PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE CIMPAKA KAPETA c. BELGIQUE
(Requête no 55000/18)
ARRÊT
Art 2 P4 • Liberté de quitter un pays • Refus de délivrance du passeport au requérant en sursis probatoire de sa condamnation pour terrorisme • Présence d’un drapeau de Daesch à son domicile et risque d’un retour en Syrie • Motifs pertinents et suffisants • Possibilité de se rendre dans les pays n’exigeant qu’une carte d’identité • Durée de la limitation de la liberté de circulation non excessive eu égard aux motifs du refus • Contrôle juridictionnel par le Conseil d’État de la légalité et de la proportionnalité de la mesure en ayant eu accès à l’ensemble du dossier administratif, y compris aux pièces confidentielles • Requérant s’étant vu communiquer la substance des motifs fondant le refus litigieux • Absence d’accès à un rapport confidentiel n’ayant pas atteint la substance même de ses droits procéduraux • Marge d’appréciation • Mesure non disproportionnée aux buts légitimes poursuivis
Art 13 (+ Art 2 P4) • Recours effectif pour contester la non-délivrance du passeport • Défaut du requérant de faire usage de tous les moyens à sa disposition dans le droit interne pour contester la confidentialité du rapport en question • Contrôle par le Conseil d’État de l’utilisation de l’ensemble des pièces du dossier, y compris confidentielles
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STRASBOURG
26 juin 2025
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Cimpaka Kapeta c. Belgique,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Ivana Jelić, présidente,
Erik Wennerström,
Alena Poláčková,
Frédéric Krenc,
Alain Chablais,
Artūrs Kučs,
Anna Adamska-Gallant, juges,
et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section,
Vu :
la requête (no 55000/18) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant de cet État, M. Harris Cimpaka Kapeta (« le requérant ») a saisi la Cour le 19 novembre 2018 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),
la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement belge (« le Gouvernement »),
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 juin 2025,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. La requête concerne le refus de délivrance d’un passeport au requérant pour des raisons de sécurité nationale et de sûreté publique, sur la base notamment d’un rapport confidentiel. Elle soulève des questions sous l’angle de l’article 2 du Protocol no 4 à la Convention et de l’article 13 de la Convention.
EN FAIT
2. Le requérant est né en 1990 et réside à Saint-Gilles. Il a été représenté par Me C. Marchand, avocat.
3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, Mme I. Niedlispacher, du service public fédéral de la Justice.
4. Le requérant, né à Kinshasa (République démocratique du Congo), s’installa en Belgique à l’âge de sept ans.
1. CONDAMNATION PÉNALE DU REQUÉRANT
5. Par un jugement du 6 novembre 2015, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles condamna le requérant à une peine de quatre ans d’emprisonnement, assortie d’un sursis probatoire d’une durée de cinq ans pour ce qui excédait la durée de la détention effectuée à titre préventif, du chef de participation aux activités d’un groupe terroriste, infraction réprimée par l’article 140 du code pénal belge. Le requérant fut reconnu notamment coupable d’être parti combattre en Syrie au sein du groupement djihadiste Jabhat Al Nusra entre le 1er décembre 2013 et le 17 mars 2014. Pour la période probatoire, le requérant se vit imposer plusieurs conditions individualisées, acceptées par lui, notamment, celles de ne pas gagner de pays en guerre, de se soumettre à une guidance psychologique et/ou religieuse inhibitive de radicalisme islamiste ou djihadiste auprès d’un praticien ou d’un centre choisi en concertation avec l’assistant de probation durant au moins deux ans mais aussi longtemps que cet intervenant l’estimerait nécessaire, et de ne pas fréquenter de personnes ou de lieux se réclamant des milieux islamistes radicaux ou djihadistes.
2. REFUS DE DÉLIVRANCE D’UN PASSEPORT
6. Le 7 décembre 2016, le requérant s’adressa à la commune de Forest afin d’obtenir la délivrance d’un passeport. Il précisa plus tard que cette demande avait été introduite « dans le cadre d’un projet de voyage d’agrément [qu’il souhaitait effectuer] au Maroc avec sa jeune épouse ».
7. Par un courrier électronique du 8 décembre 2016, la demande de l’intéressé fut transmise pour accord au parquet fédéral ainsi qu’à l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (« OCAM »).
8. Par un courrier électronique envoyé le même jour, l’OCAM émit, eu égard à des informations en sa possession, un avis négatif sur la demande de passeport introduite par le requérant, qui était formulé dans les termes suivants :
« Sur la base des informations disponibles, l’OCAM s’oppose à la désinscription de CIMPAKA-KAPETA Harris de PASSBAN. Les raisons sont les suivantes :
– une note VSSE (classifiée « Diffusion restreinte ») du 02/12/2015 mentionne Cimpaka-Kapeta Harris parmi les personnes susceptibles de partir (retourner dans son cas puisqu’il s’agit d’un CAT 3) en Syrie ;
– une visite de contrôle de la police à son domicile le 18/02/2016 (à la demande de la Maison de Justice, dans le cadre de sa libération sous conditions) fait état de la présence d’un drapeau de Daesch à son domicile (...) »
9. Le 20 décembre 2016, le service public fédéral « Affaires étrangères » (« SPF Affaires étrangères ») établit à l’attention du ministre des Affaires étrangères et européennes une note interne relative à la demande du requérant, qui mentionnait les éléments suivants :
– depuis le 1er octobre 2011, le requérant faisait l’objet d’une mesure administrative « Passban » (entraînant le refus, le retrait ou le non‑renouvèlement d’un passeport) ;
– le passeport au nom du requérant avait été déclaré invalide le 18 décembre 2014 à la demande de l’OCAM ;
– le 26 février 2016, le service de surveillance avait reçu un rapport confidentiel de l’OCAM confirmant que le requérant représentait une menace pour la sécurité publique.
10. Le 9 janvier 2017, le SPF Affaires étrangères notifia au requérant une décision de refus d’octroi d’un passeport. La décision était rédigée comme suit :
« Monsieur,
Votre demande de passeport a été refusée en application :
(...)
– de l’article 65, 2e alinéa (sur base d’un avis motivé d’une autorité compétente si le demandeur présente manifestement un risque substantiel pour l’ordre public ou la sécurité publique),
du Code consulaire, tel qu’instauré par la loi du 21 décembre 2013 portant le Code consulaire (MB du 21.01.2014).
Vous pouvez, si vous l’estimez nécessaire, introduire un recours contre cette décision auprès du Conseil d’État.
Remarque : aucune autre explication sur le contenu de votre dossier ne sera donnée ni par écrit, ni par téléphone, ni au guichet « passeports » du SPF Affaires étrangères (...)
Copie à : Service Population de Forest et l’OCAM (...) »
3. DEMANDE D’ACCÈS AU DOSSIER ADMINISTRATIF
11. Par un courrier électronique du 8 mars 2017, l’avocat du requérant adressa au SPF Affaires étrangères une demande d’accès au dossier administratif de son client, et en particulier, à l’« avis motivé d’une autorité compétente » ayant justifié la décision de refus en cause. Il réitéra sa demande le 22 mars 2017.
12. Par un courrier électronique du 20 avril 2017, le SPF Affaires étrangères rejeta la demande d’accès sur le fondement de l’article 6 § 4 de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration (paragraphe 35 ci‑dessous).
13. Par un courrier du 25 avril 2017, le requérant sollicita la reconsidération de ce refus d’accès auprès du SPF Affaires étrangères.
14. Parallèlement, par un courrier du même jour, il saisit la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs (« la Commission ») d’une demande d’avis.
15. Dans un courrier électronique du 8 mai 2017, le secrétaire de la Commission indiqua au requérant que le mandat des membres de la Commission était momentanément expiré et que le gouvernement n’avait pas encore nommé les nouveaux membres.
16. Après la nomination de nouveaux membres au sein de la Commission, par un courrier du 1er septembre 2017, le requérant introduisit une nouvelle et même demande d’accès.
17. Par un courrier du 2 octobre 2017, la Commission nouvellement nommée répondit à la première demande introduite par le requérant le 25 avril 2017 (paragraphe 13 ci‑dessus) dans les termes suivants :
« Le 26 avril 2017, la Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l’administration, a reçu votre demande d’avis pour votre client, [M]onsieur Cimpaka Harris. La Commission ne peut pas donner suite à votre demande, parce qu’elle a été temporairement dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions et le délai à respecter pour formuler utilement un avis est échu. Le législateur a prévu que lorsque la Commission ne peut pas formuler un avis dans le délai imparti, la procédure relative à la demande de reconsidération se poursuit. »
18. Toujours le 2 octobre 2017, par une lettre séparée, la Commission adressa au requérant l’avis adopté à la même date en réponse à la seconde demande du 1er septembre 2017 (paragraphe 16 ci‑dessus). L’avis se lisait comme suit dans ses parties pertinentes en l’espèce :
« 2. Recevabilité de la demande
La Commission estime que la demande n’est pas recevable. Le demandeur ne peut en effet pas adresser de demande d’avis à la Commission si, à ce moment-là, une décision implicite de refus a déjà été établie sur la base de l’article 8, § 2, alinéa 3 de la loi du 11 avril 1994. La demande d’avis entre en effet dans le cadre d’un recours administratif organisé dans le contexte duquel l’avis précède la décision qui est prise quant à la demande de reconsidération. Cette dernière décision remplace la décision de refus initiale contre laquelle seul un recours en annulation auprès du Conseil d’État est possible. »
19. Il ne ressort pas du dossier déposé devant la Cour qu’un recours ait été introduit par le requérant contre ladite décision de refus.
4. PROCÉDURE DEVANT LE CONSEIL D’ÉTAT CONTRE LE REFUS DE DÉLIVRANCE D’UN PASSEPORT
20. Le 13 mars 2017, le requérant, représenté par son avocat, introduisit un recours en annulation devant le Conseil d’État contre la décision du 9 janvier 2017 par laquelle sa demande de délivrance d’un passeport avait été rejetée. Dans un premier moyen, l’intéressé invoquait la violation « [de ses] droits et libertés fondamentales » et soutenait en particulier que le refus qui lui avait été opposé n’était pas proportionné au regard de l’article 8 de la Convention et de l’article 2 du Protocole no 4. Le requérant indiquait entre autres avoir introduit sa demande de passeport « dans le cadre d’un projet de voyage d’agrément au Maroc avec sa jeune épouse ». Il précisait que, alors qu’il pouvait voyager librement à l’intérieur de l’espace Schengen muni de sa carte d’identité belge, le refus litigieux ne lui permettait pas de se rendre à l’extérieur de cet espace et qu’il « lui é[tait] ainsi impossible de se rendre dans son pays d’origine, la République démocratique du Congo, où résid[ai] pourtant une grande partie de sa famille ». Dans un second moyen, il invoquait la violation de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs. Il estimait que la décision de refus ne comportait aucune motivation et se bornait à renvoyer à une disposition légale, en l’espèce le deuxième alinéa de l’article 65 de la loi du 21 décembre 2013 portant le code consulaire.
21. Le 19 juin 2017, l’État belge déposa devant le Conseil d’État son mémoire en réponse accompagné du dossier administratif. Celui-ci comportait sept pièces : un extrait de registre national du requérant (pièce no 1) ; un extrait de registre national de Mme S., concubine de l’intéressé au moment des faits (pièce no 2 – paragraphe 23 ci‑dessous) ; l’échange de courrier électronique avec l’OCAM du 8 décembre 2016 (pièce no 3 – paragraphe 7 ci‑dessus) ; la note interne du 20 décembre 2016 (pièce no 4 – paragraphe 9 ci‑dessus), la décision litigieuse de refus de délivrance d’un passeport du 9 janvier 2017 (pièce no 5 – paragraphe 10 ci‑dessus) ; le refus de communication du dossier en date du 20 avril 2017 (pièce no 6 – paragraphe 12 ci‑dessus) ; et le rapport de l’OCAM du 26 février 2016 (pièce no 7 séparée confidentielle – paragraphe 31 ci‑dessous).
22. L’État belge demanda que ledit rapport fût maintenu confidentiel en application de l’article 87 de l’arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État. Il indiquait que : i) la pièce en question était classifiée « confidentielle » en vertu de la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification et aux habilitations, attestations et avis de sécurité et ne pouvait dès lors être révélée au requérant ; ii) l’article 26 de la loi du 11 décembre 1998 prévoyait que la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration ne s’appliquait pas aux informations, documents ou données, au matériel, aux matériaux ou matières, sous quelque forme que ce fût, qui étaient classifiés en application des dispositions de ladite loi ; et iii) il s’agissait d’exceptions absolues au droit à l’information du public. L’État belge précisait que la révélation du contenu de la pièce en question risquait de porter atteinte non seulement à la sécurité publique mais aussi à la sécurité personnelle de certains intervenants.
23. En ce qui concerne le fond du recours, l’État belge soutint que les motifs invoqués par le requérant pour solliciter un passeport manquaient totalement de sérieux. S’agissant du projet du requérant, qui consistait à effectuer « un voyage d’agrément au Maroc avec sa jeune épouse », l’État belge releva que l’intéressé n’était pas marié et qu’il n’avait cohabité avec Mme S. que pendant cinq mois du 15 décembre 2016 au 10 mai 2017, soit précisément pendant la période durant laquelle l’intéressé avait déposé une demande de passeport et introduit un recours. S’agissant de la possibilité pour le requérant de se rendre en République démocratique du Congo, son pays d’origine, où résidait « une grande partie de sa famille », l’État belge indiqua que l’intéressé ne fournissait aucune précision quant à l’identité des membres de sa famille, au lien de parenté ou à leurs relations effectives. Il invoqua en outre l’insuffisance de ressources du requérant pour effectuer un tel voyage. Il observa enfin qu’il était très probable qu’à l’occasion d’un voyage en République démocratique du Congo, le requérant eût rejoint un groupe terroriste en Syrie, comme l’exposait le tribunal de première instance dans son jugement du 6 novembre 2015.
24. Dans son mémoire en réplique, le requérant confirmait qu’au moment de l’introduction de son recours, Mme S. et lui n’étaient effectivement pas mariés et qu’ils s’étaient par ailleurs séparés. Il faisait toutefois valoir que l’intérêt à se voir délivrer un passeport ne tenait pas exclusivement ni spécifiquement au voyage d’agrément mais visait de façon plus générale la possibilité pour lui de se déplacer en dehors de l’espace Schengen. Il se plaignait que la décision de refus attaquée n’était assortie d’aucune limite ou échéance temporelle. Concernant le rapport de l’OCAM du 26 février 2016, le requérant maintenait qu’en l’absence d’accès à son contenu, il lui était impossible de comprendre les motifs sous‑tendant le refus du passeport.
25. Le 2 octobre 2017, l’auditeur du Conseil d’État chargé de l’instruction du dossier déposa son rapport, qu’il avait notifié aux parties, par lequel il proposait de rejeter le recours en annulation formé par le requérant. Concernant notamment la demande de confidentialité faite par l’État belge, l’auditeur indiqua :
« La demande de confidentialité relative à la pièce 7 formulée par la partie adverse devrait être accueillie favorablement (...). Sur les pièces 3 et 4, certains noms biffés par la partie adverse demeurent tout à fait lisibles, de telle sorte qu’en l’état, ces deux pièces devraient également être soustraites à la consultation.
En conséquence de ce qui précède, les pièces 3, 4 et 7 ont été versées par l’auditeur rapporteur dans une farde dévolue aux « pièces confidentielles », « non consultables »
(...)
Conclusion
Les pièces 3, 4 et 7 du dossier administratif devraient être maintenues confidentielles.
Le recours devrait être rejeté. »
26. Le 1er novembre et le 23 décembre 2017, le requérant et l’État belge respectivement déposèrent leurs derniers mémoires.
27. Par un arrêt du 24 mai 2018, le Conseil d’État rejeta le recours en annulation du requérant. L’arrêt dans ses parties pertinentes en l’espèce se lit comme suit :
« IV. Demande de confidentialité
Considérant que la partie adverse demande, sur pied de l’article 87 du règlement général de procédure, que la pièce 7 de son dossier, consistant en l’avis émis par l’OCAM sur la demande introduite par le requérant, ne soit pas communiquée à ce dernier ; qu’elle relève que ce document est classifié comme confidentiel au sens de la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification et aux habilitations, attestations et avis de sécurité ; qu’elle mentionne par ailleurs que, pour des raisons de sécurité, les noms des intervenants ont été biffés sur les pièces 3 et 4 ;
Considérant que le présent arrêt venant clore la procédure, cette demande de confidentialité est désormais sans objet ;
(...)
VI. Premier moyen
(...)
Considérant que la possibilité de refuser la délivrance d’un passeport est prévue par les articles 62, 63 et 65 du Code consulaire, plus spécialement par l’alinéa 2 de l’article 65 visant le cas où la personne concernée présente « manifestement un risque substantiel pour l’ordre public ou la sécurité publique » ; qu’en l’espèce, l’autorité a eu égard à des motifs visés par cette disposition, et corroborés, outre la condamnation encourue par le requérant, par les pièces confidentielles produites au dossier ; que les éléments avancés par le requérant n’établissent pas la disproportion qu’il allègue entre la décision attaquée et l’objectif poursuivi par l’autorité ; que, comme le relève le requérant lui‑même, l’atteinte portée à sa liberté de circulation est limitée puisqu’il peut se rendre dans tous les pays accessibles avec la seule carte d’identité de Belge ; que l’acte attaqué ne revêt pas une portée définitive et que rien n’exclut qu’une nouvelle demande puisse connaître un sort différent à l’avenir, si les motifs en cause évoluent ; que le premier moyen n’est pas fondé ;
(...)
VII. Second moyen
(...)
Considérant que l’acte attaqué mentionne que « la demande de passeport [formulée par le requérant] a été refusée en application de l’article 65, 2e alinéa (sur base d’un avis motivé d’une autorité compétente si le demandeur présente manifestement un risque substantiel pour l’ordre public ou la sécurité publique), du Code consulaire, tel qu’instauré par la loi du 21 décembre 2013 portant le Code consulaire (M.B. du 21.01.2014) ;
Considérant que l’article 4 de la loi du 29 juillet 1991, précitée, dispose notamment que l’obligation de motiver ne s’impose pas lorsque l’indication des motifs de l’acte peut « compromettre la sécurité extérieure de l’État » (1o) ou «porter atteinte à l’ordre public » (2o) ; qu’une décision motivée par référence à un avis de l’OCAM, document classifié qui intéresse la sécurité publique et la prévention du risque d’actions terroristes, entre dans les prévisions de cette disposition; que, dès lors, la motivation de l’acte attaqué est suffisante par rapport aux exigences qui découlent de la loi du 29 juillet 1991 ; que le second moyen n’est pas fondé. »
5. AUTRES FAITS PERTINENTS
28. Le requérant affirme que, entre 2019 et 2020, il a introduit deux nouvelles demandes de passeport auprès de sa commune de résidence.
29. Le 27 mai 2021, il se vit délivrer un passeport valable jusqu’au 26 mai 2028.
30. Le Gouvernement conteste avoir reçu toute autre demande que celle qui a donné lieu à la délivrance du passeport en date du 27 mai 2021.
31. Le 21 juin 2023, l’OCAM décida de déclassifier son rapport du 26 février 2016 qui avait été adressé au SFP Affaires étrangères (paragraphe 9 ci‑dessus). Ce rapport se lit comme suit dans ses parties pertinentes en l’espèce :
« Objet : Proposition de refus de délivrance/retrait/invalidation du passeport du nommé : Cimpaka-Kapeta Harris (10/04/1990) (...)
Conformément aux dispositions de l’article 65/1 du Code consulaire, l’OCAM propose que Monsieur le ministre des Affaires étrangères décide le retrait du passeport du nommé CIMPAKA KAPETA Harris du fait que ce dernier présente manifestement un risque substantiel pour la protection de la sécurité nationale ou publique.
L’OCAM fonde sa proposition sur les éléments suivants :
Avis motivé :
CIMPAKA-KAPETA Harris s’est rendu en Syrie en décembre 2013 pour y combattre aux côtés du groupe terroriste Jabhat Al Nusra. C’est après avoir été grièvement blessé au combat en mars 2014, après que son père et des amis sont venus le chercher en Turquie et qu’il a été arrêté par les autorités bulgares à la frontière puis remis aux autorités belges, que CIMPAKA-KAPETA Harris est rentré en Belgique. Ces faits ont été in fine reconnus par CIMPAKA-KAPETA Harris et confirmés par le jugement du Tribunal Correctionnel de Bruxelles du 06/11/2015. Il existe également une forte présomption que CIMPAKA-KAPETA Harris se soit rendu en Somalie pour combattre aux côtés des Shebab entre la fin 2011 et l’été 2012. Les signes de radicalisation sont toujours bien présents chez CIMPAKA-KAPETA Harris, lequel aurait de surcroît émis le souhait de retourner au djihad. Enfin, CIMPAKA-KAPETA Harris a gardé des contacts avec son frère Joris, dont certains éléments laissent à penser qu’il a joué un rôle important dans le processus de radicalisation et le recrutement de Harris. Le personnel du centre de revalidation où il se trouve constate que l’intéressé est toujours dans un état d’esprit de radicalisation. Cela est en contradiction avec sa demande d’inscription à la ligue handisport francophone avec l’objectif de représenter la Belgique aux jeux paralympiques futurs. CIMPAKA-KAPETA Harris pratique donc la dissimulation (taqqyia). Enfin, en prison, CIMPAKA-KAPETA Harris s’est livré à des activités de prosélytisme. »
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
1. LE CODE CONSULAIRE
32. Les dispositions pertinentes à l’époque des faits étaient libellées comme suit :
« Art. 62. La délivrance d’un passeport ou d’un titre de voyage belge est refusée :
1o si le demandeur a communiqué des données inexactes concernant sa nationalité ou son identité,
2o si le demandeur fait l’objet d’une mesure judiciaire limitative de liberté,
3o pendant une enquête en cours sur un délit visé à l’article 199bis du Code pénal,
4o si le demandeur fait l’objet de mesures prévues par la loi qui limitent la liberté de circulation en vue de la protection de la sécurité nationale ou publique, du maintien de l’ordre public, de la prévention d’infractions pénales, de la protection de la santé ou de la morale ou de la protection des droits et libertés d’autrui.
Art. 63. Le ministre fixe une procédure de consultation des autorités administratives, judiciaires et policières sur l’existence ou non de mesures judiciaires limitatives de liberté.
Les autorités administratives, judiciaires et policières belges communiquent d’initiative au ministre quels sont les Belges et les apatrides et réfugiés reconnus faisant l’objet d’une mesure limitative de liberté ou de mesures prévues par la loi qui limitent la liberté de circulation en vue de la protection de la sécurité nationale ou publique, du maintien de l’ordre public, de la prévention d’infractions pénales, de la protection de la santé ou de la morale ou de la protection des droits et libertés d’autrui, et qui pour cette raison, ne peuvent pas obtenir un passeport ou un titre de voyage belge.
Art. 64. Les passeports et les titres de voyage belges sont retirés et invalidés aux conditions visées à l’article 62.
Art. 65. Le refus de délivrer un passeport ou un titre de voyage belge est levé :
1o dès que la nationalité et l’identité du demandeur sont légalement établies ;
2o à la fin de l’enquête policière ou judiciaire par laquelle l’intéressé bénéficie d’une décision de non-lieu ;
3o dès que la mesure limitative de liberté est levée ou si la peine est suspendue ou exécutée ou si l’intéressé est mis en liberté conditionnelle sans limitation de sa liberté de circulation ;
4o dès que les mesures prévues par la loi qui limitent la liberté de circulation en vue de la protection de la sécurité nationale ou publique, du maintien de l’ordre public, de la prévention d’infractions pénales, de la protection de la santé ou de la morale ou de la protection des droits et libertés d’autrui ont été levées par l’autorité compétente.
Le ministre peut toutefois refuser la délivrance d’un passeport ou d’un titre de voyage belge sur l’avis motivé d’une autorité compétente à cet effet si le demandeur présente manifestement un risque substantiel pour l’ordre public ou la sécurité publique.
Le ministre peut, préalablement à la délivrance d’un passeport ou d’un titre de voyage belge, demander à tout moment à l’autorité compétente à cet effet de lui fournir toute information. »
33. Le code consulaire a été modifié à plusieurs reprises, notamment, par les lois du 10 août 2015 (MB, 24 août 2015) et du 3 juillet 2019 (MB, 22 août 2019). La loi du 10 août 2015 n’a pas modifié le deuxième alinéa de l’article 65. En revanche, la loi du 3 juillet 2019 a remplacé les articles 62 à 65/1 par de nouvelles dispositions. L’article 63 § 2 du code consulaire prévoit actuellement que la délivrance d’un passeport ou d’un titre de voyage belge peut être refusée par le ministre sur la base de l’avis motivé d’un organe, service ou organisme compétent à cet effet, si le demandeur présente manifestement un risque ou une menace substantiels pour l’ordre public ou la sécurité publique.
2. LA LOI DU 29 JUILLET 1991 SUR LA MOTIVATION FORMELLE DES ACTES ADMINISTRATIFS
34. L’article 4 de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs se lit comme suit :
« Art. 4. L’obligation de motiver imposée par la présente loi ne s’impose pas lorsque l’indication des motifs de l’acte peut :
1o compromettre la sécurité extérieure de l’État ;
2o porter atteinte à l’ordre public ;
3o violer le droit au respect de la vie privée ;
4o constituer une violation des dispositions de matière de secret professionnel. »
3. LA LOI DU 11 AVRIL 1994 RELATIVE À LA PUBLICITÉ DE L’ADMINISTRATION
35. Les articles 6 et 8 de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration, dans leur version en vigueur au moment des faits, se lisaient comme suit :
« Art. 6. § 1. L’autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif si elle a constaté que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur la protection de l’un des intérêts suivants :
1o la sécurité de la population ;
2o les libertés et les droits fondamentaux des administrés ;
3o les relations internationales fédérales de la Belgique ;
4o l’ordre public, la sûreté ou la défense nationales ;
5o la recherche ou la poursuite de faits punissables ;
6o un intérêt économique ou financier fédéral, la monnaie ou le crédit public ;
7o le caractère par nature confidentiel des informations d’entreprise ou de fabrication communiquées à l’autorité ;
8o le secret de l’identité de la personne qui a communiqué le document ou l’information à l’autorité administrative à titre confidentiel pour dénoncer un fait punissable ou supposé tel.
(...)
§ 5. L’autorité administrative fédérale qui ne peut pas réserver de suite immédiate à une demande de publicité ou qui la rejette communique dans un délai de trente jours de la réception de la demande les motifs de l’ajournement ou du rejet. En cas d’ajournement, le délai ne pourra jamais être prolongé de plus de quinze jours.
En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, la demande est réputée avoir été rejetée.
Art. 8. § 1. Une Commission d’accès aux documents administratifs est créée.
Le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, la composition et le fonctionnement de la Commission.
§ 2. Lorsque le demandeur rencontre des difficultés pour obtenir la consultation ou la correction d’un document administratif en vertu de la présente loi, (y compris en cas de décision explicite de rejet visée à l’article 6, § 5, alinéa 3,) il peut adresser à l’autorité administrative fédérale concernée une demande de reconsidération. Au même moment, il demande à la Commission d’émettre un avis.
La Commission communique son avis au demandeur et à l’autorité administrative fédérale concernée dans les trente jours de la réception de la demande. En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, l’avis est négligé.
L’autorité administrative fédérale communique sa décision d’approbation ou de refus de la demande de reconsidération au demandeur (et à la Commission) dans un délai de quinze jours de la réception de l’avis ou de l’écoulement du délai dans lequel l’avis devait être communiqué. En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, l’autorité est réputée avoir rejeté la demande.
Le demandeur peut introduire un recours contre cette décision conformément aux lois sur le Conseil d’État, coordonnées par arrêté royal du 12 janvier 1973. Le recours devant le Conseil d’État est accompagné, le cas échéant, de l’avis de la Commission. »
4. LA PROCÉDURE DEVANT LE CONSEIL D’ÉTAT
36. L’article 87 de l’arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État régit la confidentialité des pièces soumises devant lui, en ces termes :
« Art.87. § 1er. Les parties et leurs conseils peuvent prendre connaissance au greffe du dossier de l’affaire.
§ 2. Lorsqu’une partie dépose une pièce pour laquelle elle demande qu’elle ne soit pas communiquée aux autres parties, elle doit la déposer de manière distincte. Elle doit en mentionner le caractère confidentiel de manière expresse et exposer les motifs à sa demande dans l’acte de procédure auquel est jointe ladite pièce et en établir un inventaire dans lequel est précisée la pièce dont la confidentialité est requise.
Lorsqu’une partie ou un requérant en intervention requiert la confidentialité d’une pièce versée au dossier ou déposée par une autre partie ou un autre requérant en intervention, le demandeur de confidentialité notifie au greffe une requête spécifique en ce sens en mentionnant avec précision la pièce pour laquelle la confidentialité est demandée et en exposant les motifs de sa demande.
Lorsqu’en application de l’article 23 des lois coordonnées sur le Conseil d’État, une pièce est déposée par une autorité, celle-ci peut demander qu’elle ne soit pas communiquée aux parties, conformément aux alinéas 1er et 2 du présent paragraphe.
À défaut du respect des conditions du présent paragraphe, la pièce ne bénéficie pas de la confidentialité.
§ 3. Lorsque la demande est introduite conformément au § 2, la pièce qui fait l’objet d’une demande de confidentialité est provisoirement classée de manière distincte dans le dossier de l’affaire et ne peut pas être consultée par les parties autres que celle qui a demandé la confidentialité ou qui a déposé ladite pièce.
§ 4. Si la demande de confidentialité est rejetée par arrêt, les autres parties peuvent prendre connaissance de la pièce. »
EN DROIT
1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
37. Le requérant se plaint que la décision par laquelle sa demande de délivrance d’un passeport a été refusée le 9 janvier 2017 s’analyse en une ingérence dans l’exercice par lui de son droit au respect de la vie privée et familiale. Il soutient qu’initialement il voulait voyager au Maroc avec sa compagne et qu’à terme, il souhaitait se rendre dans son pays d’origine où, selon lui, réside encore aujourd’hui une grande partie de sa famille.
38. Le Gouvernement objecte que les motifs avancés par le requérant pour justifier son souhait d’obtenir un passeport sont, au mieux, flous. Il avance en toute hypothèse que la mesure en question ne s’analyse pas en une ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit à la vie privée et familiale dans la mesure où l’intéressé ne fournit aucune précision quant aux liens de parenté ou aux relations effectives avec les proches et les membres de sa famille qu’il aurait voulu voir lors de son voyage en République démocratique du Congo.
39. La Cour constate que le requérant n’a pas étayé l’impact de la décision de refus de lui délivrer un passeport sur sa vie privée et familiale. En effet, l’intéressé n’a pas démontré, de manière spécifique, l’existence de liens personnels et familiaux suffisamment forts susceptibles d’être gravement affectés par l’application de la mesure contestée, n’ayant notamment pas précisé les liens de parenté qu’il entretiendrait avec les membres de sa famille qui vivraient en République démocratique du Congo (voir, a contrario, Paşaoğlu c. Turquie, no 8932/03, §§ 42‑43, 8 juillet 2008).
40. Dans ces conditions, la Cour considère que le grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
2. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DU PROTOCOLE NO 4 À LA CONVENTION
41. Le requérant se plaint que la décision par laquelle sa demande de délivrance d’un passeport a été refusée le 9 janvier 2017 s’analyse également en une ingérence dans l’exercice par lui de son droit de circuler librement et de quitter son propre pays. Il invoque l’article 2 du Protocole no 4, ainsi libellé en ses parties pertinentes en l’espèce :
Article 2 du Protocole no 4
« 2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.
3. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
1. Sur la recevabilité
42. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
2. Sur le fond
1. Thèses des parties
a) Le requérant
43. S’appuyant sur les arrêts Nalbantski c. Bulgarie (no 30943/04, § 60, 10 février 2011) et Stamose c. Bulgarie (no 29713/05, § 30, CEDH 2012), le requérant soutient que le fait de priver une personne d’accès à un passeport s’analyse inéluctablement en une ingérence dans le droit protégé par l’article 2 § 2 du Protocole no 4. Il indique à cet égard que s’il pouvait bien quitter la Belgique et se rendre dans tout pays l’y autorisant sur présentation de sa seule carte d’identité, cela n’exclurait pas l’existence d’une ingérence, étant donné qu’il n’a pas été en mesure de se rendre dans n’importe quel autre pays de son choix.
44. Le requérant soutient que si l’ingérence dans l’exercice de son droit protégé par l’article 2 du Protocole no 4 était effectivement prévue par la loi, il ne lui a pas été possible d’en contester concrètement la validité car, n’ayant pas eu accès au rapport de l’OCAM du 26 février 2016, il a dû se limiter à contester la proportionnalité de la décision de refus à partir d’arguments généraux et abstraits. Il indique ensuite que, ayant été fondée sur le rapport de l’OCAM du 26 février 2016, la décision de refus a été rendue le 7 janvier 2017, soit près d’un an après l’établissement dudit rapport. Son évolution personnelle entre les deux dates n’aurait donc pas été prise en compte.
45. Le requérant soutient qu’il disposait de sa carte d’identité avec laquelle il lui était permis de voyager dans des pays tels que la Turquie, ce qui rendait le motif du refus d’octroi d’un passeport théorique. De surcroît, il affirme que le refus litigieux n’était assorti d’aucune limite temporelle. Tout en reconnaissant qu’il conservait toujours la possibilité d’introduire une nouvelle demande de passeport à tout moment, il avance que rien n’indiquait qu’une nouvelle demande ne serait pas refusée pour les mêmes motifs. Il précise que, dans le cadre de son sursis probatoire, le tribunal correctionnel n’a pas prévu de conditions qui imposeraient le retrait d’un passeport ou l’interdiction de voyager vers l’une ou l’autre destination.
46. Constatant que le rapport de l’OCAM du 26 février 2016 a été produit devant la Cour plus de sept ans après son établissement, le requérant soutient que ce document aurait dû lui être communiqué lors de la procédure menée devant le Conseil d’État.
47. En ce qui concerne le contenu dudit rapport, le requérant ajoute que, mis à part les faits pour lesquels il a été condamné et a purgé sa peine, ce rapport apporte en réalité peu d’information. À propos de l’affirmation selon laquelle il « aurait de surcroît émis le souhait de retourner au jihad », le requérant avance que l’utilisation du conditionnel ainsi que l’absence de tout élément factuel ou de contexte ne permettent pas de considérer cet élément comme étant une information objective, fiable et sensible. Quant à la reprise de contact avec son frère « dont certains éléments laissent à penser que [celui-ci] a joué un rôle important dans le processus de radicalisation » du requérant, l’intéressé soutient qu’il n’apparaît pas anormal qu’une personne soit en contact avec son frère et que cela ne dit rien de la réalité de cette relation. Enfin, concernant l’affirmation selon laquelle le personnel du centre de revalidation avait constaté que l’intéressé se trouvait toujours dans un état d’esprit de radicalisation, l’intéressé indique qu’il s’agit d’une information vague ne présentant aucun élément factuel concret.
48. Le requérant allègue que le Conseil d’État n’a pas motivé sa décision en expliquant en quoi la confidentialité de ce document était nécessaire. Son arrêt se bornerait à acter la demande de confidentialité et à constater qu’il s’agissait d’un document classifié, sans se prononcer sur la pertinence d’une telle classification ce qui, selon le requérant, constitue un premier manquement.
49. Renvoyant ensuite aux arrêts Liou c. Russie (no 42086/05, § 62, 6 décembre 2007) et Muhammad et Muhammad c. Roumanie ([GC], no 80982/12, § 151, 15 octobre 2020), le requérant soutient qu’il appartient aux autorités nationales, dans toute la mesure compatible avec la préservation de la confidentialité et la bonne conduite des investigations, d’informer les intéressés de la substance des reproches dont ils ont fait l’objet. Il s’appuie également sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 4 juin 2013, C-300/11, ZZ, points 56-57).
50. Dans ses observations complémentaires, le requérant confirme qu’il avait la possibilité de consulter le courriel de l’OCAM du 8 décembre 2016 et la note interne du SPF Affaires étrangères du 20 décembre 2016 (paragraphes 8 et 9 ci‑dessus) au greffe du Conseil d’État avant que l’auditeur du Conseil d’État ne les soustraie également à la consultation.
b) Le Gouvernement
51. Le Gouvernement soutient que, quand bien même le refus de délivrer un passeport ayant entraîné l’impossibilité de voyager puisse constituer une mesure restrictive de la liberté de circulation, la situation du requérant dans le cas d’espèce doit être nuancée. Il estime que la non-délivrance du passeport est, dans le contexte belge et celui de Schengen, une mesure bien moins restrictive de liberté que celle prise par les autorités bulgares dans l’affaire Stamose précitée à laquelle renvoie le requérant. Il précise que l’intéressé n’était pas empêché de quitter le territoire belge pour se rendre dans un État qui n’exigeait qu’une simple carte d’identité de sorte qu’un court séjour dans des pays limitrophes ait été possible. Il ajoute qu’un long séjour restait à l’inverse impossible en raison des conditions du sursis probatoire imposées au requérant, qui nécessitait sa présence sur le territoire belge. Il invite dès lors la Cour à considérer que la non‑délivrance du passeport n’a, en l’espèce, pas constitué une ingérence dans l’exercice du droit du requérant au sens de l’article 2 § 2 du Protocole no 4.
52. En tout état de cause, le Gouvernement soutient que l’ingérence était prévue par la loi, à savoir le deuxième alinéa de l’article 65 du code consulaire, qu’elle poursuivait le but légitime de protection de sécurité nationale et de sûreté publique et qu’elle était nécessaire dans une société démocratique au vu de la marge d’appréciation dont disposent les autorités nationales pour juger de la nécessité de la restriction. Il indique que le requérant avait été condamné à une peine d’emprisonnement de quatre ans pour participation à une activité d’un groupe terroriste un peu plus d’un an avant l’établissement par l’OCAM du rapport du 26 février 2016 et plus de deux ans avant l’adoption par le SPF Affaires étrangères de la décision du 9 janvier 2017. Le sursis probatoire d’une durée de cinq ans qui lui était applicable était assorti, précise-t-il, de nombreuses conditions qui limitaient singulièrement ses déplacements puisqu’il devait notamment être suivi régulièrement par un assistant de justice et se soumettre à une guidance psychologique et/ou religieuse pendant au moins deux ans. La présence du requérant sur le territoire était donc nécessaire et un long voyage à l’étranger n’était pas permis.
53. Le Gouvernement souligne ensuite que le requérant a également fait état de sa volonté de se rendre au Congo pour y retrouver des proches. Or ce serait vraisemblablement à l’occasion d’un voyage en République démocratique du Congo que le requérant aurait « disparu » pour rejoindre un groupe terroriste en Syrie, comme l’a exposé le tribunal de première instance dans son jugement du 6 novembre 2015.
54. Renvoyant en outre au contenu du rapport de l’OCAM du 26 février 2016, le Gouvernement soutient que les éléments y figurant étaient contemporains à la demande du requérant et qu’il ne s’agissait pas uniquement d’éléments déduits de sa condamnation passée. Pour le Gouvernement, la restriction de mouvement découlant de la non-délivrance du passeport était donc parfaitement nécessaire à la protection de la sécurité nationale et était proportionnelle au but poursuivi.
55. Le Gouvernement rappelle qu’en mai 2021 et à la suite d’un avis favorable émis par l’OCAM, le ministre a accueilli la nouvelle demande de délivrance d’un passeport introduite par le requérant. Par conséquent, la décision initiale de refus n’aurait duré que pendant la période où elle était rendue nécessaire pour les raisons susmentionnées.
56. Quant au contrôle exercé par les juridictions nationales sur la nécessité de l’ingérence, le Gouvernement renvoie à l’arrêt SA Patronale hypothécaire c. Belgique (no 14139/09, §§ 23‑25, 17 juillet 2018) pour ce qui est de la compétence du Conseil d’État dans le contentieux d’annulation. Il indique que le contrôle de légalité d’une décision administrative exercé par le Conseil d’État porte notamment sur la conformité des décisions de refus de passeport avec les droits et libertés garantis par la Convention et ses Protocoles additionnels.
57. S’appuyant sur les arrêts Kaushal et autres c. Bulgarie (no 1537/08, 2 septembre 2010) et Muhammad et Muhammad, précité, quant à la portée du contrôle attendu d’une juridiction indépendante, le Gouvernement allègue qu’en l’espèce, le Conseil d’État a pu prendre connaissance de l’avis confidentiel motivé – désormais déclassifié – de l’OCAM du 26 février 2016 sur la base duquel la décision de refus de délivrance d’un passeport a été rendue, et que c’est à la lumière de cet avis que le Conseil d’État a ainsi reconnu la légalité de la décision du ministre, correctement motivée par des justifications liées à la sécurité nationale et à la sûreté publique. Il estime que la circonstance que cet avis fût demeuré confidentiel et n’ait pas été communiqué au requérant était quant à elle justifiée au vu du risque pour la sécurité publique et pour les personnes impliquées dans l’établissement de cet avis.
58. À titre subsidiaire, le Gouvernement souligne que la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs prévoit en son article 4 des exceptions à l’obligation de motiver notamment lorsque l’indication des motifs de l’acte peut compromettre la sécurité extérieure de l’État ou porter atteinte à l’ordre public. Pour le Gouvernement, l’exception prévue implique non seulement la non‑communication du rapport de l’OCAM du 26 février 2016, mais aussi la non‑communication de son contenu, sinon elle serait vide de sens.
59. Le Gouvernement indique que le requérant a eu, dans le cadre de la procédure menée devant le Conseil d’État, accès au courriel de l’OCAM du 8 décembre 2016 et à la note interne établie le 20 décembre 2016 par le SPF Affaires étrangères (paragraphes 8 et 9 ci‑dessus) – avec les noms des intervenants rayés pour des raisons de sécurité. Il estime qu’à partir de ces pièces, il pouvait aisément en déduire que le passeport lui avait été refusé dès lors qu’il figurait sur la liste « Passban », qu’il y avait un risque de retour, de l’intéressé, en Syrie et qu’un drapeau de Daesch avait été trouvé à son domicile. Pour le Gouvernement, le requérant n’était donc pas uniquement en possession d’éléments « généraux et abstraits » mais bien d’éléments individualisés quant à la motivation du refus de délivrance d’un passeport.
60. Dans ses observations complémentaires, le Gouvernement décrit la procédure relative à l’examen des demandes de passeport régie par les articles 50 à 67 du code consulaire, tels qu’en vigueur à l’époque des faits. Il indique qu’en pratique lorsqu’une personne est inscrite sur la liste « Passban », en vertu de l’article 63 du code consulaire, la demande de passeport introduite par elle après une telle inscription est automatiquement bloquée par le logiciel avec la mention « signalé Passban ». Lorsque le SPF Affaires étrangères est confronté à cette situation, il vérifie toujours directement le dossier numérique ainsi que le dossier papier si nécessaire. Si la personne est inscrite sur la liste « Passban » sur la base d’une demande extérieure au SPF Affaires étrangères, celui-ci consulte toujours les autorités émettrices du signalement, dont l’OCAM. Si l’OCAM ou un autre service de renseignements informe le SPF Affaires étrangères que la personne visée par la demande en question présente toujours un risque ou une menace substantiels pour l’ordre public ou la sécurité publique, cette personne restera inscrite sur la liste « Passban » et la demande de passeport serait immédiatement refusée par le SPF Affaires étrangères. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de soumettre le dossier au ministre, étant donné que l’avis initial n’a pas été modifié. L’OCAM est toujours consulté dans cette procédure et son avis est toujours suivi.
2. Appréciation de la Cour
61. La Cour rappelle que la liberté de circulation, telle que reconnue aux paragraphes 1 et 2 de l’article 2 du Protocole no 4, a pour but d’assurer le droit, garanti à toute personne, de circuler à l’intérieur du territoire dans lequel elle se trouve ainsi que de le quitter, ce qui implique le droit, pour la personne concernée, de se rendre dans tout pays de son choix acceptant de l’accueillir (Baumann c. France, no 33592/96, § 61, CEDH 2001-V (extraits), et De Tommaso c. Italie [GC], no 43395/09, § 104, 23 février 2017).
62. Cette liberté ne confère pas un droit absolu à quitter le territoire. Ce droit peut être restreint ou subordonné au respect de conditions formelles telles que l’obtention d’un document de voyage ou d’un visa. Les obligations afférentes au respect de ce droit incombent aux États contractants (S.E. c. Serbie, no 61365/16, § 47, 11 juillet 2023).
a) Sur l’existence de l’ingérence
63. En l’espèce, la Cour estime que la non-délivrance du passeport au requérant s’analyse en une ingérence dans son droit protégé par l’article 2 § 2 du Protocole no 4 (S.E. c. Serbie, précité, § 75, avec les références qui y sont citées). En effet, nonobstant le fait que, comme le souligne le Gouvernement (paragraphe 51 ci‑dessus), le requérant avait la possibilité de quitter la Belgique pour se rendre dans les pays de l’espace Schengen ainsi que dans tout autre pays qui n’exigeait qu’une simple carte d’identité, la non‑délivrance du passeport en question empêchait l’intéressé de se rendre dans tout pays de son choix (voir, dans le même sens, L.B. c. Lituanie, no 38121/20, § 81, 14 juin 2022).
64. La Cour doit donc déterminer si l’ingérence était « prévue par la loi », poursuivait un ou plusieurs des buts légitimes définis à l’article 2 § 3 du Protocole no 4, et si elle était « nécessaire dans une société démocratique » à la réalisation d’un tel but ou de tels buts.
b) Sur la légalité de l’ingérence et la légitimité des buts poursuivis
65. La Cour constate tout d’abord qu’il ne prête pas à controverse entre les parties que l’ingérence litigieuse reposait sur une base légale, à savoir le deuxième alinéa de l’article 65 du code consulaire en vigueur au moment des faits (paragraphe 32 ci‑dessus). Elle constate que cette disposition permettait aux autorités nationales de refuser la délivrance d’un passeport ou d’un titre de voyage belge si le demandeur présentait manifestement un risque substantiel pour l’ordre public ou la sécurité publique. Elle note que le requérant ne remet en cause ni la clarté, ni la prévisibilité de cette disposition, ni celles du cadre règlementaire prévu pour son application en pratique, tel que décrit par le Gouvernement (paragraphe 60 ci‑dessus). Dans ces circonstances, bien que la Cour nourrisse certaines interrogations quant à l’identité des autorités compétentes susceptibles d’émettre un avis et les conditions dans lesquelles ces avis doivent, le cas échéant, être émis, elle n’a pas de raisons de remettre en cause proprio motu le constat des parties selon lequel l’ingérence était « prévue par la loi » au sens de l’article 2 § 3 du Protocole no 4.
66. La Cour note ensuite que le requérant n’a pas non plus contesté la légitimité des buts de l’ingérence litigieuse invoqués par le Gouvernement. Elle admet à son tour que celle‑ci poursuivait les buts légitimes de la protection de sécurité nationale et de sûreté publique, au sens de l’article 2 § 3 du Protocole no 4 (voir, dans le même sens, Mørck Jensen c. Danemark, no 60785/19, § 64, 18 octobre 2022).
c) Sur la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique
67. La Cour rappelle qu’une ingérence dans la liberté de circulation est considérée comme « nécessaire dans une société démocratique » pour atteindre un but légitime si elle répond à un « besoin social impérieux » et, en particulier, si elle est proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants » (Khlyustov c. Russie, no 28975/05, § 84, 11 juillet 2013, et Pagerie c. France, no 24203/16, § 193, 19 janvier 2023). Les autorités nationales compétentes disposent à cet égard d’une certaine marge d’appréciation (Pagerie, précité, § 193).
68. Il découle du principe de proportionnalité qu’une mesure restreignant la liberté de circulation ne se justifie qu’aussi longtemps qu’elle tend effectivement à la réalisation de l’objectif qu’elle est censée poursuivre (Riener c. Bulgarie, no 46343/99, § 122, 23 mai 2006, avec la référence qui y est citée, Gochev c. Bulgarie, no 34383/03, § 49, 26 novembre 2009, et Timofeyev et Postupkin c. Russie, nos 45431/14 et 22769/15, § 133, 19 janvier 2021).
69. S’il appartient aux autorités nationales de juger les premières si toutes ces conditions se trouvent remplies, il revient à la Cour de trancher en définitive la question de la nécessité de l’ingérence au regard des exigences de la Convention (Khlyustov, précité, § 84).
70. Les mesures de nature préventive doivent être fondées sur des éléments concrets et réellement révélateurs de la persistance du risque dont elles visent à éviter la réalisation (Pagerie, précité, § 194 ; voir aussi Nalbantski, précité, § 65, et Vlasov et Benyash c. Russie, nos 51279/09 et 32098/13, § 34, 20 septembre 2016).
71. La nature et la gravité du risque qu’une mesure préventive vise à combattre constituent toujours des facteurs importants dans l’appréciation de sa proportionnalité. De telles mesures doivent être fondées sur des éléments concrets et réellement révélateurs de l’actualité du risque dont elles visent à éviter la réalisation. Les mesures préventives individuelles doivent être adoptées, eu égard au comportement ou aux actes de la personne concernée, à la suite d’une évaluation individuelle et circonstanciée du risque considéré. Cette évaluation peut notamment porter sur les antécédents de la personne concernée, mais aussi sur son degré d’appartenance à un mouvement considéré comme dangereux ou sur son comportement en société (Domenjoud c. France, nos 34749/16 et 79607/17, § 104, 16 mai 2024).
1. Quant aux motifs fondant la décision de refus litigieuse
72. En l’espèce, la Cour constate que le SPF Affaires étrangères a transmis la demande de passeport introduite par le requérant à l’OCAM « pour accord » et que cet organe, dans son courriel du 8 décembre 2016, s’est opposé à la désinscription du requérant de la banque de données « Passban » (paragraphe 8 ci‑dessus). L’OCAM a motivé son opposition en faisant référence à deux éléments : premièrement, l’existence d’une note de la Sûreté de l’État (VSSE) du 2 décembre 2015 qui mentionnait que le requérant figurait parmi les personnes susceptibles de retourner en Syrie au vu de son signalement en tant qu’ancien combattant djihadiste ; et deuxièmement, l’information sur une visite de contrôle de la police effectuée au domicile du requérant le 18 février 2016 au cours de laquelle un drapeau de Daesch avait été trouvé.
73. La Cour estime que ces éléments tenant à la présence d’un drapeau de Daesch au domicile du requérant et à un risque d’un retour en Syrie pouvaient être pris en considération par les autorités belges compétentes. Elle note que le requérant ne conteste d’ailleurs pas l’exactitude de ces informations. Elle relève à cet égard que, dans le cadre de sa libération sous conditions ordonnée à la suite de sa condamnation pour participation aux activités d’un groupe terroriste, le requérant s’est vu imposer plusieurs conditions dont un certain nombre visaient à inhiber le radicalisme islamiste ou djihadiste dans son chef ainsi qu’à prévenir les contacts avec les milieux islamistes radicaux (paragraphe 5 ci‑dessus).
74. La Cour relève ensuite que les motifs invoqués par le SPF Affaires étrangères pour refuser la demande de passeport ressortent également de la note interne de ce service du 20 décembre 2016 (paragraphe 9 ci‑dessus). Dans cette note, le SPF Affaires étrangères a tenu compte de l’inscription, en date du 1er octobre 2011, du nom du requérant dans la banque de données « Passban » et de l’invalidation du passeport de l’intéressé effectuée le 18 décembre 2014 à la demande de l’OCAM. La Cour constate que la note interne en question ne contient pas de détails quant aux raisons ayant justifié l’inscription du requérant dans la banque de données « Passban » en 2011 ni quant à celles ayant conduit à l’invalidation de son passeport en 2014. Devant la Cour, ni le Gouvernement ni le requérant n’ont commenté lesdites mesures. Le requérant n’a pas allégué qu’il n’en avait pas été informé.
75. La Cour constate que cette note interne du SPF Affaires étrangères du 20 décembre 2016 a fait également référence au rapport de l’OCAM du 26 février 2016 (paragraphe 31 ci‑dessus). Elle observe que tous les éléments évoqués dans ledit rapport étaient aussi liés à la participation du requérant aux activités d’un groupe terroriste. Alors que l’intéressé conteste l’objectivité et la fiabilité d’une partie de ces informations (paragraphe 46‑47 ci‑dessus), la Cour note qu’il ne remet en cause ni leur provenance ni le fait qu’il faisait l’objet d’un suivi par divers services de l’État, y compris dans le cadre du sursis probatoire de sa peine d’emprisonnement. Il n’a pas non plus remis en question devant la Cour l’objectivité de l’information relative à ses activités de prosélytisme en prison.
76. Eu égard à ce qui précède, la Cour considère que les motifs invoqués pour justifier la mesure litigieuse étaient pertinents et suffisants.
2. Quant à la portée et à la durée de la restriction
77. La Cour note, s’agissant de la portée du refus litigieux, que le requérant pouvait quitter le territoire belge pour se rendre dans les pays qui n’exigeaient qu’une simple carte d’identité, notamment dans les pays de l’espace Schengen. La non‑délivrance du passeport au requérant constituait, en ce sens, une mesure moins restrictive par rapport à une mesure prise dans une situation où l’absence d’un document de voyage rendait impossible la sortie du territoire national (S.E. c. Serbie, précité, § 78) et beaucoup moins restrictive par rapport à l’interdiction de quitter son lieu de résidence (Hristov c. Bulgarie (déc.), no 32461/02, 3 avril 2009).
78. Quant à la durée de la mesure litigieuse, la Cour observe que le refus d’octroi de passeport n’était assorti d’aucune limite temporelle (paragraphe 45 ci‑dessus). Elle constate que le deuxième alinéa de l’article 65 du code consulaire ne prévoyait pas dans quelles conditions la mesure de refus de passeport pouvait être levée. S’il est préférable que la portée temporelle de la mesure soit délimitée par la loi (voir, dans ce sens, Rotaru c. République de Moldova, no 26764/12, § 27, 8 décembre 2020), la Cour note en même temps que le requérant gardait la possibilité de soumettre une nouvelle demande de passeport sans qu’il y ait eu un délai minimum avant l’introduction d’une telle demande (comparer avec Timofeyev et Postupkin, précité, § 136). Dans son arrêt du 24 mai 2018, le Conseil d’État a expressément indiqué que la décision litigieuse ne revêtait pas une portée définitive et que rien n’excluait qu’une nouvelle demande pût connaître un sort différent à l’avenir (paragraphe 27 ci‑dessus).
79. La Cour note à cet égard que le requérant a obtenu un nouveau passeport le 27 mai 2021. Elle relève que les parties sont en désaccord quant au nombre de demandes de passeport introduites par le requérant (paragraphes 28‑30 ci-dessus). Le requérant prétend avoir introduit deux demandes en 2019 et en 2020, tandis que le Gouvernement indique qu’il a été fait droit en 2021 à la seule demande introduite par le requérant. La Cour constate que le requérant n’a pas produit d’éléments en appui à ses allégations. À supposer même qu’en dépit de cette controverse, il faille suivre les prétentions du requérant, la Cour relève qu’il n’est pas établi que la durée de la limitation imposée à la liberté de circulation du requérant était excessive eu égard aux motifs présidant au précédent refus.
3. Quant au contrôle juridictionnel de la mesure litigieuse et aux garanties procédurales
80. La Cour constate qu’en l’espèce, dans le cadre de son recours introduit devant le Conseil d’État contre la décision du 9 janvier 2017, le requérant a bénéficié d’un contrôle juridictionnel de la mesure prise contre lui, qui portait tant sur la légalité que sur la proportionnalité de celle-ci. Elle observe en outre que le Conseil d’État a eu accès à l’ensemble du dossier administratif, y compris aux pièces confidentielles provenant de l’OCAM (paragraphes 20‑27 ci‑dessus).
81. La Cour rappelle que, si l’utilisation d’informations confidentielles peut se révéler inévitable dans les affaires où la sécurité nationale est en jeu, cela n’implique pas que les autorités nationales échappent à tout contrôle des tribunaux internes dès lors qu’elles affirment que l’affaire touche à la sécurité nationale et au terrorisme (Pagerie, précité, § 206, et les arrêts auxquels il est fait référence). Dans une société démocratique régie par l’État de droit, le contrôle de la légalité des mesures préventives restreignant certains droits fondamentaux par une autorité juridictionnelle indépendante ayant accès à l’intégralité du dossier constitué par l’organe compétent en matière de sécurité nationale, y compris aux documents classifiés, est une garantie de poids pour assurer que les mesures fondées sur des informations confidentielles et mises en cause par des personnes qui en subissent les conséquences respectent les exigences de la Convention (Avis consultatif sur le refus d’autoriser une personne à exercer la profession d’agent de sécurité ou de gardiennage en raison de sa proximité avec un mouvement religieux ou de son appartenance à celui-ci, demande no P16‑2023-001, Conseil d’État belge, § 111, 14 décembre 2023).
82. La Cour a déjà estimé que la possibilité pour le Conseil d’État d’avoir accès aux documents classifiés, notamment d’un dossier constitué par la Sûreté de l’État, apparaît comme une mesure permettant à cette juridiction d’exercer un contrôle effectif de l’acte attaqué (ibidem, § 112).
83. La Cour observe que, selon le Gouvernement, le requérant a eu, dans le cadre de la procédure menée devant le Conseil d’État, accès au courriel de l’OCAM du 8 décembre 2016 et à la note interne établie le 20 décembre 2016 par le SPF Affaires étrangères (paragraphes 73‑75 ci‑dessus). Dans ses observations, le requérant ne conteste pas avoir eu accès à ces pièces (paragraphe 50 ci-dessus). En l’absence d’indication contraire dans le dossier mis à sa disposition, la Cour considère que le requérant a choisi de ne pas contester ces éléments (comparer avec Domenjoud, précité, § 128).
84. Quant aux éléments contenus dans le rapport de l’OCAM du 26 février 2016 auxquels le requérant n’a pas eu accès, la Cour rappelle avoir considéré que ceux‑ci étaient liés à la participation de l’intéressé aux activités d’un groupe terroriste (paragraphe 75 ci‑dessus), tout comme ceux figurant dans le courriel de l’OCAM du 8 décembre 2016 et dans la note interne du SPF Affaires étrangères du 20 décembre 2016 (paragraphes 72 à 74 ci‑dessus), et auxquels l’intéressé a eu la possibilité d’avoir accès lors de la procédure devant la Conseil d’État (paragraphe 83 ci‑dessus). Dans ces circonstances, la Cour estime que le requérant s’est vu communiquer la substance des motifs fondant le refus de passeport litigieux et que l’impossibilité pour l’intéressé d’accéder au rapport de l’OCAM du 26 février 2016 n’a pas porté atteinte à la substance même de ses droits procéduraux au titre de l’article 2 du Protocole no 4. La Cour renvoie par ailleurs à son constat fait sur le terrain de l’article 13 de la Convention aux paragraphes 105‑106 ci‑dessous quant au défaut du requérant de faire usage de tous les moyens à sa disposition dans le droit interne pour contester la confidentialité du rapport de l’OCAM du 26 février 2016.
d) Conclusion
85. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent et compte tenu de la marge d’appréciation reconnue aux autorités, la Cour estime que la mesure prise contre le requérant, à savoir la non-délivrance d’un passeport, n’était pas disproportionnée aux buts poursuivis.
86. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 2 du Protocole no 4.
3. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
87. Le requérant se plaint d’avoir été privé d’un recours effectif pour faire valoir son droit protégé par l’article 2 du Protocole no 4 dans la mesure où il n’a pas pu accéder au rapport de l’OCAM du 26 février 2016 pendant la procédure menée devant le Conseil d’État. Il invoque l’article 13 de la Convention, lequel est ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
1. Sur la recevabilité
88. La Cour estime d’emblée que le grief présenté par le requérant sur le terrain de l’article 13 de la Convention est défendable et que cette disposition est dès lors applicable, nonobstant sa conclusion de non‑violation de l’article 2 du Protocole no 4 à laquelle elle est parvenue ci‑dessus. Elle rappelle en effet que l’applicabilité de l’article 13 n’est pas subordonnée à un constat préalable de violation d’une autre disposition de la Convention (Dikaiou et autres c. Grèce, no 77457/13, § 64, 16 juillet 2020).
89. Elle note ensuite que le Gouvernement soutient que les voies de recours internes n’ont pas été épuisées, le requérant ne s’étant pas opposé à la demande de confidentialité du rapport de l’OCAM du 26 février 2016 pendant la procédure menée devant le Conseil d’État.
90. En réponse, le requérant renvoie à l’arrêt Riad et Idiab c. Belgique (nos 29787/03 et 29810/03, § 61, 24 janvier 2008) pour dire qu’il incombe à la partie qui plaide le non-épuisement de démontrer que le recours existait et était effectif.
91. La Cour note que les parties ont exposé des arguments relatifs au non‑épuisement des voies de recours internes sur le terrain de l’article 13 de la Convention. Elle rappelle à cet égard que cette disposition ne peut être interprétée comme exigeant l’existence d’un recours interne pour un grief fondé sous l’angle de l’article 13 lui‑même (Diallo c. République tchèque, no 20493/07, §§ 55‑56, 23 juin 2011). Par conséquent, la Cour se penchera sur lesdits arguments dans le cadre de l’examen du grief sur le fond.
92. Constatant par ailleurs que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
2. Sur le fond
1. Thèses des parties
a) Le requérant
93. Le requérant conteste l’effectivité du recours exercé devant le Conseil d’État. S’appuyant notamment sur l’arrêt Al‑Nashif c. Bulgarie (no 50963/99, § 137, 20 juin 2002), il soutient que la simple possibilité offerte au Conseil d’État de consulter le rapport de l’OCAM du 26 février 2016, sans que cette juridiction organisât un quelconque débat contradictoire sur cette pièce, n’a pas garanti l’effectivité du recours exercé.
94. Le requérant constate que l’État belge se limite à avancer que l’article 87 du règlement général de procédure pourrait être interprété comme offrant une voie de recours contre une demande de confidentialité. Il soutient qu’il ne pouvait aucunement être déduit de l’article 87 que la partie adverse, en l’occurrence le requérant, aurait pu contester formellement la demande de confidentialité déposée par l’État belge. Selon l’intéressé, une lecture littérale de la disposition n’autoriserait pas une telle interprétation et l’État belge ne présente aucune jurisprudence permettant d’affirmer que le Conseil d’État aurait accueilli cette interprétation de la loi.
95. Le requérant soutient qu’à tous les stades de la procédure nationale, il a tenté d’obtenir un accès au rapport de l’OCAM sur lequel la décision attaquée s’appuyait, notamment, en demandant un accès au dossier auprès du SPF Affaires étrangères et en saisissant la Commission d’accès aux documents administratifs. Il a été contraint d’introduire une requête devant le Conseil d’État sans avoir pu au préalable consulter le dossier administratif.
96. Le requérant affirme qu’il a contesté en substance le caractère strictement confidentiel du rapport dans sa requête en annulation devant le Conseil d’État. Notamment, il dit que, dans son deuxième moyen, il a indiqué que la motivation de l’acte attaqué renvoyait exclusivement à une disposition légale sans comporter aucune motivation en fait, et que si une telle motivation existait elle se trouverait dans un document sous-jacent qui ne lui était pas accessible. Il aurait réitéré cet argument dans le mémoire en réplique et dans son dernier mémoire, dans lequel il a rappelé toutes les démarches engagées par lui pour tenter d’accéder au rapport de l’OCAM et a très explicitement regretté qu’aucune communication, même aménagée, de ce rapport n’ait été mise en œuvre par la juridiction saisie.
b) Le Gouvernement
97. Le Gouvernement avance que le Conseil d’État dispose d’une jurisprudence constante permettant à toute partie au litige de contester, au cours de la procédure, le caractère confidentiel d’une pièce déposée par une autre partie. Il indique que l’article 87 de l’arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État (« règlement général de procédure ») ne précise pas le moment où il est statué sur la demande de confidentialité. L’incident lié à la demande de confidentialité est généralement tranché en même temps que le fond de l’affaire sauf si une demande en référé a été préalablement introduite. Le Gouvernement explique que le Conseil d’État opère un examen en deux temps lorsqu’il se trouve face à une demande de confidentialité fondée sur l’article 87 § 2 du règlement général de procédure.
98. Dans un premier temps, le Conseil d’État vérifie que les conditions formelles qui encadrent la demande de confidentialité des pièces ont bien été respectées par la partie qui entend s’en prévaloir. Cette vérification est systématiquement menée par le Conseil d’État, qu’une partie à la cause conteste la demande de confidentialité ou pas.
99. Le second volet d’analyse, n’intervenant que si une partie conteste le caractère confidentiel de certaines pièces, consiste en un examen approfondi exercé par le Conseil d’État à l’occasion duquel une mise en balance des intérêts est effectuée entre le droit protégé par la confidentialité et le respect des garanties du procès équitable, notamment celles de l’égalité des armes et du contradictoire. À la suite de cet examen, le Conseil d’État peut conclure au rejet de la demande de confidentialité – même si elle avait été introduite dans le respect des conditions formelles imposées par l’article 87 § 2 – ou à son maintien total ou partiel (arrêts no 231.690 du 22 juin 2015, no 242.022 du 29 juin 2018 et no 247.233 du 5 mars 2020).
100. Le Gouvernement en déduit que le recours en contestation de la confidentialité de pièces, exercé devant le Conseil d’État, existait et était effectif.
101. Renvoyant à l’arrêt Muhammad et Muhammad précité en ce qui concerne la nature et l’intensité du contrôle exercé par une autorité judiciaire indépendante en cas de restriction apportée aux droits procéduraux des requérants liée à la confidentialité de certaines pièces du dossier, le Gouvernement avance qu’en l’espèce, le requérant n’a pas sollicité du Conseil d’État un tel contrôle alors qu’il en avait la possibilité. Il fait valoir que l’intéressé n’a contesté ni dans son mémoire en réplique, ni dans son dernier mémoire, la demande de la partie adverse de considérer le rapport de l’OCAM du 26 février 2016 comme pièce confidentielle. Si le requérant avait contesté cette demande de confidentialité devant le Conseil d’État, celui-ci aurait dû expressément trancher cette question à la lumière de ses arguments et décider si les motifs invoqués par la partie adverse étaient, en l’espèce, pertinents.
102. Le Gouvernement soutient qu’en réalité, le requérant s’est essentiellement plaint devant le Conseil d’État, dans le cadre de son second moyen, de la motivation de l’acte attaqué dès lors qu’il n’a pas eu accès au rapport de l’OCAM du 26 février 2016. C’est donc à la lumière de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs qu’il a critiqué l’acte attaqué sans se prévaloir d’une méconnaissance de ses droits procéduraux du fait de la confidentialité de certaines pièces du dossier administratif.
2. Appréciation de la Cour
103. La Cour rappelle que, lorsqu’il existe un grief défendable selon lequel un acte des autorités risque de porter atteinte au droit d’un individu découlant de l’article 2 § 2 du Protocole no 4, l’article 13 de la Convention exige que l’ordre juridique national fournisse à la personne concernée une possibilité effective de contester la mesure litigieuse et d’obtenir un examen suffisamment approfondi et offrant des garanties procédurales adéquates des questions pertinentes, de manière à ce que l’intéressé puisse présenter tous les arguments qui ont des incidences sur la nécessité de la mesure (Stamose, précité, § 49). Elle rappelle également que l’ensemble des recours offerts par le droit interne peut remplir les exigences de l’article 13, même si aucun d’eux n’y répond en entier à lui seul (Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, § 69, CEDH 2000‑V).
104. En l’espèce, la Cour relève que le Conseil d’État a eu accès à l’ensemble du dossier administratif du requérant (paragraphe 80 ci‑dessus) et a été en mesure de contrôler l’utilisation des pièces de ce dossier, y compris les pièces confidentielles provenant de l’OCAM, dans la motivation de la décision attaquée (comparer avec Avis consultatif sur le refus d’autoriser une personne à exercer la profession d’agent de sécurité ou de gardiennage en raison de sa proximité avec un mouvement religieux ou de son appartenance à celui-ci, précité, §§ 111-112).
105. Quant à la confidentialité du rapport de l’OCAM du 26 février 2016 devant le Conseil d’État, la Cour relève que, dans le cadre de cette procédure, le requérant ne s’est opposé ni dans son mémoire en réplique ni dans son dernier mémoire (paragraphes 24 et 26 ci‑dessus) à la demande de confidentialité formée par l’État belge dans son mémoire en réponse. Elle n’est pas convaincue par l’argument du requérant consistant à dire qu’il ne lui revenait pas de s’y opposer en l’absence d’indication dans ce sens dans l’article 87 du règlement général de procédure. Elle relève que le requérant n’a élevé aucune objection dans ses écrits de la procédure, alors que rien ne l’en empêchait. Elle prend note à cet égard des arrêts du Conseil d’État auxquels le Gouvernement renvoie dans ses observations (paragraphe 99 ci‑dessus) dont il ressort que certains requérants ont pu s’opposer avec succès aux demandes de confidentialité soumises par les parties adverses.
106. La Cour constate par ailleurs que le requérant n’a pas poursuivi la procédure administrative visant à avoir accès au rapport de l’OCAM du 26 février 2016 (paragraphes 11‑19 ci‑dessus). Elle note que, conformément à l’article 8 § 2 de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration (paragraphe 35 ci‑dessus), le requérant disposait du droit d’introduire un recours en annulation devant le Conseil d’État contre la décision implicite de rejet de sa demande de reconsidération du refus d’accès au dossier administratif introduite le 25 avril 2017 (paragraphe 13 ci‑dessus), ce qui par ailleurs lui a été indiqué par la Commission dans son avis du 2 octobre 2017 (paragraphe 18 ci‑dessus). Or, le requérant n’indique pas s’en être prévalu, sans alléguer l’ineffectivité dudit recours.
107. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que le requérant ne peut prétendre avoir été privé d’un recours effectif pour faire valoir son droit protégé par l’article 2 du Protocole no 4.
108. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 13 de la Convention.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant aux griefs formulés sur le terrain de l’article 2 du Protocole no 4, pris seul et combiné avec l’article 13 de la Convention, et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 2 du Protocole no 4 à la Convention ;
3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 26 juin 2025, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Liv Tigerstedt Ivana Jelić
Greffière adjointe Présidente