Le Conseil constitutionnel,
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le Code électoral ;
Vu la requête présentée par M. Georges Sarrau, demeurant à Fleurance (Gers), ladite requête enregistrée le 29 mars 1978 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à ce qu'il plaise au Conseil statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 19 mars 1978, dans la deuxième circonscription du Gers, pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations en défense présentées par M. Cellard, député, lesdites observations enregistrées le 21 avril 1978 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les observations en réplique présentées par M. Sarrau, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 3 mai 1978 ;
Vu les observations en duplique présentées par M. Cellard, député, lesdites observations enregistrées comme ci-dessus le 22 mai 1978 ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'Intérieur, enregistrées le 8 mai 1978 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les observations présentées par M. Sarrau, enregistrées comme ci-dessus le 19 mai 1978 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
1. Considérant que le requérant, à l'appui de sa demande d'annulation, soutient que deux tracts, l'un signé de M. Tournan, sénateur du Gers, l'autre, anonyme, intitulé "Vaincre la peur à Fleurance", ont été distribués de façon massive dans la plupart des communes importantes de la circonscription au cours de la nuit du 18 au 19 mars 1978 ; qu'il fait valoir que ces tracts dirigés contre M. Mességué, adversaire de M. Cellard, auraient introduit dans le débat électoral des arguments nouveaux, de caractère diffamatoire, dans des conditions telles que M. Mességué se serait trouvé dans l'impossibilité d'y répondre ;
2. Considérant que le tract émanant de M. Tournan, s'il a été diffusé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 165 du code électoral, se bornait à développer des thèmes politiques connus et à faire l'éloge de M. Cellard sans formuler de critiques à l'encontre de M. Mességué ; qu'il constituait, dès lors, non une manoeuvre, mais une simple prise de position d'un parlementaire ;
3. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. Cellard a eu connaissance du tract "Vaincre la peur à Fleurance" au moment de sa rédaction, et qu'il n'a pas fait obstacle à sa distribution ; que celle-ci a été effectuée massivement au cours de la nuit du 18 au 19 mars 1978 dans la plupart des communes importantes de la circonscription ; que le tract incriminé introduisait dans le débat électoral, quelques heures avant le scrutin, des arguments nouveaux de nature à discréditer la candidature de son concurrent, qui n'avait plus la possibilité d'y répondre ;
4. Considérant qu'une telle manoeuvre était de nature à exercer sur l'élection une influence suffisante pour en modifier le résultat ;
Décide :
Article premier :
L'élection de M. Cellard, en qualité de député à l'Assemblée nationale, à laquelle il a été procédé le 19 mars 1978, dans la deuxième circonscription du Gers, est annulée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 juin 1978, où siégeaient : MM. Roger FREY, président, MONNERVILLE, JOXE, GROS, GOGUEL, BROUILLET, SEGALAT, COSTE-FLORET, PÉRETTI.