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02/03/2017 | CEDH | N°001-171504

CEDH | CEDH, AFFAIRE PAROUTSAS ET AUTRES c. GRÈCE, 2017, 001-171504


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE PAROUTSAS ET AUTRES c. GRÈCE

(Requête no 34639/09)

ARRÊT

STRASBOURG

2 mars 2017

DÉFINITIF

02/06/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Paroutsas et autres c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
Ledi Bianku,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pe

jchal,
Robert Spano,
Pauliine Koskelo,
Tim Eicke, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil ...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE PAROUTSAS ET AUTRES c. GRÈCE

(Requête no 34639/09)

ARRÊT

STRASBOURG

2 mars 2017

DÉFINITIF

02/06/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Paroutsas et autres c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
Ledi Bianku,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal,
Robert Spano,
Pauliine Koskelo,
Tim Eicke, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 31 janvier 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 34639/09) dirigée contre la République hellénique et dont quatre ressortissants de cet Etat, M. Athanasios Paroutsas et Mmes Aspasia Paroutsa, Efthymia Paroutsa et Dimitra Paroutsa (« les requérants »), ont saisi la Cour le 12 juin 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, Mme K. Paraskevopoulou, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat, M. S. Spyropoulos, assesseur auprès du Conseil juridique de l’Etat, et M. D. Kalogiros, auditeur auprès du Conseil juridique de l’Etat.

3. Les requérants se plaignent d’une atteinte à leur droit d’accès à un tribunal ainsi que d’un dépassement du « délai raisonnable » de la procédure (article 6 § 1 de la Convention).

4. Le 4 mai 2010, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Les requérants sont nés respectivement en 1932, 1973, 1974 et 1981. Ils résident à Athènes, à l’exception de la deuxième requérante qui réside à Washington DC (États-Unis).

6. Par une décision du 8 mai 2002 (acte no 8077/1612/2002), le service d’urbanisme de la municipalité d’Athènes (« le service d’urbanisme ») ordonna, pour mettre fin aux risques présentés par le bâtiment, la démolition du premier étage d’un immeuble vétuste et inhabité au centre d’Athènes et la consolidation du rez-de-chaussée jugé non conforme à l’habitation. Il précisa que le premier requérant, avocat et copropriétaire indivis avec les autres requérants, devait procéder à ces travaux dans un délai de trente jours, sur la base d’une étude technique et sous la surveillance d’un architecte. Cette étude devait être déposée pour approbation préalable au service d’urbanisme.

7. Le service d’urbanisme transmit cette décision à l’hôtel de police du secteur où était situé l’immeuble en l’invitant à la notifier au domicile du requérant.

8. Le Gouvernement affirme que les requérants procédèrent aux travaux sans passer par un architecte et avec l’intention de démolir l’immeuble dans son ensemble.

9. Le 31 mai 2002, des employés du service d’urbanisme effectuèrent une visite sur les lieux. Ils établirent un rapport de suivi des travaux de démolition (« rapport de suivi »), dans lequel ils précisèrent qu’une démolition totale de l’immeuble était illégale, au motif que le bâtiment était classé « néoclassique » et que, comme tel, il devait être préservé. Ce rapport se terminait par la mention « travaux en cours ». Le service d’urbanisme enjoignit alors aux propriétaires du bâtiment d’arrêter les travaux de démolition et leur infligea une amende de 4 200 euros (acte no 6/8072/B1612). Ainsi qu’il ressort de l’acte de notification du rapport de suivi, celui-ci fut apposé sur le bâtiment en démolition le 21 juin 2002.

10. Les requérants, qui disposaient d’un délai de trente jours pour former un recours gracieux, soutiennent devant la Cour qu’ils n’ont pris connaissance de cet acte qu’un an plus tard, le 19 juin 2003, lorsque le premier requérant fut invité à acquitter l’amende infligée (acte no 29173/2003).

11. Le 4 septembre 2003, le premier requérant forma un recours gracieux contre les deux derniers actes susmentionnés devant la commission d’examen des recours du service d’urbanisme. Le 16 septembre 2003, son opposition fut déclarée irrecevable pour tardiveté (acte no 159/342) au motif qu’elle avait été formée après l’expiration du délai de trente jours ayant commencé à courir à la date à laquelle l’acte no 6/8072/B1612 avait été affiché sur le bâtiment en démolition.

12. Le 20 octobre 2003, le premier requérant saisit la cour administrative d’appel d’Athènes d’un recours en annulation contre les actes nos 159/342 et 6/8072/B1612. Il affirmait notamment que, à la date prétendue de la notification, le bâtiment était presque entièrement démoli et que, dès lors, il n’y avait aucun mur sur lequel l’acte no 6/8072/B1612 eût pu être apposé. Il ajoutait que, n’attendant aucune réponse de la part de l’administration à une quelconque demande qu’il aurait été susceptible d’avoir formulée, il n’avait aucune raison de se rendre sur place à l’époque des faits. Enfin, il se plaignait du fait que le rapport de suivi avait été apposé le 21 juin 2002 et non à la date même du rapport, soit le 31 mai 2002.

13. Le 28 décembre 2004, la cour administrative d’appel, considérant que le requérant n’avait avancé aucune raison valable pour justifier l’introduction tardive de son opposition (arrêt no 2783/2004), rejeta le recours. Elle releva qu’il ressortait du rapport de suivi – qui mentionnait que les travaux étaient en cours – que la démolition n’était pas terminée. Précisant que l’acte de notification du rapport par voie d’affichage avait été rédigé par deux fonctionnaires du service d’urbanisme dans l’exercice de leurs fonctions officielles, elle considéra qu’il s’agissait là d’une preuve qui ne pouvait être réfutée que par une action visant à faire constater que ce document constituait un faux. Quant à l’argument du requérant selon lequel il n’était dans l’attente d’aucune lettre de la part de l’administration, la cour d’appel considéra que la notification du rapport de suivi par voie d’affichage, dont la réalité était prouvée par un document signé par deux fonctionnaires du service d’urbanisme, constituait un mode de notification adéquat qui faisait naître une présomption irréfragable de prise de connaissance du contenu du rapport. Enfin, elle jugea que la tardiveté du recours formé par le requérant était due à la propre négligence de celui-ci.

14. Le 19 octobre 2005, le requérant introduisit un recours contre cet arrêt devant le Conseil d’Etat. Il dénonçait, entre autres, une violation de l’article 6 de la Convention.

15. Le 31 décembre 2008, le Conseil d’Etat fit siennes les conclusions de la cour administrative d’appel et rejeta l’appel par son arrêt no 3973/2008, mis au net le 26 février 2009.

16. Plus particulièrement, en ce qui concernait le moyen du requérant relatif à l’article 6, le Conseil d’Etat releva que l’absence d’affichage le jour même de la visite de suivi n’entraînait pas la nullité de la procédure et que l’affichage constituait un moyen adéquat de notification de l’acte administratif litigieux, contre lequel tant un recours gracieux devant les autorités administratives qu’un recours en annulation étaient disponibles.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

17. Les articles pertinents du décret présidentiel no 267/1998 relatif à la procédure visant la désignation et la démolition des constructions illégales, disposent :

Article 1

« Le constat de l’illégalité d’une construction et la désignation de celle-ci comme telle se font à la suite d’une visite de suivi des travaux de démolition effectuée par un fonctionnaire du service d’urbanisme localement compétent, qui rédige un rapport. Ce rapport, qui est signé par le fonctionnaire qui a procédé à la visite, est affiché le jour même sur la construction illégale. Un rapport concernant l’affichage doit également être rédigé, figurer au-dessous du rapport de suivi, porter une date et être signé par le fonctionnaire qui a effectué la visite de suivi (...) Une copie du rapport est envoyée immédiatement à la commune concernée et à l’autorité de police compétente. »

Article 4

« 1. Tout intéressé peut former opposition contre le rapport de suivi.

2. Le recours, qui est formé dans un délai de trente jours à compter de la date de l’affichage du rapport de suivi sur la construction illégale, doit être déposé auprès du service compétent (...)

4. Après avoir examiné les arguments de l’intéressé, la commission [d’examen des recours gracieux] se prononce de manière définitive sur l’opposition par une décision motivée, jointe au texte du recours et signée par ses membres et le secrétaire. »

18. Par un arrêt no 1244/2008 du 9 avril 2008, le Conseil d’Etat a jugé que l’affichage du rapport de suivi, prévu par l’article 1 du décret no 267/1998, constituait un moyen adéquat de notification du contenu du rapport à tout intéressé susceptible de présenter un recours gracieux devant la commission compétente. Il a également considéré que le point de départ du délai de trente jours prévu pour faire opposition était légitimement fixé à la date de l’affichage du rapport de suivi sur la construction litigieuse. Estimant que cette réglementation tendait à la protection effective et au rétablissement rapide de l’environnement urbain et qu’elle visait un but d’intérêt général, il a dit qu’elle n’était dès lors contraire ni à l’article 20 § 1 de la Constitution ni à l’article 6 de la Convention. Il a précisé que l’administration n’était pas obligée de notifier ce rapport personnellement aux propriétaires, possesseurs et entreprises chargées des travaux, du fait de leur nombre potentiellement élevé et de la difficulté probable à les identifier, et que la mention de leur nom sur le rapport de suivi ne revêtait qu’un caractère indicatif.

19. Toutefois, certains juges, dans leur opinion dissidente, ont énoncé que la présomption selon laquelle le délai de trente jours courait à compter de la date de l’affichage du rapport de suivi devait pouvoir être combattue non seulement en cas de force majeure, mais également lorsque l’intéressé démontrait ne pas avoir eu connaissance du rapport de suivi en raison de faits objectifs rendant impossible une telle prise de connaissance (résidence à un endroit éloigné, hospitalisation, service militaire, etc.).

EN DROIT

I. OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

20. La Cour note tout d’abord que seul le premier requérant était partie à la procédure litigieuse. Estimant que, même si les trois autres requérantes, copropriétaires indivis avec le premier requérant de l’immeuble litigieux, ne se sont vu notifier aucun acte concernant l’immeuble, cela ne les empêchait pas de participer à la procédure engagée par le premier requérant, ce qu’elles n’ont pas fait. Dès lors, elle considère la requête recevable uniquement en ce qui concerne le premier requérant et la déclare irrecevable en ce qui concerne les trois autres requérantes.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION POUR DÉFAUT D’ACCÈS À UN TRIBUNAL

21. Le requérant se plaint de ne pas avoir eu accès à un tribunal pour faire valoir ses droits. Il soutient qu’il avait entrepris les travaux de démolition de son immeuble à la suite de l’injonction de l’administration et qu’il n’avait aucune raison d’aller sur les lieux pour vérifier si des documents le concernant y avaient été déposés. Il souligne que le bâtiment litigieux n’était ni son lieu de résidence ni une adresse à laquelle il se rendait régulièrement. Affirmant que, à la date de la notification de l’acte no 6/8072/B1612, il n’y avait plus de mur, il présume que cet acte a donc été déposé à même le sol. Il s’interroge sur cette pratique, soutenant que les autorités connaissaient ses coordonnées et qu’elles auraient pu aisément lui notifier l’acte à son lieu de résidence. Il s’estime ainsi victime d’une attitude absurde de l’administration, reprochant à celle-ci, d’une part, de lui avoir enjoint de démolir le bâtiment vétuste et, d’autre part, de lui avoir infligé une amende au motif qu’il aurait exécuté la démolition demandée. Il prétend que les autorités nationales, en déclarant son recours gracieux tardif, ont fait preuve d’un formalisme excessif et qu’elles ont réduit à néant toute possibilité de défense face à l’attitude, selon lui dilatoire, de l’administration. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont la partie pertinente en l’espèce se lit ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

A. Sur la recevabilité

22. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

23. Le requérant soutient que, en prétendant que la décision lui imposant une amende lui a été convenablement notifiée, le Gouvernement ne prend pas en compte les circonstances de l’affaire. Il soutient que le décret no 267/1998 n’était pas applicable dans son cas au motif que, à la date de l’affichage, l’immeuble concerné avait été démoli et qu’il aurait dès lors été impossible d’apposer un rapport de suivi sur des murs inexistants. Se référant à un arrêt du Conseil d’Etat de 2001, il affirme en outre que les juridictions grecques ont admis qu’un rapport de suivi, comme celui en cause, devait être notifié directement au propriétaire de l’immeuble, notamment lorsque le propriétaire n’occupait pas celui-ci. Enfin, il affirme que l’immeuble n’a pas été classé « néoclassique » et qu’il ne devait par conséquent pas être préservé, et déplore avoir été victime d’actes administratifs contradictoires.

24. Le Gouvernement prétend que l’article 4 § 2 du décret présidentiel no 267/1998 ainsi que la manière dont il a été appliqué dans le cas du requérant ne sont pas arbitraires et qu’ils n’ont pas empêché l’intéressé de saisir les tribunaux pour contester la légalité du rapport de suivi. Il est d’avis que, la visite des lieux par des fonctionnaires du service d’urbanisme et l’affichage de l’acte litigieux ayant été effectués pendant les travaux de démolition, le requérant en a forcément eu connaissance, si ce n’est directement, du moins par l’intermédiaire du contremaître qui supervisait les travaux. Il ajoute que le requérant, lui-même avocat, ne pouvait manquer de connaître l’existence de l’article en question. Enfin, selon le Gouvernement, la sécurité juridique et la bonne administration de la justice seraient sérieusement affectées si les particuliers pouvaient, après l’écoulement d’un laps de temps important, saisir les tribunaux et contester la validité de divers actes administratifs en prétextant n’en avoir pas eu connaissance alors que les faits démontreraient le contraire.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes applicables

25. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès constitue un aspect particulier, n’est pas absolu et qu’il se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’Etat, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation. Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l’accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s’en trouve atteint dans sa substance même ; enfin, elles ne se concilient avec l’article 6 § 1 que si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Stamouli et autres c. Grèce, no 1735/07, § 21, 28 mai 2009).

26. La Cour précise d’emblée qu’elle n’est pas appelée à examiner in abstracto la compatibilité avec la Convention des dispositions pertinentes du décret présidentiel no 267/1998 et de la jurisprudence relative à ce décret. Il n’entre pas davantage dans ses attributions de substituer sa propre appréciation des faits et des preuves à celle des juridictions internes, cette tâche relevant, au premier chef et en l’absence d’arbitraire, du droit interne et des juridictions nationales (Schenk c. Suisse, 12 juillet 1988, §§ 45-46, série A no 140, Tejedor García c. Espagne, 16 décembre 1997, § 31, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VIII, et García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999-I). Cela est aussi vrai s’agissant de l’interprétation par les tribunaux de règles de nature procédurale, telles que les formes et les délais régissant l’introduction d’un recours (Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, 28 octobre 1998, § 43, Recueil 1998-VIII).

27. La Cour rappelle en outre que la réglementation relative aux formes à respecter pour introduire un recours vise certainement à assurer une bonne administration de la justice et que les intéressés doivent s’attendre à ce que ces règles soient appliquées. Elle réaffirme toutefois que la réglementation en question ou l’application qui en est faite ne devrait pas empêcher les justiciables de se prévaloir d’une voie de recours disponible (voir, parmi beaucoup d’autres, Christodoulou c. Grèce, no 514/07, § 21, 16 juillet 2009 et ERFAR-AVEF c. Grèce, no 31150/09, §§ 41-42, 27 mars 2014).

28. La Cour rappelle, de surcroît, qu’elle a déjà eu l’occasion de se pencher sur la question de la notification des actes de procédure. Ainsi, elle a jugé que « le droit à un tribunal » comporte plusieurs aspects, dont le droit d’accès et l’égalité des armes, qui exige un juste équilibre entre les parties. Les règlementations relatives aux formalités pour former un recours ne devraient pas empêcher les justiciables d’utiliser une voie de recours disponible. L’effectivité du droit d’accès demande qu’un individu jouisse d’une possibilité claire et concrète de contester un acte constituant une ingérence dans ses droits (voir l’arrêt S.C. Raisa M. Shipping S.R.L. c. Roumanie, no 37576/05, § 29, 8 janvier 2013 et la jurisprudence citée). Dans cette affaire, la Cour de cassation avait rejeté un pourvoi au seul motif que la notification par voie d’affichage, notification que le requérant prétendait n’avoir jamais reçu, était une modalité de notification prévue par la loi. La Cour a alors estimé que la Cour de cassation, faute d’avoir fait diligence suffisante pour s’assurer de la réception de la citation par la requérante, avait fait preuve d’un formalisme incompatible avec la lettre et l’esprit de l’article 6 § 1.

29. Enfin, la Cour a déjà considéré que le fait pour le Conseil d’Etat d’avoir rejeté un recours pour tardiveté, alors que les modalités d’exercice de ce recours, notamment quant à la computation du délai à observer ne présentaient pas une cohérence et une clarté suffisante, avait privé le requérant de son droit d’accès concret et effectif au Conseil d’Etat (de Geouffre de la Pradelle c. France, arrêt du 16 décembre 1992, série A no 253, §§34-35).

b) Application des principes au cas d’espèce

30. En l’espèce, la Cour relève que, selon l’article 4 du décret présidentiel no 267/1998 relatif à la procédure visant la désignation et la démolition des constructions illégales, tout intéressé peut former un recours gracieux contre le rapport de suivi dans un délai de trente jours à compter de la date de l’affichage de ce rapport sur la construction en cause. Elle note que, dans son arrêt du 9 avril 2008, le Conseil d’Etat a, en interprétant cet article, jugé que l’affichage du rapport de suivi constituait un moyen adéquat de notification du contenu du rapport à tout intéressé et que l’administration n’était pas obligée de notifier ce rapport personnellement aux propriétaires, possesseurs et entreprises chargées des travaux, du fait de leur nombre potentiellement élevé et de la difficulté probable à les identifier.

31. Sur le plan du principe, la Cour considère que les règles prévues par l’article 4 du décret sont énoncées de manière claire et présentent des avantages incontestables. Elles ont pour but d’assurer la stabilité de situations juridiques et d’alléger les formalités de mise en œuvre des décisions de l’administration, surtout lorsque celles-ci concernent des immeubles à propriétaires multiples.

32. Toutefois, la Cour relève que la cour administrative d’appel a, dans son arrêt du 28 décembre 2004, considéré dans la présente affaire que la notification du rapport de suivi par voie d’affichage, dont la réalité était prouvée par un document signé par deux fonctionnaires du service d’urbanisme, constituait un mode de notification adéquat qui faisait naître une présomption irréfragable de prise de connaissance du contenu du rapport par le requérant (paragraphe 13 ci-dessus).

33. La Cour rappelle qu’en matière civile, quoique dans un contexte différent, celui de la fixation de l’indemnité d’expropriation, elle avait considéré que la législation grecque pertinente – qui contenait une présomption irréfragable empêchant les requérants de faire valoir devant les juridictions internes leur droit à une indemnisation complète de la perte de leur propriété – était d’une rigidité excessive qui ne tenait aucun compte de la diversité des situations (Papachelas c. Grèce, arrêt du 25 mars 1999, § 53, Rapports des arrêts et décisions 1999-II et jurisprudence citée). La Cour estime que le même raisonnement peut s’appliquer lorsqu’un droit aussi essentiel que celui de l’accès à un tribunal se trouve en cause. Elle recherchera donc en l’espèce si certaines limites ont été franchies au détriment du requérant.

34. Elle observe que, dans l’arrêt du 31 décembre 2008 du Conseil d’Etat, une minorité de juges a, dans une opinion dissidente, énoncé que la présomption selon laquelle le délai de trente jours courait à compter de la date de l’affichage du rapport de suivi, car l’intéressé est présumé en avoir pris connaissance à cette date, devait pouvoir être combattue non seulement en cas de force majeure, mais également lorsque l’intéressé démontrait ne pas avoir eu connaissance du rapport de suivi en raison de faits objectifs qui rendaient impossible une telle prise de connaissance (paragraphe 19 ci-dessus).

35. La Cour marque son accord avec une telle approche qui permet d’éviter la rigidité excessive d’un système fondé sur une présomption irréfragable et de tenir compte de la diversité des situations et des empêchements réels à la prise de connaissance du rapport de suivi.

36. Elle note qu’en l’espèce le requérant avait des arguments sérieux à faire valoir – ce qu’il a du reste fait – pour essayer de démontrer qu’il ne lui avait pas été possible de respecter le délai de trente jours prévu par l’article 4 du décret. Elle relève que la cour d’appel, suivie en cela par la Cour de cassation, a toutefois estimé que la notification par voie d’affichage telle qu’effectuée en l’espèce était suffisante pour constituer le point de départ de ce délai.

37. Force est de constater que le requérant a commencé les travaux ordonnés dès le lendemain de la décision du 8 mai 2002 qui lui impartissait un délai de trente jours pour le faire. Le service d’urbanisme de la municipalité a procédé à la visite de suivi le 31 mai 2002, mais le rapport de suivi n’a été notifié par voie d’affichage que le 21 juin 2002, soit vingt jours plus tard. Si les travaux de démolition étaient bien en cours à la date du 31 mai, comme le précisait le rapport de suivi, il est fort probable que, le 21 juin 2002, ils étaient terminés ou du moins très avancés, compte tenu du délai fixé par la décision du 8 mai 2002. De l’avis de la Cour, les chances pour que le requérant ait pu prendre connaissance du rapport de suivi apposé sur un bâtiment qui était vraisemblablement démoli au 21 juin 2002 étaient très faibles.

38. La Cour estime qu’en rejetant comme tardive l’opposition du requérant, par le jeu de l’application d’une présomption qu’elles ont considérée comme irréfragable, les juridictions grecques n’ont pas répondu aux problèmes spécifiques soulevés par l’intéressé et qu’elles ont entravé de manière excessive son droit d’accès à un tribunal.

Il y a donc eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention sur ce point.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION POUR DÉPASSEMENT DU DÉLAI RAISONNABLE

39. Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » prévu par l’article 6 § 1 de la Convention. Cette disposition est ainsi libellée :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

40. Le Gouvernement combat cette thèse. Il plaide qu’un nombre important d’affaires est pendant devant la cour administrative d’appel et le Conseil d’Etat, auquel ces juridictions ne peuvent pas faire face en dépit de leurs efforts et des mesures adoptées pour accélérer les procédures.

41. La Cour relève que la période à considérer a débuté le 23 octobre 2003, avec la saisine de la cour administrative d’appel d’Athènes, et qu’elle s’est terminée le 26 février 2009, avec la mise au net de l’arrêt du Conseil d’Etat. La procédure en cause a donc duré cinq ans et quatre mois environ, pour deux degrés de juridiction.

42. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

43. La Cour rappelle également avoir, dans maintes affaires soulevant des questions semblables à celles de l’espèce, conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

44. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, elle considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans la présente affaire. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, et notamment de la durée de plus de trois ans et deux mois de la procédure devant le Conseil d’Etat, elle estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et qu’elle n’a pas répondu à l’exigence du « délai raisonnable ».

Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

45. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

46. Le requérant réclame 20 000 euros (EUR) pour préjudice moral.

47. Pour le Gouvernement, le constat d’une violation constituerait une satisfaction équitable suffisante.

48. La Cour estime que le requérant a subi un tort moral certain en raison de la violation de son droit d’accès à un tribunal ainsi que de son droit de voir sa cause jugée dans un délai raisonnable, que ne compense pas suffisamment le constat de violation de la Convention. Statuant en équité, elle lui accorde 4 200 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.

B. Frais et dépens

49. Le requérant demande également 827,30 EUR pour frais et dépens, 2 633 EUR pour les honoraires d’avocat dans la procédure devant les juridictions nationales et un montant, non chiffré, pour ceux engagés dans la procédure devant la Cour.

50. Le Gouvernement considère que les prétentions du requérant sont vagues et non étayées par des justificatifs qui prouveraient la réalité de ces frais et honoraires.

51. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En outre, pour avoir droit à l’allocation de frais et dépens, le requérant doit les avoir supportés dans le but de prévenir ou de faire corriger une violation de la Convention. La Cour note qu’en l’espèce la procédure devant la cour administrative d’appel et le Conseil d’Etat poursuivait bien un tel but. Toutefois, le requérant ne produit que deux notes d’honoraires d’avocats devant ces deux juridictions, l’une d’un montant de 320 EUR, l’autre d’un montant de 954 EUR. Compte tenu des documents en sa possession, la Cour accorde la totalité de cette somme, soit 1 274 EUR. En revanche, elle n’accorde aucune somme pour les frais et dépens engagés dans la procédure devant la Cour, le requérant n’ayant pas chiffré sa demande à cet égard.

C. Intérêts moratoires

52. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable en ce qui concerne le premier requérant et irrecevable en ce qui concerne les trois autres requérantes ;

2. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne le droit d’accès à un tribunal ;

3. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne la durée de la procédure ;

4. Dit

a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i. par six voix contre une, 4 200 EUR (quatre mille deux cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme, pour dommage moral ;

ii. à l’unanimité, 1 274 EUR (mille deux cent soixante-quatorze euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 2 mars 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Abel CamposMirjana Lazarova Trajkovska
GreffierPrésidente

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge Eicke.

M.L.T.
A.C.

OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE DU JUGE EICKE

(Traduction)

1. Dans la présente affaire, ce n’est pas sans hésitation que je me suis rallié à la majorité, laquelle a conclu à une violation du droit d’« accès à un tribunal » garanti par le volet civil de l’article 6 § 1 de la Convention. Il serait peut-être utile que j’expose brièvement la raison de mon hésitation, d’autant que c’est cette raison qui se trouve au cœur de mon désaccord à propos de la somme octroyée au titre de la satisfaction équitable.

2. Je devrais d’emblée préciser que je souscris entièrement aux principes qui sous-tendent la conclusion adoptée par la majorité, tels qu’ils sont exposés aux paragraphes 25 à 27 de l’arrêt, ainsi qu’à la déclaration, énoncée au paragraphe 35 de l’arrêt, selon laquelle une application excessivement rigide d’une « présomption irréfragable » de notification/réception empêchant les juridictions nationales de tenir compte des circonstances propres à chaque cas pourrait bien constituer une restriction injustifiable au droit d’« accès à un tribunal » garanti par le volet civil de l’article 6 § 1 de la Convention.

3. Cela étant, c’est l’application de ces principes aux faits de l’espèce (et, en particulier, la chronologie des événements) et cette déclaration qui m’ont conduit à hésiter et à me demander s’il y avait bien lieu de conclure sur le fond à la violation du droit d’« accès à un tribunal » garanti par le volet civil de l’article 6 § 1 de la Convention, et qui se trouvent au cœur de mon désaccord relatif à l’attribution d’une satisfaction équitable au titre de l’article 41.

4. Je vais ci-après résumer rapidement la chronologie en question : le 31 mai 2002, des fonctionnaires du service de l’urbanisme visitèrent le chantier de démolition, établirent un rapport de suivi, donnèrent l’instruction d’arrêter les travaux de démolition et imposèrent une amende de 4 200 euros (EUR), mais ne procédèrent à la notification, par voie d’affichage sur le bâtiment (selon les déclarations des autorités nationales, admises par les juridictions internes), que le 21 juin 2002, soit un peu plus de deux semaines après la date à laquelle le requérant était censé avoir mis à exécution l’ordre de démolition daté du 8 mai 2002. Le requérant assure toutefois qu’il n’a pas reçu ce rapport au moment de sa notification, ni à aucun autre moment avant le 19 juin 2003, soit près d’un an plus tard.

5. Ayant finalement reçu le rapport, le requérant saisit la cour administrative d’appel le 4 septembre 2003 afin de contester le rapport ainsi que l’ordre/l’amende qui lui avaient été infligés. C’est cette action qui a été rejetée par les juridictions nationales au seul motif que le délai de 30 jours fixé par l’article 4 § 2 du décret présidentiel no 267/1998 avait expiré. Pour parvenir à cette conclusion, tant la cour administrative d’appel que le Conseil d’État se sont bornés à rechercher si le requérant avait engagé sa procédure dans un délai de 30 jours à compter du 21 juin 2002, se fondant sur la présomption irréfragable d’une notification du rapport au requérant à ladite date.

6. Eu égard à la rigidité excessive avec laquelle les juridictions nationales ont appliqué cette présomption irréfragable en l’espèce, l’arrêt de la Cour note à juste titre (aux paragraphes 32-33) le point de vue exprimé dans une opinion dissidente jointe à l’arrêt du Conseil d’État no 1244/2008 du 9 avril 2008 (paragraphe 19 de l’arrêt), qui avançait que le délai pertinent de 30 jours devait être appliqué avec plus de souplesse afin de permettre aux juridictions nationales de tenir compte de circonstances telles que les cas de force majeure et aussi les cas dans lesquels l’intéressé n’avait pas, pour des raisons objectives, eu connaissance du rapport ou de la décision en cause.

7. Jusqu’ici, je n’ai rien à redire. Ce qui me trouble, en revanche, c’est qu’au vu des éléments dont nous disposons, il paraît clair que même lorsque l’on applique l’approche plus souple préconisée dans l’opinion dissidente jointe à l’arrêt du Conseil d’État, le requérant (qui est lui-même avocat) n’a pas, en toute hypothèse, agi avec la diligence nécessaire pour respecter le délai imparti, quel qu’il fût. Après tout, il dit lui-même avoir eu connaissance de l’existence du rapport le 19 juin 2003, mais il n’a pas engagé sa procédure avant le 4 septembre 2003. Même si l’on tient compte de l’impact que les vacances judiciaires du mois d’août ont pu avoir sur le calcul des délais imposés par la législation dans le droit grec, nous restons encore bien au-delà du délai de 30 jours défini par l’article 4 § 2 du décret présidentiel no 267/1998 (paragraphe 17 de l’arrêt).

8. Il me paraît donc important de se demander si, au vu des faits de la cause, il existait un lien de causalité entre la rigidité excessive avec laquelle les juridictions nationales ont appliqué cette disposition et l’atteinte alléguée dans le chef du requérant au droit d’accès à un tribunal. Cet aspect revêt naturellement une importance particulière car la Cour a toujours dit qu’elle n’avait pas pour tâche d’examiner dans l’abstrait la législation et la pratique pertinentes, mais de rechercher si la manière dont elles avaient été appliquées au requérant ou l’avaient touché avait donné lieu à une violation de la Convention (voir, par exemple, Zavodnik c. Slovénie, no 53723/13, § 74, 21 mai 2015 et Urbšienė et Urbšys c. Lituanie, no 16580/09, § 47, 8 novembre 2016).

9. En fin de compte, deux facteurs m’ont convaincu que, tout bien pesé, il était juste de conclure qu’en l’espèce, il y avait eu violation du droit d’« accès à un tribunal » garanti par le volet civil de l’article 6 § 1 :

a) Par principe, l’incompatibilité avec l’article 6 § 1 résultant d’une règle de procédure interne, la Cour a également confirmé maintes fois que les États contractants disposaient d’une certaine marge d’appréciation pour définir leurs règles de procédure et que, s’il lui appartenait de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention, il ne relevait pas de ses attributions de dire aux autorités nationales quelle était la politique censée être la plus adaptée dans ce domaine (voir, par exemple, mutatis mutandis, Zavodnik c. Slovénie, précité, § 73) ; et

b) Il importe de noter que ni devant les juridictions nationales ni devant la Cour le gouvernement défendeur n’a présenté d’arguments visant à faire échouer sur cette base respectivement la procédure interne ou la requête introduites par le requérant (et que le requérant n’a rien répondu à ce sujet non plus).

10. Cela étant, s’agissant de la demande de satisfaction équitable présentée au titre de l’article 41 de la Convention, il ne me semble pas juste d’octroyer au requérant une somme pour le préjudice moral découlant de cet aspect de son grief sur le terrain de l’article 6 § 1. En effet, même si l’on retient une approche souple du calcul des délais imposés par la législation nationale, en tout état de cause, le retard pris par le requérant lui-même entre le 19 juin 2003 et le 4 septembre 2003 aurait très probablement conduit les juridictions nationales à rejeter sa procédure pour tardiveté.

11. Dans la mesure où je conviens qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention à raison de la durée de la procédure devant les juridictions locales, je n’aurais accordé au requérant de réparation du préjudice moral que pour cet aspect précis de son grief, à hauteur de 950 EUR.


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