Le Conseil constitutionnel,
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le Code électoral ;
Vu la requête présentée par M. Jean-Baptiste Ponama, demeurant 28, rue du Maréchal-Leclerc, à Saint-Denis (la Réunion), ladite requête enregistrée le 4 juillet 1968 à la préfecture de la Réunion et tendant à ce qu'il plaise au Conseil constitutionnel statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 23 juin 1968 dans la première circonscription de la Réunion pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations en défense présentées par M. Michel Debré, lesdites observations enregistrées le 12 août 1968 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
Sur les griefs tirés de ce que des irrégularités auraient été commises dans l'établissement des listes électorales et dans le déroulement des opérations préparatoires au scrutin :
1. Considérant que, si M. Ponama soutient que des électeurs décédés auraient été maintenus sur les listes électorales, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations ; qu'en outre, i1 n'est pas établi par le requérant que des votes aient été frauduleusement émis sur présentation de cartes électorales d'électeurs décédés ;
2. Considérant qu'il n'est pas davantage établi que des électeurs aient fait arbitrairement l'objet d'un refus d'inscription sur les listes électorales, ni que des cartes d'électeurs aient été indûment retenues dans certaines mairies mettant ainsi leurs titulaires dans l'impossibilité de participer à la consultation ;
3. Considérant que, si, contrairement aux dispositions de l'article R. 40 du Code électoral, un arrêté préfectoral du 19 juin 1968 a modifié la répartition des électeurs entre les bureaux de vote de la commune de Saint-André, il n'est pas établi que cette mesure, qui avait pour objet, en annulant une décision antérieure, de rétablir l'organisation des bureaux en vigueur lors des précédents scrutins, ait eu pour effet de jeter le trouble dans l'esprit des électeurs et de les empêcher, de ce fait, d'exprimer leur vote ; que, d'ailleurs, la participation électorale a été plus élevée dans cette commune que dans l'ensemble de la circonscription ;
Sur les griefs tirés de ce que des irrégularités auraient été commises au cours du scrutin ou des opérations de dépouillement des suffrages :
4. Considérant que le requérant soutient que dans les bureaux de vote des communes de Saint-André, Bras-Panon et Saint Benoist les assesseurs et délégués désignés par lui n'ont pu assister à la constitution des bureaux et se maintenir dans les locaux pendant toute la durée du scrutin ; qu'il résulte, au contraire, des pièces du dossier que de nombreux bureaux de vote de ces communes ont été constitués avec la participation des représentants de M. Ponama et que les mandataires de tous les candidats y compris ceux du requérant ont signé des procès-verbaux dressés à l'issue du scrutin ; que, dans les autres bureaux de vote, les assesseurs désignés par le requérant ne se sont pas présentés et que ses délégués ont quitté spontanément les lieux au cours des opérations électorales ;
5. Considérant que, si M. Ponama fait état d'une "fraude massive" dans l'ensemble de la circonscription, il n'apporte aucune preuve à l'appui de ses allégations ; qu'il n'établit pas, entre autres, que des électeurs aient émis des votes multiples ; qu'on ne saurait davantage considérer comme établissant la preuve d'irrégularités dans le dépouillement des suffrages le fait que l'0. R. T. F. ait annoncé, dans les heures qui ont suivi la clôture du scrutin, que M. Debré l'avait emporté avec 25 000 voix, alors que ce candidat fut finalement proclamé élu avec 33 382 suffrages, dès lors que le premier de ces chiffres n'était en réalité que le résultat d'une totalisation provisoire qui avait paru assez significative pour permettre de publier les résultats du scrutin ;
Décide :
Article premier :
La requête susvisée de M. Ponama est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 novembre 1968 où siégeaient : MM. Gaston PALEWSKI, président, CASSIN, MONNET, WALINE, ANTONINI, SAINTENY, DUBOIS, CHATENET et LUCHAIRE.