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27/03/2025 | CEDH | N°001-242443

CEDH | CEDH, AFFAIRE LATERZA ET D'ERRICO c. ITALIE, 2025, 001-242443


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE LATERZA ET D’ERRICO c. ITALIE

(Requête no 30336/22)

ARRÊT


Art 2 (procédural) • Enquête inefficace • Classement sans suite de la procédure pénale concernant la mort d’un homme d’une possible pathologie d’origine professionnelle suite au refus des autorités nationales de poursuivre l’enquête • Impossibilité d’identifier les responsables des éventuelles violations des mesures de sécurité en raison de la pluralité des supérieurs hiérarchiques rendant impossible la détermination du moment initial du proces

sus causal de la maladie • Impossibilité de remédier à cette situation avec les éléments de preuves existants...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE LATERZA ET D’ERRICO c. ITALIE

(Requête no 30336/22)

ARRÊT

Art 2 (procédural) • Enquête inefficace • Classement sans suite de la procédure pénale concernant la mort d’un homme d’une possible pathologie d’origine professionnelle suite au refus des autorités nationales de poursuivre l’enquête • Impossibilité d’identifier les responsables des éventuelles violations des mesures de sécurité en raison de la pluralité des supérieurs hiérarchiques rendant impossible la détermination du moment initial du processus causal de la maladie • Impossibilité de remédier à cette situation avec les éléments de preuves existants • Pratique des juridictions internes relative à des affaires similaires non suivie en l’espèce • Nécessité d’expliciter les raisons scientifiques et/ou factuelles ou de poursuivre les investigations en vue de recueillir d’autres preuves • Absence d’efforts suffisants des juridictions internes pour établir les faits de la cause • Décision de clôturer l’enquête non dument motivée

Préparé par le Greffe. Ne lie pas la Cour.

STRASBOURG

27 mars 2025

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Laterza et D’Errico c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Ivana Jelić, présidente,
Erik Wennerström,
Georgios A. Serghides,
Raffaele Sabato,
Alain Chablais,
Artūrs Kučs,
Anna Adamska-Gallant, juges,

et de Ilse Freiwirth, greffière de section,

Vu :

la requête (no 30336/22) dirigée contre la République italienne et dont deux ressortissants de cet État, M. C. Laterza et Mme F. D’Errico (« les requérants »), ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 7 juin 2022,

la décision de porter à la connaissance du gouvernement italien (« le Gouvernement ») le grief concernant l’article 2 de la Convention et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus,

les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 mars 2025,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. La requête porte sur le classement sans suite de la procédure pénale intentée par les requérants concernant la mort de leur proche, G.L. Elle soulève des questions sous l’angle de l’article 2 de la Convention, notamment relativement au refus des autorités nationales de poursuivre l’enquête afin d’identifier les responsables du décès et à la motivation de cette décision.

EN FAIT

2. Les requérants sont nés respectivement en 1976 et en 1956 et résident à Pulsano, dans la province de Tarente. Ils ont été représentés par Me L. Esposito, avocat à Tarente.

3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. L. D’Ascia.

4. Les requérants sont respectivement le fils et l’épouse de G.L., qui est décédé le 27 juillet 2010 des suites d’une tumeur pulmonaire. Entre 1980 et 2004, G.L. avait été employé à Tarente par Ilva, une société spécialisée dans la production et la transformation de l’acier. Auparavant, entre 1976 et 1980, il avait été employé à l’usine Briotti, une société de métallurgie.

5. Le 13 février 2015, les requérants déposèrent une plainte contre X auprès du parquet de Tarente pour homicide involontaire, estimant que le décès de leur proche avait été causé par une exposition prolongée à des substances toxiques issues de la production d’acier.

6. Il ressortait de l’expertise médicale jointe à leur plainte que G.L. avait travaillé pendant plusieurs années pour Ilva dans le domaine de la production de fonte et de tuyaux en acier et que, en conséquence, il avait été exposé de façon continue à de l’amiante et à d’autres substances toxiques (benzène, hydrocarbures et dioxines). L’expertise indiquait que toute exposition à des substances de cette nature impliquait un risque tumoral. Elle renvoyait en particulier à des rapports relatifs à l’activité polluante de la société Ilva, dont le rapport SENTIERI (Studio Epidemiologico Nazionale del Territorio e degli Insediamenti Esposti a Rischio Inquinamento), ainsi qu’à une étude épidémiologique réalisée en 2013 par l’Agence sanitaire locale de Tarente, dans lesquels, d’après l’expertise, était mis en évidence, au regard de l’ensemble des individus inclus dans l’étude, un taux plus élevé de tumeurs pulmonaires parmi les personnes résidant à proximité des sites d’émissions nocives. L’expertise concluait qu’à la lumière desdites données, l’existence d’un lien de causalité entre l’activité de l’usine Ilva et les cas de tumeur pulmonaire dans la province de Tarente pouvait être établie, et que ce lien existait a fortiori pour les employés de l’usine en question.

7. Le 19 mars 2015, le procureur demanda au service spécialisé dans la prévention et la sécurité du travail de l’agence sanitaire locale (le « SPESAL ») d’identifier les employeurs de G.L., d’indiquer les fonctions remplies par celui-ci, de fournir son dossier médical et de vérifier les responsabilités pénales éventuelles en lien avec l’apparition ou l’aggravation de la pathologie litigieuse.

8. Le 23 août 2019, le SPESAL déposa son rapport. Il faisait état des missions assurées par G.L. pendant certaines périodes de son activité professionnelle, il relevait cependant que la société Fintecna, précédemment dénommée Ilva, n’avait pas communiqué les informations qui lui avaient été demandées concernant les années de travail de G.L. au sein de l’usine lui appartenant et qu’en conséquence, « le circuit de production (ciclo produttivo) et surtout les activités spécifiques réalisées par G.L. ne pouvaient être reconstitués avec certitude ». De plus, il précisait qu’il n’avait pas été possible d’accéder à la documentation relative aux périodes durant lesquelles G.L. avait travaillé à l’usine Briotti, celle-ci ayant fermé entre-temps.

9. Le rapport indiquait aussi que depuis un décret ministériel du 10 juin 2014, la tumeur pulmonaire faisait partie des pathologies pour lesquelles, en cas d’exposition à l’amiante, l’origine professionnelle était considérée comme hautement probable. Il mentionnait également que G.L. était un ancien fumeur, qu’il avait obtenu, pour la période allant de 1980 à 1992, l’indemnité prévue en cas d’exposition à l’amiante et qu’il ne pouvait être exclu qu’il eût été exposé à des substances cancérogènes pendant son activité à l’usine Briotti. Cependant, l’Institut national d’assurances pour les accidents du travail (l’« INAIL ») n’avait pas reconnu l’origine professionnelle de la pathologie.

10. Il ressort également du rapport du SPESAL que la société Fintecna n’avait pas fourni à celui-ci d’informations quant à une remise d’équipements de protection individuelle aux travailleurs durant la période antérieure à l’année 1995, et que dans une note du 23 septembre 2016, la société Ilva avait indiqué que la recherche de preuves concernant une distribution de matériel de protection individuelle avait eu une issue négative.

11. Le rapport concluait qu’au vu des recherches effectuées, il était impossible d’établir à un niveau raisonnable de certitude l’origine professionnelle de la maladie et d’identifier les responsables d’éventuelles violations des mesures de sécurité, compte tenu de ce que la documentation réunie était insuffisante. En outre, les éléments suivants ressortaient également du rapport : il n’était pas possible d’établir le circuit de production et les activités spécifiques accomplies par G.L. entre 1976 et 1980, ni l’activité professionnelle de celui-ci entre 1980 et 2004 ; il était tout aussi impossible de vérifier si dans les zones concernées des usines en cause les systèmes d’absorption des substances polluantes étaient conformes aux normes générales en matière d’hygiène du travail ; le document d’évaluation des risques rédigé par Ilva datait de 2003 et, en conséquence, les données qu’il contenait étaient sans pertinence s’agissant de l’activité réellement exercée par G.L. entre 1994 (année de l’entrée en vigueur du décret législatif no 626/94 en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs) et 2004 ; enfin, il n’existait aucun document quant à la formation des employés sur les risques spécifiques ou la distribution d’équipements de sécurité.

12. Le 27 août 2019, le procureur requit le classement sans suite de l’affaire, considérant que les éléments recueillis ne prouvaient pas l’origine professionnelle de la maladie qui avait emporté le de cujus et ne permettaient pas « d’identifier les responsables éventuels de violations des règles de sécurité (norme cautelari) ».

13. Le 30 septembre 2019, les requérants firent opposition. Ils demandaient, entre autres, que fût versée au dossier la documentation complète concernant les tâches accomplies par G.L. pendant toute la période d’exposition aux substances cancérogènes, ainsi que les pièces suivantes, relatives à d’autres procédures pénales pendantes dans le cadre de l’exercice de l’action pénale contre plusieurs dirigeants d’Ilva, parmi lesquels ceux qui occupaient de telles fonctions lorsque G.L. travaillait dans l’usine de cette société : les procès-verbaux des auditions des experts, les rapports réalisés par l’Agence régionale pour la protection environnementale (l’« ARPA ») ainsi que les rapports épidémiologiques et chimiques établis dans lesdites procédures. Ils réclamaient également l’audition de plusieurs témoins, collègues de G.L. et médecins, ainsi que la réalisation d’une expertise en vue de la vérification de l’existence d’un lien de causalité entre la pathologie de G.L. et son activité professionnelle et/ou le versement au dossier de documents supplémentaires eu égard, en particulier, aux lacunes que comportait selon eux le rapport du SPESAL.

14. Le 7 février 2022, la juge pour les investigations préliminaires, tout en considérant que, malgré le tabagisme de G.L., l’origine professionnelle de sa pathologie, qui était multifactorielle, ne pouvait être exclue, rejeta la demande des requérants et classa l’affaire sans suite.

15. Se référant aux principes développés par la Cour de cassation, dans l’arrêt no 34341 du 3 décembre 2020 relatif à l’usine Fibronit, en matière de pathologies liées à une exposition à l’amiante (paragraphe 21 ci-dessous), elle estima que compte tenu de la pluralité de personnes qui avaient été successivement en charge de l’application des mesures de sécurité (misure cautelari) au cours de la période litigieuse, il était nécessaire, aux fins de l’établissement d’une responsabilité pénale en l’espèce : « d’identifier le moment initial du processus causal, [dès lors qu’il n’était] pas possible de parvenir à une affirmation indéterminée (indistinta) et globale (massificata) de responsabilité à cause de la difficulté, historique et objective, [que posait] l’individualisation du lien de causalité, difficulté qui – en elle-même – [était] révélatrice de l’impossibilité de dater le moment de l’induction (induzione) ».

16. Elle considéra en outre que les éléments de preuve mentionnés dans l’acte d’opposition des requérants n’étaient pas de nature à modifier cette conclusion du fait de « l’impossibilité, dans un contexte caractérisé par une succession de plusieurs individus assumant le rôle de garant, de déterminer le moment dans lequel la dose dite « déclenchante » (innescante) avait été absorbée par le travailleur et – en conséquence – d’identifier l’individu assumant le rôle de garant par rapport à cette même source de risque à ce moment (...) précis ».

La PRATIQUE INTERNE PERTINENTE

17. À la suite de l’exercice de l’action pénale par le ministère public dans des cas de décès causés par des pathologies liées à une exposition à l’amiante, les juridictions pénales internes ont jugé sur le fond plusieurs affaires de ce type, dont certaines relatives à la société Ilva, dans lesquelles les victimes avaient travaillé dans plusieurs entreprises ou avaient eu pour supérieurs hiérarchiques successifs, au sein d’une même entreprise, plusieurs responsables des mesures de sécurité.

18. Au vu de ces affaires, il apparaît que la question centrale à trancher aux fins de l’établissement de la responsabilité pénale est celle de savoir si les pathologies des travailleurs concernés peuvent être causées par une exposition à l’amiante durant les périodes où les accusés étaient en charge des mesures de sécurité (voir, par exemple, l’arrêt no 34341 de la Cour de cassation du 3 décembre 2020 concernant le décès d’anciens employés de l’usine Fibronit (paragraphe 21 ci-dessous), et l’arrêt no 10209 rendu par la Cour de cassation le 17 mars 2021 dans le procès dit « Montefibre bis »).

19. Il ressort des arrêts en question que deux théories sont appliquées à cet égard. La première, qui est la moins retenue dans la pratique judiciaire interne, est celle dite de la « dose déclenchante » (dose innescante), selon laquelle seules sont prises en considération au titre du lien de causalité les expositions aux substances nocives qui sont considérées comme ayant contribué au déclenchement de la pathologie. La deuxième théorie, qui est la plus répandue dans la jurisprudence interne, est celle dite de la « dose corrélée » (dose correlata), qui a été soutenue dans une étude de 2015 intitulée « III Italian Consensus Conference on Malignant Pleural Mesothelioma » et d’après laquelle, en revanche, les expositions à l’amiante survenues après le déclenchement de la pathologie et lors de la phase dite d’induction de la maladie sont également considérées comme ayant un lien de causalité avec celle-ci, dans la mesure où elles contribuent à en accélérer la progression (« effet accélérateur »).

20. Selon ladite jurisprudence, il échet notamment au juge du fond, à travers une analyse approfondie de la littérature scientifique publiée dans ledit domaine et avec l’aide d’experts qualifiés et indépendants, d’apprécier l’applicabilité des théories existantes en la matière, de retenir la plus pertinente et d’appliquer les principes ainsi identifiés aux circonstances du cas d’espèce, telles qu’elles résultent de l’enquête, afin de déterminer les expositions à la substance nocive qui présentent un lien de causalité avec la pathologie.

21. Dans l’arrêt no 34341 du 3 décembre 2020 relatif au décès d’anciens employés de l’usine Fibronit (précité, paragraphes 15 et 18 ci-dessus), la Cour de cassation a indiqué, au sujet de la théorie dite de la « dose corrélée », ce qui suit :

« (...) en ce qui concerne la causalité générale de l’exposition à l’amiante, la théorie choisie, et accréditée notamment par la III Consensus Conference (...), distingue deux phases successives : celle dite de l’induction (...), dans laquelle toute exposition est pertinente du point de vue du lien de causalité [et celle] de la progression (...), pendant laquelle le processus cancérogène est irréversible et toute exposition subséquente à l’amiante est désormais sans incidence. Le passage d’une phase à l’autre – c’est-à-dire le moment d’achèvement de la phase d’induction et celui après lequel se situe la phase de progression (...) – représente le « failure time », qui marque le moment à partir duquel les expositions ultérieures à l’amiante sont dépourvues d’incidence en termes de causalité.

(...)

Dans le cas où (...) les victimes ont été exposées à l’amiante pendant des périodes prolongées, durant lesquelles plusieurs responsables des mesures de sécurité se sont succédé, et qui comprennent la période où les responsables étaient les accusés, il y a lieu d’établir si cette dernière période correspond entièrement ou en partie à la phase d’induction : la réponse à cette interrogation est strictement liée, d’un point de vue logique, à la possibilité d’attribuer un poids étiologique aux omissions ou actions imputables aux accusées dans ladite phase ».

22. Dans le cadre de la méthodologie établie par la Cour de cassation (paragraphe 20 ci-dessus), les juges du fond ont, dans certains cas, tout bonnement récusé la validité de la théorie dite de la « dose corrélée » ou de l’« effet accélérateur » à l’issue de l’examen des données scientifiques réunies dans le cadre du procès, ou ont en tout cas relevé une absence d’indications scientifiques concernant la durée de la période d’induction. En conséquence, ils ont conclu que le lien de causalité entre les expositions ayant eu lieu pendant la période où les accusés étaient en charge des mesures de sécurité et le décès des victimes ne pouvait pas être établi (voir, par exemple, les arrêts nos 4988 et 4901 rendus par le tribunal de Milan respectivement le 15 juillet 2015 et le 12 mai 2017, ainsi que l’arrêt no 2891 de la cour d’appel de Turin du 12 octobre 2018).

23. Dans d’autres cas, les juges du fond ont en revanche adhéré à la théorie de la « dose corrélée » à l’issue des débats, estimant qu’il était possible de déterminer la période correspondant à la phase d’induction et, partant, les responsables des violations des mesures de sécurité (voir, par exemple, les arrêts de la cour d’appel de Lecce no 563 du 19 septembre 2017, relatif à l’usine Ilva, de la cour d’appel de Turin no 4217/2012 du 21 juillet 2015, rendu dans l’affaire dite « Montefibre bis », et de la cour d’appel de Milan du 21 mars 2019, concernant l’affaire Fibronit).

24. Dans l’arrêt no 10209 du 17 mars 2021 (précité, paragraphe 18 ci‑dessus), la Cour de cassation a en outre précisé qu’il ne lui appartenait pas de privilégier l’une ou l’autre théorie, mais qu’il lui revenait plutôt de vérifier si l’évaluation faite par le juge du fond à l’issue de l’examen des données scientifiques collectées dans la procédure en cause, d’une part, et de leur application au cas d’espèce, d’autre part, était correcte du point de vue méthodologique, autrement dit si la vérification qui avait été faite quant au lien de causalité pouvait être considérée comme rationnelle.

EN DROIT

1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION

25. Les requérants se plaignent du refus des autorités nationales de poursuivre l’enquête sur le décès de G.L., leur reprochant notamment d’avoir classé l’affaire sans suite sans prendre en compte l’expertise qui montrait la corrélation entre la pathologie de G.L. et son exposition aux substances nocives pendant son activité professionnelle. Ils estiment en outre qu’en clôturant l’enquête, les autorités ont renoncé à analyser les preuves qui auraient permis, d’après eux, d’identifier les personnes responsables de l’application des mesures de sécurité au sein de l’usine. Ils invoquent l’article 2 de la Convention qui est ainsi libellé :

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) »

1. Sur la recevabilité

26. Le Gouvernement excipe d’un non-épuisement des voies de recours internes, arguant que les requérants auraient pu introduire une action en dommages et intérêts contre les administrations locales et centrales pour des omissions relatives à la pollution environnementale. Il se reporte, à cet égard, à quatre jugements rendus par le tribunal de première instance de Rome concernant des demandes en réparation formées par des propriétaires d’exploitations agricoles à l’égard de plusieurs administrations publiques relativement à des dommages moral et matériel prétendument causés par la pollution du fleuve Sacco. Le Gouvernement invoque également un arrêt portant sur les activités polluantes d’une usine de traitement des déchets dans lequel la Cour de cassation a estimé que le juge ordinaire était compétent.

27. Les requérants rétorquent que l’article 35 § 1 de la Convention impose l’épuisement des voies de recours pertinentes, adéquates et effectives pour remédier aux violations alléguées de la Convention. Ils expliquent que, dans le cas d’espèce, ils cherchaient non pas à faire valoir des prétentions de caractère civil, mais à obtenir l’engagement de poursuites pénales à l’encontre des responsables du décès de G.L., et soutiennent que la voie pénale représentait dès lors le recours pertinent et adéquat de nature à porter remède aux violations dénoncées. Ils en déduisent qu’ils n’étaient pas tenus d’intenter une procédure civile en dommages et intérêts.

28. La Cour souligne d’emblée que, pour déterminer si une procédure interne constitue, aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention, un recours effectif que les requérants doivent exercer, il faut prendre en considération un certain nombre de facteurs, parmi lesquels le grief du requérant, la portée des obligations que fait peser sur l’État la disposition de la Convention en cause, les recours disponibles dans l’État défendeur et les circonstances particulières de l’affaire (Lopes de Sousa Fernandes c. Portugal [GC], no 56080/13, § 134, 19 décembre 2017).

29. La Cour rappelle ensuite que si une personne a plusieurs recours internes à sa disposition, elle est en droit, aux fins de l’épuisement des voies de recours internes, d’en choisir un susceptible d’aboutir au redressement de son grief principal. En d’autres termes, lorsqu’une voie de recours a été utilisée, l’usage d’une autre voie dont le but est pratiquement le même n’est pas exigé (Nicolae Virgiliu Tănase c. Roumanie [GC], no 41720/13, § 177, et la jurisprudence citée).

30. En l’espèce, il convient tout d’abord de rappeler que le grief des requérants porte précisément sur le refus des autorités internes de poursuivre l’enquête et sur les raisons fondant celui-ci. En tout état de cause, la Cour considère que la voie pénale choisie par les requérants n’est pas apparue déraisonnable aux autorités nationales, qui pendant un laps de temps non négligeable ont jugé qu’il y avait lieu de mener une enquête pénale dans cette affaire. La Cour ne voit donc aucune raison de considérer que les requérants aient agi de manière inappropriée lorsqu’ils ont choisi d’engager une procédure sur le fondement du code de procédure pénale (ibidem, § 176). Par conséquent, elle rejette l’objection du Gouvernement tiré du non-épuisement des voies de recours internes.

31. Constatant de plus que la requête n’est pas manifestement mal fondée ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.

2. Sur le fond
1. Thèse des parties

a) Les requérants

32. Les requérants réitèrent leur grief, soutenant que l’enquête n’a pas été suffisamment approfondie car les autorités internes n’auraient pas tenu compte de l’expertise qui contenait, selon eux, des éléments justifiant la poursuite des investigations. Ils considèrent, en particulier, qu’il n’était pas impossible d’identifier les responsables du décès de leur proche et estiment que lesdites autorités n’auraient pas dû mettre un terme à la procédure, d’autant plus, arguent-ils, que la juge pour les investigations préliminaires n’avait pas exclu l’origine professionnelle de la pathologie du de cujus.

b) Le Gouvernement

33. Le Gouvernement est d’avis que l’enquête a été adéquate et effective. Il expose que le procureur de la République a requis le classement sans suite de l’affaire au motif que les éléments de preuve recueillis n’étaient pas suffisants pour soutenir l’accusation, et argue que les requérants ont eu la possibilité de s’opposer à la décision en question. Il ajoute que leurs arguments ont été par ailleurs dument examinés par la juge pour les investigations préliminaires, et que celle-ci a rejeté l’opposition par une décision qu’il estime adéquate et détaillée, expliquant, à cet égard, qu’elle s’est notamment fondée sur l’absence d’éléments prouvant un lien de causalité entre une exposition du de cujus à des substances nocives lorsqu’il était employé chez Ilva et sa pathologie. Le Gouvernement considère que dans ce contexte, des investigations ultérieures n’auraient pas permis d’obtenir des éléments utiles.

34. De plus, le Gouvernement allègue que, dans des affaires similaires, les autorités ont poursuivi l’enquête, ce qui prouverait qu’elles n’hésitent pas à agir lorsque les éléments de preuve sont suffisants.

35. Selon lui, le classement en l’espèce était dû aux spécificités de l’affaire, lesquelles, soutient-il, ne permettaient pas d’identifier la ou les personnes responsables du décès du de cujus. Il estime par conséquent qu’aucune inertie ne peut être reprochée aux autorités.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

36. La Cour rappelle que l’obligation qui pèse sur l’État de protéger le droit à la vie implique non seulement les obligations positives matérielles, mais aussi l’obligation positive procédurale de veiller à ce que soit en place, pour les cas de décès, un système judiciaire effectif et indépendant. Ce système peut varier selon les circonstances, mais il doit permettre à bref délai d’établir les faits, de contraindre les responsables à rendre des comptes et de fournir aux victimes une réparation adéquate. L’article 2 peut, voire doit dans certaines circonstances, comporter un mécanisme de répression pénale. Par exemple, une enquête de nature pénale s’avère généralement nécessaire lorsque la mort a été infligée volontairement. En cas d’homicide involontaire, on peut juger satisfaite l’obligation relative à l’existence d’un système judiciaire effectif si celui-ci offre aux proches de la victime un recours devant les juridictions civiles, seul ou conjointement avec un recours devant les juridictions pénales, susceptible d’aboutir à l’établissement des responsabilités éventuelles et à l’octroi d’une réparation civile adéquate (Nicolae Virgiliu Tănase, précité, §§ 137 et 157-159, 25 juin 2019 et la jurisprudence citée).

37. Les exigences de l’article 2 incluent, entre autres, que l’enquête soit « approfondie », ce qui signifie que les autorités doivent toujours faire de sérieux efforts pour découvrir ce qui s’est passé, et qu’elles ne doivent pas s’appuyer sur des conclusions hâtives ou mal fondées pour clore l’enquête ou baser leurs décisions (ibidem, § 166). Les autorités doivent prendre toutes les mesures raisonnables en leur pouvoir pour obtenir les preuves relatives aux faits en question. Toute carence de l’enquête affaiblissant la capacité de celle-ci à établir les causes du dommage ou l’identité des responsables risque de ne pas satisfaire à la norme d’effectivité requise (Elena Cojocaru c. Roumanie, no 74114/12, § 113, 22 mars 2016).

38. Il en va de même, en particulier, en matière d’exercice d’activités industrielles dangereuses, où la Cour a jugé que « le système judiciaire exigé par l’article 2 doit être « de nature à assurer la répression pénale des atteintes à la vie du fait d’une activité dangereuse, si et dans la mesure où les résultats des investigations justifient cette répression » (Öneryıldız c. Turquie [GC], no 48939/99, § 94, CEDH 2004-XII). Elle a ensuite rappelé ledit principe dans des affaires dans lesquelles ce qui était en cause n’était pas la responsabilité des autorités mais celle d’un particulier ayant délibérément et inconsidérément transgressé les obligations qui lui incombaient en vertu de la législation applicable (Smaltini c. Italie, (déc.), no 43961/09, §§ 7-8 et 53, 24 mars 2015, et Sinim c. Turquie, no 9441/10, §§ 62-63, 6 juin 2017).

39. La tâche de la Cour consiste donc à vérifier « si et dans quelle mesure les juridictions (...) peuvent passer pour avoir soumis le cas devant elles à l’examen scrupuleux que demande l’article 2 de la Convention, pour que la force de dissuasion du système judiciaire mis en place et l’importance du rôle que celui-ci se doit de jouer dans la prévention des violations du droit à la vie ne soient pas amoindries » (Öneryıldız, précité, § 96, Boudaïeva et autres c. Russie, nos 15339/02 et 4 autres, § 145, CEDH 2008 (extraits), Kolyadenko et autres c. Russie, nos 17423/05 et 5 autres, § 193, 28 février 2012, et Brincat et autres c. Malte, nos 60908/11 et 4 autres, § 121, 24 juillet 2014).

b) Application des principes au cas d’espèce

40. La Cour note que la doléance des requérants porte sur le refus des autorités judiciaires internes de poursuivre l’enquête en raison d’une impossibilité d’identifier les responsables des prétendues violations des mesures de sécurité.

41. Il y a lieu de rappeler que la Cour n’a pas à répondre aux questions de droit interne concernant la responsabilité pénale individuelle, dont l’appréciation relève des juridictions nationales, et il n’entre pas dans ses attributions de rendre des verdicts de culpabilité ou d’innocence à cet égard (Öneryıldız, précité, § 116). Il n’appartient pas davantage à la Cour d’indiquer aux autorités nationales les mesures d’instruction à prendre dans un cas donné (Kotenok c. Russie, no 50636/11, § 77, 23 mars 2021).

42. Dans le cas d’espèce, le rôle de la Cour est d’examiner si les juridictions nationales ont soumis la présente cause à l’examen scrupuleux que demande l’article 2 de la Convention. En d’autres termes, compte tenu de l’objet de la plainte des requérants, il y a lieu d’évaluer si, dans le cadre de la procédure engagée par ceux-ci, les autorités judiciaires ont fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour identifier les responsables des éventuelles violations des mesures de sécurité (Elena Cojocaru, précité, § 113 et, Smaltini, précité, § 56).

43. À cet égard, la Cour relève que les juridictions internes se sont exprimées à maintes reprises, dans les procès relatifs à la responsabilité pénale de dirigeants d’usines dont les ouvriers ont été exposés à l’amiante, sur la question de la pluralité de sujets potentiellement responsables de la violation de normes de sécurité, et qu’elles sont parvenues à des solutions différentes quant à la possibilité de déterminer, dans chaque cas d’espèce, le moment correspondant à l’origine de la maladie et, partant, de se prononcer sur la responsabilité de la personne chargée du respect des mesures de sécurité durant la période considérée (paragraphes 17-24 ci-dessus).

44. L’analyse de ladite jurisprudence montre que, quelle que soit la solution retenue, il échet au juge du fond, afin d’identifier les expositions à la substance nocive qui présentent un lien de causalité avec la pathologie litigieuse, de prendre en considération les études scientifiques existant en la matière, dont il a connaissance grâce à des rapports d’experts établis dans le cadre de la procédure, de se positionner à leur égard et d’appliquer aux faits de l’espèce, tels qu’ils ressortent de l’enquête, les principes ainsi dégagés. À cet égard, la Cour de cassation a pu notamment préciser ce qui suit :

« Il est clair que ce problème ne peut trouver une solution adéquate que dans le cadre de chaque procès, à travers la sélection et l’identification de la théorie scientifique jugée pertinente, par une application correcte des principes sur lesquels elle se fonde et une justification de la solution ainsi dégagée à la lumière des données factuelles qui ressortent des enquêtes effectuées dans le cas d’espèce, [données] auxquelles il faut appliquer lesdits principes » (arrêt no 34341, 3 décembre 2020, précité, paragraphes 15, 18 et 21 ci-dessus). »

45. Or, dans la présente affaire, la procédure pénale entamée par les requérants a été classée sans suite en raison de l’impossibilité de se prononcer quant au moment initial du processus causal, d’une part, et de remédier à cette situation avec les éléments de preuves visés dans l’acte d’opposition des intéressés, d’autre part, du fait de « l’impossibilité, dans un contexte caractérisé par une succession de plusieurs individus assumant le rôle de garant, de déterminer le moment dans lequel la dose dite déclenchante avait été absorbée par le travailleur et – en conséquence – d’identifier l’individu assumant le rôle de garant par rapport à cette même source de risque à ce moment (...) précis » (paragraphe 16 ci-dessus).

46. La Cour note cependant que, contrairement à ce qui est préconisé par la pratique judiciaire interne, la conclusion des autorités nationales ne s’appuyait sur aucune expertise relative aux études scientifiques dans le domaine en cause, ni sur une quelconque explication scientifique ou circonstance propre au cas d’espèce qui aurait empêché de définir la période d’exposition aux substances nocives à retenir au titre du lien de causalité avec la pathologie de G.L. Ainsi, d’une part, constatant que l’ordonnance de classement litigieuse ne rend pas compte du débat scientifique et judiciaire tel qu’il existait alors en la matière, la Cour considère que la juge des investigations préliminaires n’a pas suffisamment explicité la démarche suivie aux fins de la détermination de l’approche scientifique à appliquer dans sa décision. D’autre part, eu égard à l’absence de toute référence aux éléments factuels tels qu’ils ressortaient de l’enquête concernant la situation du de cujus, la Cour ne saurait souscrire à l’argument du Gouvernement selon lequel la décision de classement sans suite trouvait son fondement dans les circonstances spécifiques de l’affaire.

47. À cet égard, la Cour note que, dans leur opposition au classement, les requérants ont demandé le versement au dossier de rapports scientifiques et épidémiologiques établis dans des procédures pénales similaires ainsi que la réalisation d’une expertise concernant l’historique médical et la pathologie de G.L., et qu’un refus leur a été opposé au motif qu’en tout état de cause, le recueil de preuves supplémentaires n’aurait pas permis de déterminer le moment où « la dose dite déclenchante » de la maladie avait été absorbée. Force est de constater, cependant, que tout en estimant que le dossier ne permettait pas de se prononcer concernant le moment initial du processus causal, la juge des enquêtes préliminaires a rejeté la demande tendant à la collecte de nouvelles preuves en vue d’éclaircir le point en cause et elle n’a pas ordonné des enquêtes ultérieures.

48. La Cour relève, par ailleurs, que le rapport soumis par le SPESAL faisait état de plusieurs lacunes dans la reconstitution de la carrière de G.L., dues notamment à une impossibilité d’accéder à des documents propres à clarifier cet aspect de l’affaire (paragraphe 8 ci-dessus).

49. La Cour considère qu’eu égard au caractère lacunaire dudit rapport et aux éléments apportés par les requérants, auxquels par ailleurs aucune référence n’est faite dans l’ordonnance de classement sans suite, il aurait été nécessaire d’expliciter les raisons scientifiques et/ou factuelles de la prétendue impossibilité de déterminer le moment initial du processus causal ou, à défaut, de poursuivre les investigations en vue de recueillir d’autres preuves aux fins de l’établissement, en application de la théorie scientifique choisie, de la période correspondant aux expositions à la substance nocive qui présentaient un lien de causalité avec la pathologie litigieuse, et d’identifier les personnes responsables des mesures de sécurité à ce moment-là. Or, en l’espèce, la décision de classer l’affaire sans suite s’appuie sur un raisonnement circulaire, selon lequel en raison de la pluralité d’individus en charge des mesures de sécurité, il était nécessaire d’identifier le moment initial du processus causal mais que, à cause de cette pluralité, il était impossible d’identifier ledit moment.

50. Il ressort donc de l’ordonnance litigeuse que, en relation avec la difficulté d’individualisation du lien de causalité, la circonstance avancée pour justifier le classement sans suite de l’affaire était la pluralité de chefs ayant eu G.L. sous leur autorité hiérarchique. Néanmoins, la Cour est d’avis que, dans un tel contexte, compte tenu de la jurisprudence interne en la matière et du fait que l’origine professionnelle de la pathologie de G.L. n’avait pas été exclue a priori (paragraphe 14 ci-dessus), la détermination des expositions à la substance nocive qui présentaient un lien de causalité avec la pathologie du de cujus aurait pu faire l’objet d’approfondissements ultérieurs de la part du juge du fond, dans le but d’identifier les responsables d’éventuelles violations des mesures de sécurité.

51. Sans spéculer sur l’issue d’un complément d’enquête et, en particulier, sur les mesures d’instruction qui auraient dû être ordonnées, les éléments qui précèdent, ainsi que le caractère non décisif des arguments invoqués par le Gouvernement permettent à la Cour de conclure que les juridictions internes n’ont pas fait suffisamment d’efforts pour établir les faits de la cause et que la décision de clôturer l’enquête n’a pas été dument motivée. Il s’ensuit que l’enquête n’a pas été effective.

52. À la lumière des considérations ci-dessus, la Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 2 de la Convention sous son volet procédural.

2. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

53. Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

54. Les requérants n’ont pas présenté de demande de satisfaction équitable. En conséquence, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de leur octroyer de somme à ce titre.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 2 de la Convention, sous son volet procédural.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 mars 2025, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

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Ilse Freiwirth Ivana Jelić
Greffière Président


Synthèse
Formation : Cour (premiÈre section)
Numéro d'arrêt : 001-242443
Date de la décision : 27/03/2025
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 2 - Droit à la vie (Article 2-1 - Enquête effective) (Volet procédural)

Parties
Demandeurs : LATERZA ET D'ERRICO
Défendeurs : ITALIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : Esposito, Luigi

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2025
Fonds documentaire ?: HUDOC

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