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07/12/2017 | CEDH | N°001-179230

CEDH | CEDH, AFFAIRE STERGIOPOULOS c. GRÈCE, 2017, 001-179230


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE STERGIOPOULOS c. GRÈCE

(Requête no 29049/12)

ARRÊT

STRASBOURG

7 décembre 2017

DÉFINITIF

07/03/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Stergiopoulos c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Kristina Pardalos, présidente,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal,
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Tim Eicke,
Jovan Ilievski, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 14 n...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE STERGIOPOULOS c. GRÈCE

(Requête no 29049/12)

ARRÊT

STRASBOURG

7 décembre 2017

DÉFINITIF

07/03/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Stergiopoulos c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Kristina Pardalos, présidente,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal,
Krzysztof Wojtyczek,
Armen Harutyunyan,
Tim Eicke,
Jovan Ilievski, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 14 novembre 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 29049/12) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet État, M. Panagiotis Stergiopoulos (« le requérant »), a saisi la Cour le 10 mai 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me E.-L. Koutra, avocate au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par la déléguée de son agent, Mme S. Papaioannou, auditrice au Conseil juridique de l’État.

3. Le requérant alléguait en particulier une violation de l’article 5 § 4 de la Convention.

4. Le 8 mars 2016, les griefs concernant l’article 5 § 4 de la Convention ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1969 et réside au Pirée.

6. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

7. Le 23 novembre 2011, le requérant fut arrêté avec son fils M.S. Accusé de complicité de vol à main armée et de participation à une organisation criminelle, il fut incarcéré à la prison de Korydallos.

8. Le 28 novembre 2011, la juge d’instruction ordonna sa mise en détention, après l’avoir interrogé (ordonnance no 18/2011). Elle considéra notamment que l’instruction de l’affaire avait fait ressortir des indices sérieux de la culpabilité du requérant quant à l’accomplissement de certains crimes dont celui-ci était accusé et que, en cas de remise en liberté, l’intéressé pourrait récidiver et risquait de fuir.

9. Le requérant, qui dit avoir des problèmes cardiaques et avoir fait un infarctus dans le passé, indique que, pendant sa détention, son état de santé a nécessité son transfert quotidien à l’hôpital, où sa tension artérielle aurait été prise et où le médecin traitant aurait recommandé de contrôler celle-ci trois fois par jour.

A. Procédure relative à la première demande de mise en liberté du requérant

10. Le 2 décembre 2011, le requérant contesta l’ordonnance no 18/2011 devant la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Athènes. Il sollicitait l’examen de son recours en priorité, au motif d’une détérioration de son état de santé pendant sa détention. Se prévalant de la jurisprudence de la Cour sur l’article 5 § 4 de la Convention, il demandait que son recours fût examiné à « bref délai ». Il soutenait que l’accès à son casier judiciaire lors de la procédure soulevait la question de la légalité de la procédure et du respect du principe de l’égalité des armes, et il invitait la chambre d’accusation à ne pas prendre en considération son casier judiciaire sans qu’il ne fût invité à fournir, au moyen de documents, des éclaircissements et des explications. En ce qui concernait sa comparution personnelle devant la chambre d’accusation, il s’exprimait ainsi :

« (...) Je n’ai pas le droit de comparaître personnellement devant votre chambre, [alors que cela vous permettrait de vous forger] une image concrète de ma personnalité. (...) »

11. Le 19 décembre 2011, le procureur près le tribunal correctionnel d’Athènes proposa de rejeter la demande du requérant.

12. Le 5 janvier 2012, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Athènes examina le recours du requérant en présence du procureur. Entérinant la proposition de ce dernier, elle rejeta la demande du requérant et considéra que la détention provisoire de l’intéressé devait continuer (décision no 28/2012). Elle remarqua, en particulier, qu’il existait des indices sérieux de la culpabilité du requérant, que celui-ci avait déjà été condamné pour fraude et vol – ce qui ressortait de son casier judiciaire – et qu’il pouvait donc récidiver, et que les problèmes de santé évoqués par l’intéressé pouvaient être traités dans le cadre de la détention. Il ressort du dossier que la chambre d’accusation n’a fait aucune référence à l’argument du requérant concernant le non-respect du principe de l’égalité des armes.

13. Cette décision fut notifiée à l’avocate du requérant le 25 janvier 2012. Le requérant allègue qu’il ne lui a pas été possible de comparaître devant la chambre d’accusation ou de prendre connaissance de la recommandation du procureur.

B. Procédure relative à la seconde demande de mise en liberté du requérant

14. Le 3 février 2012, le requérant introduisit une demande tendant à la levée sous condition de la mesure de placement en détention.

15. Le 14 mars 2012, le procureur compétent proposa de rejeter la demande du requérant.

16. Le 2 avril 2012, le requérant demanda à prendre connaissance de la proposition du procureur et à être représenté devant la chambre d’accusation par l’intermédiaire de son avocate.

17. Le 3 avril 2012, la chambre d’accusation de la cour d’appel fit droit à la demande du requérant tendant à sa mise en liberté et celui-ci fut par la suite libéré (décision no 1139/2012). Il ressort du dossier que l’avocate du requérant a représenté ce dernier et qu’elle a exposé ses arguments devant la chambre d’accusation de la cour d’appel.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

18. Le droit et la pratique internes pertinents en l’espèce sont décrits dans les arrêts Giosakis c. Grèce (no 1) (no 42778/05, 12 février 2009), Giosakis c. Grèce (no 2) (no 36205/06, 12 février 2009), Christodoulou et autres c. Grèce (no 80452/12, 5 juin 2014) et Lavrentiadis c. Grèce (no 29896/13, 22 septembre 2015).

19. Les dispositions pertinentes en l’espèce du code de procédure pénale (CPP) se lisent ainsi :

Article 171

« Les cas de nullité qui sont pris en considération d’office par le tribunal, à tout stade de la procédure, ainsi que devant la Cour de cassation, [concernent] :

(...) d) la comparution, la représentation et la défense de l’accusé et l’exercice des droits qui sont prévus par la loi, par la Convention européenne des droits de l’homme et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. »

Article 173

« (...)

2. Les cas de nullité mentionnés à l’article 171 qui se réfèrent aux actes d’instruction peuvent être [soulevés] jusqu’au renvoi [de l’accusé] à l’audience. »

Article 175

« La nullité d’un acte entraîne la nullité de tous les actes de la procédure pénale ultérieurs qui sont interdépendants. »

Article 176

« 1. La chambre d’accusation est compétente pour déclarer la nullité des actes de l’instruction, tandis que le tribunal qui procède à l’examen de l’accusation [est compétent pour déclarer la nullité] des actes de la procédure à l’audience et [lors des phases] principale et préliminaire (της κύριας και της προπαρασκευαστικής).

2. En déclarant la nullité, la chambre d’accusation ou le tribunal ordonnent la reconduction des actes qui sont nuls, s’ils estiment que la reconduction est nécessaire et possible. »

Article 285 – Recours de la personne en détention provisoire

« 1. Contre le mandat de mise en détention provisoire (...), l’accusé peut recourir devant la chambre d’accusation du tribunal correctionnel. Le recours s’effectue dans un délai de cinq jours à compter de la mise en détention (...). Le recours est transmis au procureur près le tribunal correctionnel et celui-ci l’introduit sans tarder avec sa proposition devant la chambre d’accusation, qui décide de manière définitive.

(...)

4. La chambre d’accusation peut lever la détention provisoire ou la remplacer par des mesures restrictives (...) »

20. Par les arrêts no 2252/2002, no 234/2006 et no 3411/2014, rendus, dans le cadre d’une même procédure, par le tribunal administratif de Thessalonique, la cour d’appel de Thessalonique et le Conseil d’État respectivement, il a été admis qu’une personne arrêtée et détenue de manière arbitraire, en violation des dispositions du droit interne, avait subi un dommage moral et avait à ce titre, en application de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil (CC), droit à une indemnité (fixée en l’occurrence à 500 euros (EUR)).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION

A. Griefs concernant la première procédure

21. Le requérant allègue que la chambre d’accusation n’a pas examiné dans un « bref délai » son recours contre le mandat de mise en détention et qu’il ne lui a été permis ni de comparaître devant la chambre d’accusation ni de prendre connaissance de la proposition du procureur. Il estime que la décision interne définitive à prendre en considération est la décision no 28/2012 de la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Athènes. Il invoque l’article 5 § 4 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

1. Sur la recevabilité

a) Arguments des parties

22. Le Gouvernement excipe d’emblée du non-épuisement des voies de recours internes et de l’absence de qualité de victime du requérant.

23. En premier lieu, indiquant que ce dernier avait été libéré à la date de l’introduction de la requête, le Gouvernement lui reproche de ne pas avoir introduit une action sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du CC. Invoquant la jurisprudence de la Cour dans les affaires concernant les conditions de détention et notamment l’affaire Chatzivasiliadis c. Grèce (no 51618/12, 26 octobre 2013), il estime que, en saisissant la Cour, le requérant ne poursuivait pas le but d’empêcher la continuation de la violation alléguée de ses droits, mais celui d’obtenir un constat postérieur de violation de l’article 5 § 4 de la Convention par la Cour et, le cas échéant, une indemnité pour le dommage moral qu’il aurait subi. Or, aux dires du Gouvernement, l’action sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du CC était un recours effectif et disponible et elle était susceptible d’offrir au requérant un redressement pour le dommage subi à cause des actions ou omissions de tout organe public, comme, en l’espèce, les juridictions internes compétentes. Le Gouvernement ajoute que, dans toutes les affaires où la Cour a rejeté une même exception et a constaté une violation de l’article 5 § 4 de la Convention, les requérants étaient détenus – ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Selon le Gouvernement, le fait de nourrir des doutes quant à l’effectivité d’un recours ne constitue pas une raison valable permettant de dispenser l’intéressé d’exercer ledit recours. En ce sens, il soumet à la Cour l’arrêt no 3411/2014 du Conseil d’État, rendu dans le cadre d’une procédure concernant le dédommagement d’un accusé pour sa détention arbitraire.

24. En second lieu, le Gouvernement soutient que les griefs du requérant relatifs à l’article 5 § 4 de la Convention ont trait à des obligations liées à la comparution, à la représentation et à la défense de l’accusé. Il indique que le non‑respect de ces obligations constitue un motif de nullité de la procédure, selon les articles 171, 173 § 2, 175 et 176 du CPP. Il ajoute que pareille nullité peut être soulevée par l’accusé et aboutir à la déclaration de la nullité des actes ou omissions en cause et à la reconduction desdits actes. Or, d’après le Gouvernement, le requérant n’a pas introduit un recours en nullité et il admet n’avoir pas fait usage de cette possibilité : en effet, selon le Gouvernement, l’intéressé considérait que la procédure afférente à un tel recours aurait eu une durée excessive.

25. En troisième lieu, le Gouvernement soutient que, comme le requérant l’aurait lui-même admis dans son premier recours devant la chambre d’accusation, il n’a ni demandé à comparaître personnellement devant cette dernière ni formulé le souhait de prendre connaissance de la proposition du procureur. Par conséquent, selon le Gouvernement, le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes et il n’a donc pas la qualité de victime s’agissant de ses griefs relatifs aux principes de l’égalité des armes et du contradictoire.

26. Le requérant ne partage pas l’avis du Gouvernement selon lequel il a admis, dans son premier recours devant la chambre d’accusation, ne pas avoir formulé de demande de comparution devant celle-ci. Il indique qu’il s’est explicitement référé dans ce recours à une impossibilité pour lui de comparaître devant ladite chambre et qu’il a aussi demandé la non‑application à son cas de la règle de non-comparution devant la chambre d’accusation. Il ajoute que la législation interne pertinente en l’espèce, à savoir l’article 285 du CPP, ne lui permettait pas de comparaître personnellement devant la chambre d’accusation lors de la première procédure et que, à l’inverse, elle lui octroyait la possibilité – dont il a d’ailleurs pu effectivement bénéficier – de comparaître lors de l’examen de son second recours. Selon le requérant, à supposer même qu’il eût soulevé les nullités en cause devant la chambre d’accusation, cette dernière aurait été uniquement compétente pour annuler la procédure et ordonner sa répétition. Le requérant ajoute que, dans son recours devant la chambre d’accusation, il avait explicitement demandé, en invoquant la jurisprudence de la Cour, que ce recours fût examiné à « bref délai ».

27. En ce qui concerne les recours mentionnés par le Gouvernement, à savoir l’action sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du CC et la demande en annulation de la procédure sur le fondement de l’article 171 du CPP, le requérant estime qu’il ne s’agit pas de recours effectifs à exercer et susceptibles d’offrir un redressement approprié. En premier lieu, il soutient que, en l’état actuel de la jurisprudence interne, il n’existe aucune décision concluant à l’indemnisation d’un justiciable en raison d’une violation de l’article 5 § 4 de la Convention. En second lieu, après avoir indiqué que, d’après la jurisprudence de la Cour sur l’article 3 de la Convention, tout intéressé pouvait fonder son action sur l’article 105 de la loi d’accompagnement du CC, combiné avec des articles du code pénitentiaire et l’article 3 de la Convention, il allègue que, en l’espèce, il ne pouvait se prévaloir de cette jurisprudence au motif qu’il n’existait pas de normes internes spécifiques, telles les dispositions du code pénitentiaire, sur lesquelles il aurait pu se fonder. Le requérant ajoute que ses griefs concernent un phénomène structurel relatif à la charge de travail des procureurs et des juges. En outre, il estime que, en l’espèce il n’était pas question d’une action « illégale » des organes judiciaires puisque la législation interne n’aurait pas été transgressée.

28. Quant à la demande en annulation de la procédure sur le fondement de l’article 171 du CPP, le requérant soutient qu’elle aurait conduit à un retard supplémentaire de la procédure, probablement de quelques mois, en raison d’un nécessaire réexamen de son affaire par le procureur et par la chambre d’accusation. Il ajoute que, en tout état de cause, une telle demande n’aurait pas comme objet sa libération.

b) Appréciation de la Cour

29. La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes vise à ménager aux États contractants l’occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne lui soient soumises (voir, parmi beaucoup d’autres, Remli c. France, 23 avril 1996, § 33, Recueil des arrêts et décisions 1996-II, et Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 74, CEDH 1999-V). Cette règle se fonde sur l’hypothèse, objet de l’article 13 de la Convention – avec lequel elle présente d’étroites affinités –, que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 152, CEDH 2000-XI).

30. La Cour rappelle en outre que l’article 35 § 1 de la Convention prévoit une répartition de la charge de la preuve. Pour ce qui concerne le gouvernement défendeur, lorsque celui-ci excipe du non-épuisement des recours internes, il doit convaincre la Cour que le recours qu’il mentionne était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c’est-à-dire qu’il était accessible, était susceptible d’offrir au requérant le redressement de ses griefs et présentait des perspectives raisonnables de succès (Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 68, Recueil 1996‑IV, et Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 46, CEDH 2006-II).

31. La Cour relève que l’article 105 de la loi d’accompagnement du CC est une disposition transversale du droit grec qui s’applique à une multitude de situations. Dans le cadre d’une action fondée sur cet article, les tribunaux examinent de manière incidente s’il y a eu de la part des autorités un acte illégal et, dans l’affirmative, ils accordent au demandeur une indemnité pour dommage moral.

32. La Cour note ensuite que les arrêts no 2252/2002, no 234/2006 et no 3411/2017 rendus par le tribunal administratif de Thessalonique, la cour d’appel de Thessalonique et le Conseil d’État respectivement, (paragraphe 20 ci-dessus), fournis par le Gouvernement à l’appui de ses observations, concernaient une personne qui avait été arrêtée et détenue en violation des dispositions du droit interne pertinent.

33. Elle constate que le Gouvernement ne fournit pas d’exemples de décisions ayant octroyé des dommages et intérêts à des justiciables du fait de la violation du principe de l’égalité des armes ou du principe du contradictoire, ou bien du non-respect de l’examen à « bref délai » de la demande de mise en liberté des intéressés. Cela ne signifie pas qu’une action fondée sur l’article 105 de la loi d’accompagnement du CC, combiné avec une autre disposition pertinente en matière de détention, ne puisse pas constituer une voie de recours adéquate et effective. Pour autant, la Cour estime que les conclusions des arrêts susmentionnés ne sont pas automatiquement transposables à n’importe quelle situation et en particulier à celle du requérant.

34. À la lumière de ces considérations, la Cour n’est pas convaincue qu’un recours indemnitaire sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du CC aurait eu une chance raisonnable de succès et aurait offert, au moment des faits, un redressement approprié. Ce constat ne préjuge en rien de la position de la Cour dans le cas où la jurisprudence des juridictions nationales sur l’application de cette disposition viendrait à évoluer à l’avenir et à englober les situations telles que celle qui fait l’objet de la présente requête.

35. Aussi la Cour estime-t-elle que, en l’état actuel de la jurisprudence nationale, le grief du requérant ne saurait être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, et ce nonobstant le fait que l’intéressé n’a pas exercé la voie de droit suggérée par le Gouvernement. Elle rejette donc l’exception soulevée par le Gouvernement à ce titre.

36. En ce qui concerne le second recours mentionné par le Gouvernement, à savoir la demande en annulation de la procédure fondée sur l’article 171 du CPP, la Cour note que, dans le cadre de l’exercice de cette voie de droit, la chambre d’accusation et le tribunal peuvent uniquement ordonner le réexamen des actes qui ont été jugés nuls. Ainsi, ce recours n’était pas en mesure d’offrir au requérant un redressement approprié, à titre d’exemple sous forme d’indemnisation pour le dommage que celui-ci aurait subi en raison des actes prétendument irréguliers des autorités compétentes. Au contraire, même en cas d’exercice et d’aboutissement de ce recours, l’intéressé, détenu tout au long de cette procédure, aurait dû simplement attendre la répétition de la procédure ayant abouti à sa détention.

37. Enfin, la Cour note que la troisième branche de l’exception de non‑épuisement des voies de recours internes et l’exception tirée de l’absence de qualité de victime formulées par le Gouvernement – à savoir le manquement allégué du requérant à introduire des demandes aux fins de sa comparution personnelle devant la chambre d’accusation et de l’obtention par lui d’une copie de la proposition du procureur – sont étroitement liées à la substance du grief énoncé par le requérant sur le terrain de l’article 5 § 4 de la Convention ; elle décide donc de joindre ces objections au fond.

38. Constatant que ces griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’ils ne se heurtent par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour les déclare recevables.

2. Sur le fond

39. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 5 § 4 de la Convention, les personnes arrêtées ou détenues ont droit à un examen du respect des exigences de procédure et de fond nécessaires à la « légalité », au sens de la Convention, de leur privation de liberté (Lietzow c. Allemagne, no 24479/94, § 44, CEDH 2001-I). Certes, l’article 5 § 4 n’astreint pas les États contractants à instaurer un double degré de juridiction pour l’examen de la légalité de la détention. Toutefois, lorsqu’un État se dote d’un tel système, comme en l’espèce, il doit en principe accorder les mêmes garanties aussi bien en appel qu’en première instance (Kučera c. Slovaquie, no 48666/99, § 107, 17 juillet 2007, Herz c. Allemagne, no 44672/98, §§ 64-65, 12 juin 2003, Navarra c. France, 23 novembre 1993, § 28, série A no 273-B, et Toth c. Autriche, 12 décembre 1991, § 84, série A no 224).

a) Quant à l’exigence de « bref délai »

40. Le requérant indique que la chambre d’accusation a mis cinquante‑quatre jours pour se prononcer sur son premier recours, ce qui, à ses yeux, représente un délai excessif, et ce d’autant plus qu’il avait demandé l’examen de son affaire en priorité en raison de son état de santé.

41. Le Gouvernement est d’avis que le délai mis par la chambre d’accusation pour se prononcer sur le recours du requérant introduit le 2 décembre 2011 ne peut être considéré comme excessif, compte tenu des circonstances particulières de l’affaire et notamment des infractions reprochées à l’intéressé. Il estime que la période à considérer s’est terminée le 5 janvier 2012 – date à laquelle la chambre d’accusation a publié sa décision no 28/2012 –, et non pas le 25 janvier 2012 – date à laquelle cette décision a été notifiée à la représentante du requérant. Dès lors, selon le Gouvernement, la période en cause a duré trente-quatre jours, et non pas cinquante-quatre jours – comme le prétend le requérant. Le Gouvernement ajoute que, compte tenu de la jurisprudence de la Cour dans des affaires similaires, ce délai ne peut être considéré comme excessif.

42. La Cour rappelle d’abord que les procédures relatives à des questions de privation de liberté, au sens de l’article 5 § 4 de la Convention, requièrent une diligence particulière et que les exceptions à l’exigence de contrôle à « bref délai » de la légalité de la détention appellent une interprétation stricte (Hutchison Reid c. Royaume-Uni, no 50272/99, § 79, CEDH 2003‑IV). La question de savoir si le principe de la célérité de la procédure a été respecté est appréhendée non pas dans l’abstrait mais dans le cadre d’une appréciation globale des données, en tenant compte des circonstances de l’espèce (E. c. Norvège, 29 août 1990, § 64, série A no 181‑A, Delbec c. France, no 43125/98, § 33, 18 juin 2002, et Luberti c. Italie, 23 février 1984, §§ 33-37, série A no 75), en particulier à la lumière de la complexité de l’affaire, des particularités éventuelles de la procédure interne ainsi que du comportement du requérant au cours de celle-ci (Bubullima c. Grèce, no 41533/08, § 27, 28 octobre 2010). En principe, cependant, puisque la liberté de l’individu est en jeu, l’État doit faire en sorte que la procédure se déroule dans un minimum de temps (Fuchser c. Suisse, no 55894/00, § 43, 13 juillet 2006).

43. En l’espèce, la Cour note que le requérant a introduit un recours contre l’ordonnance de mise en détention prise à son encontre par la juge d’instruction le 2 décembre 2011 et que, dans son recours, il invoquait sa jurisprudence sur l’article 5 § 4 de la Convention pour solliciter l’examen de cette contestation à « bref délai ». Or le procureur près le tribunal correctionnel d’Athènes a formulé son avis le 19 décembre 2011 et la chambre d’accusation a rendu sa décision le 5 janvier 2012.

44. La Cour estime que le laps de temps écoulé – soit un délai de trente‑quatre jours – n’est pas compatible avec l’exigence d’un contrôle à « bref délai » aux fins de l’article 5 § 4 de la Convention. À titre de comparaison, elle rappelle que, dans les arrêts Rehbock c. Slovénie (no 29462/95, § 84, CEDH 2000-XII), Kadem c. Malte (no 55263/00, §§ 44‑45, 9 janvier 2003), Mamedova c. Russie (no 7064/05, § 96, 1er juin 2006), Butusov c. Russie (no 7923/04, § 34, 22 décembre 2009) et Tsitsiriggos c. Grèce (no 29747/09, § 66, 17 janvier 2012), elle a conclu à la violation de cet article pour des durées de vingt-trois, dix-sept, vingt-six, vingt et vingt-deux jours respectivement.

45. Par conséquent, il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention à cet égard.

b) Quant aux principes de l’égalité des armes et du contradictoire

46. Le requérant soutient que les principes de l’égalité des armes et du contradictoire n’ont pas été respectés en l’espèce. Il affirme que, lors de la première procédure, le droit de comparaître personnellement devant la chambre d’accusation ne lui a pas été accordé, malgré sa demande en ce sens, au motif que l’article 285 du CPP ne prévoit pas cette possibilité.

47. Le Gouvernement réitère pour l’essentiel ses arguments exposés au sujet de l’exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes et de l’absence de qualité de victime du requérant.

48. Selon la jurisprudence de la Cour, la possibilité pour un détenu « d’être entendu lui-même ou, au besoin, moyennant une certaine forme de représentation » figure parmi les « garanties fondamentales de procédure appliquées en matière de privation de liberté » (Sanchez-Reisse c. Suisse, 21 octobre 1986, § 51, série A no 107). Tel est le cas notamment lorsque la comparution du détenu peut être considérée comme le moyen d’assurer le respect de l’égalité des armes, l’une des principales sauvegardes inhérentes à une instance de caractère judiciaire au regard de la Convention.

49. La Cour rappelle que, dans l’affaire Kampanis c. Grèce (13 juillet 1995, § 58, série A no 318-B), elle a estimé que « l’égalité des armes imposait d’accorder au requérant la possibilité de comparaître en même temps que le procureur afin de pouvoir répliquer à ses conclusions ». Elle a conclu que, « faute d’offrir à l’intéressé une participation adéquate à une instance dont l’issue était déterminante pour le maintien ou la levée de sa détention, le système juridique grec en vigueur à l’époque et tel qu’il a été appliqué dans la présente affaire ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 5 § 4 ».

50. La Cour considère que cette jurisprudence, consacrée à l’occasion d’une procédure menée devant la chambre d’accusation d’un tribunal correctionnel, devrait s’appliquer aussi dans le cas d’espèce, où la chambre d’accusation compétente était appelée à statuer sur le recours formé par le requérant contre sa mise en détention. Elle note que le fait que le requérant n’a pas introduit une demande séparée afin d’être entendu, en même temps que le procureur, comme l’indique le Gouvernement, n’est pas pertinent car l’article 285 du CPP ne prévoit pas la comparution de l’accusé ou de son représentant, sans pour autant l’interdire. La Cour note en outre que, dans son recours, le requérant avait mentionné l’impossibilité pour lui de comparaître personnellement devant la chambre d’accusation.

51. En ce qui concerne l’argument du Gouvernement selon lequel le requérant n’a pas demandé à recevoir une copie de la proposition du procureur, la Cour relève que, à supposer même qu’une telle demande ait été introduite et accueillie, les dispositions pertinentes ne permettaient pas au requérant, de manière explicite, de bénéficier de la possibilité de comparaître personnellement ou par l’intermédiaire d’un avocat devant la chambre d’accusation. La Cour souligne à cet égard que l’égalité des armes exige que l’accusé puisse répondre à la proposition du procureur devant la même instance (voir, mutatis mutandis, Giosakis c. Grèce (no 2), no 36205/06, §§ 60-65, 12 février 2009).

52. Eu égard à ce qui précède, la Cour considère que le requérant a été privé de la possibilité de combattre de manière appropriée les motifs invoqués pour justifier sa détention provisoire.

53. Par conséquent, la Cour rejette les exceptions du Gouvernement tirées du non‑épuisement des voies de recours internes et de l’absence de qualité de victime du requérant et conclut qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention sur ce point.

B. Griefs concernant la seconde procédure

54. Dans ses observations, soumises à la Cour le 31 août 2016, le requérant se plaint de n’avoir pas eu accès en temps utile à la proposition du procureur et de n’avoir par conséquent pas pu s’y opposer de manière effective.

55. La Cour note que, dans sa requête, le requérant n’a pas présenté des griefs relatifs aux principes du respect de l’égalité des armes et du contradictoire en ce qui concerne la seconde procédure. Elle note aussi que, s’agissant de l’exigence d’un contrôle à « bref délai », il n’a pas étayé ses griefs mais a indiqué uniquement que son recours, « introduit le 3 février 2012, a été examiné le 3 avril 2012 et a conduit à sa libération ». En effet, le requérant s’est contenté d’exposer en détail les violations alléguées de l’article 5 § 4 de la Convention en ce qui concerne la première procédure litigieuse.

56. Tenant compte du fait que ledit grief a été introduit le 31 août 2016, soit plus de six mois après le 3 avril 2012, date à laquelle la chambre d’accusation a fait droit à la seconde demande de mise en liberté présentée par le requérant (paragraphe 17 ci-dessus), la Cour estime que cette partie de la requête doit être déclarée irrecevable comme tardive, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

57. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

58. Le requérant réclame les sommes suivantes au titre du dommage moral qu’il dit avoir subi : 120 000 EUR pour la violation alléguée de l’article 3 de la Convention, 60 000 EUR pour chacune des violations alléguées de l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention et 9 000 EUR pour celles de l’article 13 de la Convention. Le requérant invite la Cour à verser ces sommes directement sur le compte de sa représentante.

59. Le Gouvernement estime que les sommes réclamées sont excessives et qu’elles portent en partie sur des griefs n’ayant pas fait l’objet d’une communication. Il considère en outre qu’un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante.

60. La Cour rappelle qu’elle a conclu à la violation de l’article 5 § 4 de la Convention quant aux exigences du « bref délai » et des principes de l’égalité des armes et du contradictoire en ce qui concerne la première procédure en cause. Statuant en équité, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 3 000 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

61. Le requérant demande également 9 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour. En ce qui concerne les frais et dépens exposés devant la Cour, il indique qu’il a signé un accord avec sa représentante. Il précise que, selon cet accord, il versera à cette dernière la somme de 9 000 EUR en cas de constat d’au moins une violation de la Convention et que, toujours selon cet accord, aucune somme ne sera due au titre des honoraires en cas de rejet de la requête. Enfin, le requérant demande que toute somme éventuellement allouée soit directement versée sur le compte bancaire de sa représentante.

62. Le Gouvernement soutient que la somme réclamée est excessive et non justifiée, et il est d’avis que toute somme accordée au titre des frais et dépens ne devrait pas dépasser 1 000 EUR.

63. La Cour note que le requérant a conclu avec sa représentante un accord concernant les honoraires de celle-ci, qui se rapprocherait d’un pacte de quota litis. Un tel accord peut attester, s’il est juridiquement valable, que l’intéressé est effectivement redevable des sommes réclamées. Pareil accord, qui ne fait naître des obligations qu’entre l’avocat et son client, ne saurait lier la Cour, qui doit évaluer le niveau des frais et dépens à rembourser non seulement par rapport à la réalité des frais allégués, mais aussi par rapport à leur caractère raisonnable (voir, mutatis mutandis, Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 55, CEDH 2000-XI).

64. En l’occurrence, la Cour rappelle qu’elle a conclu à une violation de la Convention seulement en ce qui concerne les griefs tirés de l’article 5 § 4 de la Convention relatifs à la première procédure. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime raisonnable d’accorder au requérant 1 000 EUR pour les frais engagés pour la procédure devant elle.

C. Intérêts moratoires

65. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Rejette, à l’unanimité, les deux premières branches de l’exception de non‑épuisement des voies de recours internes formulée par le Gouvernement ;

2. Joint au fond, à la majorité, la troisième branche de l’exception de non‑épuisement des voies de recours internes et l’exception tirée de l’absence de qualité de victime formulées par le Gouvernement ;

3. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable quant au grief tiré de l’article 5 § 4 de la Convention en ce qui concerne l’obligation de statuer à « bref délai » dans le cadre de l’examen du recours introduit par le requérant le 2 décembre 2011 devant la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Athènes ;

4. Déclare, à la majorité, la requête recevable quant au grief tiré de l’article 5 § 4 de la Convention en ce qui concerne l’obligation de faire comparaître le requérant devant la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Athènes à l’occasion de l’examen de son recours du 2 décembre 2011 ;

5. Déclare, à l’unanimité, la requête irrecevable pour le surplus ;

6. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention quant à l’obligation de statuer à « bref délai » dans le cadre de l’examen du recours introduit par le requérant le 2 décembre 2011 devant la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Athènes ;

7. Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention en ce qui concerne l’obligation de faire comparaître le requérant devant la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Athènes à l’occasion de l’examen de son recours du 2 décembre 2011 et, par conséquent, rejette les exceptions préliminaires du Gouvernement jointes au fond ;

8. Dit, à l’unanimité,

a) que l’État défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i. 3 000 EUR (trois mille euros) au requérant, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

ii. 1 000 EUR (mille euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens, somme à verser sur le compte bancaire de sa représentante ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

9. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 décembre 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPrésidente

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge K. Wojtyczek.

K.P.
A.C.

OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE
DU JUGE WOJTYCZEK

1. Dans la présente affaire, mon désaccord porte sur l’appréciation du grief tiré de l’article 5 § 4 de la Convention en ce qui concerne l’obligation de faire comparaître le requérant devant la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Athènes à l’occasion de l’examen de son recours du 2 décembre 2011. À mon avis, ce grief n’est ni recevable ni fondé.

La majorité a exprimé le point de vue suivant : « [La Cour] note que le fait que le requérant n’a pas introduit une demande séparée afin d’être entendu, en même temps que le procureur, comme l’indique le Gouvernement, n’est pas pertinent car l’article 285 du CPP ne prévoit pas la comparution de l’accusé ou de son représentant, sans pour autant l’interdire. »

Cet argument ne me convainc pas. Je constate que, lorsque, le 2 avril 2012, le requérant a demandé à prendre connaissance de la proposition du procureur et à être représenté devant la chambre d’accusation par l’intermédiaire de son avocate, celle-ci a pu être présente devant la chambre d’accusation de la cour d’appel et exposer ses arguments. Même si l’article 285 du CPP ne prévoit pas la comparution de l’accusé ou de son représentant, il a été possible d’aligner la pratique sur les standards de la Convention. Je ne vois pas pourquoi le requérant n’a pas formulé une demande similaire quand il a contesté, le 2 décembre 2011, l’ordonnance no 18/2011 devant la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Athènes. En l’absence d’une telle demande, il est aussi difficile de conclure que les voies de recours internes ont été épuisées et de constater la violation d’un droit que le requérant n’a pas fait valoir en l’espèce.

2. L’examen de la présente affaire exige de déterminer au préalable si la chambre d’accusation du tribunal correctionnel qui statue sur les recours contre l’ordonnance de mise en détention provisoire est le juge de première ou le juge de deuxième instance. Dans cette dernière hypothèse, le juge de première instance serait le juge d’instruction.

Selon le paragraphe 39 du raisonnement, l’État grec se serait doté d’un système à double degré de juridiction pour l’examen de la légalité de la détention. Dès lors, le juge d’instruction statuerait sur la détention provisoire comme juridiction de première instance, alors que la chambre d’accusation du tribunal correctionnel statuerait en deuxième instance.

Je ne suis pas convaincu par une telle approche. Premièrement, la notion de juridiction présuppose des garanties d’indépendance et d’impartialité suffisantes. Pour déterminer si le juge d’instruction remplit pleinement les critères d’un tribunal indépendant et impartial, il aurait été nécessaire d’analyser en détail son statut. Deuxièmement, si le critère d’indépendance semble à première vue satisfait, il n’en va pas de même de même du critère d’impartialité, dont la satisfaction soulève des doutes très sérieux. Le juge d’instruction est responsable de l’effectivité et de la célérité de l’investigation. Dans ce contexte, il peut être fortement tenté d’utiliser des moyens qui, sans être indispensables, accélèrent et facilitent l’investigation. Il ne semble donc pas avoir la distance requise ni pour apprécier si des moyens moins restrictifs sont suffisants ni pour mettre en balance les différentes valeurs en conflit. Dans ces conditions, il est difficile de considérer que le juge d’instruction remplit tous les critères d’une juridiction au sens de la Convention. La première instance qui satisfait pleinement aux exigences d’une juridiction indépendante et impartiale semble être la chambre d’accusation du tribunal correctionnel.

Je déplore que la majorité ait jugé inutile l’examen de ces questions fondamentales.


Synthèse
Formation : Cour (premiÈre section)
Numéro d'arrêt : 001-179230
Date de la décision : 07/12/2017
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté (Article 5-4 - Contrôle à bref délai);Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté (Article 5-4 - Garanties procédurales du contrôle)

Parties
Demandeurs : STERGIOPOULOS
Défendeurs : GRÈCE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : KOUTRA E.-L.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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