SAISINE PREMIER MINISTRE J'ai l'honneur, en application de l'article 61, 2ème alinéa, de la Constitution, de vous demander de bien vouloir soumettre à l'examen du Conseil Constitutionnel le texte de la loi de finances pour 1977, récemment adoptée par le Parlement.
J'estime, en effet, pour les raisons exposées dans la note ci-jointe, que le paragraphe VI de l'article 61 de cette loi, qui résulte d'un amendement d'origine parlementaire, n'est pas conforme aux dispositions des articles 34 et 39 de la Constitution.
NOTE sur la constitutionnalité du paragraphe VI de l'article 61 de la loi de finances pour 1977.
I : Le projet de loi de finances pour 1977 comportait un article 57, devenu dans la loi votée, l'article 61, qui autorisait les entreprises à réviser les immobilisations non amortissables inscrites à leur bilan.
Cet article est venu en discussion à l'Assemblée nationale le 20 novembre 1976. L'Assemblée y a apporté quelques modifications techniques, elle a surtout adopté un amendement tendant à ajouter à l'article un paragraphe VI qui enjoint au Gouvernement de proposer au Parlement avant le 31 décembre 1977, une réévaluation des immobilisations amortissables. Cet amendement précise le délai maximum dans lequel cette réévaluation pourra être faite ainsi que les modalités comptables de cette opération.
Le Sénat a adopté le texte voté par l'Assemblée.
Devant l'une et l'autre chambre, M DURAFOUR a présenté des réserves sur la constitutionnalité de cette injonction (v JO débats Assemblée nationale, 3ème séance du 20 novembre 1976, p 8525 et JO débats Sénat, séance du 12 décembre 1976, p 4347).
II : Il n'appartient pas, en effet, au Parlement de demander au Gouvernement, dans un texte de loi, que celui-ci use de son droit d'initiative législative dans tel ou tel sens.
D'une part, une telle injonction ne trouve pas de base juridique dans l'article 34 ni dans aucune des autres dispositions de la Constitution portant définition du domaine de la loi : c'est ce que le Conseil Constitutionnel a décidé le 21 décembre 1966 à propos d'une proposition de loi relative à l'indemnisation des rapatriés.
D'autre part, selon l'article 39 de la Constitution "l'initiative des lois appartient concurremment au Premier Ministre et aux membres du Parlement". S'agissant du Premier Ministre, le droit d'initiative perdrait tout son sens si une disposition législative pouvait déterminer les délais et conditions dans lesquels il doit s'exercer dans une matière particulière. La procédure préalable au dépôt des projets de lois, prévue par le même article 39, deviendrait alors sans objet : ni l'avis du Conseil d'Etat, ni la délibération du Conseil des Ministres ne sont compatibles avec une compétence qui serait liée par le législateur.
Il résulte de l'ensemble de l'article 39 que si le Parlement veut être saisi d'un texte, il incombe à ses membres de déposer une proposition de loi.
Au demeurant dans tous les cas où le Gouvernement a formellement opposé l'article 41 à de telles injonctions, il a obtenu l'accord du Président de l'Assemblée intéressée .
III : On observera enfin que si le Conseil Constitutionnel décide de prononcer l'inconstitutionnalité du paragraphe VI de l'article 61, il ne devrait pas en résulter que ne puissent être promulgués les cinq autres paragraphes du même article.
Ces paragraphes traitent, en effet, de la révision des actifs non amortissables et recevront application dès 1977. Le paragraphe VI est relatif aux actifs amortissables, dont la révision éventuelle ne pourrait être mise en oeuvre qu'après l'adoption d'un nouveau projet de loi. Le dispositif adopté par le Parlement implique donc que les deux types de révision puissent être mis en oeuvre séparément.
SAISINE DEPUTES
Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil Constitutionnel la loi de Finances pour 1977, telle qu'elle vient d'être adoptée par le Parlement.
Nous estimons, en effet, que les articles 13 bis, 24,25,26, 35 et 74 de cette loi ne sont pas conformes à la Constitution et à l'Ordonnance n 592 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur les lois de finances, pour les motifs suivants.
ARTICLE 13 BIS *ARTICLE 16*
L'article 13 bis, qui résulte d'un amendement n 75 présenté, le 25 novembre 1976, devant le Sénat, par le Gouvernement, supprime les taxes sanitaires, de visites et de poinçonnage visées à l'article 5 de la loi n 65-543 du 8 juillet 1965 et les remplace par une taxe sanitaire et d'organisation des marchés des viandes.
La Commission mixte paritaire s'est ralliée, sur ce point, au texte voté au Sénat et c'est donc ce texte inchangé qui a été adopté définitivement par le Parlement.
Nous estimons que cet article 13 bis a été délibéré et adopté dans des conditions contraires aux articles 39 et 44 de la Constitution pour les motifs suivants.
En vertu de l'article 44 de la Constitution les membres du Parlement ont le droit d'amendement.
Ce principe ne comporte que quatre exceptions : - d'une part, celle prévue par l'article 40 de la Constitution qui institue une irrecevabilité financière ; - d'autre part, celle prévue par l'article 41 de la Constitution qui vise à protéger le domaine respectif de la loi et du Règlement ; - ensuite, et seulement en matière de loi de finances, celles prévues par la loi organique N 59-2 du 2 janvier 1959 ; - enfin, celle prévue par l'article 45 de la Constitution qui interdit, sauf accord du Gouvernement, tout amendement au texte élaboré par une Commission mixte paritaire.
Mais il convient d'observer que l'article 44 de la Constitution, qui crée le droit d'amendement, a placé sur le même plan les droits du Gouvernement et ceux du Parlement.
Il s'en suit que les exceptions apportées au droit d'amendement des membres du Parlement doivent s'interpréter strictement, sauf à vouloir remettre en cause l'équilibre assuré entre le Pouvoir exécutif et le pouvoir législatif par le régime parlementaire institué par la Constitution de 1958.
Or, il se trouve que les conditions dans lesquelles le Parlement statue sur les projets de loi de finances sont prévues par les articles 39, 45 et 47 de la Constitution. Et si l'article 47, ainsi d'ailleurs que l'article 34, laissent à une loi organique le soin de préciser les conditions d'examen et de vote d'une loi de finances, leur dispositif combiné ne permet pas de porter atteinte au droit d'amendement des membres du Parlement en dehors des exceptions qui viennent d'être rappelées. C'est dans cet esprit qu'il convient d'examiner les conditions dans lesquelles a été voté l'article 13 bis.
En premier lieu, l'article 39 de la Constitution prévoit que les projets de loi de finances doivent être d'abord soumis à l'Assemblée Nationale dont les membres exercent, à cette occasion, leur droit d'amendement conformément aux dispositions constitutionnelles et organiques.
En second lieu, l'article 47 de la Constitution fixe des délais stricts pour la discussion de ce projet. C'est ainsi qu'il prévoit qu'après une lecture dans chaque assemblée, la procédure de l'article 45 de la Constitution est applicable, c'est à dire, le cas échéant la convocation d'une Commission Mixte Paritaire après déclaration d'urgence. C'est habituellement cette procédure qui est employée mais, comme on vient de le rappeler, aucun amendement parlementaire n'est recevable sur le rapport de la commission mixte paritaire.
Il s'en suit qu'en deuxième lecture l'Assemblée Nationale, comme d'ailleurs le Sénat, se trouve privée de son droit normal d'amendement.
La restriction ainsi apportée au droit d'amendement des membres du Parlement ne peut donc, à notre sens, s'appliquer qu'à des textes élaborés en commun par la commission mixte paritaire à partir des votes émis par les deux assemblées sur des textes qu'elles ont délibérés chacune à leur tour au vu du projet initial du gouvernement.
Note : C'est ce qui résulte, en tout cas, du second alinéa de l'article 45 de la Constitution selon lequel la Commission mixte paritaire a seulement pour mission de proposer un texte sur "les dispositions restant en discussion". Or, on ne voit pas comment pourrait "rester en discussion" entre les deux assemblées une disposition entièrement nouvelle qui n'aurait été, de ce fait, délibérée dans les conditions normales d'une première lecture que dans l'une seulement des deux assemblées.
Dans l'hypothèse, en effet, où des dispositions entièrement nouvelle auraient été adoptées par le Sénat à l'initiative du Gouvernement ou d'un Sénateur, il est évident que les députés sont privés de leur droit d'amendement lorsqu'ils sont appelés à statuer immédiatement après sur un texte établi par une commission mixte paritaire.
Sans doute, il ne saurait être question de prétendre que le gouvernement et les sénateurs n'ont pas le droit d'exercer, devant le Sénat, la possibilité qui leur est offerte de déposer des amendements en vertu de l'article 44 de la Constitution.
Mais, par analogie, on ne saurait s'opposer à l'exercice du droit d'amendement des députés sur des dispositions nouvelles qu'ils n'ont pas examinées en première lecture, sauf à instituer, par la voie de la procédure et de la pratique, une nouvelle exception au droit d'amendement dont on a vu qu'elle ne peut résulter que de la Constitution ou, en matière de loi de finances, de la loi organique.
Il faut donc admettre que, dans ce cas, le Gouvernement ne devait pas mettre en oeuvre la procédure de l'article 45 (2ème alinéa) de la Constitution immédiatement après la première lecture au Sénat. Et il résulte du texte même de l'article 47 de la Constitution que le Gouvernement n'est nullement tenu de le faire.
En effet, selon l'article 47, après une lecture du projet de loi de finances dans chaque assemblée, il est "procédé dans les conditions prévues par l'article 45".
Or, en vertu de l'article 45, les projets de lois sont examinés dans chaque assemblée jusqu'à l'adoption d'un texte identique et le gouvernement n'a que la faculté : et non l'obligation : de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire soit après deux lectures dans chaque assemblée soit, si l'urgence a été déclarée, après une seule lecture.
Il est bien évident que le droit d'amendement reconnu aux membres du gouvernement et à ceux du Parlement ne saurait se trouver remis en cause par l'application trop systématique ou trop rapide du deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution.
Dans ces conditions, on peut estimer que dés lors que le gouvernement a déclaré l'urgence du projet de loi de finances, il s'interdit de proposer devant le Sénat des dispositions nouvelles qui, d'ailleurs contrairement à l'article 39 de la Constitution, n'auraient pas été examinées en première lecture par l'Assemblée Nationale.
Toutefois, si des circonstances nouvelles ou imprévues le conduisent à le faire, ou si le Sénat propose de son côté des dispositions nouvelles, il convient que la demande d'urgence soit retirée, car on ne saurait procéder par ce biais sans violer l'article 39 de la Constitution et sans priver abusivement les députés du droit d'amendement que leur accorde l'article 44 de la constitution.
Il se trouve que l'article 13 bis de la loi que vous est déférée a justement été examiné dans des conditions telles qu'après le vote normal du Sénat sur cet article, et par le seul effet de la création d'une commission mixte paritaire, les membres de l'Assemblée Nationale n'ont pas pu exercer le droit d'amendement qu'ils tirent de l'article 44 de la Constitution.
C'est pourquoi nous estimons que, dans la mesure où les dispositions des articles 39 et 44 de la Constitution n'ont pas été respectées à cette occasion, l'article 13 bis de la loi de finances pour 1977 doit être déclaré non conforme à la Constitution.
Le caractère anormal de la procédure suivie en l'espèce n'a pas échappé à de nombreux membres de l'Assemblée Nationale, ainsi qu'en témoignent les multiples observations qui ont été faites à ce sujet à plusieurs reprises soit sur cet article 13 bis lui-même, soit à l'occasion d'une autre disposition adoptée dans des conditions analogues et qui avait donné lieu le 19 décembre 1974 à un rappel au réglement de Monsieur Charles BIGNON (JO Débats AN 2è séance du 19-12-1974, page 8122).
Et, comme on le verra en se reportant au compte rendu intégral de cette séance, Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale lui-même avait alors souligné le caractère préoccupant de cette procédure et avait même envisagé de saisir le Conseil Constitutionnel.
S'agissant d'un problème grave qui touche au droit d'amendement des membres du Parlement, il nous parait indispensable que la question soit aujourd'hui tranchée par le Conseil Constitutionnel avec le souci de défendre l'exercice de la fonction parlementaire telle qu'elle a été prévue par l'esprit et la lettre de nos institutions.
Nous sommes d'autant plus fondés à vous saisir de cette affaire que par son contenu ainsi que le nombre et la variété de ses dispositions, l'article 13 bis constitue à lui seul une véritable refonte d'une partie importante de notre fiscalité et qu'il ne peut être évidemment conforme à la Constitution qu'un tel dispositif soit voté sans que l'une des assemblées puisse exercer la plénitude de ses prérogatives.
"Le problème qui est posé par les conditions de discussion de l'article 13 bis de la loi soumise au Conseil constitutionnel se pose, en réalité, pour toute autre disposition adoptée dans des conditions analogues, que le texte en discussion soit au non un projet de loi de finances. En effet, si dans le cas d'un projet de loi de finances l'article 39 de la Constitution donne un droit de priorité pour l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale ce qui suppose donc qu'une disposition nouvelle adoptée par le Sénat soit examinée ensuite, en seconde lecture, par l'Assemblée nationale avant que soit éventuellement constituée une Commission mixte paritaire, dans tous les autres cas, et conformément au même article 39 de la Constitution, les projets de loi sont déposés sur le bureau de l'une ou l'autre assemblée en matière de proposition de loi. Or, dans le cas d'un texte examiné en première lecture par le Sénat, il conviendrait d'admettre, par analogie, que dans l'hypothèse où une disposition entièrement nouvelle aurait été introduite par l'Assemblée nationale, le Sénat devrait être invité à délibérer du texte en seconde lecture avant que le Gouvernement ne provoque, le cas échéant, sur les dispositions qui, dans cette hypothèse, resteraient en discussion, la réunion d'une commission mixte paritaire." II ARTICLES 24 ET 25 *ARTICLES 27 ET 28* En vertu du troisième alinéa de l'article 31 de la loi Organique du 2 janvier 1959, le projet de loi de finances de l'année "arrête les dépenses applicables aux autorisations nouvelles par titre et par ministère".
Conformément à cette disposition, chaque membre du gouvernement doit recevoir, dans le budget dont il a la gestion, les crédits qui correspondent aux responsabilités qui lui ont été confiées au moment de la constitution du Gouvernement ou, ultérieurement, par les textes réglementaires définissant les attributions des Ministres et Secrétaires d'Etat.
En application de cette règle, le Secrétaire d'Etat auprès du Ministre d'Etat, Ministre de l'intérieur, chargé des Départements et des Territoires d'Outre-Mer, est responsable de la gestion de deux budgets, celui des Départements d'Outre- mer et celui des Territoires d'Outre-mer.
Or, jusqu'en 1976, le budget des Départements d'Outre-Mer ne comportait que les crédits propres aux quatre départements de ce type qui existaient à l'époque : La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion.
Toutefois, dans le courant de l'année 1976 l'ancien territoire de Saint-Pierre et Miquelon a été érigé en Département d'Outre-Mer (loi n 76-664 du 19 juillet 1976).
Conformément aux dispositions précitées de l'article 31 de la loi organique, le gouvernement a donc proposé au Parlement d'inscrire désormais dans les budgets des Départements d'Outre-Mer les crédits propres à ce nouveau département et qui figuraient précédemment au budget des Territoires d'Outre-Mer.
Mais il est surprenant de trouver également dans ce budget des Départements d'Outre-Mer les crédits relatifs à l'Ile de Mayotte, détachée de l'ancien Territoire d'Outre-Mer des Comores, et qui, au moment du dépôt et du vote de la loi de finances pour 1977, n'avait pas reçu le statut de département d'Outre-Mer.
Sans doute, aurait-on pu concevoir qu'il en soit ainsi si le Parlement avait été simultanément invité à accorder à cette île le statut de département, d'Outre-Mer. Mais si le projet de loi soumis à ce sujet au Parlement et examiné courant décembre 1976 proposait d'ériger cette partie d'un ancien territoire d'Outre Mer en collectivité territoriale nouvelle et particulière au sens de l'article 72 de la Constitution, il l'excluait toutefois expressément du régime du département ou de celui de territoire d'Outre-Mer.
Dans ces conditions, nous estimons qu'en n'inscrivant pas les crédits destinés à Mayotte dans le budget du Ministre chargé des collectivités locales (intérieur) et en les incluant dans un budget qui n'intéresse que les seuls départements d'Outre-Mer, la loi de finances pour 1977, dans sa présentation même, n'était pas conforme aux dispositions de l'article 31 de la loi organique du 2 janvier 1959.
Pour ces motifs, en raison au surplus des difficultés que cette pratique a entrainées pour l'information et le contrôle du Parlement, et nous fondant, notamment, sur votre décision du 30 décembre 1974, nous vous demandons de bien vouloir déclarer non conformes à la Constitution les dispositions des articles 24 et 25 de la loi de finances pour 1977 en tant qu'ils comportent dans la présentation même du projet de budget des Départements d'Outre-Mer, et selon les indications fournies à ce sujet par le document de l'Assemblée Nationale N 2533, Tome IV (page 6) : - d'une part, à l'article 24, un crédit de 5432944 francs en mesures nouvelles au titre III et un crédit de 8000000 de francs en mesures nouvelles au titre IV, - d'autre part, à l'article 25, une autorisation de programme et un crédit de paiement de 11800111 francs au titre VI.
III ARTICLE 26 *ARTICLE 29* L'article 26 de la loi de finances pour 1977 institue un "fonds d'action conjoncturelle" doté de 2500 millions de francs en autorisations de programme mais ne comprenant aucun crédit de paiement.
Cette dotation sera utilisée éventuellement en 1977, sur décision du Gouvernement.
Elle sera transférée, à hauteur maximum de 1750 millions de francs, entre le ministère de l'Economie et des Finances et ceux de l'Agriculture, de l'Education, de l'Equipement et de la Santé, conformément aux limites fixées par l'état 1 annexé au projet. Le solde, soit 750 millions de francs, est inscrit dans cet état 1 sous la rubrique "divers".
Un tel dispositif nous parait contraire aux dispositions de la loi organique sur les lois de finances pour les motifs suivants.
A Le Fonds d'Action Conjoncturelle n'est pas réparti par titres et par Ministères.
Selon l'article 31, 3è alinéa de la loi organique "dans la seconde partie le projet de loi de finances de l'année () arrête les dépenses applicables aux autorisations nouvelles par titre et par ministère." Or, le FAC est inscrit au titre V du budget des charges communes, dans un chapitre nouveau 57-10, et sa dotation figure dans l'état C annexé à la loi de finances.
Toutefois, dans l'état 1 également annexé à la loi de finances et qui a la même valeur législative que l'état C, le parlement est invité à procéder à une répartition qui remet donc en cause le dispositif de l'état C.
Mais la répartition de l'état 1, qui complète celle de l'état C, n'est pas conforme à la loi organique puisque : - d'une part, l'autorisation de programme de 2500 millions de francs ne fait pas l'objet, dans sa totalité, d'une répartition par ministère dans la mesure où en dehors des dotations affectées aux ministères de l'Agriculture, de l'Education, de l'Equipement, et de la Santé, 750 millions de francs sont affectés à une rubrique "divers" qui ne constitue pas un ministère au sens de la loi organique ; - d'autre part, l'état 1 ne comporte aucune répartition de ces autorisations de programme par titre à l'intérieur des budgets intéressés.
Aussi, dans la mesure où il est à la fois remis en cause par l'état 1 qui n'est pas conforme à la loi organique, l'Etat C se trouve, à son tour, rendu non conforme à la même loi organique, et, par suite, la présentation du projet de loi de finances pour 1977 se trouve, sur ces points précis, non conforme à la Constitution.
B Les annexes explicatives ne sont pas conformes à la loi organique.
1 Selon l'article 32 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, le projet de loi de finances est accompagné d'annexes explicatives faisant connaître, notamment, "par chapitre les mesures nouvelles qui justifient les modifications proposées au montant antérieur des services votés".
Or, si l'on met à part l'autorisation de programme de 750 millions de francs affectée dans l'état 1 à la rubrique "divers", le solde de 1750 millions de F se trouve réparti par cet Etat entre les budgets de quatre ministères.
Mais les fascicules "bleus", qui constituent les annexes prévues par l'article 32 précité, ne comportent aucune indication des chapitres qui, à l'Agriculture, à l'Education, à l'Equipement ou à la Santé, se trouvent concernés par l'autorisation de programme visée à l'état 1.
Ce crédit de 1750 millions de francs d'autorisations de programme se trouve donc, dans sa présentation même et sur ce point précis, non conforme aux dispositions de la loi organique.
Il en va de même en ce qui concerne les 750 millions affectés à la rubrique "divers" et que l'on ne retrouve dans aucun chapitre en dehors du 57-10 des charges communes.
Selon l'article 32-2 de l'ordonnance organique précitée, les annexes explicatives doivent faire connaître "L'échelonnement sur les années futures des paiements résultant des autorisations de programme".
Cette dispositions suppose donc, à l'évidence, que les autorisations de programme soient assorties de crédits de paiement.
Or, le chapitre 57-10 du budget des "charges communes" indique clairement, comme d'ailleurs l'état 1, que le Fonds d'Action Conjoncturelle ne disposera, en 1977, que d'autorisations de programme non assorties de crédits de paiement.
Aussi, l'annexe "bleue" des charges communes se trouve, là encore dans sa présentation même, non conforme aux dispositions de la loi organique.
C Les conditions d'emploi des autorisations de programme de FAC ne sont pas conformes à la loi organique.
1 L'article 26 de la loi de finances pour 1977 prévoit que la dotation du FAC sera transférée aux différents ministères intéressés.
Or, en vertu de l'article 14 de la loi organique, la seule catégorie de transferts est celle qui est opérée par arrêté du Ministre des Finances et qui vise à modifier seulement le service responsable de l'exécution d'une dépense sans en changer la nature.
Il est évident, dans ces conditions, que les transferts visés à l'article 26 de la loi de finances pour 1977 ne sont pas les mêmes que ceux visés à l'article 14 de la loi organique.
En effet, alors que l'article 14 permet de transférer les crédits d'un Ministère à un autre à l'intérieur du même titre budgétaire, les transferts envisagés par le Gouvernement dans le cadre du FAC intéresseront tous les titres des dépenses d'équipement.
Ainsi, les autorisations de programme du Fonds, qui sont inscrites au titre V des charges communes, "investissements exécutés par l'Etat" (titre institué par l'article 6 de la loi organique", ne pourraient être transférées, en vertu de l'article 14 de la loi organique, qu'aux titres V des ministères intéressés.
Mais l'intention du gouvernement est de doter non seulement les titres V mais aussi les titres VI des divers ministères intéressés.
Aussi, en faisant allusion à des "transferts" l'article 26 ajoute, par le biais d'une loi de finances de valeur ordinaire, une nouvelle catégorie de modifications que l'exécutif peut apporter en cours de gestion à une loi de finances initiale.
Or, de telles modifications ne peuvent résulter que d'une loi de valeur organique. C'est en effet la loi organique sur les lois de finances qui prévoit d'une manière limitative, les possibilités de modification de la loi de finances votée par le Parlement et qui assortit les délégations ainsi consenties au pouvoir réglementaire de conditions précises et strictes.
Aussi, si le Gouvernement a bien l'intention de doter à la fois les titres V et VI à partir de crédits inscrits au titre V le complément apporté par une loi ordinaire à une loi organique n'est évidemment pas conforme à la Constitution.
En outre, le dispositif adopté transfère au Gouvernement une partie des pouvoirs conférés au Parlement et à lui seul par l'article 34 de la Constitution et par la loi organique sur les lois de finances qui en découle alors que, l'exercice du pouvoir législatif par le pouvoir réglementaire ne peut s'opérer que par la voie des ordonnances conformément à l'article 38 de la Constitution. Pour ce motif également, l'article 26 du projet de finances pour 1977 est contraire à la Constitution.
2 Mais le gouvernement peut aussi engager les dotations du Fonds en vertu de l'article 7, 3è alinéa de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui prévoit que "des crédits globaux peuvent également être ouverts pour des dépenses dont la répartition par chapitre ne peut être déterminée au moment où ils sont votés. L'application de ces crédits au chapitre qu'ils concernent est ensuite réalisée par arrêté du Ministre des finances".
Il convient de rappeler que cette procédure vise des "crédits" et non des "autorisations de programme". Sans doute, les autorisations de programme sont également concernées mais ce n'est que dans la mesure où elles sont liées à des crédits de paiement. Ceci résulte clairement non seulement des dispositions déjà citées de l'article 32-2 de la loi organique, mais aussi du dernier alinéa de l'article 12 de cette même loi organique qui ne permet pas de penser que les autorisations de programme ne doivent pas être couvertes par des crédits de paiement.
Dans ces conditions, nous estimons que l'article 7 de la loi organique relatif aux opérations de répartition des crédits globaux ne peut pas être appliqué aux autorisations de programme du Fonds d'Action Conjoncturelle.
En effet, d'une manière générale, les actions couvertes par des crédits globaux intéressent plusieurs ministères concourant à la mise en oeuvre d'une seule et même action : missions interministérielles par exemple. Or, les actions financées par le FAC seront très diverses et intéresseront des secteurs d'équipement nombreux très variés et de nature très différente, d'autant que certaines opérations seront financées directement par l'Etat (Titre V) tandis que d'autres seront seulement subventionnées par lui (Titre VI). Le vocable très général "d'équipements publics" ne saurait constituer un lien commun suffisant pour justifier la mise en oeuvre de la procédure de répartition des crédits globaux visée à l'article 7 de la loi organique.
Ainsi, par sa présentation même, l'article 26 apparait contraire à la loi organique sur les lois de finances qui a strictement prévu les conditions dans lesquelles le projet de loi de finances doit être présenté au Parlement et celles dans lesquelles s'exercent les pouvoirs respectifs du gouvernement et du Parlement en la matière. Il aboutit, en outre, à vider de toute portée l'autorisation de dépense donnée par le Parlement en transférant au gouvernement un pouvoir qui n'appartient qu'au Parlement et qui ne peut être délégué que par la procédure prévue à l'article 38 de la Constitution.
Pour ces divers motifs, nous vous demandons de bien vouloir déclarer l'article 26 de la loi de finances pour 1977 non conforme à la Constitution.
IV ARTICLE 35 *ARTICLE 37-V L'article 35 de la loi de finances pour 1977 comporte dans son alinéa V une dotation de 3700 millions de francs au titre des "services votés" du compte spécial du Trésor intitulé "Fonds de Développement Economique et Social".
Selon l'annexe "bleue" dénommée "Vingt-deuxième rapport du Conseil de Direction du FDES" (page 27), un crédit de 1000 millions de francs est prévu dans la dotation du Fonds pour 1977 en faveur du secteur de l'industrie.
Nous estimons que cette dotation budgétaire a été présentée et votée dans des conditions qui ne sont pas conformes à la loi organique du 2 janvier 1959 pour les motifs suivants.
En vertu de l'article 33 de la loi organique, "les services votés représentent le minimum de dotation que le Gouvernement juge indispensable pour poursuivre l'exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l'année précédente par le Parlement".
L'article 32 de la même loi organique prévoit par ailleurs, dans son dernier alinéa, que le projet de loi de finances est accompagné "d'annexes générales destinées à l'information et au contrôle du Parlement".
Or, il apparait que les documents relatifs au contrôle parlementaire et publiés par le Gouvernement, conformément au dernier alinéa de l'article 32 précité, comportent, en ce qui concerne la ligne "industrie" du FDES, des indications sommaires ne permettant pas au Parlement de connaître avec précision la destination des crédits que le Gouvernement lui demande de voter.
La Commission des Finances de l'Assemblée nationale s'en est inquiétée ainsi qu'en témoignent les indications fournies par le document n 2525 (Annexe n 47, page 13). En réponse à une question posée par notre collègue M SAVARY, rapporteur spécial de la Commission des Finances, le Gouvernement a fait connaître qu'il ne lui était pas possible de "préciser à l'avance l'affectation des crédits proposés par le Gouvernement à l'approbation du Parlement, les opérations en faveur desquelles des aides publiques sont susceptibles d'être accordées au cours de l'année suivante n'étant pas, en règle générale, connues de l'Administration".
Il se trouve que, dans une affaire analogue, le Conseil constitutionnel a estimé (Cf la décision du 30 décembre 1975) que, lorsque le Gouvernement demandait au Parlement de voter des crédits dont la destination ne pouvait pas être précisée au moment de l'examen de la loi de finances, le vote du Parlement avait "pour sens et pour portée" d'habiliter le Gouvernement à procéder, dans la limite des crédits fixés, aux opérations en cause mais que celles-ci devaient ultérieurement : et notamment l'année suivante : faire l'objet de comptes-rendus complets permettant au Parlement d'exercer le contrôle qui lui appartient.
Un tel contrôle parlementaire est encore plus indispensable lorsqu'il s'agit de "services votés", c'est-à-dire la confirmation des "conditions de l'exécution des services publics" approuvées l'année précédente dès lors qu'il n'a pas été possible d'appliquer à ce moment là l'esprit et la lettre des articles 32 et 33 de la loi organique.
Dans l'espèce qui vient d'être rappelée, le Conseil constitutionnel a estimé, au vu des documents parlementaires, que des renseignements détaillés avaient bien été fournis au Parlement sur les opérations des années précédentes et que, par suite, le contrôle parlementaire s'était bien exercé normalement.
Or, en ce qui concerne la ligne "industrie" du FDES pour 1977, et si on se réfère au document parlementaire précité n 2525 (Annexe n 47, pages 11 et 12), il apparaît qu'aucune réponse claire, précise et complète n'a véritablement été apportée par le Gouvernement à plusieurs des questions posées par le rapporteur spécial de la Commission des Finances au sujet des modalités d'utilisation des dotations inscrites à cette ligne dans les budgets des années précédentes.
C'est pourquoi, nous fondant, d'une part, sur les dispositions susvisées des articles 32 et 33 de la loi organique et, d'autre part, sur les considérants de votre décision du 30 décembre 1975, nous vous demandons de bien vouloir déclarer l'article 35-V de la loi de finances pour 1977 non conforme à la Constitution en tant qu'il comporte une dotation de 1000 millions de francs inscrite au compte spécial du Trésor "Fonds de Développement Economique et Social" au bénéfice du secteur industriel privé puisque le Gouvernement n'a pas permis au contrôle parlementaire de s'exercer normalement dans cette affaire selon les règles et conditions prévues par la Constitution et par la loi organique.
V ARTICLE 74 *ARTICLE 87* L'article 74 de la loi de finances pour 1977 résulte d'un amendement n 256 présenté par M GUERMEUR, député, et adopté par l'Assemblée Nationale au cours de sa deuxième séance du 10 novembre 1976 (JO, débats AN, pages 7887-88).
Cet article additionnel, adopté sans modification par le Sénat, autorise l'Etat à souscrire des conventions de coopération avec les établissements d'enseignement supérieur privés à but non lucratif.
Or, malgré les explications fournies oralement par l'auteur de cet amendement, l'article 74 n'a en fait pour objet ni de supprimer ou de réduire effectivement une dépense, ni de créer ou d'accroître une recette, ni même d'assurer le contrôle des dépenses publiques.
En effet, sur ce dernier point, l'article additionnel adopté à l'initiative d'un député ne saurait améliorer le contrôle des dépenses publiques dès lors que le Gouvernement et le Parlement disposent déjà des moyens de contrôler l'emploi des fonds qui sont actuellement servis au coup par coup aux établissements supérieurs privés à but non lucratif. Les rapporteurs spéciaux des commissions des finances peuvent notamment vérifier l'emploi de ces fonds publics en usant du pouvoir de contrôle sur place et sur pièce qui leur est reconnu par l'article 164-IV, dernier alinéa, de l'ordonnance n 58-1374 du 30 décembre 1958 tandis que les pouvoirs des contrôleurs financiers des administrations intéressées ne se trouveront pas modifiés et accrus par le dispositif de l'article 74 de la loi de finances pour 1977 puisque les fonds publics actuellement versés aux établissements privés sont déjà soumis à leur visa préalable.
C'est pourquoi nous estimons que l'article 74 de la loi de finances pour 1977, qui ne répond à aucune des conditions de recevabilité posées par l'article 42 de la loi organique du 2 janvier 1959, doit être déclaré non conforme à la Constitution.