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30/12/1981 | FRANCE | N°81-133

France | France, Conseil constitutionnel, 30 décembre 1981, 81-133


Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 19 décembre 1981 par MM Claude Labbé, Marc Lauriol, Roger Corrèze, Pierre Bas, Michel Barnier, Daniel Goulet, Michel Cointat, Michel Debré, François Fillon, Jean Narquin, Edouard Frédéric-Dupont, Charles Miossec, Pierre Weisenhorn, Pierre Raynal, Jean Tiberi, Jean de Préaumont, Lucien Richard, Jean-Paul de Rocca Serra, Jean-Louis Goasduff, Bernard Pons, Pierre-Bernard Cousté, François Grussenmeyer, Michel Noir, Jean-Paul Charié, Jean Valleix, Etienne Pinte, Jean Foyer, Pierre-Charles Krieg, Pierre Messmer, Pierre Gascher, Gabriel Kaspereit, Ro

bert-André Vivien, Antoine Gissinger, Jean Falala, Didier Jul...

Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 19 décembre 1981 par MM Claude Labbé, Marc Lauriol, Roger Corrèze, Pierre Bas, Michel Barnier, Daniel Goulet, Michel Cointat, Michel Debré, François Fillon, Jean Narquin, Edouard Frédéric-Dupont, Charles Miossec, Pierre Weisenhorn, Pierre Raynal, Jean Tiberi, Jean de Préaumont, Lucien Richard, Jean-Paul de Rocca Serra, Jean-Louis Goasduff, Bernard Pons, Pierre-Bernard Cousté, François Grussenmeyer, Michel Noir, Jean-Paul Charié, Jean Valleix, Etienne Pinte, Jean Foyer, Pierre-Charles Krieg, Pierre Messmer, Pierre Gascher, Gabriel Kaspereit, Robert-André Vivien, Antoine Gissinger, Jean Falala, Didier Julia, Christian Bergelin, Robert Galley, Camille Petit, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Maurice Couve de Murville, Emmanuel Aubert, Jacques Toubon, Mme Hélène Missoffe, MM Philippe Séguin, Jacques Chirac, Jacques Godfrain, Pierre Mauger, Jacques Chaban-Delmas, Robert Wagner, Michel Péricard, Olivier Guichard, Claude-Gérard Marcus, Jacques Marette, Régis Perbet, Yves Lancien, Jean-Louis Masson, René La Combe, Georges Tranchant, Georges Gorse, Roland Nungesser, Mme Florence d'Harcourt, MM Christian Bonnet, Pascal Clément, Alain Madelin, Olivier Stirn, Michel d'Ornano, René Haby, Jean Briane, Maurice Dousset, Mme Louise Moreau, MM Jacques Barrot, Charles Millon, Maurice Ligot, François d'Aubert, Jacques Fouchier, François d'Harcourt, Gilbert Gantier, Claude Birraux, Francisque Perrut, Charles Deprez, Marcel Bigeard, Roger Lestas, Jean Brocard, Paul Pernin, Germain Gengenwin, Pierre Méhaignerie, Jean Bégault, Georges Mesmin, Charles Fèvre, Francis Geng, Jean-Marie Daillet, Philippe Mestre, Pierre Micaux, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi de finances pour 1982 et notamment des articles 3, 5, 94 et 97 ;
Saisi le 22 décembre 1981 par MM Jean-Claude Gaudin, Charles Millon, Gabriel Kaspereit, Emmanuel Hamel, Georges Mesmin, Edouard Frédéric-Dupont, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Jean Tiberi, Jacques Chirac, Michel Barnier, Mme Hélène Missoffe, MM Charles Fèvre, Robert-André Vivien, René Haby, Claude Labbé, Jean-Paul Fuchs, Francisque Perrut, Gilbert Gantier, Jean-Paul de Rocca Serra, Paul Pernin, Philippe Séguin, Michel Noir, Christian Bonnet, Pierre Bas, Pierre Raynal, Claude-Gérard Marcus, Jacques Baumel, Claude Wolff, Jean-Louis Goasduff, Jean Rigaud, Gilbert Mathieu, Philippe Mestre, Jacques Fouchier, Victor Sablé, Albert Brocard, Jean Bégault, Jean-Marie Daillet, Jean Proriol, Jean Brocard, Germain Gengenwin, Alain Mayoud, Loïc Bouvard, Maurice Dousset, André Rossinot, Georges Tranchant, Yves Lancien, Pascal Clément, François d'Aubert, Pierre Méhaignerie, Jean Desanlis, Jacques Godfrain, Marc Lauriol, Jean Falala, Jacques Marette, Pierre Messmer, Emmanuel Aubert, Jean Narquin, Pierre-Charles Krieg, René La Combe, Michel Debré, Michel Cointat, Roger Fossé, Roger Corrèze, Camille Petit, Jean-Louis Masson, Jean Valleix, Roland Nungesser, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi de finances pour 1982, et notamment de l'article 25 ; Saisi, d'autre part, d'une lettre de M Claude Labbé, député, en date du 23 décembre 1981, tendant à soumettre à l'examen du Conseil constitutionnel d'autres dispositions de la même loi ;

Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Ouï le rapporteur en son rapport,

Sur la recevabilité :
1. Considérant que l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, s'il prévoit que les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel par les membres du Parlement, réserve l'exercice de cette faculté à soixante députés ou soixante sénateurs ;
2. Considérant que le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 décembre 1981 et le 22 décembre 1981 de la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 1982, et notamment de celle de ses articles 3, 5-III, 25-III, 94 et 97 ; que ces deux saisines, qui émanent l'une et l'autre de plus de soixante députés, sont recevables et qu'étant relatives à la même loi, il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
3. Considérant que, par une lettre en date du 23 décembre 1981, M Claude Labbé, député, a mis en cause devant le Conseil constitutionnel la conformité à la Constitution d'autres dispositions de cette même loi ; qu'il résulte du texte susrappelé de l'article 61, alinéa 2, qu'il n'est pas recevable à le faire sous sa seule signature ;
Sur la conformité de la loi de finances à la Constitution :
En ce qui concerne l'article 3 :
4. Considérant que cet article dispose que les redevables de l'impôt sur les grandes fortunes sont imposables sur l'ensemble des biens, droits et valeurs leur appartenant ainsi que sur les biens appartenant à leur conjoint et à leurs enfants mineurs lorsqu'ils ont l'administration légale des biens de ceux-ci et qu'il précise en outre que les concubins notoires sont imposés comme les personnes mariées ;
5. Considérant que les auteurs de la saisine du 19 décembre 1981 estiment, en premier lieu, que ces dispositions sont contraires à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dans la mesure où elles comprennent dans les facultés contributives du redevable la valeur de biens qui ne lui appartiennent pas et dont il ne peut disposer ;
6. Considérant qu'en vertu de l'article 13 de la Déclaration des droits la contribution commune aux charges de la nation "doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés" ; que, conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des redevables ;
7. Considérant qu'en instituant un impôt sur les grandes fortunes le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et qui résulte des revenus en espèce ou en nature procurés périodiquement par ces biens, qu'ils soient ou non soumis par ailleurs à l'impôt sur le revenu ; qu'en effet, en raison de son taux et de son caractère annuel, l'impôt sur les grandes fortunes est appelé normalement à être acquitté sur les revenus des biens imposables ; qu'il est de fait que le centre de disposition des revenus à partir duquel peuvent être appréciées les ressources et les charges du contribuable est le foyer familial ; qu'en décidant que l'unité d'imposition pour l'impôt sur les grandes fortunes est constituée par ce foyer, le législateur n'a fait qu'appliquer une règle adaptée à l'objectif recherché par lui, au demeurant traditionnelle dans le droit fiscal français, et qui n'est contraire à aucun principe constitutionnel et, notamment, pas à celui de l'article 13 de la Déclaration des droits ;
8. Considérant que les auteurs de la même saisine soutiennent, en second lieu, que l'article 3 viole le principe d'égalité entre les sexes dès lors qu'il fait peser la charge de l'impôt sur les hommes mariés ou vivant en concubinage notoire à raison de la valeur des biens de leur épouse ou concubine ;
9. Considérant que l'article 3 n'établit aucune discrimination au détriment de l'homme ou de la femme et se borne à dire que l'assiette de l'impôt est constituée par la valeur nette des biens appartenant aux personnes visées à l'article 2 ainsi qu'à leur conjoint et à leurs enfants mineurs ; qu'il ne saurait, dès lors, être invoqué une violation du principe de l'égalité entre les sexes ;
En ce qui concerne l'article 5-III :
10. Considérant que cette disposition prévoit que les biens ou droits grevés d'un usufruit, d'un droit d'habitation ou d'un droit d'usage accordé à titre personnel sont compris dans le patrimoine de l'usufruitier ou du titulaire d'un de ces droits pour leur valeur en pleine propriété ;
11. Considérant que, selon les auteurs de la saisine du 19 décembre 1981, l'article 13 de la Déclaration des droits ne permet pas de comprendre dans les biens d'un redevable la valeur d'un droit, en l'espèce essentiellement la nue-propriété, qui ne lui appartient pas et dont il ne peut disposer ;
12. Considérant que l'impôt sur les grandes fortunes a pour objet, ainsi qu'il vient d'être rappelé à propos de l'article 3 de la loi, de frapper la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et qui résulte des revenus en espèce ou en nature procurés par ces biens ; qu'une telle capacité contributive se trouve entre les mains non du nu-propriétaire mais de ceux qui bénéficient des revenus ou avantages afférents aux biens dont la propriété est démembrée ; que, dans ces conditions, et compte tenu des exceptions énumérées par le législateur, celui-ci a pu mettre, en règle générale, à la charge de l'usufruitier ou du titulaire des droits d'usage ou d'habitation, l'impôt sur les grandes fortunes sans contrevenir au principe de répartition de l'impôt selon la faculté contributive des citoyens comme le veut l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
En ce qui concerne l'article 25-III :
13. Considérant qu'en vertu de cette disposition le tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers et assimilés doit être relevé chaque année dans la même proportion que la limite inférieure de la septième tranche de l'impôt sur le revenu ;
14. Considérant que, si l'article 34 de la Constitution prévoit que la loi fixe les règles concernant le taux des impositions de toute nature, il n'interdit pas au législateur de fixer ce taux par référence à des éléments qu'il détermine ; qu'en particulier aucune règle ou aucun principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que la loi fixe le tarif d'une taxe indirecte en liant sa progression aux variations d'un élément du taux d'un impôt direct ; qu'ainsi les auteurs de la saisine ne sont pas fondés à soutenir que la règle posée par l'article 25-III est contraire à l'article 34 de la Constitution ainsi qu'à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
15. Considérant qu'il ne saurait davantage être soutenu que l'article 25-III méconnaît les articles 2 et 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ; qu'en effet la règle de l'annualité posée par ces articles tant pour l'autorisation de perception des impôts que pour l'évaluation du montant de leur produit n'est en rien altérée par le nouveau mécanisme de fixation de la taxe de consommation des produits pétroliers dès lors qu'il doit toujours être satisfait à cette règle lors de l'adoption de la loi de finances ;
16. Considérant enfin que, contrairement à ce que font valoir les auteurs de la saisine, la règle instituée par l'article 25-III n'aboutit pas, du fait du jeu de l'article 40 de la Constitution, à priver les membres du Parlement d'une partie de leurs prérogatives, puisque leur droit d'initiative reste identique à celui dont ils disposent à l'égard de toute imposition existante ;
En ce qui concerne l'article 94-II :
17. Considérant que cette disposition, qui prévoit l'inscription obligatoire en compte des valeurs mobilières émises en France et soumises à la législation française est issue d'un amendement d'origine gouvernementale déposé en première lecture devant l'Assemblée nationale ; que, selon les auteurs de la saisine, elle aurait été adoptée en méconnaissance de l'article 42 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
18. Considérant qu'aux termes de cet article "aucun article additionnel, aucun amendement à un projet de loi de finances ne peut être présenté, sauf s'il tend à supprimer ou à réduire une dépense, à créer ou à accroître une recette et à assurer le contrôle des dépenses publiques ;
19. Considérant que la disposition critiquée a pour objet essentiel de renforcer les moyens de contrôle de l'administration fiscale sur la consistance des valeurs mobilières détenues par un contribuable et, par suite, tend à accroître les recettes ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la saisine sur ce point, l'article 94-II ne peut être regardé comme contraire à l'article 42 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;
En ce qui concerne l'article 97 :
20. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que la disposition de cet article, qui autorise les agents des impôts à procéder à des tests de contrôle des procédures de traitement automatisé de la comptabilité sans prévoir une indemnisation pour privation temporaire de jouissance du matériel de l'entreprise, méconnaît l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
21. Considérant qu'aucune règle constitutionnelle n'impose l'indemnisation des sujétions subies par une entreprise du fait du contrôle fiscal ;
22. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,

Décide :
Article premier :
Est déclarée irrecevable la requête de M Claude Labbé, député.
Article 2 :
La loi de finances pour 1982 est déclarée conforme à la Constitution.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 81-133
Date de la décision : 30/12/1981
Loi de finances pour 1982
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

Monsieur le Président,

Messieurs,

Plusieurs de mes collègues et moi-même avons saisi le Conseil constitutionnel de la loi de finances pour 1982 adoptée par l'Assemblée nationale le 19 décembre 1981. Ce recours vous a saisis de l'ensemble du texte.

Aux moyens développés dans le recours, il m'apparaît nécessaire d'en ajouter un autre pris de la violation du principe d'égalité proclamé par l'article VI de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen et confirmé par l'article 2 de la Constitution.

En effet, les dispositions des articles 4 et 7 de la loi concernant l'exonération des droits sociaux considérés comme des biens professionnels, font un sort différent aux dirigeants sociaux, selon qu'il s'agit de dirigeants d'une société unique, ou qu'il s'agit d'un groupe de société. Cette disparité de traitement avait été corrigée par le Sénat qui avait adopté au cours de sa séance du 25 novembre 1981 l'amendement n° 499 de MM. Blin, Tomasini, Poncelet et Fortier (J.O. Sénat 191 p. 3121).

Mais l'Assemblée nationale a supprimé cette disposition en sa séance du 19 décembre 1981 (J.O. Assemblée nationale 1981, p.5044) et rétabli de la sorte la discrimination résultant de la rédaction initiale.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, Messieurs, l'expression de ma haute considération.

Claude LabbéLes soussignés, députés à l'Assemblée Nationale, défèrent au Conseil Constitutionnel, conformément à l'article 61, alinéa 2 de la Constitution, la loi de finances pour 1982 votée définitivement par l'Assemblée Nationale le 19 Décembre 1981.

Ils concluent qu'il plaise au Conseil dire non conformes à la Constitution notamment les articles 3, 5, 75 et 78.

En ce qui concerne l'article 3 : L'article 3 de la loi de finances dispose que les redevables de l'impôt sur les grandes fortunes sont imposés à raison de la valeur nette non seulement des biens, droits et valeurs leur appartenant, mais encore des biens, droits et valeurs appartenant à leur conjoint et à leurs enfants lorsqu'ils ont l'administration des biens de ceux-ci.

Une telle disposition encourt doublement le reproche d'illégalité constitutionnelle.

En premier lieu, elle est contraire à la deuxième phrase de l'article XIII de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, aux termes de laquelle : "Elle (la contribution commune) est également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés".

La loi fiscale ne peut, en effet, comprendre dans les "facultés" du redevable la valeur de biens qui ne lui appartiennent point et dont ils ne peuvent disposer.

On ne saurait invoquer, pour justifier la disposition contestée, la règle de l'imposition par foyer fiscal admise en matière d'impôt sur le revenu, laquelle n'a certainement pas du reste le caractère d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Cette règle a été admise à une époque à laquelle la quasi-totalité des époux étaient mariés sous l'ancien régime de la communauté légale, sous lequel le mari avait l'administration de tous les patrimoines (biens propres et communs) et sous lequel tous les revenus des époux entraient en communauté. La règle ne peut être transposée d'un impôt sur le revenu à un impôt sur le capital tel qu'est l'impôt sur les grandes fortunes.

Au demeurant, en matière d'impôt sur le revenu, l'imposition par foyer fiscal est tempérée et corrigée par le quotient familial, que le législateur a refusé d'étendre à l'impôt sur le capital.

En second lieu, la disposition critiquée est discriminatoire en ce qu'elle fait peser sur les hommes mariés ou vivant en concubinage notoire la charge de l'impôt sur le capital à raison de la valeur des biens de leur épouse ou compagne.

Il y a dans la disposition une violation du principe de l'égalité des sexes.

En ce qui concerne l'article 5 : Cet article, en son paragraphe II, impose les usufruitiers et les titulaires de droits d'usage et d'habitation en raison de la valeur de la nue-propriété des biens soumis à leur droit.

Une telle disposition est contraire elle aussi à l'article XIII, 2ème phrase de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, qui ne permet pas de comprendre dans les facultés d'un redevable la valeur d'un droit : en l'espèce la nue-propriété - qui ne lui appartient pas et dont il ne peut disposer.

Cette constatation, valable pour tous les démembrements de la propriété, l'est particulièrement pour les droits d'usage et d'habitation. Ces droits ne sont générateurs d'aucune faculté contributive puisque, selon le Code Civil, leur titulaire ne peut les vendre et ne peut louer les immeubles qui en sont l'objet.

La disposition conduit à des conséquences tellement iniques que le Gouvernement et le Parlement, en seconde lecture, ont réduit sensiblement sa portée d'application. Les atténuations ne suffisent pas à rendre conforme à la Constitution, ce qui en subsiste.

En ce qui concerne l'article 75 : L'article 75 comporte trois paragraphes, numérotés I, II et III.

Le II, rendant obligatoire la dématérialisation des titres (valeurs mobilières) a été introduit par voie d'amendement devant l'Assemblée Nationale, en méconnaissance de l'article 42 de l'Ordonnance n° 59-2 portant loi organique relative aux Lois de finances, dont la violation a été souvent sanctionnée par le Conseil Constitutionnel. Ce II constitue incontestablement un "cavalier budgétaire".

En ce qui concerne l'article 78 : Ce texte autorise les agents de la Direction Générale des impôts à utiliser le matériel informatique des entreprises à des fins de vérification.

Il s'agit là d'une atteinte au droit de propriété qui s'apparente à une réquisition car elle emporte privation temporaire de l'usage du bien par l'entreprise à laquelle celui-ci appartient.

Aucune indemnisation n'étant prévue pour cet usage, la disposition n'est pas conforme à l'article XVII de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.Les soussignés, députés à l'Assemblée Nationale, défèrent au Conseil Constitutionnel, conformément à l'article 61, alinéa 2 de la Constitution, la loi de finances pour 1982 votée définitivement par l'Assemblée Nationale le 19 Décembre 1981.

Ils concluent qu'il plaise au Conseil dire non conformes à la Constitution notamment les articles 3, 5, 75 et 78.

En ce qui concerne l'article 3 : L'article 3 de la loi de finances dispose que les redevables de l'impôt sur les grandes fortunes sont imposés à raison de la valeur nette non seulement des biens, droits et valeurs leur appartenant, mais encore des biens, droits et valeurs appartenant à leur conjoint et à leurs enfants lorsqu'ils ont l'administration des biens de ceux-ci.

Une telle disposition encourt doublement le reproche d'illégalité constitutionnelle.

En premier lieu, elle est contraire à la deuxième phrase de l'article XIII de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, aux termes de laquelle : "Elle (la contribution commune) est également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés".

La loi fiscale ne peut, en effet, comprendre dans les "facultés" du redevable la valeur de biens qui ne lui appartiennent point et dont ils ne peuvent disposer.

On ne saurait invoquer, pour justifier la disposition contestée, la règle de l'imposition par foyer fiscal admise en matière d'impôt sur le revenu, laquelle n'a certainement pas du reste le caractère d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Cette règle a été admise à une époque à laquelle la quasi-totalité des époux étaient mariés sous l'ancien régime de la communauté légale, sous lequel le mari avait l'administration de tous les patrimoines (biens propres et communs) et sous lequel tous les revenus des époux entraient en communauté. La règle ne peut être transposée d'un impôt sur le revenu à un impôt sur le capital tel qu'est l'impôt sur les grandes fortunes.

Au demeurant, en matière d'impôt sur le revenu, l'imposition par foyer fiscal est tempérée et corrigée par le quotient familial, que le législateur a refusé d'étendre à l'impôt sur le capital.

En second lieu, la disposition critiquée est discriminatoire en ce qu'elle fait peser sur les hommes mariés ou vivant en concubinage notoire la charge de l'impôt sur le capital à raison de la valeur des biens de leur épouse ou compagne.

Il y a dans la disposition une violation du principe de l'égalité des sexes.

En ce qui concerne l'article 5 : Cet article, en son paragraphe II, impose les usufruitiers et les titulaires de droits d'usage et d'habitation en raison de la valeur de la nue-propriété des biens soumis à leur droit.

Une telle disposition est contraire elle aussi à l'article XIII, 2ème phrase de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, qui ne permet pas de comprendre dans les facultés d'un redevable la valeur d'un droit : en l'espèce la nue-propriété - qui ne lui appartient pas et dont il ne peut disposer.

Cette constatation, valable pour tous les démembrements de la propriété, l'est particulièrement pour les droits d'usage et d'habitation. Ces droits ne sont générateurs d'aucune faculté contributive puisque, selon le Code Civil, leur titulaire ne peut les vendre et ne peut louer les immeubles qui en sont l'objet.

La disposition conduit à des conséquences tellement iniques que le Gouvernement et le Parlement, en seconde lecture, ont réduit sensiblement sa portée d'application. Les atténuations ne suffisent pas à rendre conforme à la Constitution, ce qui en subsiste.

En ce qui concerne l'article 75 : L'article 75 comporte trois paragraphes, numérotés I, II et III.

Le II, rendant obligatoire la dématérialisation des titres (valeurs mobilières) a été introduit par voie d'amendement devant l'Assemblée Nationale, en méconnaissance de l'article 42 de l'Ordonnance n° 59-2 portant loi organique relative aux Lois de finances, dont la violation a été souvent sanctionnée par le Conseil Constitutionnel. Ce II constitue incontestablement un "cavalier budgétaire".

En ce qui concerne l'article 78 : Ce texte autorise les agents de la Direction Générale des impôts à utiliser le matériel informatique des entreprises à des fins de vérification.

Il s'agit là d'une atteinte au droit de propriété qui s'apparente à une réquisition car elle emporte privation temporaire de l'usage du bien par l'entreprise à laquelle celui-ci appartient.

Aucune indemnisation n'étant prévue pour cet usage, la disposition n'est pas conforme à l'article XVII de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.


Références :

DC du 30 décembre 1981 sur le site internet du Conseil constitutionnel

Texte attaqué : Loi de finances pour 1982 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°81-133 DC du 30 décembre 1981
Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1981:81.133.DC
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