Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 18 juin 1982 par MM Claude Labbé, Jacques Chirac, Bernard Pons, Marc Lauriol, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Didier Julia, Jean-Louis Goasduff, Gabriel Kaspereit, Pierre Mauger, Philippe Séguin, Michel Noir, Roger Corrèze, Mme Hélène Missoffe, MM Jean Falala, Jacques Chaban-Delmas, Jacques Marette, Maurice Couve de Murville, Emmanuel Aubert, Claude-Gérard Marcus, Jean-Paul de Rocca Serra, Pierre-Charles Krieg, Serge Charles, Jacques Lafleur, Jean Narquin, Pierre Messmer, Georges Tranchant, Hyacinthe Santoni, Roger Fossé, Michel Debré, Maurice Cornette.
Jean Foyer, Jean-Paul Charié, Antoine Gissinger, Pierre-Bernard Cousté, Robert Wagner, Olivier Guichard, Robert Galley, Georges Gorse, Mme Florence d'Harcourt, MM Michel Inchauspé, Christian Bergelin, Yves Lancien, Robert-André Vivien, Jean Valleix, Michel Cointat, Jean Tiberi, Georges Delatre, Pierre de Benouville, René La Combe, Bruno Bourg-Broc, Camille Petit, Alain Peyrefitte, Régis Perbet, Edouard Frédéric-Dupont, Jean de Lipkowski, Jacques Toubon, Michel Barnier, Henri de Gastines, Jacques Godfrain, Daniel Goulet, Jean de Préaumont, Gilbert Gantier, Christian Bonnet, Pascal Clément, Alain Madelin, Olivier Stirn, Michel d'Ornano, René Haby, Jean Briane, Maurice Dousset, Mme Louise Moreau, MM Jacques Barrot, Charles Millon, Maurice Ligot, François d'Aubert, Jacques Fouchier, François d'Harcourt, Edmond Alphandery, Adrien Durand, Jean-Paul Fuchs, Jean Rigaud, Jacques Blanc, Bernard Stasi, Jean Proriol, Jean-Pierre Soisson, Henri Baudouin, François Léotard, Joseph-Henri Maujouan du Gasset, députés à l'Assemblée nationale, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi de finances rectificative pour 1982, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement, et notamment de son article 30 ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
1. Considérant que l'article 30 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a pour objet d'instituer un fonds de compensation des risques de l'assurance de la construction dont la gestion est confiée à la caisse centrale de réassurance et qui est chargé principalement de contribuer à l'indemnisation des sinistres affectant certains bâtiments ; qu'il prévoit que ce fonds est alimenté par une contribution à la charge des entreprises d'assurance dont il fixe l'assiette, le taux ainsi que les modalités de recouvrement ;
2. Considérant que, pour contester la conformité à la Constitution de ces dispositions, les auteurs de la saisine font valoir, d'une part, qu'elles seraient contraires aux articles 1er, 4 et 18 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances et, d'autre part, qu'elles méconnaîtraient le principe de l'égalité devant la loi ;
Sur la méconnaissance des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 :
3. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent qu'en instituant un impôt d'Etat affecté à un fonds doté de la personnalité morale mais qui n'a pas le caractère de collectivité territoriale ou d'établissement public, l'article 30 de la loi violerait l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 en raison tant de l'affectation donnée à cet impôt que du défaut d'évaluation de son produit dans la loi de finances ; qu'il serait également contraire à l'article 18 de la même ordonnance en raison du fait que l'affectation prévue n'entrerait dans aucune des procédures d'affectation limitativement admises par ledit article 18 ;
En ce qui concerne le caractère fiscal de la contribution prévue à l'article 30 :
4. Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires de l'article 30 de la loi que, pour financer les dépenses du fonds de compensation des risques de l'assurance de la construction, le Gouvernement et le Parlement ont entendu établir une contribution entrant dans la catégorie des "impositions de toutes natures" dont l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement relèvent du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution ; que, si l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 a donné compétence à des décrets en Conseil d'Etat pour l'établissement de "taxes parafiscales" qui répondent aux conditions qu'il définit quant à leur objet et à leur affectation, il n'a pas eu pour effet de faire obstacle à ce que les objectifs qu'il mentionne puissent être atteints par l'institution par la loi d'une imposition ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner s'il aurait pu être recouru, dans le cas de la contribution à la compensation de l'assurance construction, à des taxes parafiscales, la loi a pu, pour alimenter le fonds de compensation, faire choix d'une contribution de caractère fiscal.
5. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 "les lois de finances peuvent également contenir toutes dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures" ; que la contribution pour l'assurance de la construction ayant le caractère d'une imposition est au nombre de celles qui pourraient figurer dans la loi de finances rectificative pour 1982 ;
En ce qui concerne l'affectation de la contribution prévue à l'article 30 :
6. Considérant que l'article 30 de la loi confie la gestion du fonds de compensation à la caisse centrale de réassurance, laquelle constitue un établissement public commercial ; que c'est donc à un établissement public que se trouve attribué le produit de la contribution, le fonds n'étant lui-même qu'un procédé d'individualisation comptable au sein de la caisse et n'ayant pas la personnalité juridique ; que, contrairement à ce qui est soutenu, aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'interdit d'affecter le produit d'une imposition à un établissement public industriel ou commercial ; que, par suite, rien ne s'oppose à ce que le produit de la contribution instituée par l'article 30 de la loi soit affecté à la caisse centrale de réassurance.
7. Considérant que la contribution établie par l'article 30 ayant le caractère d'un impôt affecté à un établissement public, son produit n'avait pas à être évalué par une loi de finances comme le prescrit, pour les seuls impôts affectés à l'Etat, le premier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;
8. Considérant, enfin, que les dispositions de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 fixent les règles d'affectation des seules recettes de l'Etat ; que, dès lors, s'agissant d'une contribution qui, ainsi qu'il vient d'être dit, n'est pas affectée à l'Etat, elles ne trouvent pas en l'espèce leur application ;
Sur la méconnaissance du principe de l'égalité devant la loi :
9. Considérant que la contribution destinée à financer les activités du fonds de compensation est assise sur des primes ou cotisations couvrant la responsabilité des constructeurs ; que son taux est fixé à 5 p 100 en ce qui concerne les primes ou cotisations d'entreprises artisanales et à 15 p 100 pour les primes ou cotisations des autres assurés ; qu'il est soutenu que cette différence de taux serait contraire au principe de l'égalité devant la loi dès lors que, selon les auteurs de la saisine, il n'existerait aucune différence de situation entre les entreprises d'assurance au regard de la contribution instituée ; 10. Considérant que la loi n'établit aucune discrimination entre les entreprises d'assurance, redevables de la contribution, puisque les mêmes taux s'appliquent à tous les redevables ; que la différenciation des taux est justifiée par la situation particulière des entreprises artisanales ; que, dans ces conditions, l'institution de deux taux n'est pas contraire au principe d'égalité devant la loi,
Décide :
Article premier : La loi de finances rectificative pour 1982 est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.