Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 6 juin 1959 par le Président de l'Assemblée nationale, conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, de la "Résolution portant règlement définitif de l'Assemblée nationale" ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, et notamment ses articles 17, alinéa 2, 19, 20 et 23, alinéa 2,
Décide :
Article premier :
Sont déclarés non conformes à la Constitution les articles du règlement de l'Assemblée nationale ci-après mentionnés : Article 19-3 : Par le motif que les dispositions de ce texte, combinées avec celles de l'alinéa 2 du même article et celles de l'article 20, n'ont pas seulement pour effet de permettre de faire obstacle à l'insertion au Journal officiel de la déclaration politique d'un groupe, mais aussi d'empêcher la formation même de ce groupe, par une appréciation, laissée à la seule Assemblée nationale, de la conformité de la déclaration politique dudit groupe aux dispositions de l'article 4 de la Constitution.
Article 31-2 : Par le motif que les dispositions de ce texte laissent place à la possibilité de saisir une commission permanente avant l'expiration des délais impartis par les articles 30 et 31, soit au Gouvernement, soit à une commission permanente, soit à un groupe, soit à trente députés, pour demander la formation d'une commission spéciale, alors que l'article 43, alinéa 2, de la Constitution prévoit que les projets ou propositions de loi ne sont envoyés à une commission permanente que lorsque le Gouvernement ou l'assemblée qui en est saisie n'ont pas demandé leur envoi à une commission spéciale.
Article 31-5 : Par le motif que les dispositions de ce texte, en ce qu'elles assignent au Gouvernement un temps de parole de cinq minutes, sont contraires à celles de l'article 31 de la Constitution, lequel précise que les membres du Gouvernement sont entendus quand ils le demandent, sans que la durée de leur intervention puisse être limitée.
Article 51-1 : Par le motif que les dispositions de ce texte qui portent que l'Assemblée siège de droit en comité secret à la demande du Premier Ministre, sont contraires à l'article 33, alinéa 2, de la Constitution, qui laisse à l'Assemblée, saisie de la demande du Premier Ministre ou du dixième de ses membres tendant à ce qu'elle siège en comité secret, la faculté, dans les deux cas, de se prononcer sur l'opportunité de cette procédure.
Article 60-3 : Par le motif que, telles qu'elles sont rédigées, les dispositions de ce texte ne peuvent valablement s'appliquer que lorsque la session extraordinaire est réunie à la demande du Premier Ministre, et que, dans le cas où la session extraordinaire est tenue à la demande de la majorité des membres composant l'Assemblée nationale, elles peuvent permettre au décret de clôture "d'interrompre sur-le-champ tout débat", sans que soient respectées les prescriptions de l'article 29, alinéa 2, de la Constitution.
Article 79 : Par le motif que certaines des infractions que ces dispositions frappent de peines disciplinaires se confondent avec celles que l'article 19 de l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires : à laquelle renvoie expressément l'article 25, alinéa 1er, de la Constitution : frappe de la démission d'office, laquelle est, à l'évidence, exclusive de peines de moindre gravité.
Article 81-1 et 4, article 82, article 86-3 et 4, article 92-6, article 98-6 et article 134-5, en tant qu'ils contiennent des dispositions relatives aux propositions de résolution : Par les motifs que, dans la mesure où de telles propositions tendraient à orienter ou à contrôler l'action gouvernementale, leur pratique serait contraire aux dispositions de la Constitution qui, dans son article 20, en confiant au Gouvernement la détermination et la conduite de la politique de la Nation, ne prévoit la mise en cause de la responsabilité gouvernementale que dans les conditions et suivant les procédures fixées par ses articles 49 et 50 ; Que, dans la mesure où les propositions de résolution participeraient du droit d'initiative des parlementaires en matière législative, tel qu'il est défini et limité par les dispositions des articles 34, 40 et 41 de la Constitution, la pratique de telles propositions, outre qu'elle ferait double emploi avec celle des propositions de loi, se heurterait à la lettre de la Constitution, et notamment de ses articles 40 et 41 dont la rédaction ne vise que les propositions de loi, qui sont les seules dont l'adoption puisse avoir pour conséquence une diminution des ressources publiques, une création ou une aggravation d'une charge publique, et puisse porter atteinte au pouvoir réglementaire du Gouvernement défini par l'article 37 ou à la délégation qui lui aurait été consentie en application de l'article 38 ; Qu'il résulte de ce qui précède que les articles du règlement de l'Assemblée nationale ci-dessus mentionnés, relatifs à la procédure législative et au contrôle parlementaire, ne peuvent, sans atteinte à la Constitution, assigner aux propositions de résolution un objet différent de celui qui leur est propre, à savoir la formulation de mesures et décisions relevant de la compétence exclusive de l'Assemblée, c'est-à-dire les mesures et décisions d'ordre intérieur ayant trait au fonctionnement et à la discipline de ladite Assemblée, auxquelles il conviendrait éventuellement d'ajouter les seuls cas expressément prévus par des textes constitutionnels et organiques tels que les articles 18 et suivants de l'ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute Cour de Justice.
Article 87-1 et 3 : Par le motif que les dispositions de ce texte prévoient la possibilité de saisir pour avis une commission permanente même dans le cas où un projet ou une proposition de loi a été envoyé à une commission spéciale à la demande du Gouvernement, alors qu'une telle procédure n'est compatible avec les dispositions de l'article 43 de la Constitution que dans le cas où la commission spéciale saisie au fond a été constituée à l'initiative de l'Assemblée.
Article 101-3 : Par le motif que la rédaction de ce texte permet à l'Assemblée nationale de mettre en discussion, lors d'une seconde délibération, les seules propositions de la commission saisie au fond, contrairement aux dispositions de l'article 42 de la Constitution.
Article 153-2 : Par le motif que les dispositions de ce texte ne comportent référence qu'à l'article 150 en ce qui concerne la procédure applicable aux motions de censure, cette procédure se trouvant définie, notamment en ce qui a trait aux conditions de majorité, par les articles 150 et 151, en conformité des dispositions de l'article 49 de la Constitution.
Article 2 :
Sont déclarés conformes à la Constitution, sous réserve des observations qui suivent, les articles du règlement de l'Assemblée nationale ci-après mentionnés : Article 48-6 : Pour autant que ces dispositions ne prévoient un vote de l'Assemblée nationale que sur les propositions arrêtées par la Conférence des Présidents en complément des affaires inscrites par priorité à l'ordre du jour, sur décision gouvernementale, conformément aux dispositions de l'article 48 de la Constitution.
Article 139-1 : Sous réserve de l'incidence sur la rédaction de cet article de la déclaration de non-conformité des dispositions des articles 81-1 et 4, 82, 86-3 et 4, 92-6, 98-6 et 134-5.
Article 144 : Pour autant que ces dispositions n'attribuent aux commissions permanentes qu'un rôle d'information pour permettre à l'Assemblée d'exercer, pendant les sessions ordinaires et extraordinaires, son contrôle sur la politique du Gouvernement dans les conditions prévues par la Constitution.
Article 3 :
Sont déclarés conformes à la Constitution les articles du règlement de l'Assemblée nationale non mentionnés aux articles 1er et 2 de la présente décision.
Article 4 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.