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05/09/2019 | CEDH | N°001-195543

CEDH | CEDH, AFFAIRE RIZZOTTO c. ITALIE (N° 2), 2019, 001-195543


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE RIZZOTTO c. ITALIE (N° 2)

(Requête no 20983/12)

ARRÊT

STRASBOURG

5 septembre 2019

DÉFINITIF

05/12/2019

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Rizzotto c. Italie (N° 2),

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une Chambre composée de :

Ksenija Turković, présidente,
Aleš Pejchal,
Armen Harutyunyan,
Pere Pastor Vilanova, >Tim Eicke,
Gilberto Felici,
Raffaele Sabato, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 2 juill...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE RIZZOTTO c. ITALIE (N° 2)

(Requête no 20983/12)

ARRÊT

STRASBOURG

5 septembre 2019

DÉFINITIF

05/12/2019

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Rizzotto c. Italie (N° 2),

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une Chambre composée de :

Ksenija Turković, présidente,
Aleš Pejchal,
Armen Harutyunyan,
Pere Pastor Vilanova,
Tim Eicke,
Gilberto Felici,
Raffaele Sabato, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 2 juillet 2019,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 20983/12) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet État, M. Salvatore Stefano Rizzotto (« le requérant »), a saisi la Cour le 4 avril 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me E.P. Reale, avocat à Syracuse. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son ancien agent, Mme E. Spatafora, et par son coagent Mme M.G. Civinini.

3. Le requérant se plaint en particulier d’un défaut de contrôle effectif de la légalité de sa privation de liberté et d’un non-respect des garanties de procédure inhérentes à l’article 5 § 4 de la Convention.

4. Le 23 mai 2017, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1972 et réside à Floridia.

6. Par une ordonnance du 16 septembre 2010, le juge des investigations préliminaires de Palerme décida de le placer en détention provisoire au motif qu’il était impliqué dans une procédure pénale pour trafic de stupéfiants.

7. Le requérant étant introuvable, les autorités le déclarèrent en fuite (latitante) et lui désignèrent un avocat d’office. Le 13 octobre 2010, ce dernier saisit la chambre du tribunal de Palerme chargée de réexaminer les mesures de précaution (« la chambre spécialisée ») d’un recours (richiesta di riesame) contre l’ordonnance de placement en détention provisoire sur le fondement de l’article 309 du code de procédure pénale (CPP) (paragraphe 20 ci-dessous).

8. Le 22 octobre 2010, la chambre spécialisée rejeta le recours au motif que les indices de culpabilité qui pesaient sur le requérant, ainsi que sa conduite et sa personnalité, justifiaient la mesure de la détention.

9. Le 6 décembre 2010, le requérant fut arrêté à Malte. Il désigna un avocat de son choix, lequel introduisit le 14 décembre 2010, devant la chambre spécialisée de Palerme, un recours (richiesta di riesame) contre l’ordonnance de placement en détention.

10. Le 20 décembre 2010, le requérant fut extradé en Italie et placé en détention dans la prison Regina Coeli de Rome.

11. Le 21 décembre 2010, l’avocat du requérant reçut une copie de l’ordonnance du 16 septembre 2010 ainsi que l’avis de la date du premier interrogatoire (interrogatorio di garanzia) du requérant, fixée au 23 décembre 2010.

12. Le jour venu, le requérant fut interrogé par le juge des investigations préliminaires de Rome, juge compétent au regard du lieu de détention, en présence d’un remplaçant de son avocat.

13. Le 3 janvier 2011, une audience se tint devant la chambre spécialisée du tribunal de Palerme. Le requérant, qui était toujours détenu à Rome, n’y assista pas et fut représenté par son avocat. Par une décision du même jour, la chambre spécialisée déclara le recours du requérant irrecevable au motif que l’intéressé avait déjà fait usage de son droit d’appel à l’occasion du recours que son avocat commis d’office avait intenté à l’époque où il était introuvable.

14. Le requérant forma un pourvoi en cassation, dans lequel il se plaignait, entre autres, d’une violation de l’article 5 § 4 de la Convention. Il affirmait n’avoir eu connaissance de la procédure qui avait été diligentée à son encontre que le jour de son arrestation à l’étranger, où il résidait, et n’avoir appris qu’il avait été représenté par un avocat d’office qu’à l’occasion de la publication de la décision d’irrecevabilité du recours qu’il avait intenté contre l’ordonnance d’application de la mesure de détention. Il soutenait que la chambre spécialisée aurait dû prendre en compte ces circonstances avant de décider de déclarer irrecevable son recours.

15. Par un arrêt du 11 octobre 2011, la Cour de cassation le débouta de son pourvoi. Se référant à sa jurisprudence en la matière, elle rappela le principe de l’unicité du droit d’interjeter appel (unicità del diritto all’impugnazione), selon lequel l’appel formé dans l’intérêt d’un accusé en fuite par le défenseur de son choix ou par l’avocat lui ayant été commis d’office fait obstacle à la possibilité pour l’intéressé d’introduire personnellement un nouvel appel ou de demander la réouverture du délai d’appel. Selon la Cour de cassation, ce principe, établi par ses sections réunies dans l’arrêt no 6026 de 2008, relatif aux arrêts de condamnation par contumace, était d’autant plus applicable aux procédures concernant des mesures de précaution, dont la révocation pouvait être demandée par l’inculpé à tout moment et sans limitation. De ce fait, selon elle, l’impossibilité pour l’accusé introuvable de réitérer une demande de réexamen ou d’obtenir la réouverture du délai n’engendrait pas d’entrave aux droits de la défense.

16. Entre-temps, le 1er février 2011, le requérant avait déposé devant le juge des investigations préliminaires de Palerme une demande de révocation de la mesure de détention et, subsidiairement, de remplacement de cette dernière par une mesure moins contraignante, au sens de l’article 299 du CPP. Dans son mémoire, il précisait qu’il avait été privé de la possibilité de faire valoir ses arguments lors du recours qu’il avait introduit sur le fondement de l’article 309 du CPP et que sa demande visait donc, notamment, le réexamen de la gravité des indices de culpabilité qui avaient justifié la mesure prononcée à son encontre.

17. Par une décision du 9 février 2011, le juge des investigations préliminaires rejeta la demande de révocation. Pour ce faire, il releva que les arguments du requérant concernaient essentiellement les circonstances qui avaient justifié l’adoption de la mesure de précaution, lesquelles avaient déjà largement été examinées par la chambre spécialisée du tribunal le 22 octobre 2010, et n’évoquaient pas de faits nouveaux. Le juge estima par ailleurs que la gravité de la conduite du requérant, compte tenu notamment de la quantité de stupéfiants qu’il avait cédée, justifiait la mesure de détention prononcée à son encontre.

18. Le requérant n’interjeta pas appel de cette décision.

19. Par un jugement du 14 septembre 2011, le tribunal de Palerme le condamna à une peine d’emprisonnement de deux ans et huit mois et à une amende de 12 000 euros (EUR). Le 20 juillet 2012, l’intéressé fut remis en liberté après avoir fini de purger sa peine.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. Les voies de recours contre une mesure de précaution

20. En vertu de l’article 309 du CPP, la décision ordonnant un placement en détention comme mesure de précaution peut faire l’objet d’une demande de réexamen (richiesta di riesame) devant la chambre du tribunal compétent chargée de réexaminer les mesures de précaution. La demande doit être introduite dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision ou de la mise à exécution de la mesure. Pour l’accusé en fuite (latitante), le délai court à partir de la notification de la décision à son défenseur ou, s’il prouve qu’il n’a pas eu connaissance de la décision, de l’exécution de la mesure (§ 2). En application de l’article 127 du CPP, l’audience devant la chambre spécialisée se déroule en chambre du conseil. La disposition en cause prévoit que s’il est détenu dans un lieu différent de celui qui fonde la compétence de la chambre spécialisée, l’accusé doit, s’il le demande, être entendu avant l’audience par le juge de l’application des peines du lieu de détention.

L’intéressé peut former un pourvoi en cassation à l’encontre d’une décision défavorable de la chambre spécialisée du tribunal (article 311 du CPP).

21. Par la suite, il peut à tout moment former une demande de révocation (richiesta di revoca) de la mesure de précaution en vertu de l’article 299 du CPP. La demande de révocation est adressée au juge qui mène alors la procédure. La décision doit intervenir dans un délai de dix jours à compter de la demande, après audition du parquet. Selon l’alinéa 3 ter de l’article 299, le juge peut décider d’interroger l’accusé. Si la demande de révocation de la mesure est fondée sur des faits nouveaux, le juge est tenu d’interroger l’accusé lorsque ce dernier le demande.

22. L’intéressé peut ensuite interjeter appel contre une décision négative du juge, sur le fondement de l’article 310 CPP. La décision rendue par le tribunal en appel peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

23. Aucun contrôle automatique et/ou périodique des conditions justifiant le maintien en détention provisoire n’est prévu par la loi italienne ; si elle le souhaite, la personne privée de liberté peut solliciter le réexamen desdites conditions et la révocation de la mesure.

B. Le recours en relevé de forclusion

24. L’article 175 § 1 du CPP est ainsi rédigé :

« Le procureur, les parties à la procédure et les avocats peuvent obtenir la réouverture d’un délai péremptoire s’ils prouvent qu’en raison de la survenance d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure ils se sont trouvés dans l’impossibilité de le respecter. La demande de réouverture du délai doit être introduite, sous peine d’irrecevabilité, dans les dix jours qui suivent la date à laquelle le cas fortuit ou celui de force majeure a cessé. »

25. L’article 175 § 2 du CPP prévoit la possibilité d’introduire une demande en relevé de forclusion dans les cas où une procédure pénale s’est déroulée par contumace. Il se lit ainsi :

« En cas de condamnation par contumace (...), le délai pour attaquer le jugement est rouvert à la demande de l’accusé, sauf si ce dernier a eu une connaissance effective de la procédure [diligentée à son encontre] ou du jugement [provvedimento] et a volontairement renoncé à comparaître ou à attaquer le jugement. Les autorités judiciaires accomplissent toute vérification nécessaire à cet égard. »

C. L’arrêt no 6026 de 2008 des sections réunies de la Cour de cassation

26. Dans l’arrêt no 6026 du 13 janvier 2008 (arrêt Huzuneanu), les sections réunies de la Cour de cassation précisèrent qu’un condamné par contumace perdait son droit à la réouverture du délai d’appel dans l’hypothèse où le défenseur de son choix ou l’avocat lui ayant été commis d’office auraient, de manière autonome, voire à son insu, attaqué la décision litigieuse et où la juridiction interne compétente aurait statué sur leur recours. Les sections réunies invoquèrent les principes de l’unicité du droit d’attaquer un jugement et du ne bis in idem. Elles soulignèrent également que la possibilité d’un double appel (l’un interjeté par le défenseur, l’autre par l’accusé) se heurtait à l’exigence du respect du « délai raisonnable » dans les cas où le condamné par contumace non informé du procès aurait été représenté par un avocat ; pour les sections réunies, l’utilisation par ce dernier des recours existants pour attaquer la décision de condamnation emportait impossibilité pour le condamné d’user de ces recours après la découverte de sa condamnation.

D. L’arrêt no 317 de 2009 de la Cour constitutionnelle italienne

27. Dans son arrêt no 317 du 4 décembre 2009, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnel l’article 175 § 2 du CPP dans la mesure où son interprétation faisait obstacle à un relevé de forclusion au profit du condamné par contumace non informé des poursuites dont le défenseur commis d’office aurait précédemment utilisé les recours disponibles pour attaquer la décision de condamnation. Elle a notamment indiqué dans les motifs de sa décision que les garanties offertes à l’accusé par contumace ne pouvaient être « épuisées » par le comportement d’un avocat commis d’office qui aurait agi de sa propre initiative et sans mandat de la part de l’intéressé.

E. La loi no 67 du 28 avril 2014

28. La loi no 67 du 28 avril 2014 contient des dispositions concernant les procédures menées à l’encontre d’inculpés introuvables. L’article 9 de ladite loi a modifié l’article 420bis du CPP en permettant au juge de procéder in absentia seulement s’il est démontré que l’inculpé a eu connaissance de la procédure à son encontre et s’il a « expressément renoncé à y participer ».

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION

29. Le requérant se plaint de ne pas avoir bénéficié d’un contrôle juridictionnel effectif de la légalité de sa détention provisoire et soutient que la procédure présentait plusieurs insuffisances. Il invoque les articles 5 § 3, 5 § 4, 6 §§ 1 et 3 b) et c) et 13 de la Convention.

30. La Cour considère que les griefs du requérant tombent dans le champ d’application du paragraphe 4 de l’article 5, qui garantit à toute personne arrêtée le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue sur la légalité de sa détention. Selon sa jurisprudence, en effet, une procédure concernant la légalité d’une détention provisoire ne porte pas sur le « bien-fondé » d’une « accusation en matière pénale », et l’article 5 § 4 constitue une lex specialis en matière de détention par rapport aux exigences plus générales de l’article 13 de la Convention et du volet civil de l’article 6 (Fodale c. Italie, no 70148/01, §§ 27 et 28, CEDH 2006‑VII).

31. Il y a donc lieu d’examiner la présente requête exclusivement sous l’angle de l’article 5 § 4, ainsi libellé :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

A. Sur la recevabilité

32. Le Gouvernement observe tout d’abord que le requérant n’a pas interjeté appel contre la décision du 9 février 2011, par laquelle le juge des investigations préliminaires de Palerme avait rejeté la demande de révocation de la mesure de précaution présentée sur le fondement de l’article 299 du CPP. De ce fait, le requérant n’aurait pas épuisé les recours effectifs dont il aurait disposé pour obtenir un contrôle de la régularité de sa détention et son élargissement. À cet égard, le Gouvernement expose que le juge compétent pour ordonner la révocation de la mesure de précaution peut à tout moment considérer que le maintien en détention provisoire n’est pas justifié et ordonner l’élargissement de l’intéressé, même si l’ordonnance de placement en détention n’a pas fait l’objet d’un appel au préalable.

33. Le Gouvernement ajoute que le requérant avait la possibilité d’introduire une demande en relevé de forclusion sur le fondement de l’article 175 § 1 du CPP, qui serait la disposition interne de droit commun en matière de réouverture des délais. Il soutient que cette disposition offrait au requérant la faculté de prouver qu’il ne se serait pas volontairement soustrait à la justice, et donc d’obtenir la réouverture du délai aux fins d’introduction d’un nouvel appel à l’encontre de la décision de mise en détention provisoire.

34. Le requérant conteste les arguments du Gouvernement et indique que le droit national offre une seule voie de recours permettant de faire examiner la légalité d’une détention provisoire, à savoir la saisine, au titre de l’article 309 du CPP, de la chambre chargée de réexaminer les mesures de précaution. Les juridictions compétentes feraient toutefois du principe de l’ « unicité du droit d’appel » une application restrictive qui l’aurait empêché d’avoir une véritable occasion d’exercer cette voie de recours.

35. Quant au recours prévu à l’article 299 du CPP, il ne satisferait pas aux caractéristiques requises par l’article 5 § 4 de la Convention et n’entrerait pas en ligne de compte aux fins de la condition d’épuisement. On pourrait l’introduire uniquement pour faire valoir des faits nouveaux aptes à justifier la révocation d’une mesure privative de liberté. Il permettrait donc de faire « réexaminer la régularité de la détention à des intervalles raisonnables », mais pas d’obtenir un contrôle ab origine de la légalité de la détention. En outre, la révocation ne serait pas décidée par un collège de juges mais par un juge unique, qui de surcroît serait le juge ayant ordonné la mesure litigieuse, à savoir le juge des investigations préliminaires.

36. Enfin, le requérant ajoute que l’article 175 § 1 du CPP permet la réouverture d’un délai dont un cas fortuit ou un cas de force majeure aurait empêché le respect. Il indique que son appel contre l’ordonnance d’application de la mesure de précaution a été introduit dans le délai fixé par l’article 309 § 2 du CPP et soutient que cette disposition n’est donc pas pertinente dans son cas.

37. La Cour considère que les arguments du Gouvernement soulèvent en substance des exceptions de non-épuisement des voies de recours internes. Elle estime par ailleurs que, dans les circonstances de la cause, les exceptions sont étroitement liées à la substance des griefs du requérant tirés de l’article 5 § 4 de la Convention et qu’elles doivent donc être jointes au fond. Constatant que la requête ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Les arguments des parties

38. Le requérant soutient que l’interprétation faite par les juridictions nationales de l’article 309 du CPP l’a empêché de bénéficier d’un contrôle effectif de la légalité de sa détention. Le remède prévu par le système italien, qui d’une manière générale respecterait les conditions requises par l’article 5 § 4 de la Convention, aurait été défaillant dans son cas, comme dans tous ceux où un avocat commis d’office aurait déjà introduit un recours en réexamen à l’insu d’un accusé introuvable.

39. Le requérant expose qu’il n’a jamais eu de contacts avec l’avocat qui lui fut commis d’office, dont il aurait même ignoré l’existence jusqu’au moment du rejet de son propre recours, et il considère qu’il n’a pas pu faire valoir ses propres arguments à l’encontre de la décision privative de liberté.

40. Il plaide que les juridictions compétentes auraient dû examiner son recours au fond après avoir pris en compte sa situation spécifique. À cet égard, il se réfère à l’arrêt no 317 de 2009, par lequel la Cour constitutionnelle italienne aurait déclaré inconstitutionnelle l’impossibilité pour une personne condamnée par contumace d’interjeter appel de sa condamnation dans les cas où le défenseur commis d’office aurait déjà usé de ce droit à son insu. Il estime que dans son cas les juridictions nationales auraient dû s’inspirer des principes établis par la Cour constitutionnelle.

41. Il ajoute que la procédure relative au contrôle de la légalité de sa détention n’a pas été contradictoire et soutient qu’elle n’a pas respecté le principe de l’égalité des armes. Il considère par ailleurs que du fait de son placement en détention dans une prison de Rome, ville située à 1 200 km de Palerme, il a été interrogé par un juge incompétent, à savoir le juge des investigations préliminaires de Rome. Il argue enfin qu’il n’a pas disposé du temps et des facilités nécessaires pour préparer sa défense et qu’il n’a pas eu la possibilité d’assister à l’audience tenue devant la chambre spécialisée de Palerme.

42. Le Gouvernement soutient que le droit italien offre un recours apte à permettre un contrôle effectif de la légalité d’une détention provisoire, à savoir la demande de réexamen prévue à l’article 309 du CPP, laquelle répondrait à tous les critères fixés par la jurisprudence de la Cour. Le requérant aurait été représenté par un avocat commis d’office, qui aurait agi dans l’intérêt de l’intéressé, et il aurait bénéficié dudit contrôle dans un délai raisonnable et dans le plein respect du droit à un procès équitable. La chambre spécialisée du tribunal de Palerme aurait fourni une décision amplement motivée sur les raisons ayant justifié la privation de liberté.

43. Par la suite, les juridictions n’auraient fait qu’appliquer le principe de l’unicité du droit d’appel, règle générale du procès en vertu de laquelle le droit d’interjeter appel serait épuisé dès lors qu’il aurait déjà été exercé par l’un de ses titulaires.

44. Le Gouvernement expose que l’avocat choisi par le requérant aurait pu éviter le rejet de son recours s’il avait pris connaissance de tous les actes de la procédure et s’il avait vérifié si une demande similaire n’avait pas été introduite auparavant par l’avocat commis d’office.

45. L’arrêt no 317 rendu par la Cour constitutionnelle en 2009 aurait effectivement remis en cause l’application dudit principe dans les affaires de condamnation par contumace et ainsi ouvert aux condamnés ne s’étant pas volontairement soustraits à la justice la possibilité d’interjeter appel du jugement de condamnation quand bien même un avocat commis d’office aurait déjà formé pareil recours.

Le Gouvernement ajoute que la jurisprudence nationale pourrait aussi évoluer dans ce sens pour les procédures relatives aux mesures privatives de liberté.

2. Les principes généraux établis par la jurisprudence de la Cour

46. La Cour rappelle les principes établis par sa jurisprudence constante en matière d’interprétation de l’article 5 § 4 de la Convention.

a) En vertu de cette disposition, les personnes arrêtées ou détenues ont droit à un examen du respect des exigences de procédure et de fond nécessaires à la « régularité » et à la « légalité », au sens de l’article 5 § 1, de leur privation de liberté (voir, parmi beaucoup d’autres, Brogan et autres c. Royaume-Uni, 29 novembre 1988, § 65, série A no 145‑B). Cet examen doit pouvoir aboutir, à bref délai, à une décision judiciaire mettant fin à la détention si celle-ci se révèle illégale (Baranowski, précité, § 68).

b) De même que toute autre disposition de la Convention et de ses Protocoles, l’article 5 § 4 doit s’interpréter de telle manière que les droits qui s’y trouvent consacrés ne soient pas théoriques et illusoires, mais concrets et effectifs (voir, parmi d’autres, Artico c. Italie, 13 mai 1980, § 33, série A no 37, et Schöps c. Allemagne, no 25116/94, § 47, CEDH 2001-I).

c) Une voie de recours, au sens de l’article 5 § 4 de la Convention, doit toujours exister à un degré suffisant de certitude, sans quoi lui manquent l’accessibilité et l’effectivité requises par cette disposition (E. c. Norvège, 29 août 1990, § 60, série A no 181-A, et Sakık et autres c. Turquie, 26 novembre 1997, § 53, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VII).

d) L’article 5 § 4 n’astreint pas les États contractants à instaurer un double degré de juridiction pour l’examen de demandes d’élargissement. Néanmoins, un État qui se dote d’un tel système doit en principe accorder aux détenus les mêmes garanties en appel qu’en première instance (Toth c. Autriche, 12 décembre 1991, § 84, série A no 224, ainsi que Rutten c. Pays-Bas, no 32605/96, § 53, 24 juillet 2001, et Lanz c. Autriche, no 24430/94, § 42, 31 janvier 2002).

e) La procédure relevant de l’article 5 § 4 ne doit pas toujours s’accompagner de garanties identiques à celles que l’article 6 § 1 prescrit pour les litiges civils ou pénaux, les deux dispositions poursuivant des buts différents (Reinprecht c. Autriche, no 67175/01, § 39, CEDH 2005‑XII). Cependant, elle doit toujours revêtir un caractère judiciaire et offrir à l’individu mis en cause des garanties adaptées à la nature de la privation de liberté dont il se plaint (voir, entre autres, D.N. c. Suisse [GC], no 27154/95, § 41, CEDH 2001-III). Pour déterminer si une procédure offre de telles garanties, il faut avoir égard à la nature particulière des circonstances dans lesquelles elle se déroule (voir, par exemple, Megyeri c. Allemagne, 12 mai 1992, § 22, série A no 237-A). En tout état de cause, cette procédure doit respecter, autant que possible, les exigences fondamentales d’un procès équitable (Lietzow c. Allemagne, no 24479/94, § 44, CEDH 2001-I, et Schöps, précité, § 44).

f) La première garantie fondamentale découlant naturellement de l’article 5 § 4 de la Convention est le droit d’être effectivement entendu par le juge saisi d’un recours contre une détention (Svipsta c. Lettonie, no 66820/01, § 128, CEDH 2006‑III (extraits), et Knebl c. République tchèque, no 20157/05, § 81, 28 octobre 2010). Pour les personnes détenues dans les conditions énoncées à l’article 5 § 1 c) de la Convention, l’article 5 § 4 exige la tenue d’une audience (Kampanis c. Grèce, 13 juillet 1995, § 47, série A no 318-B, et Włoch c. Pologne, no 27785/95, § 126, CEDH 2000‑XI). Cette audience doit être contradictoire, ce qui suppose normalement la représentation par un défenseur et la possibilité, le cas échéant, de citer et d’interroger des témoins (Hussain c. Royaume-Uni et Singh c. Royaume-Uni, arrêts du 21 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-I, § 60 et § 68 respectivement).

3. Application desdits principes au cas d’espèce

47. La Cour observe que la question se pose de savoir si l’ordre juridique interne offrait au requérant des garanties procédurales à même de respecter l’article 5 § 4.

a) Sur le recours prévu par l’article 309 du CPP

48. La Cour relève avec les parties que le droit italien offre aux justiciables la possibilité de contester la motivation d’une décision ordonnant une mesure privative de liberté par le biais d’un recours (richiesta di riesame) introduit sur le fondement de l’article 309 du CPP.

49. Examinant le grief du requérant, consistant à dire que dans son cas la procédure n’a pas respecté les garanties fondamentales du procès équitable, la Cour constate que le recours introduit par l’avocat choisi par l’intéressé contre l’ordonnance du juge de l’application des peines a été déclaré irrecevable par la chambre spécialisée du tribunal de Palerme au motif qu’une demande similaire avait déjà été présentée par un avocat commis d’office à l’époque où le requérant était en fuite. La Cour de cassation confirma par la suite cette analyse, invoquant le principe de l’ « unicité du droit d’appel » tel qu’interprété par ses sections réunies, qui faisait obstacle à la réitération du même recours par l’une quelconque des différentes personnes titulaires du droit de l’exercer.

50. Or il n’est pas contesté que l’avocat qui fut désigné d’office par les autorités pour représenter le requérant dans la procédure décida d’attaquer l’ordonnance de détention provisoire à l’insu de son client, lequel était introuvable à ce moment-là. Il est donc hors de doute que le requérant n’eut pas l’occasion de communiquer avec ledit avocat et d’avancer ses propres arguments à l’appui de la demande de mise en liberté. Par ailleurs, force est de constater qu’il n’a jamais été entendu par la chambre spécialisée du tribunal de Palerme qui a statué sur la légalité de sa détention.

51. Au vu de ces circonstances, on ne peut donc dire que le requérant ait été en mesure de soutenir personnellement à un moment ou à un autre la demande tendant à sa mise en liberté qui avait été introduite devant la chambre spécialisée du tribunal, juridiction qui était compétente pour examiner la décision de placement en détention provisoire. La Cour rappelle ici que la première garantie fondamentale découlant naturellement de l’article 5 § 4 de la Convention est le droit d’être effectivement entendu par le juge saisi d’un recours contre une détention (Svipsta, précité, § 128 et Knebl, précité, § 81).

52. La Cour réaffirme en outre que la Convention a pour but de «protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs », et que la nomination d’un conseil n’assure pas à elle seule l’effectivité de l’assistance qu’il peut procurer à l’accusé (Imbrioscia c. Suisse, 24 novembre 1993, § 38, série A no 275, et Artico c. Italie, 13 mai 1980, § 33, série A no 37 et Sakhnovski c. Russie [GC], no 21272/03, § 95, 2 novembre 2010). Encore faut-il que l’intéressé, auquel le système italien accorde la garantie - supplémentaire à celles prévues par la Convention - d’être représenté par un défenseur nommé d’office avant même l’exécution de la mesure provisoire, ait pu effectivement communiquer, de manière libre et confidentielle, avec son conseil afin de discuter de l’affaire et organiser la défense.

53. De plus, la Cour rappelle que la renonciation à se défendre ne peut pas être inférée de la simple qualité de « latitante », fondée sur une présomption dépourvue de base factuelle suffisante (Colozza c. Italie, 12 février 1985, § 28, série A no 89 ; Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 87, CEDH 2006 II). En outre, avant qu’un accusé puisse être considéré comme ayant implicitement renoncé, par son comportement, à un droit important sous l’angle de l’article 6 de la Convention, il doit être établi qu’il aurait pu raisonnablement prévoir les conséquences du comportement en question. Il faut par ailleurs qu’il n’incombe pas à l’accusé de prouver qu’il n’entendait pas se dérober à la justice, ni que son absence s’expliquait par un cas de force majeure (Sejdovic, précité, § 88). Or, en l’espèce rien dans le dossier ne permet de conclure que le requérant avait essayé de se dérober à la justice ou qu’il avait renoncé de manière non équivoque à son droit de défense.

54. La Cour rappelle avoir déjà eu l’occasion d’affirmer dans le contexte des condamnations par contumace que l’on ne peut, sous prétexte de garantir d’autres droits fondamentaux du procès, comme le droit au « délai raisonnable » ou celui du « ne bis in idem », ou, a fortiori, pour des préoccupations liées à la charge de travail des tribunaux (Huzuneanu c. Italie, no 36043/08, §§ 22 et 48, 1er septembre 2016), réduire au point de les rendre inopérants les droits de la défense d’un accusé ne s’étant pas soustrait à la justice et n’ayant pas renoncé sans équivoque à ses garanties procédurales. Ce principe avait d’ailleurs été proclamé par la Cour constitutionnelle italienne dans un arrêt auquel tant le requérant que le Gouvernement se réfèrent dans leurs observations (paragraphes 39 et 44 ci‑dessus ; Huzuneanu, précité, § 47).

55. Eu égard aux conséquences de la privation de liberté sur les droits fondamentaux de la personne concernée, la Cour estime que toute procédure relevant de l’article 5 § 4 doit être menée dans le respect de ce principe et garantir pleinement les droits de la défense. Elle observe à cet égard que le Gouvernement n’a pas exclu que la jurisprudence nationale puisse évoluer et permettre aux accusés en fuite frappés d’une mesure de privation de liberté d’aussi interjeter appel dans l’hypothèse où un recours aurait préalablement été présenté, à leur insu, par un avocat commis d’office (paragraphe 44 ci-dessus). La Cour note au demeurant que le législateur italien a reconnu que le droit de la défense l’emporte sur les besoins de l’administration de la justice en réformant les dispositions procédurales qui règlent le procès à l’encontre des personnes introuvables (voir paragraphe 28 ci-dessus).

56. Au vu de ce qui précède, la Cour considère que le remède prévu par l’article 309 du CPP n’a pas offert au requérant des garanties adéquates. Il reste à examiner si les autres recours évoqués par le Gouvernement remplissaient les conditions de l’article 5 § 4 de la Convention.

b) Sur le recours prévu par l’article 299 du CPP

57. En ce qui concerne le recours prévu par l’article 299 du CPP, qui vise à permettre un réexamen de la régularité de la détention en cours et, le cas échéant, la révocation de la mesure de précaution et la mise en liberté, la Cour observe qu’il peut à tout moment être présenté devant le juge qui mène alors la procédure.

58. En l’espèce, le requérant fit usage de ce recours à la suite du rejet de son appel par la chambre spécialisée, demandant la révocation de la mesure de précaution au juge des investigations préliminaires de Palerme. La Cour observe que ce dernier débouta l’intéressé de sa demande sans l’avoir entendu. L’article 299 du CPP ne prévoit en effet pas la tenue d’une audience et le juge n’est obligé d’interroger l’accusé que si celui-ci sollicite son audition et seulement s’il avance des faits nouveaux à l’appui de sa demande (paragraphe 21 ci-dessus).

59. La Cour rappelle que dès lors que le droit du détenu d’être entendu découle directement de l’article 5 § 4 de la Convention en ce qu’il fait partie des garanties de procédure appliquées en matière de privation de liberté, on ne saurait faire dépendre son existence ou sa mise en œuvre d’une demande expresse de l’intéressé (Vecek c. République tchèque, no 3252/09, § 78, 21 février 2013). Au surplus, compte tenu de ce qu’au travers de son recours le requérant cherchait à obtenir pour la première fois un contrôle de la légalité de sa détention, aucun fait nouveau n’était soumis à l’examen du juge des investigations préliminaires, si bien qu’une demande d’audition du requérant n’était pas recevable aux termes de la disposition pertinente (voir paragraphes 17 et 21 ci-dessus).

60. Dans ces conditions, la Cour estime qu’un appel interjeté contre la décision du 9 février 2011 n’aurait pas permis au requérant d’être entendu sur les motifs invoqués par lui au soutien de sa demande de révocation de la mesure qui avait ordonné son placement en détention. Il s’ensuit que le recours en révocation de la mesure de précaution prévu par l’article 299 du CPP n’a pas constitué, dans les circonstances de l’espèce, un remède conforme à l’article 5 § 4 de la Convention

c) Sur le recours en relevé de forclusion prévu par l’article 175 § 1 du CPP

61. Concernant la possibilité pour le requérant de se prévaloir de l’article 175 § 1 du CPP afin de prouver qu’il ne s’était pas volontairement soustrait à la justice et d’obtenir ainsi la réouverture du délai d’appel contre la décision de mise en détention (paragraphe 32 ci-dessus), la Cour vient de constater que la jurisprudence constante de la Cour de cassation qui a été appliquée au cas du requérant empêche précisément la réouverture du délai d’introduction d’un recours contre une mesure de précaution dans les cas où un avocat commis d’office a déjà fait usage du recours offert par l’article 309 du CPP (paragraphes 15 et 48 ci-dessus). Par ailleurs, il n’apparaît pas que l’impossibilité dans laquelle le requérant s’est trouvé de faire examiner son appel à l’encontre de l’ordonnance de mise en détention procédât de ce qu’il aurait été réputé s’être volontairement soustrait à la justice.

62. Au vu de ce qui précède, la Cour considère qu’il appartenait au Gouvernement de démontrer que, nonobstant la jurisprudence pertinente dans le domaine spécifique des mesures de précaution, le remède général prévu par le système italien en matière de relevé de forclusion aurait permis au requérant dans les circonstances de l’espèce de présenter et soutenir une demande de mise en liberté devant la chambre spécialisée chargée de réexaminer les mesures de précaution. Elle rappelle qu’il incombe au Gouvernement plaidant le non-épuisement de la convaincre que le recours était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits (Vučković et autres c. Serbie (exception préliminaire) [GC], nos 17153/11 et 29 autres, § 77, 25 mars 2014). À cet égard, elle note qu’en l’espèce le Gouvernement n’a produit aucun exemple démontrant qu’une telle action eût été intentée avec succès dans des circonstances similaires à celles de l’affaire du requérant (voir, mutatis mutandis, Sardinas Albo c. Italie (déc.), no 56271/00, 8 janvier 2004).

d) Conclusion

63. En conséquence, la Cour rejette les exceptions préliminaires de non‑épuisement des voies de recours internes soulevées par le Gouvernement et conclut à la violation de l’article 5 § 4 de la Convention à raison de l’impossibilité dans laquelle le requérant s’est trouvé d’être effectivement entendu par les juridictions compétentes pour contrôler la légalité de sa détention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

64. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

65. Le requérant réclame 5 000 EUR au titre du préjudice moral qu’il estime avoir subi.

66. Le Gouvernement ne s’est pas exprimé sur ce point.

67. La Cour considère que le requérant a subi un préjudice moral certain que le seul constat de violation ne saurait compenser. Cependant, ce constat de violation de l’article 5 § 4 n’implique pas nécessairement que la détention du requérant ait été illégale ou autrement contraire à la Convention. À la lumière de ce qui précède, et statuant en équité comme le veut l’article 41 de la Convention, la Cour accorde à l’intéressé la somme de 4 000 EUR.

B. Frais et dépens

68. Le requérant demande également 21 886,80 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et pour ceux engagés devant la Cour.

69. Le Gouvernement n’a pas présenté de commentaires à ce sujet.

70. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable d’accorder au requérant, tous frais confondus, la somme de 7 000 EUR.

C. Intérêts moratoires

71. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Joint au fond les exceptions de non-épuisement des voies de recours internes soulevées par le Gouvernement et les rejette ;

2. Déclare la requête recevable ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;

4. Dit,

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i. 4 000 EUR (quatre mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii. 7 000 EUR (sept mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 septembre 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Abel CamposKsenija Turković
GreffierPrésidente


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