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06/06/2024 | CEDH | N°001-233996

CEDH | CEDH, AFFAIRE CRAMESTETER c. ITALIE, 2024, 001-233996


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE CRAMESTETER c. ITALIE

(Requête no 19358/17)

ARRÊT


Art 5 § 1 • Privation de liberté • Voies légales • Aliéné • Illégalité établie par la Cour européenne, et reconnue par les juridictions internes, de la détention du requérant dans une structure psychiatrique au-delà de la durée prévue par une loi interne introduite postérieurement au prononcé de la mesure

Art 5 § 5 • Absence de recours pour obtenir réparation pour la période de détention illégale subie

Préparé par le Greffe. Ne lie pas l

a Cour.

STRASBOURG

6 June 2024

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Conv...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE CRAMESTETER c. ITALIE

(Requête no 19358/17)

ARRÊT

Art 5 § 1 • Privation de liberté • Voies légales • Aliéné • Illégalité établie par la Cour européenne, et reconnue par les juridictions internes, de la détention du requérant dans une structure psychiatrique au-delà de la durée prévue par une loi interne introduite postérieurement au prononcé de la mesure

Art 5 § 5 • Absence de recours pour obtenir réparation pour la période de détention illégale subie

Préparé par le Greffe. Ne lie pas la Cour.

STRASBOURG

6 June 2024

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Cramesteter c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Marko Bošnjak, président,
Alena Poláčková,
Krzysztof Wojtyczek,
Lətif Hüseynov,
Ivana Jelić,
Gilberto Felici,
Raffaele Sabato, juges,
et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête (no 19358/17) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet État, M. Fabio Cramesteter (« le requérant »), a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 3 mars 2017,

la décision de porter à la connaissance du gouvernement italien (« le Gouvernement ») les griefs formulés sur le terrain de l’article 5 §§ 1 et 5 de la Convention et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus,

les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 14 mai 2024,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. L’affaire concerne le maintien du requérant dans un hôpital psychiatrique judiciaire et, par la suite, dans une résidence pour l’exécution des mesures de sûreté (« REMS ») au-delà de la durée prévue par une loi interne introduite postérieurement au prononcé de la mesure, ainsi que l’impossibilité de demander réparation pour la violation alléguée de ses droits à cet égard. Le requérant se plaint sous l’angle de l’article 5 §§ 1 et 5 de la Convention.

EN FAIT

2. Le requérant est né en 1970. Il est actuellement détenu à la prison de Florence. Il a été représenté par Mes M.G.C. Passione, avocat à Florence, et M.S. Mori, avocate à Milan.

3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M L. D’Ascia.

4. Le 25 février 2003, le requérant fut condamné en première instance par le tribunal de Florence pour des faits de détention illégale d’armes et de recel.

5. Par arrêt du 20 octobre 2004, la cour d’appel de Florence l’acquitta pour défaut de discernement et de volonté au moment de la commission des délits et, considérant qu’il était dangereux, appliqua la mesure de sûreté de placement dans un hôpital psychiatrique judiciaire pour une durée initiale de deux ans.

1. L’exécution de la mesure de sûreté

6. Le 28 février 2007, le juge de l’application des peines (magistrato di sorveglianza, ci-après « le JAP ») de Milan ordonna le placement du requérant à l’hôpital psychiatrique judiciaire de Reggio Emilia. L’intéressé y fut admis le 21 mars 2007.

7. Au cours des années qui suivirent, la mesure de sûreté fut prorogée plusieurs fois. À une date non précisée, le requérant fut transféré à l’hôpital psychiatrique judiciaire de Montelupo Fiorentino.

8. Entre-temps, le décret-loi no 52 du 31 mars 2014, converti en la loi no 81 du 30 mai 2014 (« la loi no 81/2014 »), ordonna la fermeture, au plus tard à la date du 31 mars 2015, des hôpitaux psychiatriques judiciaires. La loi no 81/2014 introduisit par ailleurs, pour les mesures de sûreté impliquant une restriction de la liberté personnelle, une durée maximale égale à la durée maximale de la peine applicable en cas de condamnation.

9. Par ordonnance du 10 décembre 2014, le JAP de Florence prit note de l’information transmise par le parquet selon laquelle la durée maximale de la mesure de sûreté n’était pas encore atteinte dans le cas du requérant et prorogea la mesure jusqu’au 25 mai 2015. Par la suite, la mesure fut de nouveau prorogée par ordonnances des 8 avril 2015 et 22 avril 2016. En vertu de cette dernière décision, la mesure devait prendre fin le 21 novembre 2016.

10. Le 5 mai 2016, le requérant fut transféré à la REMS de Volterra.

11. Le 8 juillet 2016, le parquet nota que dans le cas du requérant la durée maximale de la mesure de sûreté – correspondant à la durée maximale de la peine applicable pour les délits dont il était accusé – était de huit ans. Constatant que la mesure avait été appliquée le 28 février 2007 (paragraphe 6 ci-dessus), il observa que le terme de cette durée était échu. Il demanda donc au JAP de Pise d’ordonner la libération du requérant.

12. Par décision du 14 juillet 2016, le JAP de Pise, se fondant sur l’arrêt de la Cour de cassation no 23392 de 2015, estima que la règle de la durée maximale introduite par la loi no 81/2014 ne s’appliquait pas de manière rétroactive et déclara la demande irrecevable.

13. À une date non précisée, le requérant saisit le tribunal de l’application des peines (tribunale di sorveglianza, ci-après le « TAP ») de Florence d’un appel contre cette décision. Par ordonnance du 20 septembre 2016, le TAP affirma que la question de la durée maximale relevait de la compétence du parquet, auquel il transmit les actes de la procédure, et il déclara l’appel irrecevable.

14. Le requérant se pourvut en cassation. Par ailleurs, le 21 septembre 2016, il demanda sa libération au parquet de Pise. Celui-ci, cependant, se déclara incompétent et transmit le dossier au JAP.

15. Le requérant s’adressa alors au tribunal de Florence en tant que juge de l’exécution. Par ordonnance du 26 octobre 2016, le tribunal affirma que la règle de la durée maximale introduite par la loi no 81/2014 devait s’appliquer de manière rétroactive afin d’éviter une différence de traitement injustifiée entre des personnes visées par des mesures de sûreté à des moments différents. Il nota que, dans le cas du requérant, le terme de cette durée correspondait à la date du 28 février 2015, si bien que depuis cette date ou, au plus tard, depuis le 31 mars 2015 (c’est-à-dire depuis la mise en œuvre définitive de la réforme des mesures de sûreté), la détention de l’intéressé était illégale. Il ordonna donc la libération immédiate du requérant, laquelle eut lieu le même jour.

2. La procédure en réparation pour détention injuste

16. Le 21 janvier 2017, le requérant entama une procédure en réparation pour détention injuste au sens de l’article 314 du code de procédure pénale (« CPP »). Il soulevait à propos de cet article une question de constitutionnalité, soutenant que même s’il ne mentionnait que les peines et non les mesures de sûreté définitives, les dispositions qu’il énonçait devaient s’appliquer aussi à ces dernières.

17. Par arrêt du 8 juin 2017, la cour d’appel de Florence rejeta la demande. Elle considéra que l’article 314 du CPP était, en principe, applicable aussi aux mesures de sûreté, mais elle estima qu’aucune réparation n’était due si, comme en l’espèce, la détention était devenue injuste à cause d’une loi introduite postérieurement au prononcé de la mesure.

18. Le requérant se pourvut en cassation. Par arrêt du 20 mars 2018, la Cour de cassation considéra que la procédure en réparation prévue par l’article 314 du CPP n’était pas applicable aux mesures de sûreté définitives et débouta le requérant de son pourvoi.

19. À la suite de sa condamnation pour de nouveaux délits commis postérieurement à sa libération, le requérant est détenu depuis 2020 à la prison de Florence.

LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNEs PERTINENTS

1. Les mesures de sûreté

20. Aux termes de l’article 202 § 1 du code pénal (« CP »), les mesures de sûreté « peuvent être appliquées aux seules personnes socialement dangereuses qui ont commis un fait érigé en infraction pénale par la loi ».

21. Les mesures de sûreté peuvent être appliquées à titre provisoire par le juge devant lequel se déroule la procédure pénale (article 206 du CP). Elles peuvent aussi être appliquées à titre définitif dans le jugement sur le fond ou dans une décision y faisant suite (article 205 du CP). Elles ne peuvent être révoquées que si la personne visée a cessé d’être socialement dangereuse (article 207 § 1 du CP). À l’expiration du délai minimal fixé par la loi pour chaque mesure, le juge doit réexaminer la personne qui y est soumise afin de déterminer si elle est encore socialement dangereuse (article 208 du CP).

22. Les mesures de sûreté sont d’ordre soit personnel soit patrimonial. Parmi les premières figure l’internement en hôpital psychiatrique judiciaire (ospedale psichiatrico giudiziario) pour les personnes acquittées en raison d’une maladie mentale ou d’une intoxication chronique par l’alcool ou par les stupéfiants (article 222 du CP).

23. Le décret-loi no 52 du 31 mars 2014 converti en la loi no 81/2014 (entrée en vigueur le 1 juin 2014) a ordonné la fermeture des hôpitaux psychiatriques judiciaires et la création de résidences pour l’exécution des mesures de sûreté (« REMS »). Ces nouvelles structures devaient remplacer les hôpitaux psychiatriques judiciaires aux fins de l’application de la mesure de sûreté prévue par l’article 222 du CP. Le delai fixé pour la mise en œuvre de cette réforme était le 31 mars 2015.

24. La même loi no 81/2014 a par ailleurs introduit (article 8 § 1 quater du décret-loi) la limite de durée suivante :

« Les mesures de sûreté de détention appliquées à titre provisoire ou définitif, y compris l’hospitalisation dans une résidence pour l’exécution des mesures de sûreté, ne peuvent durer plus longtemps que la durée maximale de la peine de détention prévue pour l’infraction commise. »

25. Selon le troisième rapport trimestriel au Parlement sur le programme de fermeture des hôpitaux psychiatriques judiciaires, à la date du 25 mars 2015, 88 personnes avaient été libérées au motif que la durée de leur séjour avait dépassé la nouvelle limite fixée par ladite loi.

26. La Cour de cassation a dit, dans son arrêt no 23392 de 2015, que la nouvelle règle ne s’appliquait pas aux mesures de sûreté adoptées avant son entrée en vigueur.

27. La Cour constitutionnelle a jugé au contraire, dans un obiter dictum de son arrêt no 83 de 2017 (qui concernait une question différente : celle de l’applicabilité aux mesures de sûreté d’un recours en réparation prévu pour les violations de l’article 3 de la Convention ; paragraphe 35 ci-dessous), que la limite de durée s’appliquait également à titre rétroactif aux mesures de sûreté prononcées avant son introduction.

2. La procédure en réparation pour détention injuste

28. L’article 314 du CPP prévoit un droit à réparation pour détention provisoire injuste dans deux cas distincts : lorsque l’accusé est acquitté à l’issue de la procédure pénale sur le fond (injustice dite « substantielle », prévue par l’alinéa 1 de l’article en question) ou lorsqu’il est établi qu’il a été placé ou maintenu en détention provisoire hors des cas établis par la loi (injustice dite « formelle », prévue par l’alinéa 2 dudit article).

29. Dans ses parties pertinentes en l’espèce, l’article se lit comme suit :

« 1. Quiconque est relaxé par un jugement définitif au motif que les faits reprochés ne se sont pas produits, qu’il n’a pas commis les faits ou que les faits ne sont pas constitutifs d’une infraction ou ne sont pas érigés en infraction par la loi a droit à une réparation pour la détention provisoire subie, à condition de ne pas avoir provoqué [sa détention] ou contribué à la provoquer intentionnellement ou par faute lourde.

2. Le même droit est garanti à toute personne relaxée pour quelque motif que ce soit et à toute personne condamnée qui, au cours du procès, a fait l’objet d’une détention provisoire, lorsqu’il est établi par une décision définitive que l’acte ayant ordonné la mesure a été pris ou prorogé alors que les conditions d’applicabilité prévues aux articles 273 et 280 n’étaient pas réunies ».

30. Par son arrêt no 310 de 1996, la Cour constitutionnelle a déclaré cette disposition inconstitutionnelle en ce qu’elle n’était pas également applicable dans le cas d’une peine injuste à raison de l’illégalité de l’ordre d’exécution.

31. Les articles 312 et 313 du CPP réglementent la procédure d’application des mesures de sûreté prononcées à titre provisoire. En particulier, l’article 313, alinéa 4, prévoit ce qui suit :

« Aux fins des appels, la mesure visée à l’article 312 du CPP est assimilée à la détention provisoire. Les dispositions régissant la réparation pour détention injuste s’appliquent. »

32. La Cour de cassation, par ses arrêts nos 5001 de 2009 et 11086 de 2013, a interprété cette disposition dans le sens que le droit à réparation prévu par l’article 314 du CPP est applicable aussi aux mesures de sûreté prononcées à titre provisoire.

3. Autres dispositions pertinentes

33. L’article 2 de la loi no 117 du 13 avril 1988 sur la réparation des dommages causés dans l’exercice de fonctions juridictionnelles et la responsabilité civile des magistrats (« la loi no 117/1988 »), tel que modifié par la loi no 18 du 27 février 2015, énonce ce qui suit :

« 1. Toute personne ayant subi un dommage injustifié en raison d’un comportement, d’un acte ou d’une mesure judiciaire d’un magistrat qui s’est rendu coupable de dol ou de faute grave dans l’exercice de ses fonctions, ou en raison d’un déni de justice, peut agir contre l’État pour obtenir réparation des dommages patrimoniaux et des dommages non patrimoniaux qu’elle a subis.

2. Sans préjudice des paragraphes 3 et 3 bis et des cas de dol, dans l’exercice des fonctions juridictionnelles, l’interprétation des règles de droit et l’appréciation des faits et des preuves ne peuvent pas donner lieu à responsabilité.

3. Sont constitutives d’une faute grave la violation manifeste de la loi et du droit de l’Union européenne, la déformation des faits ou des preuves, l’affirmation d’un fait dont l’existence est incontestablement réfutée par les pièces du dossier ou la négation d’un fait dont l’existence est incontestablement établie par les pièces du dossier, ou l’adoption d’une mesure de précaution personnelle ou réelle en dehors des cas prévus par la loi ou sans motivation.

3 bis. (...) Pour déterminer s’il y a violation manifeste de la loi et du droit de l’Union européenne, il est tenu compte, notamment, du degré de clarté et de précision des règles violées ainsi que du caractère inexcusable et de la gravité de la violation. »

34. L’article 657 du CPP prévoit que, dans la fixation de la peine à purger, le ministère public doit déduire la période de détention provisoire déjà subie pour le même délit ou pour un autre délit. Une période de détention subie à titre de peine peut aussi être déduite en cas de révocation de la condamnation, d’amnistie ou de remise de peine. Le paragraphe 4 dudit article prévoit toutefois ce qui suit :

« 4. En tout état de cause, il n’est tenu compte que de la détention provisoire ou de la peine subies après la commission de l’infraction pour laquelle la peine à exécuter doit être déterminée ».

35. L’article 35 ter de la loi no 354 du 26 juillet 1975 (« la loi sur l’administration pénitentiaire ») prévoit que les détenus victimes d’une violation de l’article 3 de la Convention ont droit à une réparation prenant la forme d’une réduction de leur peine ou d’un dédommagement. Selon l’interprétation de la Cour constitutionnelle dans son arrêt no 83 de 2017, les personnes détenues dans une REMS peuvent aussi se prévaloir de ce droit.

EN DROIT

1. Sur la recevabilité

36. Le Gouvernement soutient que le requérant a perdu la qualité de victime à la suite de l’ordonnance du tribunal de Florence du 26 octobre 2016 ayant ordonné sa libération (paragraphe 15 ci-dessus).

37. Le requérant s’oppose à cette thèse. Il explique qu’il a dû attendre plusieurs mois avant sa libération et qu’il n’a pas obtenu un redressement adéquat pour la période de sa détention qui s’est avérée illégale.

38. La Cour rappelle qu’une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de « victime » que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention (voir, parmi beaucoup d’autres, Rooman c. Belgique [GC], no 18052/11, § 129, 31 janvier 2019 et Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 180, CEDH 2006-V).

39. Elle considère que la question de savoir si le requérant a eu la possibilité d’obtenir une réparation est étroitement liée au fond du grief formulé par lui sur le terrain de l’article 5 § 5. Elle estime donc qu’il y a lieu de joindre cette exception au fond.

40. Le Gouvernement soulève en outre une exception de non‑épuisement des voies de recours internes. Il explique que le requérant a omis d’exercer certains recours internes qui lui auraient permis d’obtenir une réparation pour la détention qu’il avait illégalement subie. Il argue ainsi que la demande en réparation pour détention injuste au sens de l’article 314 du CPP a été introduite tardivement, que l’intéressé n’a pas formé une action en responsabilité contre les magistrats au sens de la loi no 117/88, et qu’il n’a pas demandé une réduction de peine au sens de l’article 657 du CPP (paragraphes 59-61 ci-dessous).

41. Le requérant conteste les arguments du Gouvernement. Il plaide que les voies de recours indiquées n’étaient pas effectives et fait valoir qu’il a, en tout cas, formé un recours au sens de l’article 314 du CPP qui n’a pas abouti à une réparation (paragraphe 18 ci-dessus).

42. La Cour considère là aussi que la question de l’existence d’un recours compensatoire effectif est étroitement liée au fond du grief tiré de l’article 5 § 5, et elle estime donc opportun de joindre l’exception au fond.

43. Enfin, le Gouvernement note à plusieurs reprises que le requérant n’a pas contesté les ordonnances des 10 décembre 2014, 8 avril 2015 et 22 avril 2016 prorogeant sa détention (paragraphe 9 ci-dessus), ce qui a contribué à l’ajournement de sa libération. Pour autant que cet argument puisse être qualifié d’exception de non-épuisement, la Cour estime qu’il doit être rejeté. Elle rappelle en effet, à cet égard, que si un requérant a plusieurs recours internes à sa disposition, il est en droit, aux fins de l’épuisement des voies de recours internes, d’en choisir un susceptible d’aboutir au redressement de son grief principal. En d’autres termes, lorsqu’une voie de recours a été utilisée, l’usage d’une autre voie dont le but est pratiquement le même n’est pas exigé (Nicolae Virgiliu Tănase c. Roumanie [GC], no 41720/13, § 177, 25 juin 2019). En l’espèce, le requérant s’est adressé au tribunal de Florence en tant que juge de l’exécution, démarche qui a conduit à la reconnaissance de l’illégalité de la détention et à la libération de l’intéressé (paragraphe 15 ci-dessus). On ne peut donc pas lui reprocher de ne pas avoir emprunté d’autres voies. Néanmoins, le défaut de diligence dont il a d’abord fait preuve pourra être pris en compte aux fins de la satisfaction équitable (paragraphe 79 ci-dessous).

44. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.

2. Sur le fond
1. Sur la violation alléguée de l’article 5 § 1 de la Convention

45. Le requérant se plaint d’avoir été détenu illégalement à partir du 28 février 2015. Il invoque l’article 5 § 1 de la Convention, qui est ainsi libellé dans ses parties pertinentes :

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (...)

e) s’il s’agit de la détention régulière (...) d’un aliéné (...) ».

1. Arguments des parties

46. Le requérant se plaint de l’irrégularité de son maintien en hôpital psychiatrique, et par la suite en REMS, au-delà du 28 février 2015. Il allègue que cette date correspondait dans son cas au terme de la durée maximale introduite par la loi no 81/2014 pour les mesures de sûreté de détention (paragraphe 24 ci-dessus). Il souligne en outre qu’il incombait aux autorités publiques de vérifier la légalité de son maintien en détention, et soutient qu’on ne peut pas lui reprocher de n’avoir pas demandé sa libération immédiatement après l’entrée en vigueur de la loi no 81/2014.

47. Le Gouvernement, de son côté, note que la mesure visant l’intéressé a été imposée conformément à la loi en vigueur à l’époque et qu’il n’y a dans la Convention aucune disposition dont pouvait résulter l’obligation pour les autorités d’appliquer rétroactivement la loi no 81/2014 aux mesures de sûreté déjà en cours au moment de son introduction. Il rappelle que cette question faisait l’objet d’un conflit jurisprudentiel (paragraphes 26-27 ci-dessus). Il estime que dans ces conditions, le maintien du requérant en détention jusqu’à la décision du tribunal de Florence du 26 octobre 2016 ordonnant sa libération ne peut être considéré comme ayant été illégal. Enfin, le Gouvernement souligne que le requérant n’a pas contesté les ordonnances prorogeant sa détention au-delà de ce que l’intéressé considère comme la durée maximale prévue dans son cas.

2. Appréciation de la Cour

48. La Cour rappelle que toute privation de liberté doit non seulement relever de l’une des exceptions énoncées aux alinéas a) à f) de l’article 5 § 1 mais aussi être « régulière ». En matière de « régularité » d’une détention, y compris l’observation des « voies légales », la Convention renvoie pour l’essentiel à la législation nationale et consacre l’obligation d’en observer les normes de fond comme de procédure (Denis et Irvine c. Belgique [GC], nos 62819/17 et 63921/17, § 125, 1er juin 2021).

49. En exigeant que toute privation de liberté soit effectuée « selon les voies légales », l’article 5 § 1 impose en premier lieu que toute arrestation ou détention ait une base légale en droit interne. Toutefois, ces termes ne se bornent pas à renvoyer au droit interne. Ils concernent aussi la qualité de la loi ; ils la veulent compatible avec la prééminence du droit, notion inhérente à l’ensemble des articles de la Convention. Sur ce dernier point, la Cour souligne qu’en matière de privation de liberté, il est particulièrement important de satisfaire au principe général de la sécurité juridique. Par conséquent, il est essentiel que le droit interne définisse clairement les conditions dans lesquelles une personne peut être privée de liberté et que la loi elle-même soit prévisible dans son application, de façon à remplir le critère de « légalité » fixé par la Convention, en vertu duquel une loi doit être suffisamment précise pour permettre au justiciable – en s’entourant au besoin de conseils éclairés – de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d’un acte déterminé (Khlaifia et autres c. Italie [GC], no 16483/12, §§ 91‑92, 15 décembre 2016, Del Río Prada c. Espagne [GC], no 42750/09, § 125, CEDH 2013, et Denis et Irvine, précité, § 128).

50. Il incombe au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux tribunaux, d’interpréter et d’appliquer le droit interne. Cela étant, dès lors qu’au regard de l’article 5 § 1 l’inobservation du droit interne emporte violation de la Convention, la Cour peut et doit vérifier si le droit interne a bien été respecté (Mooren c. Allemagne [GC], no 11364/03, § 73, 9 juillet 2009 et Pantea c. Roumanie, no 33343/96, § 220, CEDH 2003-VI (extraits)).

51. La Cour a précisé que tout défaut constaté dans une ordonnance de placement en détention ne rend pas la détention elle-même irrégulière aux fins de l’article 5 § 1. Une période de détention est en principe « régulière » si elle se fonde sur une décision de justice. La constatation ultérieure par une juridiction supérieure que le juge a méconnu le droit interne en établissant la décision peut ne pas rejaillir sur la validité de la détention subie dans l’intervalle (Mooren, précité, § 74, et les affaires qui y sont citées).

52. Pour apprécier si l’article 5 § 1 de la Convention a été ou non respecté, il faut établir une distinction fondamentale entre les titres de placement en détention manifestement invalides – par exemple ceux émis par un tribunal en dehors de sa compétence ou dans les cas où la partie intéressée n’a pas été dûment avertie de la date de l’audience – et les titres de détention qui sont prima facie valides et efficaces tant qu’ils n’ont pas été annulés par une juridiction supérieure. Une décision de placement en détention doit être considérée comme étant ex facie invalide si le vice y ayant été décelé s’analyse en une « irrégularité grave et manifeste », au sens exceptionnel indiqué dans la jurisprudence de la Cour. En conséquence, sauf dans les cas où ils constituent une irrégularité grave et manifeste, les vices affectant une décision de placement en détention peuvent être purgés par les juridictions d’appel internes dans le cadre d’une procédure de contrôle juridictionnel (Mooren, précité, § 75, et les affaires qui y sont citées).

53. En l’espèce, nul ne conteste que la détention du requérant avait initialement été imposée conformément à la législation nationale ni que, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi no 81/2014, elle était régulière et justifiée au regard de l’alinéa e) de l’article 5 § 1 de la Convention. En revanche, le requérant allègue que sa privation de liberté ne reposait plus sur une base légale valable à partir du 28 février 2015, date à laquelle la durée maximale de détention prévue par la loi no 81/2014 – correspondant dans son cas à huit ans – était selon lui parvenue à son terme.

54. À cet égard, la Cour note que la loi no 81/2014 a introduit une durée maximale pour les mesures de sûreté de détention (paragraphe 24 ci-dessus). Elle relève en outre que par son arrêt du 26 octobre 2016, le tribunal de Florence, auquel le requérant s’est adressé après plusieurs autres démarches, a considéré que cette disposition était applicable au cas d’espèce, que le terme de la durée maximale avait été atteint en l’occurrence le 28 février 2015, et qu’en conséquence la détention du requérant était illégale à partir de cette date ou, au plus tard, à partir du 31 mars 2015, date prévue pour la mise en œuvre de la réforme des mesures de sûreté (paragraphe 15 ci-dessus).

55. La Cour estime que les arguments avancés par le Gouvernement (paragraphe 47 ci-dessus), qui concernent essentiellement l’interprétation de la loi no 81/2014, ne sont pas de nature à la conduire à s’écarter des conclusions du tribunal national quant à l’illégalité de la détention. Quant au fait que le requérant aurait omis de contester les ordonnances prorogeant sa détention, la Cour ne voit pas comment cette circonstance pourrait affecter l’appréciation de fond relativement à l’illégalité de la détention.

56. Elle estime donc que l’illégalité – reconnue par les juridictions internes – se trouve établie en l’espèce (mutatis mutandis, Pantea, précité, § 223), et elle conclut qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention.

2. Sur la violation alléguée de l’article 5 § 5 de la Convention

57. Le requérant se plaint de n’avoir pas pu obtenir réparation pour la détention illégale qu’il dit avoir subie. Il invoque l’article 5 § 5 de la Convention, lequel est ainsi libellé :

« 5. Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »

1. Arguments des parties

58. Le Gouvernement soutient que le requérant disposait de plusieurs moyens pour obtenir un redressement mais ne les a pas correctement utilisés.

59. En premier lieu, le Gouvernement affirme que la demande en réparation pour détention injuste au sens de l’article 314 du CPP a été introduite par le requérant de manière tardive. D’une part, il affirme que l’intéressé n’a emprunté cette voie qu’après l’introduction de la requête devant la Cour alors que, s’agissant d’un recours effectif, il aurait dû le faire avant. D’autre part, il souligne que le requérant a attendu presque deux ans avant d’introduire une action en reconnaissance de l’illégalité de sa détention et qu’il n’a pas contesté les ordonnances prorogeant la détention. Ces circonstances auraient amené au rejet de la demande formée par le requérant au titre de l’article 314 du CPP.

60. Le Gouvernement affirme, en outre, que le requérant aurait pu introduire une action en responsabilité contre les magistrats pour dol ou faute grave au sens de l’article 2 de la loi no 117/88. Aux fins de démontrer qu’un tel recours était effectif, le Gouvernement cite l’arrêt no 17718 de 2008 de la Cour de cassation, dans lequel cette juridiction, rejetant une demande en réparation pour traitement médical forcé introduite en vertu de l’article 314 du CPP, a mentionné la possibilité d’entamer une action en responsabilité contre les magistrats. Il renvoie en outre à l’arrêt no 5381 de 2023 de la Cour de cassation, dans lequel cette juridiction a reconnu la responsabilité d’un magistrat ayant ordonné une perquisition illégale.

61. Enfin, le Gouvernement soutient que le requérant pouvait demander une réparation sous la forme d’une réduction de peine. Selon lui, en effet, la peine imposée en 2020 pouvait, en vertu de l’article 657 du CPP, être réduite d’une durée équivalente à celle de la détention injustement subie. Tout en reconnaissant que cet article ne permet pas en principe d’invoquer, aux fins de réduction de peine, une détention subie avant la commission des infractions ayant donné lieu à la peine en question (paragraphe 34 ci-dessus), le Gouvernement semble suggérer, par cet argument, une interprétation extensive de l’article 657 du CPP, fondée sur une lecture combinée de cette disposition et de l’article 35 ter de la loi sur l’administration pénitentiaire ainsi que sur les principes de la Convention.

62. Le requérant affirme qu’il n’a pas obtenu et ne peut toujours pas obtenir réparation pour la période de détention irrégulière qu’il a subie.

63. Quant à l’utilisation qu’il a faite du recours prévu par l’article 314 du CPP, il soutient qu’un tel recours n’est pas applicable aux mesures de sûreté définitives, et du moins qu’il n’a pas abouti dans son cas à une réparation.

64. Quant au recours prévu par la loi no 117/88, le requérant explique que la Cour l’a déjà jugé ineffectif dans l’affaire Richmond Yaw et autres c. Italie (nos 3342/11 et 3 autres, § 44, 6 octobre 2016), et il note que le Gouvernement n’a fourni aucun exemple démontrant le contraire.

65. Quant enfin à l’applicabilité de l’article 657 du CPP, le requérant note que l’interprétation extensive suggérée par le Gouvernement est dépourvue de tout fondement.

2. Appréciation de la Cour

66. La Cour rappelle que l’article 5 § 5 se trouve respecté dès lors que l’on peut demander réparation du chef d’une privation de liberté opérée dans des conditions contraires aux paragraphes 1, 2, 3 ou 4. Le droit à réparation énoncé au paragraphe 5 suppose donc qu’une violation de l’un de ces autres paragraphes ait été établie par une autorité nationale ou par la Cour. À cet égard, la jouissance effective du droit à réparation garanti par cette dernière disposition doit se trouver assurée à un degré suffisant de certitude (Stanev c. Bulgarie [GC], no 36760/06, § 182, CEDH 2012, et N.C. c. Italie [GC], no 24952/94, § 49, CEDH 2002‑X).

67. La Cour rappelle par ailleurs que pour qu’elle conclue à la violation de l’article 5 § 5, il doit être établi que le constat de violation d’un des autres paragraphes de l’article 5 ne pouvait, avant l’arrêt concerné de la Cour, ni ne peut, après cet arrêt, donner lieu à une demande d’indemnité devant les juridictions nationales (Stanev, précité, § 184).

68. L’indemnisation due en cas de détention contraire aux dispositions de l’article 5 doit être non seulement disponible en théorie mais aussi accessible en pratique à la personne concernée. Elle doit englober, en sus du droit à réparation du préjudice matériel, un droit à indemnité pour la détresse, l’angoisse et la frustration éventuellement subies par la personne lésée par la violation d’autres dispositions de l’article 5 (Khachatryan et autres c. Arménie, no 23978/06, § 157, 27 novembre 2012). En outre, un droit à réparation prévoyant des indemnités faibles au point de lui faire perdre en pratique son caractère « effectif » ne satisferait pas aux exigences de cette disposition (Vasilevskiy et Bogdanov c. Russie, nos 52241/14 et 74222/14, § 22, 10 juillet 2018, et les affaires qui y sont citées).

69. En l’espèce, la Cour a conclu à une violation de l’article 5 § 1 de la Convention. Le requérant est donc en mesure de se prévaloir de l’article 5 § 5.

70. En outre, la Cour constate que le requérant n’a obtenu aucune réparation pour la période de détention illégale qu’il a subie, circonstance que le Gouvernement ne conteste pas. Reste à déterminer si, comme l’indique le Gouvernement, il avait la possibilité d’obtenir une telle réparation devant les cours internes (paragraphe 67 ci-dessus).

71. En ce qui concerne le recours prévu par l’article 314 du CPP, la Cour note que le requérant a emprunté cette voie et qu’elle n’a pas mené à une réparation (paragraphe 18 ci-dessus). À cet égard, elle note aussi que, contrairement aux allégations du Gouvernement, ce n’est pas en raison d’une tardiveté que la demande en réparation formée sur le fondement de l’article 314 du CPP a été rejetée, mais parce que les cours internes ont considéré cette disposition inapplicable aux mesures de sûreté définitives (paragraphe 18 ci-dessus). Le fait que la démarche n’a pas permis au requérant d’obtenir une réparation ne s’explique donc pas par un usage incorrect d’un tel recours.

72. Par ailleurs, la Cour rappelle que, selon sa jurisprudence bien établie, elle tolère que le dernier échelon d’un recours soit atteint après le dépôt de la requête mais avant qu’elle ne se prononce sur la recevabilité de celle-ci (Selahattin Demirtaş c. Turquie (no 2) [GC], no 14305/17, § 193, 22 décembre 2020 et la jurisprudence y citée). En l’espèce, le recours que le requérant a formé sur le fondement de l’article 314 CPP le 21 janvier 2017 (soit avant l’introduction de la requête) a été déclaré irrecevable le 20 mars 2018 (paragraphes 16 et 18 ci-dessus), soit avant la décision de la Cour sur la recevabilité.

73. S’agissant de l’argument selon lequel le requérant aurait pu introduire un recours en responsabilité civile contre les magistrats en vertu de la loi no 117/1988, la Cour a déjà rejeté une telle exception sur la base du constat que le Gouvernement n’avait produit aucun exemple démontrant que l’action en question avait été intentée avec succès dans des circonstances similaires (Richmond Yaw et autres, précité, § 44 et Zeciri c. Italie, no 55764/00, § 50, 4 août 2005). Le Gouvernement n’a fourni aucun élément permettant de s’écarter de cette conclusion, puisque les arrêts qu’il a cités ne concernent pas des circonstances similaires à celles du cas d’espèce (paragraphe 60 ci‑dessus).

74. Enfin, quant à la possibilité d’obtenir une réduction de peine sur le fondement de l’article 657 du CPP, le Gouvernement n’a fourni aucun exemple d’applicabilité d’une telle disposition dans un cas tel que celui dont il s’agit en l’espèce. L’interprétation extensive qu’il propose à cet égard est dépourvue de toute justification et la référence à l’article 35 ter de la loi sur l’administration pénitentiaire – qui concerne seulement les violations de l’article 3 de la Convention – ne paraît pas pertinente.

75. Compte tenu des considérations qui précèdent, la Cour conclut que le requérant ne disposait d’aucun recours pour obtenir réparation de la violation de l’article 5 § 1 de la Convention qu’il a subie. Elle rejette donc les exceptions préliminaires du Gouvernement et constate qu’il y a eu violation de l’article 5 § 5 de la Convention.

3. Sur l’application de l’article 41 de la Convention

76. Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

1. Dommage

77. Le requérant demande 60 000 euros (EUR) au titre du dommage moral qu’il estime avoir subi.

78. Le Gouvernement considère ce montant excessif.

79. À la lumière des circonstances de l’affaire et compte tenu notamment du fait que le requérant a attendu plus d’un an avant de s’adresser aux juridictions nationales, ce qui a dans une certaine mesure contribué à la durée de la violation (voir, mutatis mutandis, Orzechowski c. Pologne, no 77795/01, § 38, 24 octobre 2006), la Cour estime approprié d’octroyer 8 000 EUR pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme.

2. Frais et dépens

80. Le requérant réclame un remboursement des frais et dépens qu’il dit avoir engagés dans le cadre de la procédure menée devant la Cour, sans toutefois en préciser le montant ni fournir aucune preuve de leur réalité.

81. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu de l’absence de toute preuve à cet égard, la Cour rejette la demande présentée à ce titre.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Joint au fond les exceptions du Gouvernement concernant le défaut de qualité de victime et le non-épuisement des voies de recours internes et les rejette ;
2. Déclare la requête recevable ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;
4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 5 de la Convention ;
5. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 8 000 EUR (huit mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 6 juin 2024, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Liv Tigerstedt Marko Bošnjak
Greffière adjointe Président


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