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23/11/1977 | FRANCE | N°77-87

France | France, Conseil constitutionnel, 23 novembre 1977, 77-87


Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 27 octobre 1977, par MM Marcel CHAMPEIX, Jean NAYROU, Henri TOURNAN, Maxime JAVELLY, Félix CICCOLINI, André MERIC, Pierre GAUDIN, Robert LAUCOURNET, Pierre NOE, Emile DURIEUX, André BARROUX, Jean-Jacques PERRON, Edgar TAILHADES, Edgard PISANI, Michel MOREIGNE, Robert PONTILLON, Michel DARRAS, René DEBESSON, Paul MISTRAL, Henri DUFFAUT, Bernard CHOCHOY, Léon EECKHOUTTE, Gérard MINVIELLE, Bernard PARMANTIER, Gilbert BELIN, Philippe MACHEFER, Antoine ANDRIEUX, Robert SCHWINT, Charles ALLIES, Franck SERUSCLAT, Louis PERREIN, Marcel BREGEGERE, Georges D

AYAN, Raymond COURRIERE, Jean GEOFFROY, Maurice PIC, Mar...

Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 27 octobre 1977, par MM Marcel CHAMPEIX, Jean NAYROU, Henri TOURNAN, Maxime JAVELLY, Félix CICCOLINI, André MERIC, Pierre GAUDIN, Robert LAUCOURNET, Pierre NOE, Emile DURIEUX, André BARROUX, Jean-Jacques PERRON, Edgar TAILHADES, Edgard PISANI, Michel MOREIGNE, Robert PONTILLON, Michel DARRAS, René DEBESSON, Paul MISTRAL, Henri DUFFAUT, Bernard CHOCHOY, Léon EECKHOUTTE, Gérard MINVIELLE, Bernard PARMANTIER, Gilbert BELIN, Philippe MACHEFER, Antoine ANDRIEUX, Robert SCHWINT, Charles ALLIES, Franck SERUSCLAT, Louis PERREIN, Marcel BREGEGERE, Georges DAYAN, Raymond COURRIERE, Jean GEOFFROY, Maurice PIC, Marcel SOUQUET, Jean PERIDIER, Maurice VERILLON, Louis LONGEQUEUE, Roger QUILLIOT, Noël BERRIER, Georges DAGONIA, Roland GRIMALDI, Tony LARUE, Pierre PETIT, Marcel MATHY, Abel SEMPLE, Georges SPENALE, Marcel DEBARGE, Roger RINCHET, Jacques CARAT, Jean VARLET, Claude FUZIER, René CHAZELLE, Albert PEN, Emile VIVIER, Melle Irma RAPUZZI, MM Léopold HEDER, Edouard SOLDANI, Emile DIDIER, Louis BRIVES, Jean MERCIER, Mme France LECHENAULT et M Jean BERANGER, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi complémentaire à la loi du 31 décembre 1959 modifiée par la loi du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement, et notamment de ses articles premier et 3 ;

Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés ;
Vu la loi du 1er juin 1971 modifiant la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi complémentaire à la loi du 31 décembre 1959 modifiée par la loi du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement, les maîtres auxquels est confiée la mission d'enseigner dans un établissement privé lié à l'État par contrat d'association sont tenus de respecter le caractère propre de cet établissement ;
2. Considérant, d'une part, que la sauvegarde du caractère propre d'un établissement lié à l'État par contrat, notion reprise de l'article premier, 4e alinéa, de la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privés, n'est que la mise en oeuvre du principe de la liberté de l'enseignement ;
3. Considérant que ce principe, qui a notamment été rappelé à l'article 91 de la loi de finances du 31 mars 1931, constitue l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le Préambule de la Constitution de 1946 et auxquels la Constitution de 1958 a conféré valeur constitutionnelle ;
4. Considérant que l'affirmation par le même Préambule de la Constitution de 1946 que "l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État" ne saurait exclure l'existence de l'enseignement privé, non plus que l'octroi d'une aide de l'État à cet enseignement dans des conditions définies par la loi ; que cette disposition du Préambule de la constitution de 1946 est donc sans influence sur la conformité à la Constitution de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi" ; que le Préambule de la Constitution de 1946 rappelle que "Nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances" ; que la liberté de conscience doit donc être regardée comme l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ;
6. Considérant qu'il résulte du rapprochement des dispositions de l'article 4, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1959, dans la rédaction nouvelle qui leur est donnée par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, et de celles de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1959 que l'obligation imposée aux maîtres de respecter le caractère propre de l'établissement, si elle leur fait un devoir de réserve, ne saurait être interprétée comme permettant une atteinte à leur liberté de conscience ;
7. Considérant, enfin, que si la loi prévoit la prise en charge par l'État de dépenses relatives au fonctionnement d'établissements d'enseignement privés et à la formation de leurs maîtres, elle ne contient aucune disposition contraire à la Constitution ou à l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

Décide :
Article premier :
La loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 77-87
Date de la décision : 23/11/1977
Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

Monsieur le Président du Conseil constitutionnel,

J'ai l'honneur, avec mes collègues sénateurs, de saisir le Conseil constitutionnel, en application de l'article 61 (deuxième alinéa) de la Constitution, en vue de déclarer l'inconstitutionnalité de la loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement.

Je suis à ce titre signataire du mémoire ampliatif déposé par soixante de mes collègues sénateurs.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, à l'assurance de ma haute considération.

Considérant que l'article premier de la proposition de loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 relative à la liberté de l'enseignement fait obligation, en son dernier alinéa, aux maîtres chargés d'assurer l'enseignement de respecter le caractère propre des établissements où ils exercent.

Considérant que l'article premier de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 fait obligation aux établissements placés sous le régime du contrat de donner un enseignement dans « le respect total de la liberté de conscience ».

Considérant que la liberté de conscience est un principe fondamental de la République et qu'à ce titre, il figure dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dans le préambule de la Constitution de 1946 et dans celui de 1958.

Qu'en outre ledit préambule de la Constitution de 1946 range au niveau des devoirs de l'Etat l'organisation de l'enseignement gratuit et laïque à tous les degrés.

Considérant que le caractère propre des établissements, qui est à distinguer de l’enseignement proprement dit, ne recouvre aucune catégorie juridique précise, et qu'il s'ensuit une très libre appréciation pour le définir, et qu'il en résulte une très grande insécurité pour ceux qui sont tenus de le respecter.

Considérant qu'il y a là une incompatibilité avec l'exercice élémentaire des droits individuels et des libertés publiques, notamment de la liberté de conscience.

Considérant en outre que les dispositions contenues à l'article 3 de ladite proposition de loi, en particulier à l'alinéa 5, seront financées par des mesures votées au budget de l'exercice 1977, notamment par un crédit de 5 M.F. destiné à financer la formation continue des maîtres du privé.

Considérant que le financement d'une mesure nouvelle par des crédits votés préalablement, préjuge en fait la détermination et l'affectation des fonds publics, et atteint par conséquent la souveraineté des Assemblées.

Il y a lieu pour toutes ces raisons de déclarer non conforme à la Constitution la proposition de loi sus-visée.


Références :

DC du 23 novembre 1977 sur le site internet du Conseil constitutionnel

Texte attaqué : Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°77-87 DC du 23 novembre 1977
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1977:77.87.DC
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