Saisine députés socialistes.
Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel le texte de la dernière loi de finances rectificative pour 1978, tel qu'il vient d'être définitivement adopté par le Parlement.
Nous estimons que l'article 12 de cette loi, relatif à la prise de participation de l'Etat dans le capital de la société des Avions Marcel DASSAULT-BREGUET-AVIATION, n'est pas conforme à la Constitution pour les motifs suivants.
L'article 12 du texte qui vous est déféré autorise l'Etat à acquérir un maximum de 21 % du capital de la société AMD-BA.
Le système retenu pour le financement de cette opération est fondé sur les dispositions de l'article 18 de l'Ordonnance n 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, qui prévoient les conditions dans lesquelles il peut être dérogé au principe fondamental de la non affectation des recettes au sein du budget de l'Etat.
Or, il apparaît que c'est en méconnaissance de cet article 18, ainsi d'ailleurs que de plusieurs autres dispositions de la même loi organique, qu'a été adopté l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1978.
La complexité du système imaginé par le Gouvernement conduit à rappeler les caractéristiques d'une opération en elle-même contraire aux principes de notre droit budgétaire avant d'indiquer les motifs pour lesquels ses modalités paraissent, en toute hypothèse, non conformes à la Constitution.
L'opération prévue par l'article 12 peut faire l'objet d'une double lecture selon que l'on s'en tient au dispositif de l'article lui-même ou que l'on se réfère aux déclarations du Gouvernement.
Aussi convient-il de s'appuyer sur les faits portés à la connaissance du Parlement pour analyser le dispositif élaboré par le Gouvernement.
Le système de l'article 12 est fondé sur le remboursement des avances consenties par l'Etat à AMD-BA et le règlement de redevances à l'exportation.
On rappellera que la société des Avions Marcel DASSAULT-BREGUET-AVIATION (AMD-BA) a reçu de l'Etat, pour la plupart de ses programmes civils, et en particulier pour le FALCON 50 : qui n'est pas encore produit en série : des avances remboursables en cas de succès. Si le programme se déroule favorablement, la Société commencera à rembourser l'avance consentie à partir d'un certain nombre d'appareils vendus, dans des conditions qui sont précisées par le contrat. Dans ce cas, la créance de l'Etat : à supposer qu'il soit possible de la qualifier ainsi : est aléatoire, indéterminée dans son montant et à fortiori non exigible. Elle ne devient certaine que si, au cours des années, l'exécution du programme le permet.
Par ailleurs, la société AMD-BA paie à l'Etat des redevances à l'exportation pour les appareils militaires. Le montant de ces redevances est fixé par avion vendu. Dans ce cas, l'Etat ne possède, en réalité, aucune créance sur la société puisque la naissance éventuelle de la créance n'est pas de son fait. Tout au plus l'Etat possède-t-il l'espoir d'une créance, indéterminée et non exigible.
Selon les déclaration du Gouvernement, l'évaluation des remboursements à venir et des redevances à encaisser aurait été effectuée à partir des contrats conclus. Mais, à supposer que ces contrats soient effectivement exécutés, on ignore le calendrier des livraisons et des paiements. Sans doute, depuis la conclusion des négocations avec le groupe DASSAULT, certaines sommes ont pu devenir exigibles et le Gouvernement évoque donc la réalité d'une partie de ses créances. Mais pour le reste, il confirme notre analyse. C'est ainsi, que Monsieur le Ministre de l'Economie a déclaré au Sénat (Cf Débats du Sénat page 4792) : "les créances certaines ne concernent que les contrats déjà conclus, mais leur exigibilité dépend encore de la fabrication effective des avions et de leur exportation. Les créances à venir concernent toutes les négociations en cours sur le carnet de commandes de la Société. Vous comprendrez qu'il est, dans ces conditions, pratiquement impossible de déterminer la durée précise pendant laquelle les droits de l'Etat atteindront bien un montant de 440 millions de francs. On peut estimer que, sur les matériels en cours de fabrication, un montant de l'ordre de 200 millions de francs sera exigible dans les dix-huit mois qui viennent et qu'il faudra ensuite un ou deux ans de négociation commerciale Dans son principe même, l'opération prévue par l'article 12 viole manifestement la loi organique et partant la Constitution.
En effet, dans cette affaire, la compensation est impossible entre les éventuelles "créances de l'Etat" et la dette qui résulte du prix à payer pour l'achat des actions.
Cette impossibilité résulte de deux causes dont chacune est, au reste, suffisante.
En matière de dépenses publiques, il ne peut y avoir compensation que si la qualité de créancier et celle de débiteur sont réunies sur une seule et même personne. Or, il s'agit en l'occurrence de deux sociétés distinctes.
Au surplus, la compensation n'est possible que si les créances sont exigibles et liquides ce qui à l'évidence n'est pas le cas.
Faute de compensation, il sera donc nécessaire en bonne logique budgétaire d'encaisser une recette et d'inscrire une dépense.
Mais il se trouve que la ressource n'est pas évaluée et que la dépense n'est, par suite, ni évaluée, ni inscrite.
L'article 2 de la loi organique prévoit que les lois de finances doivent prévoir et autoriser les ressources et les charges de l'Etat. Les articles 4 et 5 de la même loi organique précisent que le montant des ressources fiscales et non fiscales est évalué par les lois de finances.
Or, il se trouve que l'article 12 ne procède à aucune évaluation de la recette qu'il propose d'affecter. En effet, aucune disposition de l'article 12, ni aucun autre article de la loi de finances rectificative, ne comporte d'indications précises sur le mode d'évaluation de la somme de 540 millions de Francs.
Sans doute l'exposé des motifs de l'article 12 précise-t-il que cette somme comporte "440 millions de Francs pour le principal et 100 millions de Francs pour les intérêts". Mais, tant à l'Assemblée Nationale (Cf rapport n 736, page 46) qu'au Sénat (Cf rapport n 131 pages 41 et 42) les commissions des finances ne sont pas parvenues à reconstituer avec précision l'évaluation de la ressource, faute de disposer des éléments de calcul nécessaires. C'est notamment ce qui a conduit le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée Nationale a écrire que l'ont peut "se demander dans quelles conditions le coût de la prise de participation est effectivement équilibrée par les créances de l'Etat." Partant, et en raison même de la nature de l'opération, il n'a pas été possible d'évaluer exactement le montant de la dépense. S'il doit y avoir adéquation entre le montant de la recette et celui de la dépense, cette dernière ne saurait être, à son tour, convenablement prévue et évaluée.
Recette et dépense pourraient donc être inférieures à ce qui est prévu. On pourrait même envisager un chef de dépenses que le texte de l'article 12 ne permet pas d'imaginer puisque le Ministre de l'Economie a déclaré au Sénat (Cf débats page 4792) : "le gouvernement est disposé à offrir les mêmes conditions aux petits actionnaires".
Contraire à la loi organique dans sa conception même, l'opération prévue par l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1978 ne saurait s'y conformer dans ses modalités.
En effet, si l'on s'en tient au texte lui-même, on constate que l'article 12 propose une affectation de recettes qui serait opérée selon l'article 18 de la loi organique.
Pour s'en tenir aux déclarations du gouvernement, il s'agirait en fait d'une cession de créances de la Société AMD-BA à la Société centrale d'études Marcel DASSAULT.
Il suffirait de démontrer : puisque seul le texte du dispositif de la loi est déféré au Conseil constitutionnel : que l'affectation prévue est contraire à la loi organique. Mais il se trouve que la cession de créances envisagée viole également cette même loi organique.
a) l'article 12 et l'affectation de recettes.
L'article 18 de la loi organique pose comme principe qu'il ne saurait y avoir de contraction entre les recettes et les dépenses.
Ce même article prévoit toutefois des exceptions et autorise l'affectation de certaines recettes au financement direct de certaines dépenses.
Toutefois, la loi organique énumère limitativement les trois catégories d'affectation qu'elle définit : : les budgets annexes ; : les comptes spéciaux du Trésor ; : les procédures comptables particulières au sein du budget général ou d'un budget annexe.
On observera, toutefois, que les procédures comptables particulières prévues par la loi organique sont mises en oeuvre par voir réglementaire sous la forme du fonds de concours ou du rétablissememt de crédit. Il est évident que ces procédures sont inadéquates pour régler le problème en cause et le Gouvernement l'a d'ailleurs parfaitement admis puisqu'il a saisi le Parlement plutôt que de procéder par un texte réglementaire.
Or, la loi organique détermine les cas dans lesquels l'affectation revêt un caractère obligatoire et prévoit que, "dans tous les autres cas, l'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale ".une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale Toutefois, il convient de souligner que quelque soit la nature de l'affectation : obligatoire ou exceptionnelle -, l'opération ne peut s'effectuer que selon l'une des procédures comptables instituées par la loi organique. Une loi ordinaire ne saurait donc instituer d'autres procédures comptables d'affectation.
Aussi, pour respecter l'ordonnance organique, le Gouvernement aurait dû proposer au Parlement, successivement - d'une part, la création d'un budget annexe ou d'un compte spécial du Trésor - d'autre part, l'affectation à ce budget ou à ce compte, d'une recette - enfin, l'ouverture à ce budget ou à ce compte, d'un crédit de dépenses.
Or, la loi organique se trouve manifestement transgressée puisque aucune de ces trois conditions n'est remplie par l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1978.
Le Premier Ministre a lui-même, dans sa déclaration du 6 décembre 1978 devant l'Assemblée Nationale, confirmé cette violation de la loi organique en indiquant : "l'Etat évite toute majoration de dépenses publiques, toute ouverture de crédits nouveaux" (Débats page 8888). Cette déclaration a été reprise pratiquement mot pour mot par le Ministre de l'Economie devant le Sénat (Débats page 4792).
Dans ces conditions, la référence à l'article 18 de la loi organique, dans le texte même de l'article 12, constitue une sorte de paravent inhabile pour dissimuler l'absence d'une véritable affectation de recettes.
Aussi, s'il ne peut y avoir, faute de recettes et de dépenses b) Les déclaration du Gouvernement et l'hypothèse d'une cession de créance.
A cet égard, les déclarations du Premier Ministre éclairent les intentions du Gouvernement. Le Premier Ministre a en effet indiqué à l'Assemblée Nationale (Débats page 8888) : "L'Etat achète des actions d'une société et il en règle le prix grâce à la cession de diverses créances publiques" ; "L'Etat évite toute majoration de dépenses publiques, toute ouverture de crédits nouveaux pour acquitter le prix convenu en échange des actions qu'il acquière. Il se contente en effet de procéder à une dation en paiement de créances publiques qu'il détient sur la société Marcel DASSAULT-BREGUET-AVIATION" ; "La Société se trouvera rémunérée de son attente par un intérêt lui-même forfaitaire, grâce à une cession de créances supplémentaires de 100 millions de francs".
Ces déclarations ont été confirmées devant le Sénat par le Ministre de l'Economie (Débats page 4792) dans les termes suivants : l'Etat "se contente en effet de procéder à une cession en paiement de créances publiques sur la société AMD-BA, en échange des actions qu'il acquière" "La société centrale d'études Marcel DASSAULT cède des actions et reçoit, en contrepartie, des créances publiques".
Si l'opération que le Gouvernement entend conduire indépendamment du texte de l'article 12 consiste bien en une cession de créances, il méconnaît gravement le droit budgétaire, la loi organique relative aux lois de finances et partant la Constitution.
On soulignera en premier lieu, que du simple point de vue du bon sens on ne peut céder des créances que pour autant qu'elles Mais on observera en second lieu, que la loi organique n'autorise pas la pratique de la cession de créances.
L'ordonnance organique énumère en effet limitativement les ressources et les charges de l'Etat. Or, les créances ne constituent pas une ressource de l'Etat au sens de l'article 3 de la loi organique. On ne saurait même pas la ranger parmi les "produits divers" puisqu'une créance ne saurait à l'évidence constituer un produit. Il suffit d'ailleurs de se reporter à l'annexe "voies et moyens" des projets de lois de finances pour constater qu'aucune ligne de recettes n'est relative aux créances de l'Etat.
D'autre part, une créance ne saurait constituer une charge de l'Etat au sens de l'article 6 de la même loi organique. Dans la pratique, aucune charge de l'Etat n'a jamais été constituée, à notre connaissance par la cession d'une créance.
Enfin, il convient de rappeler que les dépenses de l'Etat sont réglées par virements, chèques sur le Trésor, mandats ou espèces conformément aux dispositions réglementaires prises en vertu de l'article 45 de la loi organique relative aux lois de finances.
Les règles générales de notre droit budgétaire ignorent donc tout système de cession de créances en paiements des dépenses de l'Etat.
Ainsi, une créance de l'Etat ne saurait être cédée pour payer le prix d'une acquisition, dès lors qu'elle ne constitue au sens de la loi organique ni une recette ni une dépense. La cession de créances est donc contraire à la loi organique.
En résumé, l'Etat cédera à une société privée, sous l'appellation de créances, des recettes à venir. Une telle opération ne peut Que l'on s'en tienne au dispositif de la loi de finances rectificative pour 1978 ou que l'on se réfère aux intentions exprimées par le Gouvernement devant le Parlement, l'opération retracée par l'article 12 est, à tous égards, insolite et juridiquement aberrante au regard des dispositions de valeur constitutionnelle qui régissent la présentation, le contenu et l'exécution des recettes et des dépenses des lois de finances.
Toute autre appréciation contraire conduirait à admettre que la loi organique aurait autorisé l'Etat à réaliser, d'une façon ou d'une autre des acquisitions patrimoniales non inscrites en dépenses dans la loi de finances et financées en hypothéquant des recettes éventuelles qui ne sont pas inscrites non plus.
Tels sont les motifs pour lesquels nous vous demandons de bien vouloir déclarer l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1978 non conforme à la Constitution.
Saisine députés communistes.
Conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel, comme membres du groupe communiste à l'Assemblée Nationale, la loi de Finances rectificative pour 1978 telle qu'elle a définitivement été adoptée par le Parlement.
Nous estimons que les dispositions qu'elle contient relatives à l'adaptation de la législation sur la TVA à la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ne sont pas conformes à la loi organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances.
L'article 42 de la loi organique indique en effet : "aucun article additionnel, aucun amendement à un projet de loi de finances ne peut être présenté, sauf s'il tend à supprimer ou à réduire effectivement une dépense, à créer ou accroître une recette ou à assurer le contrôle des dépenses publiques. Tout article additionnel et tout amendement doit être motivé et accompagné des développements des moyens qui le justifient. La disjonction des articles additionnels ou amendements qui contreviennent aux dispositions du présent article est de droit".
Le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision n 76-74 du 26 décembre 1976 que cet article était applicable aux initiatives du gouvernement.
Or la lettre rectificative, précise son exposé des motifs, propose "d'introduire dans le projet de loi de finances rectificative pour 1978 des dispositions nouvelles sous forme d'articles additionnels." Ces articles additionnels entraineraient une perte de recettes de plus de 170 millions, au 1er janvier 1979, au titre de la TVA.
L'article 42 déjà cité précise bien qu'"aucun article additionnel ne peut être présenté sauf s'il tend à créer ou accroître une recette".
Pour ces motifs, nous avons l'honneur de vous demander de bien vouloir déclarer non conforme à la Constitution, dans la troisième loi de finances rectificative pour 1979, l'ensemble des articles additionnels relatifs à la TVA soit les articles 19 à 44.
Saisine députés socialistes.
Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel le texte de la dernière loi de finances rectificative pour 1978, tel qu'il vient d'être définitivement adopté par le Parlement.
Nous estimons que l'article 12 de cette loi, relatif à la prise de participation de l'Etat dans le capital de la société des Avions Marcel DASSAULT-BREGUET-AVIATION, n'est pas conforme à la Constitution pour les motifs suivants.
L'article 12 du texte qui vous est déféré autorise l'Etat à acquérir un maximum de 21 % du capital de la société AMD-BA.
Le système retenu pour le financement de cette opération est fondé sur les dispositions de l'article 18 de l'Ordonnance n 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, qui prévoient les conditions dans lesquelles il peut être dérogé au principe fondamental de la non affectation des recettes au sein du budget de l'Etat.
Or, il apparaît que c'est en méconnaissance de cet article 18, ainsi d'ailleurs que de plusieurs autres dispositions de la même loi organique, qu'a été adopté l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1978.
La complexité du système imaginé par le Gouvernement conduit à rappeler les caractéristiques d'une opération en elle-même contraire aux principes de notre droit budgétaire avant d'indiquer les motifs pour lesquels ses modalités paraissent, en toute hypothèse, non conformes à la Constitution.
L'opération prévue par l'article 12 peut faire l'objet d'une double lecture selon que l'on s'en tient au dispositif de l'article lui-même ou que l'on se réfère aux déclarations du Gouvernement.
Aussi convient-il de s'appuyer sur les faits portés à la connaissance du Parlement pour analyser le dispositif élaboré par le Gouvernement.
Le système de l'article 12 est fondé sur le remboursement des avances consenties par l'Etat à AMD-BA et le règlement de redevances à l'exportation.
On rappellera que la société des Avions Marcel DASSAULT-BREGUET-AVIATION (AMD-BA) a reçu de l'Etat, pour la plupart de ses programmes civils, et en particulier pour le FALCON 50 : qui n'est pas encore produit en série : des avances remboursables en cas de succès. Si le programme se déroule favorablement, la Société commencera à rembourser l'avance consentie à partir d'un certain nombre d'appareils vendus, dans des conditions qui sont précisées par le contrat. Dans ce cas, la créance de l'Etat : à supposer qu'il soit possible de la qualifier ainsi : est aléatoire, indéterminée dans son montant et à fortiori non exigible. Elle ne devient certaine que si, au cours des années, l'exécution du programme le permet.
Par ailleurs, la société AMD-BA paie à l'Etat des redevances à l'exportation pour les appareils militaires. Le montant de ces redevances est fixé par avion vendu. Dans ce cas, l'Etat ne possède, en réalité, aucune créance sur la société puisque la naissance éventuelle de la créance n'est pas de son fait. Tout au plus l'Etat possède-t-il l'espoir d'une créance, indéterminée et non exigible.
Selon les déclaration du Gouvernement, l'évaluation des remboursements à venir et des redevances à encaisser aurait été effectuée à partir des contrats conclus. Mais, à supposer que ces contrats soient effectivement exécutés, on ignore le calendrier des livraisons et des paiements. Sans doute, depuis la conclusion des négocations avec le groupe DASSAULT, certaines sommes ont pu devenir exigibles et le Gouvernement évoque donc la réalité d'une partie de ses créances. Mais pour le reste, il confirme notre analyse. C'est ainsi, que Monsieur le Ministre de l'Economie a déclaré au Sénat (Cf Débats du Sénat page 4792) : "les créances certaines ne concernent que les contrats déjà conclus, mais leur exigibilité dépend encore de la fabrication effective des avions et de leur exportation. Les créances à venir concernent toutes les négociations en cours sur le carnet de commandes de la Société. Vous comprendrez qu'il est, dans ces conditions, pratiquement impossible de déterminer la durée précise pendant laquelle les droits de l'Etat atteindront bien un montant de 440 millions de francs. On peut estimer que, sur les matériels en cours de fabrication, un montant de l'ordre de 200 millions de francs sera exigible dans les dix-huit mois qui viennent et qu'il faudra ensuite un ou deux ans de négociation commerciale Dans son principe même, l'opération prévue par l'article 12 viole manifestement la loi organique et partant la Constitution.
En effet, dans cette affaire, la compensation est impossible entre les éventuelles "créances de l'Etat" et la dette qui résulte du prix à payer pour l'achat des actions.
Cette impossibilité résulte de deux causes dont chacune est, au reste, suffisante.
En matière de dépenses publiques, il ne peut y avoir compensation que si la qualité de créancier et celle de débiteur sont réunies sur une seule et même personne. Or, il s'agit en l'occurrence de deux sociétés distinctes.
Au surplus, la compensation n'est possible que si les créances sont exigibles et liquides ce qui à l'évidence n'est pas le cas.
Faute de compensation, il sera donc nécessaire en bonne logique budgétaire d'encaisser une recette et d'inscrire une dépense.
Mais il se trouve que la ressource n'est pas évaluée et que la dépense n'est, par suite, ni évaluée, ni inscrite.
L'article 2 de la loi organique prévoit que les lois de finances doivent prévoir et autoriser les ressources et les charges de l'Etat. Les articles 4 et 5 de la même loi organique précisent que le montant des ressources fiscales et non fiscales est évalué par les lois de finances.
Or, il se trouve que l'article 12 ne procède à aucune évaluation de la recette qu'il propose d'affecter. En effet, aucune disposition de l'article 12, ni aucun autre article de la loi de finances rectificative, ne comporte d'indications précises sur le mode d'évaluation de la somme de 540 millions de Francs.
Sans doute l'exposé des motifs de l'article 12 précise-t-il que cette somme comporte "440 millions de Francs pour le principal et 100 millions de Francs pour les intérêts". Mais, tant à l'Assemblée Nationale (Cf rapport n 736, page 46) qu'au Sénat (Cf rapport n 131 pages 41 et 42) les commissions des finances ne sont pas parvenues à reconstituer avec précision l'évaluation de la ressource, faute de disposer des éléments de calcul nécessaires. C'est notamment ce qui a conduit le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée Nationale a écrire que l'ont peut "se demander dans quelles conditions le coût de la prise de participation est effectivement équilibrée par les créances de l'Etat." Partant, et en raison même de la nature de l'opération, il n'a pas été possible d'évaluer exactement le montant de la dépense. S'il doit y avoir adéquation entre le montant de la recette et celui de la dépense, cette dernière ne saurait être, à son tour, convenablement prévue et évaluée.
Recette et dépense pourraient donc être inférieures à ce qui est prévu. On pourrait même envisager un chef de dépenses que le texte de l'article 12 ne permet pas d'imaginer puisque le Ministre de l'Economie a déclaré au Sénat (Cf débats page 4792) : "le gouvernement est disposé à offrir les mêmes conditions aux petits actionnaires".
Contraire à la loi organique dans sa conception même, l'opération prévue par l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1978 ne saurait s'y conformer dans ses modalités.
En effet, si l'on s'en tient au texte lui-même, on constate que l'article 12 propose une affectation de recettes qui serait opérée selon l'article 18 de la loi organique.
Pour s'en tenir aux déclarations du gouvernement, il s'agirait en fait d'une cession de créances de la Société AMD-BA à la Société centrale d'études Marcel DASSAULT.
Il suffirait de démontrer : puisque seul le texte du dispositif de la loi est déféré au Conseil constitutionnel : que l'affectation prévue est contraire à la loi organique. Mais il se trouve que la cession de créances envisagée viole également cette même loi organique.
a) l'article 12 et l'affectation de recettes.
L'article 18 de la loi organique pose comme principe qu'il ne saurait y avoir de contraction entre les recettes et les dépenses.
Ce même article prévoit toutefois des exceptions et autorise l'affectation de certaines recettes au financement direct de certaines dépenses.
Toutefois, la loi organique énumère limitativement les trois catégories d'affectation qu'elle définit : : les budgets annexes ; : les comptes spéciaux du Trésor ; : les procédures comptables particulières au sein du budget général ou d'un budget annexe.
On observera, toutefois, que les procédures comptables particulières prévues par la loi organique sont mises en oeuvre par voir réglementaire sous la forme du fonds de concours ou du rétablissememt de crédit. Il est évident que ces procédures sont inadéquates pour régler le problème en cause et le Gouvernement l'a d'ailleurs parfaitement admis puisqu'il a saisi le Parlement plutôt que de procéder par un texte réglementaire.
Or, la loi organique détermine les cas dans lesquels l'affectation revêt un caractère obligatoire et prévoit que, "dans tous les autres cas, l'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale ".une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale Toutefois, il convient de souligner que quelque soit la nature de l'affectation : obligatoire ou exceptionnelle -, l'opération ne peut s'effectuer que selon l'une des procédures comptables instituées par la loi organique. Une loi ordinaire ne saurait donc instituer d'autres procédures comptables d'affectation.
Aussi, pour respecter l'ordonnance organique, le Gouvernement aurait dû proposer au Parlement, successivement - d'une part, la création d'un budget annexe ou d'un compte spécial du Trésor - d'autre part, l'affectation à ce budget ou à ce compte, d'une recette - enfin, l'ouverture à ce budget ou à ce compte, d'un crédit de dépenses.
Or, la loi organique se trouve manifestement transgressée puisque aucune de ces trois conditions n'est remplie par l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1978.
Le Premier Ministre a lui-même, dans sa déclaration du 6 décembre 1978 devant l'Assemblée Nationale, confirmé cette violation de la loi organique en indiquant : "l'Etat évite toute majoration de dépenses publiques, toute ouverture de crédits nouveaux" (Débats page 8888). Cette déclaration a été reprise pratiquement mot pour mot par le Ministre de l'Economie devant le Sénat (Débats page 4792).
Dans ces conditions, la référence à l'article 18 de la loi organique, dans le texte même de l'article 12, constitue une sorte de paravent inhabile pour dissimuler l'absence d'une véritable affectation de recettes.
Aussi, s'il ne peut y avoir, faute de recettes et de dépenses b) Les déclaration du Gouvernement et l'hypothèse d'une cession de créance.
A cet égard, les déclarations du Premier Ministre éclairent les intentions du Gouvernement. Le Premier Ministre a en effet indiqué à l'Assemblée Nationale (Débats page 8888) : "L'Etat achète des actions d'une société et il en règle le prix grâce à la cession de diverses créances publiques" ; "L'Etat évite toute majoration de dépenses publiques, toute ouverture de crédits nouveaux pour acquitter le prix convenu en échange des actions qu'il acquière. Il se contente en effet de procéder à une dation en paiement de créances publiques qu'il détient sur la société Marcel DASSAULT-BREGUET-AVIATION" ; "La Société se trouvera rémunérée de son attente par un intérêt lui-même forfaitaire, grâce à une cession de créances supplémentaires de 100 millions de francs".
Ces déclarations ont été confirmées devant le Sénat par le Ministre de l'Economie (Débats page 4792) dans les termes suivants : l'Etat "se contente en effet de procéder à une cession en paiement de créances publiques sur la société AMD-BA, en échange des actions qu'il acquière" "La société centrale d'études Marcel DASSAULT cède des actions et reçoit, en contrepartie, des créances publiques".
Si l'opération que le Gouvernement entend conduire indépendamment du texte de l'article 12 consiste bien en une cession de créances, il méconnaît gravement le droit budgétaire, la loi organique relative aux lois de finances et partant la Constitution.
On soulignera en premier lieu, que du simple point de vue du bon sens on ne peut céder des créances que pour autant qu'elles Mais on observera en second lieu, que la loi organique n'autorise pas la pratique de la cession de créances.
L'ordonnance organique énumère en effet limitativement les ressources et les charges de l'Etat. Or, les créances ne constituent pas une ressource de l'Etat au sens de l'article 3 de la loi organique. On ne saurait même pas la ranger parmi les "produits divers" puisqu'une créance ne saurait à l'évidence constituer un produit. Il suffit d'ailleurs de se reporter à l'annexe "voies et moyens" des projets de lois de finances pour constater qu'aucune ligne de recettes n'est relative aux créances de l'Etat.
D'autre part, une créance ne saurait constituer une charge de l'Etat au sens de l'article 6 de la même loi organique. Dans la pratique, aucune charge de l'Etat n'a jamais été constituée, à notre connaissance par la cession d'une créance.
Enfin, il convient de rappeler que les dépenses de l'Etat sont réglées par virements, chèques sur le Trésor, mandats ou espèces conformément aux dispositions réglementaires prises en vertu de l'article 45 de la loi organique relative aux lois de finances.
Les règles générales de notre droit budgétaire ignorent donc tout système de cession de créances en paiements des dépenses de l'Etat.
Ainsi, une créance de l'Etat ne saurait être cédée pour payer le prix d'une acquisition, dès lors qu'elle ne constitue au sens de la loi organique ni une recette ni une dépense. La cession de créances est donc contraire à la loi organique.
En résumé, l'Etat cédera à une société privée, sous l'appellation de créances, des recettes à venir. Une telle opération ne peut Que l'on s'en tienne au dispositif de la loi de finances rectificative pour 1978 ou que l'on se réfère aux intentions exprimées par le Gouvernement devant le Parlement, l'opération retracée par l'article 12 est, à tous égards, insolite et juridiquement aberrante au regard des dispositions de valeur constitutionnelle qui régissent la présentation, le contenu et l'exécution des recettes et des dépenses des lois de finances.
Toute autre appréciation contraire conduirait à admettre que la loi organique aurait autorisé l'Etat à réaliser, d'une façon ou d'une autre des acquisitions patrimoniales non inscrites en dépenses dans la loi de finances et financées en hypothéquant des recettes éventuelles qui ne sont pas inscrites non plus.
Tels sont les motifs pour lesquels nous vous demandons de bien vouloir déclarer l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1978 non conforme à la Constitution.
Saisine députés communistes.
Conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel, comme membres du groupe communiste à l'Assemblée Nationale, la loi de Finances rectificative pour 1978 telle qu'elle a définitivement été adoptée par le Parlement.
Nous estimons que les dispositions qu'elle contient relatives à l'adaptation de la législation sur la TVA à la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ne sont pas conformes à la loi organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances.
L'article 42 de la loi organique indique en effet : "aucun article additionnel, aucun amendement à un projet de loi de finances ne peut être présenté, sauf s'il tend à supprimer ou à réduire effectivement une dépense, à créer ou accroître une recette ou à assurer le contrôle des dépenses publiques. Tout article additionnel et tout amendement doit être motivé et accompagné des développements des moyens qui le justifient. La disjonction des articles additionnels ou amendements qui contreviennent aux dispositions du présent article est de droit".
Le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision n 76-74 du 26 décembre 1976 que cet article était applicable aux initiatives du gouvernement.
Or la lettre rectificative, précise son exposé des motifs, propose "d'introduire dans le projet de loi de finances rectificative pour 1978 des dispositions nouvelles sous forme d'articles additionnels." Ces articles additionnels entraineraient une perte de recettes de plus de 170 millions, au 1er janvier 1979, au titre de la TVA.
L'article 42 déjà cité précise bien qu'"aucun article additionnel ne peut être présenté sauf s'il tend à créer ou accroître une recette".
Pour ces motifs, nous avons l'honneur de vous demander de bien vouloir déclarer non conforme à la Constitution, dans la troisième loi de finances rectificative pour 1979, l'ensemble des articles additionnels relatifs à la TVA soit les articles 19 à 44.