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20/07/2017 | CEDH | N°001-175838

CEDH | CEDH, AFFAIRE POULIMENOS ET AUTRES c. GRÈCE, 2017, 001-175838


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE POULIMENOS ET AUTRES c. GRÈCE

(Requête no 41230/12)

ARRÊT

STRASBOURG

20 juillet 2017

DÉFINITIF

20/10/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Poulimenos et autres c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Kristina Pardalos, présidente,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal,
Krzysztof

Wojtyczek,
Pauliine Koskelo,
Tim Eicke,
Jovan Ilievski, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du co...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE POULIMENOS ET AUTRES c. GRÈCE

(Requête no 41230/12)

ARRÊT

STRASBOURG

20 juillet 2017

DÉFINITIF

20/10/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Poulimenos et autres c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Kristina Pardalos, présidente,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal,
Krzysztof Wojtyczek,
Pauliine Koskelo,
Tim Eicke,
Jovan Ilievski, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 juin 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 41230/12) dirigée contre la République hellénique et dont six ressortissants de cet État (« les requérants »), dont la liste figure en annexe, ont saisi la Cour le 26 juin 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants ont été représentés par Mes K. Choromidis et G. Gessoulis, avocats à Thessalonique. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les déléguées de son agent, Mme E. Tsaoussi, conseillère au Conseil juridique de l’État, et Mme A. Magrippi, auditrice au Conseil juridique de l’État.

3. Les requérants alléguaient une violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

4. Le 20 mars 2016, le grief concernant l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention a été communiqué au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le père des requérants, M. Nicolas Poulimenos, était propriétaire d’un terrain sis à Elliniko (Athènes), qui faisait partie d’un ensemble immobilier divisé en huit copropriétés. Sept de ces copropriétés, qui appartenaient à d’autres personnes, étaient bâties.

Des décrets datant de 1959, de 1960 et de 1962 déclarèrent l’expropriation du terrain en question en vue de l’élargissement d’une rue. En 1979, le père des requérants saisit le Conseil d’État d’un recours en annulation dirigé contre un acte ayant considéré qu’il n’avait pas droit à une indemnité d’expropriation. En 1981, le Conseil d’État lui donna gain de cause, à la suite de quoi les services de l’urbanisme de la préfecture d’Athènes reconnurent que les autres copropriétaires et la municipalité d’Elliniko étaient redevables d’une indemnité envers lui.

6. Le 30 novembre 1997, après le décès de leur père, les requérants saisirent le tribunal de première instance d’Athènes (« le tribunal de première instance ») d’une demande tendant à la fixation de l’indemnité provisoire d’expropriation.

7. Par son jugement no 1836/1998 du 31 août 1998, le tribunal de première instance fixa l’indemnité provisoire à 90 000 drachmes (soit environ 264 euros (EUR)) au mètre carré. La date prise en compte pour le calcul de l’indemnité était celle du 27 mars 1998, date de l’audience devant ce tribunal.

8. Le 28 avril 1999, les requérants demandèrent au tribunal de première instance de fixer l’indemnité définitive d’expropriation.

9. L’audience devant le tribunal de première instance eut lieu le 9 novembre 1999. Par sa décision avant dire droit no 9369/1999 du 20 décembre 1999, le tribunal ordonna un supplément d’instruction et une expertise afin de déterminer la valeur du terrain au 27 mars 1998, date de l’audience concernant la fixation de l’indemnité provisoire.

10. Le 19 septembre 2000, le tribunal de première instance reconnut les requérants comme bénéficiaires de l’indemnité (jugement no 1738/2000).

11. Le 19 octobre 2004, il tint une audience, et, le 24 janvier 2005, il fixa l’indemnité définitive d’expropriation à 320 EUR le mètre carré en tenant compte de la valeur du terrain au 27 mars 1998, date de la fixation de l’indemnité provisoire (jugement no 340/2005).

12. Par un acte d’appel daté du 28 avril 2005, les requérants saisirent la cour d’appel d’Athènes (« la cour d’appel ») d’un recours, qui fut enregistré le 6 mai 2005. Ils contestaient la décision du tribunal de première instance, et ils demandaient aussi que l’appel fût considéré comme une demande de fixation de l’indemnité définitive d’expropriation à 900 EUR le mètre carré et que la valeur du terrain à la date de l’audience devant la cour d’appel fût prise en compte à cette fin. À cet égard, ils indiquaient que la valeur du terrain avait considérablement augmenté depuis l’audience portant sur la fixation de l’indemnité provisoire.

13. L’audience devant la cour d’appel eut lieu le 2 mai 2006. Le 29 décembre 2006, celle-ci rejeta l’appel comme irrecevable (arrêt no 9117/2006).

14. S’agissant de la demande de réactualisation de l’indemnité définitive, la cour d’appel la rejeta comme irrecevable au motif qu’il existait déjà une décision fixant cette indemnité. Elle souligna que les dispositions invoquées par les requérants ne s’appliquaient pas en l’espèce car l’expropriation avait eu lieu avant le 1er février 1971 et car le jugement no 340/2005 était déjà définitif. Elle considéra que la demande de réactualisation de l’indemnité n’avait pas de base légale au motif que le « risque de revalorisation » était prévu par l’article 17 de la Constitution. Elle précisa à cet égard que, selon cette disposition, l’expropriation était levée d’office si, dans un délai d’un an et demi à compter du jugement fixant l’indemnité provisoire, celle-ci n’avait pas été versée.

15. Elle considéra, en outre, que l’acte d’appel était en lui-même irrecevable car il aurait dû être déposé auprès du greffe du tribunal de première instance, et non auprès de son greffe, comme cela avait été le cas en l’espèce.

16. Le 5 avril 2007, les requérants se pourvurent en cassation. Le 28 avril 2009, la Cour de cassation les débouta pour les mêmes motifs que ceux retenus par la cour d’appel (arrêt no 986/2009).

17. Le 31 août 2009, les requérants réintroduisirent leur appel (du 6 mai 2005) devant la cour d’appel en vue de la tenue d’une nouvelle audience, qui fut arrêtée au 12 octobre 2010. Dans leurs observations du 28 avril 2010, ils indiquaient que, depuis la date de la fixation de l’indemnité définitive, le 9 novembre 1999, la valeur du bien avait augmenté de manière substantielle. Ils invitaient la cour d’appel à fixer le montant de l’indemnité définitive à 1 300 EUR le mètre carré.

18. Par son arrêt no 179/2012 du 18 janvier 2012, la cour d’appel considéra que, en se plaçant au 27 mars 1998 (date de l’audience pour la fixation de l’indemnité provisoire) pour déterminer la valeur du bien objet du litige, le tribunal de première instance avait appliqué de manière erronée les dispositions législatives pertinentes en la matière. Elle fixa l’indemnité définitive d’expropriation à 420 EUR le mètre carré en tenant compte de la valeur du terrain au 9 novembre 1999, soit à la date de la première audience relative à la fixation de l’indemnité définitive devant ledit tribunal. La cour d’appel souligna que c’était à cette date que la procédure d’administration des preuves avait été complétée et que la valeur du terrain exproprié avait subi une réévaluation considérable. Elle s’aligna sur la jurisprudence de la Cour de cassation, siégeant en formation plénière, qui, par son arrêt no 14/2011 du 29 septembre 2011, avait mis un terme à l’approche suivie jusqu’alors dans ce type d’affaires. Plus particulièrement, la cour d’appel releva ce qui suit :

« (...) en cas d’expropriation pour la modification du plan de la ville, décidée avant le 1er février 1971, et au cas où l’audience pour la fixation de l’indemnité définitive d’expropriation devant le tribunal de première instance se fait conformément aux dispositions de l’article 17 § 2 de la Constitution (révisée en 2001) et après l’écoulement d’un an à partir de l’audience portant sur la fixation de l’indemnité provisoire (...), la date critique prise en compte en ce qui concerne la valeur du bien exproprié est [la date] de l’audience portant sur la fixation de l’indemnité définitive, même si la demande a été introduite antérieurement à l’entrée en vigueur de (...) l’article 17 § 2 de la Constitution (révisée en 2001). Cette approche est imposée entre autres par l’article 1 du Protocole no 1 (...). Par ailleurs, la nouvelle disposition de l’alinéa c) de l’article 17 § 2 de la Constitution a été introduite afin de rendre le droit interne conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à la protection du droit au respect des biens. (...) »

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

19. L’article 117 § 5 de la Constitution de 1975 dispose ce qui suit :

« Jusqu’à ce que les lois existantes en matière d’expropriation soient adaptées aux dispositions de la présente Constitution, toute expropriation qui est ou qui sera déclarée est régie par les dispositions en vigueur au moment où cette déclaration a lieu. »

20. L’article 17 de la Constitution, tel que modifié à la suite de la révision de la Constitution du 6 avril 2001, est ainsi libellé :

« 1. La propriété est sous la protection de l’État, mais les droits qui en dérivent ne peuvent s’exercer au détriment de l’intérêt général.

2. Nul ne peut être privé de sa propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique, dûment prouvée, dans les cas et suivant la procédure prévus par la loi, et toujours moyennant une indemnité préalable complète, qui doit correspondre à la valeur du bien exproprié au moment de l’audience sur sa fixation provisoire devant le tribunal compétent. En cas de demande de fixation directe de l’indemnité définitive, est prise en considération la valeur du bien au moment de l’audience sur cette fixation devant le tribunal. Si l’audience pour la fixation de l’indemnité définitive a lieu plus d’un an après l’audience sur la fixation de l’indemnité provisoire, est prise en compte la valeur à la date de l’audience pour la fixation de l’indemnité définitive. (...)

(...)

4. L’indemnité est dans tous les cas fixée par les tribunaux compétents (...) Une loi prévoit l’établissement d’une juridiction unique, nonobstant l’article 94, pour tous les litiges et affaires d’expropriation, ainsi que le traitement prioritaire des procédures y afférentes devant les tribunaux. (...) L’indemnité dont le montant est fixé par le tribunal est, dans tous les cas, payée au plus tard un an et demi après la date de publication de la décision du tribunal sur la fixation de l’indemnité provisoire, et, en cas de demande de fixation de l’indemnité définitive, après la publication de la décision du tribunal, faute de quoi l’expropriation est levée de plein droit. (...) »

21. L’article 29 § 4 du code des expropriations exclut de son champ d’application les expropriations déclarées avant le 1er février 1971. Il prévoit toutefois que ses dispositions s’appliquent à ces expropriations pour les questions concernant la fixation de l’indemnité définitive d’expropriation à la condition qu’une demande à cet égard n’ait pas été introduite avant la date de l’entrée en vigueur de ce code (le 6 mai 2001).

22. Par un arrêt no 14/2011, rendu le 29 septembre 2011, la Cour de cassation, siégeant en formation plénière, a jugé que la date critique pour calculer la valeur du bien exproprié était la date de la première audience (portant sur la fixation de l’indemnité définitive), même si, lors de celle-ci, le tribunal n’examinait pas le fond de l’affaire : par conséquent, si, à l’audience, le tribunal ordonnait la réalisation d’une expertise, la date critique précitée était la date de cette audience et non celle de l’audience consacrée au fond de l’affaire.

23. L’article 13 § 1 du code des expropriations, tel que modifié par la loi no 2882/2001, prévoit que, « si l’audience du tribunal consacrée à l’octroi définitif de l’indemnité a lieu plus d’un an après l’audience au cours de laquelle a été fixé le montant provisoire, la valeur du terrain exproprié au moment de l’audience où l’indemnité définitive est déterminée est prise en considération pour calculer le montant de l’indemnité ».

24. L’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil dispose ce qui suit :

« L’État est tenu de réparer le dommage causé par les actes illégaux ou omissions de ses organes lors de l’exercice de la puissance publique, excepté si les actes ou omissions [en question] ont eu lieu en méconnaissance d’une disposition destinée à servir l’intérêt public. La personne fautive est solidairement responsable avec l’État, sous réserve des dispositions spéciales sur la responsabilité des ministres. »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION

25. Les requérants se plaignent que la cour d’appel, amenée à déterminer l’indemnité définitive d’expropriation pour le terrain objet du litige, ait calculé la valeur de ce bien à une date très éloignée de celle de l’audience, ce qui aurait eu pour résultat d’aboutir à la fixation d’une indemnité dépréciée par rapport à la « vraie » valeur du terrain en question. Ils allèguent une violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, qui est ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

A. Sur la recevabilité

26. En premier lieu, le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il indique que la non-perception de l’indemnité provisoire d’expropriation allouée par le jugement no 1836/1998, qui serait dénoncée par les requérants, donnait le droit à ces derniers de demander auprès des autorités judiciaires ou administratives de reconnaître la levée d’office de l’expropriation du bien objet du litige, et ce, selon lui, conformément au paragraphe 4 de l’article 17 de la Constitution. Il précise que cette disposition présuppose l’introduction d’une demande à cet effet de la part de la personne intéressée et que, en l’espèce, les requérants n’ont jamais exercé ce droit. Il ajoute que les requérants auraient également pu introduire une action en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, en réparation du dommage causé par l’absence de versement de l’indemnité provisoire ou définitive.

27. En deuxième lieu, le Gouvernement soutient que la requête est manifestement mal fondée et que les requérants ne peuvent pas se prétendre victimes de la violation alléguée. Précisant que la question de savoir si l’indemnité d’expropriation sollicitée par les requérants (1 300 EUR le mètre carré) correspondait à la valeur réelle du bien à la date critique du 12 octobre 2010 n’a pas été examinée par les juridictions internes, il considère que la Cour ne peut pas se substituer à cet égard aux autorités nationales.

28. Les requérants rétorquent que les voies des recours mentionnées par le Gouvernement n’étaient pas appropriées dans leur cas, puisqu’il s’agirait de recours à exercer devant les autorités administratives en cas de restriction à l’usage de la propriété, et non en cas d’expropriation. Sur ce point, ils indiquent que les questions relatives aux expropriations, telles celles posées en l’espèce, relèvent des juridictions civiles. Ils exposent que, s’ils avaient saisi les juridictions administratives, leur action aurait été déclarée irrecevable en raison d’une incompétence de celles-ci pour fixer ou réactualiser une indemnité d’expropriation. Selon eux, le système juridique grec ne prévoit pas de voie de recours effective pour l’évaluation des indemnités d’expropriation non versées pendant de longues périodes. Par ailleurs, toujours selon eux, la loi mentionnée à l’article 17 § 4 de la Constitution, tel que modifié à la suite de la révision de la Constitution en 2001, n’a toujours pas été adoptée.

29. En ce qui concerne l’exception du Gouvernement relative au calcul de l’indemnité d’expropriation, les requérants estiment qu’il ne s’agit pas là d’une question de recevabilité mais de fond.

30. La Cour rappelle que, dans le cadre du dispositif de protection des droits de l’homme, la règle de l’épuisement des voies de recours internes doit s’appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif. En même temps, cette règle oblige, en principe, à soulever devant les juridictions nationales appropriées, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, les griefs que l’on entend formuler par la suite au niveau international (voir, parmi beaucoup d’autres, Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 44, CEDH 2006-II, Azinas c. Chypre [GC], no 56679/00, § 38, CEDH 2004-III, et Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 37, CEDH 1999-I). En outre, lorsqu’une voie de recours a été utilisée, l’usage d’une autre voie dont le but est pratiquement le même n’est pas exigé (voir, entre autres, Kozacıoğlu c. Turquie [GC], no 2334/03, § 40, 19 février 2009, et Micallef c. Malte [GC], no 17056/06, § 58, CEDH 2009).

31. La Cour relève que la présente affaire porte sur la détermination de l’indemnité définitive d’expropriation pour le terrain objet du litige, dont la valeur – sur laquelle l’indemnité devait être fondée – a été calculée par la cour d’appel à une date très antérieure à celle de l’audience, ce qui a eu pour résultat d’aboutir à la fixation d’une indemnité considérablement dépréciée.

32. La Cour note que, le 6 mai 2005, les requérants ont introduit un appel contre le jugement du tribunal de première instance qui avait fixé l’indemnité définitive d’expropriation et que, par un arrêt du 29 décembre 2006, la cour d’appel a déclaré ce recours irrecevable. Par la suite, les requérants se sont pourvus en cassation contre cet arrêt, et, le 28 avril 2009, la Cour de cassation a rejeté leur pourvoi. Le 31 août 2009, les requérants ont réintroduit leur appel devant la cour d’appel, laquelle a fixé l’indemnité en question par son arrêt no 179/2012. Les intéressés ne se sont pas pourvus en cassation contre cet arrêt, la jurisprudence en la matière ayant été fixée quelques mois plus tôt dans un sens défavorable à leur thèse par la Cour de cassation, statuant en formation plénière (paragraphe 22 ci-dessus).

33. La Cour considère que, en saisissant à deux reprises la cour d’appel, les requérants ont usé normalement des recours qui s’offraient à eux et qui concernaient en substance les faits dénoncés devant elle. En revanche, les recours indiqués par le Gouvernement ne seraient pas adéquats pour porter remède aux griefs des requérants. La demande de levée de l’expropriation du bien objet du litige et d’une toute autre nature et non adaptée à ces griefs. L’action sur le fondement de l’article 105 précité, qui doit être introduit devant les juridictions administratives et non civiles, vise à réparer le dommage causé par les actes illégaux de la puissance publique et ne saurait être utilisée pour la réévaluation d’une indemnité d’expropriation en cas de non versement de celle-ci dans un délai raisonnable.

34. Il s’ensuit que la requête ne saurait être écartée pour non-épuisement des voies de recours internes et qu’il y a lieu en conséquence de rejeter l’exception formulée par le Gouvernement.

35. Quant à l’autre branche de l’exception du Gouvernement, la Cour estime qu’elle est étroitement liée à la substance du grief soulevé par les requérants sur le terrain de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Partant, elle décide de la joindre au fond.

36. Constatant par ailleurs que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

a) Les requérants

37. Les requérants indiquent que les deux parties intéressées à la fixation d’une indemnité définitive d’expropriation peuvent saisir le tribunal à cette fin. Ils exposent que, en l’espèce, la municipalité d’Elliniko n’a aucunement agi en justice et qu’elle les a laissés être à l’origine de toutes les étapes procédurales. Ils ajoutent que, de leur côté, ils ont épuisé sans tarder toutes les voies de recours existantes et que, pour cette raison, la cour d’appel a déclaré leur action recevable et a fixé un nouveau montant de 420 EUR.

38. Les requérants précisent que, le 12 octobre 2010, la cour d’appel n’a pas seulement corrigé la décision du tribunal de première instance, mais qu’elle a procédé à un nouvel examen du fond de l’affaire et qu’elle a fixé un nouveau montant pour l’indemnité définitive fondé sur une date critique différente.

39. Les requérants soutiennent aussi que le montant de l’indemnité définitive alloué par la cour d’appel peut faire l’objet d’un examen objectif par la Cour. Ils affirment également qu’ils ont essayé par tout moyen de faire examiner leurs prétentions et critiquent les différentes juridictions en ce qu’elles auraient contribué à prolonger la procédure par leurs décisions et auraient finalement refusé de prendre en considération l’écoulement d’une période de onze ans. Ils indiquent n’être en rien responsables pourr un tel délai.

b) Le Gouvernement

40. Le Gouvernement indique que, à chaque réforme du code des expropriations, le législateur a considéré qu’il ne fallait pas soumettre les modalités d’indemnisation d’une expropriation effectuée sous le régime de l’ancienne législation au régime prévu par la nouvelle, au motif que cela ne serait pas conforme au principe de la sécurité juridique et au bon fonctionnement de la justice. Il précise que la raison en est la suivante : à chaque entrée en vigueur d’une réforme, les organismes publics tenus de verser des indemnités d’expropriation avaient déjà programmé à l’avance leurs obligations financières, notamment à une période où ces obligations auraient été particulièrement importantes à la suite des extensions successives des plans d’urbanisme.

41. Le Gouvernement reproche aux requérants d’avoir exercé un appel de manière irrecevable le 6 mai 2005 et de ne pas l’avoir réintroduit avant le 31 août 2009. Selon lui, si ce deuxième appel n’a été examiné que le 12 octobre 2010, soit quatre ans plus tard, c’est en raison d’une faute qui leur serait exclusivement imputable. Le Gouvernement estime que la présente espèce se différencie des affaires Zacharakis c. Grèce (no 17305/02, 13 juillet 2006) et Tsirikakis c. Grèce (no 46355/99, 17 janvier 2002) en ce que, en l’occurrence, l’État ne pourrait être considéré comme responsable du laps de temps écoulé entre la première et la dernière audience tenues devant le tribunal de première instance relativement à la fixation de l’indemnité définitive – respectivement en date du 9 novembre 1999 et du 19 octobre 2004 (paragraphes 9 et 11 ci-dessus) – et qu’il ne pourrait pas non plus l’être s’agissant de la période écoulée jusqu’aux audiences d’appel du 2 mai 2006 (paragraphe 13 ci-dessus) et du 12 octobre 2010 (paragraphe 17 ci-dessus).

42. Le Gouvernement soutient en outre que, le 12 octobre 2010, la cour d’appel ne s’est pas prononcée pour la première fois sur l’indemnité définitive d’expropriation et qu’elle a seulement corrigé la décision du tribunal de première instance quant à la date critique à prendre en compte pour la fixation de cette indemnité. Il précise que la cour d’appel a en l’espèce relevé que l’expropriation avait été déclarée avant le 1er février 1971 et qu’elle a considéré, après interprétation du droit interne pertinent, que, malgré cela, la date critique pour déterminer la valeur du bien exproprié était la date de l’audience sur la fixation de l’indemnité définitive et non celle sur l’indemnité provisoire.

2. Appréciation de la Cour

43. En l’espèce, la Cour note, dans la mesure où les requérants se plaignent de la dépréciation de leur indemnité d’expropriation, que la situation litigieuse relève de la première phrase du premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, qui énonce de manière générale le principe du respect des biens (Almeida Garrett, Mascarenhas Falcao et autres c. Portugal, nos 29813/96 et 30229/96, §§ 43 et 48, CEDH 2000-I, et Zacharakis, précité, § 29). Dès lors, la Cour doit rechercher si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu (voir, parmi d’autres, Nastou c. Grèce (no 2), no 16163/02, § 31, 15 juillet 2005).

44. Le souci d’assurer un tel équilibre se reflète dans la structure de l’article 1 du Protocole no 1 tout entier. En particulier, il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toute mesure privant une personne de sa propriété (Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique, 20 novembre 1995, § 38, série A no 332).

45. Afin de déterminer si la mesure litigieuse respecte le juste équilibre voulu et, notamment, si elle ne fait pas peser sur le requérant une charge disproportionnée, il y a lieu de prendre en considération les modalités d’indemnisation prévues par la législation interne. À cet égard, la Cour a déjà dit que, sans le versement d’une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue normalement une atteinte excessive au droit au respect des biens (Malama c. Grèce, no 43622/98, § 48, CEDH 2001‑II). En particulier, le caractère adéquat d’un dédommagement se trouverait diminué si son paiement faisait abstraction d’éléments susceptibles d’en réduire la valeur, tel l’écoulement d’un laps de temps que l’on ne saurait qualifier de raisonnable (Angelov c. Bulgarie, no 44076/98, § 39, 22 avril 2004, et Almeida Garrett, Mascarenhas Falcão et autres, précité, § 54). Dans pareil cas, la Cour recherche principalement si l’administration a procédé à la réactualisation de la somme due pour compenser sa dépréciation en raison du laps du temps écoulé (voir, parmi d’autres, Akkuş c. Turquie, 9 juillet 1997, §§ 29-31, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, et Zacharakis, précité, § 31).

46. En l’occurrence, la Cour note d’emblée que, d’après l’article 17 § 2 de la Constitution, si l’audience pour la fixation de l’indemnité définitive a lieu plus d’un an après l’audience sur la fixation de l’indemnité provisoire, il convient de prendre en compte la valeur à la date de l’audience pour la fixation de l’indemnité définitive. Elle en déduit que le but de cette disposition est de faire en sorte que la date critique pour la fixation de l’indemnité soit la date la plus proche de celle de son versement aux ayants droit, afin que la compensation soit « intégrale » comme l’exige ce même article. La Cour note aussi que, par son arrêt no 14/2011, la Cour de cassation, statuant en formation plénière, et interprétant la disposition susmentionnée, a considéré que l’audience qu’il fallait prendre en compte pour calculer l’indemnité était celle à laquelle l’affaire avait été appelée devant le tribunal, même si, à cette audience, le tribunal n’avait pas examiné le fond de l’affaire en raison de l’ajournement de celle-ci, de la prescription par lui d’une expertise ou pour toute autre cause.

47. En l’espèce, la Cour est attentive aux arguments du Gouvernement relatifs aux considérations de sécurité juridique et de nécessité pour les autorités étatiques de prévoir suffisamment à l’avance leurs obligations financières pour l’indemnisation des propriétaires expropriés dont les biens ont vu leur valeur être multipliée pendant des périodes d’urbanisation galopante. Toutefois, de l’avis de la Cour, l’utilisation de la possibilité de réactualisation de l’indemnité par les tribunaux en cas de non-respect des exigences de l’article 17 § 2 de la Constitution est avantageuse pour les deux parties concernées par l’expropriation : d’une part, pour l’autorité à l’origine de l’expropriation, car elle permet de réduire les cas de levée d’office des expropriations en cas de non-versement de l’indemnité (pareille levée étant susceptible de perturber la programmation de l’exécution des travaux) ; d’autre part, pour le propriétaire exproprié, car elle permet à ce dernier de percevoir une compensation « intégrale » au sens de l’article 17 § 2 précité et, le cas échéant, d’obtenir en remplacement de sa propriété un bien d’une même valeur.

48. La Cour note que, en l’espèce, le tribunal de première instance a calculé le montant de l’indemnité provisoire d’expropriation à la date de l’audience devant lui, soit le 27 mars 1998. L’audience pour la fixation de l’indemnité définitive a eu lieu devant ce même tribunal le 9 novembre 1999. Toutefois, à cette dernière date, ledit tribunal n’a pas procédé à la fixation de cette indemnité : il a en effet ordonné une expertise aux fins de la détermination de la valeur du bien au 27 mars 1998. Puis, par un jugement du 24 janvier 2005, le tribunal a fixé l’indemnité en question en tenant compte de la valeur du terrain au 27 mars 1998. Par la suite, le 29 décembre 2006, la cour d’appel a rejeté l’appel des requérants, et, le 28 avril 2009, la Cour de cassation a débouté ceux-ci de leur pourvoi. Enfin, par un arrêt du 18 janvier 2012, statuant à la suite de la réintroduction de leur appel par les requérants, qui se fondaient sur une augmentation substantielle de la valeur du terrain objet du litige pour demander une réactualisation de l’indemnité allouée, la cour d’appel a fixé un nouveau montant en tenant compte de la valeur que ledit terrain avait au 9 novembre 1999, soit à la date de la première audience relative à la fixation de l’indemnité définitive devant le tribunal de première instance.

49. La Cour constate ainsi que la procédure relative à la détermination de l’indemnité à accorder aux requérants a débuté le 30 novembre 1997, avec la saisine du tribunal de première instance en vue de la fixation de l’indemnité provisoire, et qu’elle a pris fin le 18 janvier 2012, avec l’arrêt de la cour d’appel statuant sur le montant de l’indemnité définitive. Il convient en outre de noter que l’expropriation litigieuse, aux fins de l’élargissement d’une rue, avait été déclarée dès 1959 et qu’une procédure judiciaire, engagée par le père des requérants, avait déjà eu lieu devant le Conseil d’État en 1979 (paragraphe 5 ci-dessus). Certes, les procédures engagées par les requérants ont contribué à retarder la date du versement de l’indemnité définitive d’expropriation, mais les intéressés n’ont fait qu’utiliser toutes les possibilités que leur offrait le droit national pour réactualiser le montant de celle-ci.

50. La Cour observe ensuite que le 31 août 1998, l’indemnité provisoire a été fixée à 264 EUR le mètre carré après prise en compte de la valeur du bien au 27 mars 1998. Par la suite, le 24 janvier 2005, l’indemnité définitive a été fixée à 320 EUR le mètre carré sur la base de la valeur du bien à cette même date. Enfin, le 18 janvier 2012, à l’issue de la dernière procédure menée devant les juridictions internes – procédure au cours de laquelle les requérants évaluaient le montant de l’indemnité définitive à 1 300 EUR le mètre carré, celle-ci a été recalculée à 420 EUR le mètre carré après prise en considération de la valeur du bien au 9 novembre 1999, date de la première audience tenue devant le tribunal de première instance, lors de laquelle celui-ci avait ordonné une expertise.

51. La Cour estime qu’il ne lui appartient pas de s’exprimer sur le montant exact de l’indemnité définitive que les requérants devaient percevoir en fonction des fluctuations des prix du marché, de l’inflation ou de toute autre éventuelle cause.

52. Toutefois, en retenant comme date critique pour la détermination de la valeur du bien exproprié, et donc pour la fixation de l’indemnité définitive, la date de la première audience tenue au cours de la procédure devant le tribunal de première instance relativement à l’établissement de l’indemnité susmentionnée, soit le 9 novembre 1999, la cour d’appel a fait abstraction de tout écart qui pouvait exister entre la valeur de la créance des requérants à cette date et celle à la date à laquelle elle a statué, soit le 18 janvier 2012.

53. Aussi la Cour considère-t-elle que les requérants ont dû supporter une charge disproportionnée et excessive qui a rompu le juste équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général (voir, mutatis mutandis, Zacharakis, précité, § 33, et Yetiş et autres c. Turquie, no 40349/05, § 56, 6 juillet 2010). Partant, la Cour rejette l’objection du Gouvernement tirée de l’irrecevabilité ratione personae de la requête et constate qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

54. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

55. Les requérants réclament d’abord 108 276 euros (EUR) au titre du préjudice matériel qu’ils disent avoir subi.

Cette somme est ainsi ventilée : 39 150 EUR, qui représenterait la différence entre la valeur du bien exproprié à la date du 12 octobre 2010, si celle-ci avait été retenue comme date critique pour le calcul de l’indemnité définitive (valeur qualifiée de « juste » par les intéressés, établie à la suite d’un calcul fondé sur une moyenne de l’indice des prix à la consommation entre 1999 et 2010), et l’indemnité allouée par la cour d’appel ; et 69 126 EUR, qui correspondrait à des intérêts à verser pour « perte des profits / perte de valeur / perte d’usage » à un taux annuel de 6 % du 9 novembre 1999 au 18 janvier 2012.

56. Les requérants réclament aussi 20 000 EUR pour le préjudice moral qu’ils estiment avoir subi en raison d’une perte de l’usage du bien en question depuis 1959.

57. Le Gouvernement soutient que la « différence » alléguée par les requérants n’existe pas en l’espèce et que la méthode utilisée par eux pour la calculer est totalement incompatible avec l’objet de la présente requête. À ses yeux, le seul calcul valable et légitime de la valeur de la propriété expropriée est celui fourni par l’article 13 du code des expropriations selon la méthode prévue par l’article 15 du même code. Le Gouvernement considère en outre que la revendication d’une somme pour « perte des profits / perte de valeur / perte d’usage » fait double emploi avec le premier volet de la prétention des requérants et que l’octroi de cette somme conduirait à un enrichissement sans cause. En résumé, pour lui, la somme en question est hypothétique, excessive et injustifiée, et un constat de violation constituerait une satisfaction suffisante.

58. Le Gouvernement est également d’avis que la somme de 20 000 EUR sollicitée pour dommage moral est excessive au motif que les requérants n’étayent pas cette prétention par des considérations liées à leur statut personnel et professionnel ou à leur état de santé.

59. S’agissant du dommage matériel, la Cour rappelle qu’elle a conclu à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention à raison du fait que, en 2012, pour fixer l’indemnité définitive d’expropriation, la cour d’appel s’est placée au 9 novembre 1999, et non au 12 octobre 2010, date de l’audience devant elle, qui aurait été ainsi plus proche du versement de cette indemnité. Eu égard aux incertitudes inhérentes à toute tentative d’estimation des pertes réelles subies par les requérants, la Cour estime que la méthode de calcul utilisée par ceux-ci est fondée sur des éléments objectifs et qu’elle a abouti à un résultat raisonnable. Elle décide donc d’allouer aux requérants la somme de 39 150 EUR, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme. En revanche, elle estime qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la deuxième prétention des requérants concernant la « perte des profits / perte de valeur / perte d’usage ».

60. Quant au dommage moral, la Cour est d’avis que les requérants ont dû subir un préjudice du fait de la frustration engendrée par l’approche suivie par la cour d’appel et leur accorde 2 000 EUR à ce titre.

B. Frais et dépens

61. Les requérants demandent également une somme globale de 7 600 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour. Ils indiquent qu’ils ont participé à six procédures judiciaires différentes devant les juridictions internes, et ils évaluent le coût de leurs frais à ce titre à 1 000 EUR par procédure (pour 75 heures de travail à un taux horaire de 80 EUR, conformément selon eux à ce que prévoit la loi no 4194/2013). Quant à la procédure devant la Cour, ils demandent 1 600 EUR (pour 20 heures de travail à un taux horaire de 80 EUR).

62. Le Gouvernement estime que les frais relatifs aux procédures internes n’ont pas de lien de causalité avec la violation alléguée. Il indique par ailleurs que la cour d’appel a alloué aux requérants la somme de 2 000 EUR augmentée de 6 % d’intérêts pour les honoraires d’avocat devant elle et le tribunal de première instance. Selon lui, les requérants interprètent de manière erronée la loi no 4194/2013, qui, en son article 59, prévoirait que les honoraires d’avocats sont librement convenus entre les parties. Or, toujours selon lui, les intéressés ne démontrent pas avoir convenu d’un montant ni avoir déjà versé certaines sommes. Le Gouvernement considère enfin que les frais et dépens réclamés dans le cadre de la procédure devant la Cour sont excessifs et non fondés sur des pièces justificatives.

63. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, la Cour note que les requérants produisent une copie du Journal Officiel qui fixe le taux horaire de la rémunération des avocats, ainsi qu’une liste où ils indiquent les heures de travail fournies par leur avocat pour chaque procédure devant les juridictions internes ainsi que pour la procédure devant la Cour. Toutefois, ils ne produisent aucune facture ou note d’honoraires permettant d’établir que les sommes réclamées ont été réellement versées. Il y a donc lieu de rejeter leurs prétentions à ce titre.

C. Intérêts moratoires

64. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Rejette l’objection du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes, joint au fond celle tirée de l’irrecevabilité ratione personae et la rejette ;

2. Déclare la requête recevable ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;

4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i. 39 150 EUR (trente-neuf mille cent cinquante euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel ;

ii. 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 juillet 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Abel CamposKristina Pardalos
GreffierPrésidente

ANNEXE

.* MERGEFORMAT

1. Iraklis POULIMENOS, né le 23/07/1947 et résidant à Kalamata
2. Konstantina POULIMENOU, née le 15/03/1951 et résidant à Kalamata
3. Stavroula POULIMENOU, née le 25/05/1946 et résidant à Korinthia
4. Panagiotis THEODORAKOPOULOS, né le 29/03/1946 et résidant à Athènes
5. Ekaterini THEODORAKOPOULOU, née le 03/03/1978 et résidant à Athènes
6. Elpida THEODORAKOPOULOU, née le 13/11/1981 et résidant à Athènes


Synthèse
Formation : Cour (premiÈre section)
Numéro d'arrêt : 001-175838
Date de la décision : 20/07/2017
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété (article 1 al. 1 du Protocole n° 1 - Respect des biens)

Parties
Demandeurs : POULIMENOS ET AUTRES
Défendeurs : GRÈCE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CHOROMIDIS K. ; GESSOULIS G.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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