Le Conseil constitutionnel,
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance du 13 octobre 1958 relative à l'élection des députés à l'Assemblée nationale ;
Vu : 1° la requête présentée par le sieur Jean-Baptiste Tomi, demeurant 2, rue Cyrnos, à Ajaccio, ladite requête enregistrée le 10 avril 1963 au secrétariat du Conseil constitutionnel ;
2° la requête présentée par le sieur Noël Franchini, docteur en médecine, demeurant 59, cours Napoléon, à Ajaccio, ladite requête enregistrée le 10 avril 1963 au secrétariat du Conseil constitutionnel et tendant l'une et l'autre à ce qu'il plaise au Conseil constitutionnel statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 31 mars 1963 dans la 1er circonscription du département de la Corse pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations en défense présentées par le sieur Serafini, député, lesdites observations enregistrées le 27 mai 1963 au secrétariat du Conseil constitutionnel ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
1. Considérant que les deux requêtes susvisées sont relatives aux mêmes opérations électorales ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Sur les griefs tirés d'irrégularités diverses :
2. Considérant que les requérants soutiennent que le sieur Serafini aurait utilisé des moyens de propagande irréguliers, que des pressions auraient été exercées par les autorités administratives en sa faveur ; qu'enfin, il aurait induit le corps électoral en erreur en ne faisant pas état de ses véritables opinions politiques ;
3. Considérant que les requérants n'apportent, à l'appui des deux premiers griefs aucun commencement de preuve ; que, si le sieur Serafini s'est présenté sous l'étiquette "Union d'action démocratique pour la défense des intérêts de la Corse", cette circonstance n'a pu avoir pour effet de tromper les électeurs ;
Sur les moyens relatifs aux opérations électorales :
4. Considérant, d'une part, que les sieurs Tomi et Franchini soutiennent, en se fondant sur l'article 279 du Code électoral, que la présence de conseillers municipaux dans certains bureaux de vote de la ville d'Ajaccio en a rendu la composition irrégulière ; mais considérant que l'article 279 appartient au titre IV du livre Ier du Code électoral relatif aux dispositions spéciales à l'élection des conseillers municipaux à l'exception des conseillers municipaux de Paris ; que cet article n'est donc pas applicable à l'élection d'un député à l'Assemblée nationale ; qu'ainsi le moyen susvisé ne saurait être retenu ;
5. Considérant, d'autre part, que, si les sieurs Tomi et Franchini invoquent d'autres irrégularités relatives au déroulement des opérations électorales et s'ils soutiennent notamment : 1° que certains électeurs n'auraient pas été tenus de passer par l'isoloir et de justifier de leur identité ; 2e que leurs délégués
auraient été empêchés d'exercer leur contrôle ; 3° que des paquets de bulletins auraient été jetés dans les urnes ; 4° qu'un procès-verbal aurait été substitué au procès-verbal original du deuxième bureau de la commune de Bastelicaccia, ils n'apportent à l'appui de ces allégations aucune justification ; qu'enfin, l'augmentation de suffrages dont a bénéficié le sieur Serafini par rapport à ceux qu'il avait recueillis au premier tour ne saurait à elle seule constituer, comme le soutiennent les requérants, une présomption de fraude généralisée, eu égard, en particulier, aux nombreux désistements intervenus entre les deux tours de scrutin ;
Sur les votes par correspondance :
6. Considérant que, si dans de nombreuses communes de la première circonscription de la Corse, les procès-verbaux annexes relatifs aux votes par correspondance n'ont pas été joints aux procès-verbaux des opérations électorales, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à entraîner l'annulation de l'élection alors qu'il résulte des pièces du dossier que les irrégularités alléguées par les requérants ne sont assorties d'aucun commencement de preuve permettant de les tenir pour établies ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction complémentaire, que les sieurs Tomi et Franchini ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'élection contestée ;
Décide :
Article premier :
Les requêtes susvisées des sieurs Tomi et Franchini sont rejetées.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 juillet 1963.