, les critiques dirigées contre l'article 21 de la loi ne sauraient être accueillies ;

En ce qui concerne l'article 23 :

15. Considérant que les dispositions de l'article 23 de la loi ont pour objet de modifier les conditions de répartition entre les communes intéressées de la dotation supplémentaire instituée par l'article L 234-14 du code des communes ; que, comme le font valoir les auteurs de la saisine, elles ne modifient en rien le montant global de ladite dotation qui a le caractère d'un prélèvement, et non d'une dépense de l'Etat ; que, par suite, l'article 23 est étranger à l'objet des lois de finances ;

16. Considérant dès lors que l'article 23 de la loi a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ;

En ce qui concerne l'article 24 :

17. Considérant que, si les dispositions du paragraphe II de l'article 24 de la loi n'ont pas en elles-mêmes un objet fiscal, elles prévoient l'affectation partielle à des emplois d'intérêt général de certaines sommes en contrepartie du bénéfice d'un régime fiscal particulier défini par le paragraphe I ; que les dispositions des deux paragraphes sont étroitement liées les unes aux autres et que leur ensemble peut donc faire l'objet des dispositions d'une loi de finances ; qu'ainsi la critique dirigée contre le paragraphe II de l'article 24 ne saurait être retenue ;

En ce qui concerne l'article 31 :

18. Considérant que, dans ses deux alinéas dont les dispositions sont indivisibles, l'article 31 tend à permettre aux sociétés Usinor et Sacilor de bénéficier pour leurs emprunts sous forme d'obligations convertibles d'une bonification d'intérêts plus élevée que celle qui serait possible en vertu des dispositions législatives en vigueur ; que l'octroi d'une telle dérogation qui impose des charges à l'Etat n'est pas étranger aux objets d'une loi de finances ; qu'ainsi la critique adressée à l'alinéa 1er de l'article 31 de la loi ne saurait être retenue ;

En ce qui concerne l'article 32-I :

19. Considérant que l'article 32-I tend à élargir le champ des opérations statutairement permises aux sociétés agréées pour le financement des économies d'énergie instituées par l'article 30 de la loi n° 80-531 du 15 juillet 1980 ; que lesdites sociétés bénéficient de divers avantages fiscaux ; que, par suite, les mesures élargissant le champ de leurs opérations et donc l'extension desdits avantages peuvent figurer dans une loi de finances ; que, dès lors, la critique dirigée contre l'article 32-I de la loi ne saurait être retenue ;

En ce qui concerne l'article 35 de la loi :

20. Considérant que l'article L 481-1 du code de la construction institue au profit de la caisse des prêts aux organismes d'HLM une redevance due par les sociétés d'économie mixte pour les emprunts qu'elles contractent auprès de cette caisse en application de l'article L 351-2 du même code ; que l'objet de l'article 35 de la loi soumise au Conseil constitutionnel est uniquement de permettre le prélèvement sur cette redevance d'une participation aux frais de fonctionnement de la fédération groupant lesdites sociétés ;

21. Considérant que cet objet est étranger à ceux qui peuvent relever d'une loi de finances ; que, dès lors, l'article 35 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel doit être déclaré non conforme à la Constitution ;

En ce qui concerne l'article 29 de la loi :

22. Considérant, d'une part, que le paragraphe I de l'article 29 de la loi tend à la cession à un établissement public nouveau des créances détenues par l'Etat sur les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, à charge de remboursement futur de ces créances par l'établissement public à l'Etat ; que le paragraphe II prévoit diverses mesures tendant soit à avancer la date du remboursement de leurs créances par certaines de ces sociétés à l'établissement public, soit à permettre à celui-ci de consentir des avances ;

23. Considérant que, selon les auteurs de la saisine, les dispositions du paragraphe I de l'article 29 sont contraires à l'article 2 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances en ce qu'elles engagent l'équilibre financier des années ultérieures en dehors de l'une des hypothèses limitativement énumérées par ledit article 2 ;

24. Considérant que les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 rapprochées des dispositions constitutionnelles organisant l'exercice du pouvoir législatif ne sauraient être entendues comme interdisant à l'Etat de disposer d'une créance avant l'arrivée de l'année budgétaire prévue pour son remboursement, alors qu'il pourrait le faire, selon les termes mêmes de l'article 2, par une convention avec son débiteur ; que le paragraphe I de l'article 29 tend, en réalité, à confier la gestion des créances qu'il vise à un organisme spécialisé qui devra lui-même rembourser l'Etat lorsque le dénouement de l'opération sera possible et a donc pour objet la recherche de meilleures conditions pour le futur équilibre des exercices ultérieurs ; qu'ainsi, à aucun point de vue, les critiques dirigées contre ledit paragraphe I ne sont fondées ;

25. Considérant d'autre part que les auteurs de la saisine font grief au paragraphe II du même article 29 d'être étranger aux objets pouvant, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, faire l'objet d'une loi de finances ;

26. Considérant que les dispositions du paragraphe II de l'article 29 de la loi qui organisent les rapports entre les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes et l'établissement public cessionnaire, à charge de remboursement futur, des créances de l'Etat sur ces sociétés, ne sont que la mise en oeuvre des dispositions du paragraphe I du même article 29 et trouvent donc régulièrement leur place dans la loi de finances rectificative ;

27. Considérant ainsi qu'aucune des critiques élevées contre l'article 29 n'est fondée ;

Sur la validation prononcée par l'article 22 de la loi :

28. Considérant que l'article 22 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est ainsi conçu : "I : Il est institué, à compter du 1er janvier 1982, dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, un impôt annuel sur le revenu des personnes physiques dont le taux, l'assiette et les modalités de recouvrement sont fixés par délibération de l'assemblée territoriale.

II : La délibération de l'assemblée territoriale de la Nouvelle-Calédonie et dépendances n° 374 du 11 janvier 1982 est validée à l'exclusion des dispositions du 4 de l'article 78" ;

29. Considérant que les députés auteurs de la saisine soutiennent que la validation de la délibération de l'assemblée territoriale visée par le paragraphe II de l'article 22 précité est contraire à la Constitution ; qu'en effet elle tendrait, selon eux, à faire obstacle de manière directe à l'examen par le juge administratif des recours formés contre ladite délibération ; qu'en tout état de cause la validation ne saurait conférer un effet rétroactif aux dispositions pénales du texte validé ;

30. Considérant que l'article 7 de la loi n° 76-1221 du 28 décembre 1976 relative à l'organisation de la Nouvelle-Calédonie et dépendances ne place pas dans les compétences réservées à l'Etat et donc attribue au territoire la compétence en matière d'assiette, de taux et de modalités de recouvrement des impositions ;

31. Considérant cependant que le législateur peut toujours déroger à une loi ; que, par suite, il pouvait statuer directement sur tout ou partie des matières faisant l'objet de la délibération de l'assemblée territoriale visée par le paragraphe II de l'article 22 de la loi ; que, dès lors, la validation prononcée par les dispositions de ce paragraphe qui a pour effet de reprendre le contenu de ladite délibération en lui conférant rétroactivement valeur législative ne saurait être regardée comme contraire à la Constitution ;

32. Considérant cependant que l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme de 1789 dispose : "La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée" ;

33. Considérant que le principe de non-rétroactivité ainsi formulé ne concerne pas seulement les peines appliquées par les juridictions répressives, mais s'étend nécessairement à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire ;

34. Considérant, dès lors, que la validation régulièrement opérée de la délibération susvisée par le paragraphe II de l'article 22 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne saurait avoir pour effet de soustraire au principe de non-rétroactivité les dispositions de ladite délibération édictant des sanctions, sans distinction entre celles dont l'application revient à une juridiction et celles dont l'application revient à l'administration ; que, toutefois, cette limitation des effets de la validation ne s'étend pas aux majorations de droits et aux intérêts de retard ayant le caractère d'une réparation pécuniaire ; qu'il appartiendra aux autorités chargées de l'application de la présente loi de veiller à ce qu'aucune amende ne soit prononcée sur le fondement de la validation législative en raison de faits antérieurs à la date de mise en vigueur de la loi validant la délibération susvisée ;

35. Considérant qu'en l'espèce, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,

Décide :

Article premier :

Les articles 23 et 35 de la loi de finances rectificative pour 1982 sont déclarés non conformes à la Constitution.

Article 2 :

Les autres dispositions de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel sont déclarées conformes à la Constitution.

Article 3 :

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 82-155
Date de la décision : 30/12/1982
Loi de finances rectificative pour 1982
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

Monsieur le Président,

Les députés Soussignés, conformément à l'article 61, alinéa 2 de la Constitution ont l'honneur de déférer au Conseil Constitutionnel la dernière loi de finances rectificative pour 1982 définitivement adoptée par l'Assemblée Nationale le 20 Décembre.

I - Non conformité à la Constitution de la procédure suivie pour l'examen du projet de loi de fInances aux articles 45 et 39 de la Constitution.

Aux termes de l'article 45 de la Constitution, la Commission Mixte Paritaire dont la réunion est provoquée par le Premier Ministre en cas de désaccord entre les deux assemblées est " chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ".

Ainsi que l'indiquent les débats intervenus à l'Assemblée Nationale et au Sénat en deuxième lecture sur ce projet de loi, la Commission Mixte Paritaire, réunie le samedi 18 décembre pour proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1982, a été saisie de plusieurs articles additionnels du Gouvernement dont le contenu était totalement étranger auxdites dispositions et dont certains n'avaient pas leur place dans une loi de finances.

Cette initiative du Gouvernement visait à détourner de leur objet les travaux de la Commission Mixte Paritaire.

D'autre part, aux termes de l'article 112, 3e alinéa, du Règlement de l'Assemblée Nationale, les commissions mixtes paritaires " examinent les textes dont elles sont saisies suivant la procédure ordinaire des commissions prévue par le règlement de l'Assemblée dans les locaux de laquelle elles siègent ". En l'espèce, la Commission Mixte Paritaire se réunissant à l'Assemblée Nationale, les dispositions applicables étaient notamment celles des articles 39 à 46 et 85 à 88 du Règlement de cette Assemblée.

En fait, l'examen des dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative ayant été subordonné à l'examen préalable par la Commission Mixte Paritaire des articles additionnels déposés par le Gouvernement, ladite commission n'a pu en réalité procéder à cet examen. Dans ces conditions, il n'est pas possible de considérer qu'elle a régulièrement et valablement délibéré selon les règles constitutionnelles.

En outre, la présentation, en Commission Mixte Paritaire d'articles additionnels du Gouvernement, tendant à l'insertion de dispositions fiscales entièrement nouvelles dans le projet de loi, paraît contraire à l'article 39 de la Constitution, aux termes duquel " les projets de loi de finances sont soumis en premier lieu à l'Assemblée Nationale ".

En effet, la Commission Mixte Paritaire, bien que comportant des membres de l'Assemblée Nationale, ne peut être considérée comme ayant fait une première lecture de la Loi de Finances au nom de l'Assemblée Nationale ; il s'agit là d'une perversion du rôle assigné par la Constitution à la Commission Mixte Paritaire.

Ces violations des articles 45 et 39 de la Constitution ayant affecté la régularité de la procédure, il semble qu'il y a lieu de considérer comme non conforme à la Constitution l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 1983 tel qu'il résulte des débats ultérieurs du Parlement, qui n'ont pas eu pour effet de couvrir ce vice de procédure.

II - Non conformité à l'article 1er de l'ordonnance du 2 Janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances des articles :

- 20 A, en ce qu'il n'a pour objet que de fixer - sans modifier le montant de cette dotation - des règles de répartition entre les collectivités locales d'une dotation qui, considérée jusqu'à présent comme un prélèvement sur les recettes de l'Etat, ne constitue ni une ressource ni une charge de l'Etat ;

- 22 paragraphe II qui ne concerne que les relations financières entre un établissement public et des sociétés d'économie mixte et n'entre de ce fait dans aucune des catégories de dispositions pouvant figurer en loi de finances ;

- 24 en ce qu'il n'a pour effet que de prévoir des relations financières entre un établissement public et une fédération de sociétés d'économie mixte et ne vise donc ni les ressources ni les charges de l'Etat, ni l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement d'une imposition ;

- 18 quater, qui ne concerne que les compétences du Conseil général de Saint-Pierre et Miquelon et ne saurait être considéré comme relatif à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement d'impositions de toute nature ;

- 22 bis B, premier alinéa, qui ne vise qu'à modifier, pour les sociétés USINOR et SACILOR, certaines dispositions de la loi du 24 Juillet 1966 ; la simple faculté pour l'Etat de souscrire les titres que ces sociétés pourraient éventuellement émettre ne saurait pouvoir être considérée comme se rattachant à l'une ou l'autre des catégories de dispositions pouvant figurer en loi de finances en application de l'article 1er de l'ordonnance du 2 Janvier 1959 ; il en va de même pour l'ouverture de la même faculté à des " personnes morales appartenant au secteur public " ;

- 22 bis C, paragraphe l, qui ne concerne que le statut des sociétés de droit privé dites " SOFERGIES " ;

- 20 B-A, paragraphe II ; si le paragraphe 1 de cet article, de par sa nature fiscale, figure incontestablement parmi les dispositions qui peuvent être insérées dans une loi de finances, il n'en va pas de même du paragraphe II qui ne concerne que l'affectation de certaines ressources recueillies par certains établissements de crédit.

III. Non conformité à l'article 34 de la Constitution des articles 16 (2°) et 18 (pénultième et dernier alinéas)

Les dispositions en cause qui organisent un mécanisme d'indexation de la taxe sur la publicité et de la taxe sur les emplacements publicitaires fixes sont contraires à l'article 34 de la Constitution, aux termes duquel la loi fixe les règles concernant " l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ".

A l'occasion de l'article 25 III de la loi de finances pour 1982, le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 81-133 DC du 30 décembre 1981 a considéré qu'aucune règle ou aucun principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que la loi fixe le tarif d'une taxe en liant sa progression aux variations d'un élément du taux d'un impôt direct.

Avec les articles 16 (2°) et 18 II (pénultième et dernier alinéas) la situation paraît différente de celle qui résultait de l'article 25 III de la loi de finances pour 1982. En effet, ce dernier texte fixait des règles précises concernant la date à laquelle cette indexation devait intervenir. Tel n'est pas le cas pour les deux dispositions présentement incriminées, qui ne fixent pas véritablement une règle, dans la mesure où l'absence d'une date précise pour la réalisation de l'actualisation, laisse, en fait, au pouvoir réglementaire la faculté de fixer le nouveau taux à une date de son choix entre le 1er janvier et le 31 décembre de chaque année.

Ainsi, sauf à considérer que les dispositions en cause sont, en leur état actuel, inopérantes, il semble qu'il y ait lieu de les considérer comme contraires à l'art. 34 de la Constitution, ainsi qu'à l'ordonnance du 2 janvier 1959, dans la mesure où elles aboutissent à vider de sa substance le principe de l'autorisation annuelle de perception des impôts par le Parlement.

IV - Non conformité de l'article 22 - premier paragraphe à l'article 2 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

En ce qu'il prévoit, dans un domaine autre que ceux mentionnés à l'antépénultième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance, un transfert de créances de l'Etat à un établissement public, l'article 22 premier paragraphe, de la loi de finances rectificative, a pour effet de priver l'Etat, pour les exercices à venir, du montant du remboursement de ces créances tel qu'il résulte des cahiers des charges signés entre l'Etat et les sociétés concernées, et notamment du montant des remboursements prévus pour 1983, tel qu'il doit normalement être évalué dans la loi de finances pour 1983.

Ainsi la disposition incriminée a-t-elle pour effet d'engager l'équilibre financier des années ultérieures en violation de l'article 2 de l'ordonnance organique.

Les soussignés, Députés à l'Assemblée Nationale, ont l'honneur de déféré au Conseil Constitutionnel la loi de finances rectificative pour 1982, conformément à l'article 61 - alinéa 2 de la Constitution.

Par le présent recours, les soussignés défèrent au Conseil Constitutionnel l'ensemble de cette loi et plus particulièrement les dispositions de l'article 19 qui porte validation de la délibération de l'Assemblée Territoriale de la Nouvelle Calédonie et Dépendances n° 374 du 11 Janvier 1982.

En effet, l'ensemble de cette validation porte atteinte à la séparation des pouvoirs et elle est contraire aux principes clairement définis par la jurisprudence constitutionnelle. Subsidiairement, les dispositions contenues dans ce texte se heurtent à la règle de la non rétroactivité des lois pénales.

En vertu de la loi n° 76-1222 du 28 décembre 1976, relative à l'organisation de la Nouvelle Calédonie et Dépendances, le territoire a compétence pour toutes les matières qui ne ressortissent pas de la compétence du domaine de l'Etat, et notamment en matière fiscale.

L'Assemblée Territoriale peut être saisie soit d'un projet de délibération, soit d'une proposition émanant de ses membres. En application de l'article 25 du statut, les projets relatifs à des matières de compétence territoriale sont arrêtés en Conseil de Gouvernement avant d'être soumis à la délibération de l'Assemblée. L'initiative appartient au Conseil de Gouvernement et non pas au Haut commissaire de la République.

Dans le cas où l'Assemblée Territoriale délibère d'une proposition de l'un de ses membres, elle est tenue, par l'article 52 du statut, de demander l'avis du Conseil de Gouvernement et elle ne peut refuser, s'il le demande, le renvoi de l'examen de la proposition à la session ordinaire suivante.

Or, l'Assemblée Territoriale de Nouvelle Calédonie avait été saisie par le Conseil de Gouvernement d'un projet de délibération portant réforme fiscale et l'avait inscrit à l'ordre du jour de sa séance du 11 Janvier 1982.

Ce projet ne correspond pas aux objectifs du Haut Commissaire de la République, M. Christian NUCCI, celui-ci saisit l'Assemblée Territoriale d'un contre-projet. Ne pouvant de lui-même avoir l'initiative d'une délibération, le Haut Commissaire fit présenter par deux groupes de l'Assemblée deux propositions de délibérations reprenant son texte, et, en suscitant un retournement de la majorité, permit l'adoption de la délibération n° 374 en date du 11 Janvier 1982.

Cette délibération a fait l'objet de plusieurs recours devant le Conseil d'Etat. N'ayant aucune illusion sur les chances de voir ces recours rejetés, le Gouvernement a résolu de valider par une loi la délibération dont il s'agit.

Or, l'ensemble de cette validation porte atteinte à la séparation des pouvoirs et se heurte aux principes définis par la jurisprudence constitutionnelle.

En effet, en 1980, à l'initiative de 60 sénateurs, appartenant au groupe socialiste du Sénat et de 60 députés appartenant au groupe communiste de l'Assemblée nationale, le Conseil Constitutionnel a été saisi de la régularité de la validation même et spécialement de la validation d'actes administratifs faisant l'objet d'un recours pour excès de pouvoir pendant devant la juridiction administrative.

Les auteurs de la saisine faisaient valoir instamment que les dispositions de la loi, soumises à l'examen du Conseil Constitutionnel, auraient comporté une intervention du législateur dans le fonctionnement de la justice et seraient contraires au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. En effet, cette loi aurait été de nature à entraîner le rejet d'un recours actuellement pendant devant la juridiction administrative.

Le Conseil Constitutionnel a répondu à ce moyen par les deux considérants suivants :

- Considérant qu'il résulte de l'article 64 de la Constitution en ce qui concerne l'autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l'indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement ; qu'ainsi, il n'appartient ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ;

- Mais considérant que ces principes de valeur constitutionnelle ne s'opposent pas à ce que, dans l'exercice de sa compétence et au besoin, sauf en matière pénale, par la voie de dispositions rétroactives, le législateur modifie les règles que le juge a mission d'appliquer ; qu'ainsi le fait que la loi soumise à l'examen du Conseil Constitutionnel intervient dans une matière ayant donné lieu à des recours actuellement pendants n'est pas de nature à faire regarder cette loi comme non conforme à la Constitution ;

Ces considérants sont extrêmement clairs. Non seulement le Conseil Constitutionnel écarte toute espèce de validation rétroactive en matière pénale, mais à proprement parler, il ne reconnaît pas conforme à la Constitution une validation qui serait prononcée par le législateur directement et à titre principal.

En effet, une telle disposition aurait des effets équivalents à un jugement porté sur la validité de la décision attaquée et plus précisément à une décision de rejet du recours.

La seule méthode estimée par le Conseil Constitutionnel compatible ave le respect du principe de la séparation des pouvoirs consiste, toujours selon le Conseil Constitutionnel, à modifier avec effet rétroactif la règle que le juge administratif a mission d'appliquer.

Par conséquent, la seule méthode de validation constitutionnelle admissible est une validation indirecte et accessoire à la modification rétroactive de la disposition dont la violation entâcherait d'illégalité la décision attaquée devant la juridiction administrative.

Or, en l'espèce, il ne s'agit nullement de modifier les règles que le juge administratif doit appliquer mais, en validant un texte soumis au Conseil d'Etat et qu'il aurait annulé, d'empêcher de censurer sa décision et de se substituer à lui dans l'appréciation de la délibération.

Il paraît difficile de donner un autre sens à la décision du Conseil Constitutionnel.

S'il en est ainsi, il appartenait, le cas échéant, au Parlement de modifier rétroactivement les dispositions de la loi n° 76-1228 du 28 décembre 1976 relative à l'organisation de la Nouvelle Calédonie et d'où résultaient les diverses obligations qui ont été reconnues, texte que, par l'effet des recours dont il est saisi, le Conseil d'Etat a précisément mission d'appliquer.

Au contraire en validant directement la délibération n° 374, sans apporter la moindre modification à la loi du 28 décembre 1976, le Parlement s'est substitué à la juridiction administrative dans le jugement de litiges relevant de la compétence de cette dernière.

Subsidiairement, les dispositions contenues dans la délibération n° 374 se heurtent à la non rétroactivité des lois pénales.

En application de la loi n° 76-1222 du 28 décembre 1976 - art. 50 - l'Assemblée Territoriale ne peut prévoir l'application de peines correctionnelles que sous la réserve d'une homologation préalable de sa délibération par la loi. Dans la période qui s'écoule entre l'adoption de la délibération et l'entrée en vigueur de la loi d'homologation, l'Assemblée Territoriale est habilitée à édicter des peines contraventionnelles de la cinquième classe.

Or, la délibération n° 374 édicte des infractions sanctionnées par des peines correctionnelles pour lesquelles, dans l'attente de la loi d'homologation, seront applicables les contraventions de cinquième classe.

La validation de la délibération postule, de la part du législateur, un jugement sur son invalidité. C'est parce que le texte est présumé avoir été annulé que la validation donne un caractère rétroactif aux sanctions pénales.

L'objection selon laquelle les dispositions pénales validées ne sont que contraventionnelles ne peut être retenue parce que la notion de matière pénale doit être interprétée dans un sens large comme incluant toute mesure de sanction.

Au surplus, les peines sont celles qui sont prévues pour les contraventions de cinquième classe, c'est-à-dire dix jours à un mois d'emprisonnement et une amende de 1200 F à 3000 F, ou l'une des deux peines seulement.

Or, le Conseil Constitutionnel a eu l'occasion d'affirmer que, même en matière contraventionnelle, une autorité réglementaire ne peut prévoir de peines d'emprisonnement.

Pour ces motifs, les députés soussignés demandent au Conseil Constitutionnel de prononcer l'inconstitutionnalité de l'article 19 de la loi de finances rectificative pour 1982.


Références :

DC du 30 décembre 1982 sur le site internet du Conseil constitutionnel

Texte attaqué : Loi de finances rectificative pour 1982 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°82-155 DC du 30 décembre 1982
Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1982:82.155.DC
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