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16/02/2017 | CEDH | N°001-171492

CEDH | CEDH, AFFAIRE D.M. c. GRÈCE, 2017, 001-171492


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE D.M. c. GRèCE

(Requête no 44559/15)

ARRÊT

STRASBOURG

16 février 2017

DÉFINITIF

16/05/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire D.M. c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
Kristina Pardalos,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal,
Robert

Spano,
Armen Harutyunyan,
Tim Eicke, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 24 janvier 2017,...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE D.M. c. GRèCE

(Requête no 44559/15)

ARRÊT

STRASBOURG

16 février 2017

DÉFINITIF

16/05/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire D.M. c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
Kristina Pardalos,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal,
Robert Spano,
Armen Harutyunyan,
Tim Eicke, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 24 janvier 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 44559/15) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant géorgien, M. D.M. (« le requérant »), a saisi la Cour le 3 septembre 2015 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). La présidente de la section a accédé à la demande de non-divulgation de son identité formulée par le requérant (article 47 § 4 du règlement de la Cour).

2. Le requérant a été représenté par Me K. Chatziioannou, avocat à Thessalonique. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les déléguées de son agent, Mme E. Tsaoussi, conseillère au Conseil juridique de l’État, et Mme K. Nassopoulou, assesseure au Conseil juridique de l’État. Le gouvernement géorgien n’a pas usé de son droit d’intervenir dans la procédure (article 36 § 1 de la Convention).

3. Le requérant alléguait une violation des articles 3 (en raison de ses conditions de détention) et 13 de la Convention combiné avec l’article 3.

4. Le 2 novembre 2015, les griefs concernant les articles 3 (relativement aux conditions générales de détention) et 13 de la Convention ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1976. Il est actuellement incarcéré à la prison de Nigrita, à Serres.

6. Par un arrêt du 24 juillet 2013, la cour d’appel criminelle de Thessalonique condamna le requérant pour participation à une association de malfaiteurs à une peine de réclusion de huit ans, que l’intéressé purgea à compter du 23 décembre 2013. Par un arrêt du 4 juin 2015, la même juridiction condamna à nouveau le requérant, notamment à une peine de réclusion de dix-sept ans et neuf mois.

7. Entre-temps, le 22 août 2014, le requérant avait sollicité un nouveau calcul de sa peine, sur le fondement de l’article 105 § 7 du code pénal (CP). À la suite de cette demande, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel de Serres avait ordonné une expertise, à l’issue de laquelle il avait été constaté que l’intéressé présentait un taux d’invalidité de 70 % en raison de différents problèmes orthopédiques.

Sur ce fondement, par une décision du 16 juin 2015, le procureur superviseur de la prison de Nigrita accueillit la demande du requérant, décidant qu’un jour de détention équivalait à deux jours de peine purgée.

A. Les conditions de détention à la prison de Nigrita selon la version du requérant

8. Le requérant indique souffrir, en plus de ses problèmes orthopédiques, d’une hépatite, d’un syndrome d’irritation intestinale et d’une pharyngite. Il lui serait impossible de se tenir debout, de marcher et d’effectuer les tâches de la vie quotidienne.

9. Le requérant affirme qu’il est détenu dans une cellule surpeuplée, sale, mal aérée et mal éclairée et qu’il reçoit une nourriture grasse qui ne serait pas adaptée à son état de santé.

10. Il déclare que, en dépit de son invalidité à 70 %, l’établissement pénitentiaire ne lui permet pas un accès constant à une infirmière et que, de surcroît, il n’est pas adapté à la détention des personnes présentant, comme lui, une invalidité (il n’existerait pas de toilettes aménagées et de rampes murales dans la prison, et la fourniture d’eau chaude serait limitée au regard de ses besoins).

B. Les conditions de détention à la prison de Nigrita selon la version du Gouvernement

11. Le Gouvernement décrit comme suit les conditions de détention à la prison de Nigrita.

Cet établissement pénitentiaire se compose de cinq ailes ayant chacune une capacité de 120 détenus. Sa capacité maximale s’élève donc à 600 personnes. Actuellement, trois de ces cinq ailes sont opérationnelles et aucune d’entre elles ne connaît de dépassement de sa capacité.

12. Depuis le début de sa détention, le requérant occupe la cellule no 9 de l’aile C, d’une superficie de 14 m², qu’il partagerait avec un autre détenu. Cette superficie inclut un espace douche/WC de 2 m² séparé par une porte.

13. La cellule comprend trois lits, trois casiers, trois chaises et deux poubelles, dont l’une se trouverait dans l’espace douche/WC. L’eau chaude est fournie tous les jours de la semaine, à raison de trois heures par jour (une heure le matin, une heure à midi et une heure le soir). Chaque cellule est chauffée au moyen d’un chauffage central. La lumière naturelle est assurée par une fenêtre mesurant 1 m x 1,20 m.

14. À leur admission à la prison, les détenus reçoivent des produits d’hygiène personnelle (dentifrice, brosse à dents, savon, shampoing). Les déchets sont ramassés quotidiennement, et des opérations de désinsectisation des lieux de détention sont régulièrement menées. Les draps et les couvertures des détenus sont nettoyés une fois par semaine.

15. Un dispensaire encadré par un infirmier fonctionne en permanence au sein de la prison. Un médecin généraliste du système national de santé effectue cinq visites par jour. Chaque nouveau détenu admis est soumis à un contrôle médical, et un contrôle a lieu en cas de problèmes sanitaires au sein de la population carcérale.

16. En ce qui concerne les activités récréatives, les détenus peuvent regarder la télévision ou écouter la radio. Ils ont en outre la possibilité d’acheter des journaux et des magazines ou d’emprunter des livres à la bibliothèque de la prison. Ils peuvent aussi pratiquer des activités physiques et jouer au basket-ball et au volley-ball dans les différentes cours de la prison (chaque aile disposant d’une cour), d’une superficie de 508 m².

17. Le matin, les cellules restent ouvertes de 8 heures à 12 h 30 et les cours de 8 h 30 à 12 h 15. L’après-midi, les cellules et les cours restent ouvertes de 15 heures à 19 h 45.

18. Enfin, le Gouvernement produit plusieurs certificats médicaux émis par des médecins ou des hôpitaux. D’après ces documents, le requérant a subi des examens à de nombreuses reprises pendant sa détention.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

19. Pour le droit et la pratique internes pertinents en l’espèce, la Cour renvoie à son arrêt Kanakis c. Grèce (no 2) (no 40146/11, §§ 62-67, 12 décembre 2013).

20. Plus particulièrement, l’article 110A §§ 1 et 2 du CP (tel que modifié par la loi no 4356/2015) prévoit ce qui suit :

« 1. La libération conditionnelle est accordée, indépendamment de la réalisation des conditions énoncées aux articles 105 et 106, si le condamné a développé (νοσεί) le syndrome d’immunodéficience acquise, s’il souffre d’une insuffisance rénale chronique nécessitant une hémodialyse à intervalles réguliers ou d’une tuberculose résistant au traitement, s’il est tétraplégique, s’il a subi une greffe du foie ou du cœur ou une opération du cerveau, s’il est atteint de néoplasmes malins en phase terminale, s’il est atteint d’une cirrhose du foie ayant entraîné une invalidité d’un taux supérieur à 67 %, ou si, ayant dépassé l’âge de quatre-vingts ans, il souffre de démence sénile.

2. La libération conditionnelle est également accordée, indépendamment de la réalisation des conditions énoncées aux articles 105 et 106, dans les cas suivants, lorsqu’une peine privative de liberté temporaire a été imposée : a) aux condamnés ayant un taux d’invalidité de 50 %, s’il est jugé que leur séjour dans l’établissement pénitentiaire devient particulièrement problématique en raison de la perte d’autonomie et b) aux condamnés ayant un taux d’invalidité supérieur ou égal à 67 %. En cas de réclusion temporaire, il faut que le condamné ait déjà purgé un cinquième de sa peine. »

21. Il ressort d’un document portant sur la capacité de toutes les prisons sur le territoire grec et le nombre de détenus au 1er avril 2014, adressé au Parlement par le ministère de la Justice dans le cadre du contrôle parlementaire, que la prison de Nigrita, d’une capacité de 360 détenus, en accueillait 362 à la date susmentionnée.

III. LES CONSTATS DU COMITé EUROPéEN POUR LA PRéVENTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS OU DéGRADANTS (CPT)

22. Dans son rapport du 1er mars 2016, établi à la suite de sa visite du 14 au 23 avril 2015, le CPT relevait que la répartition des détenus entre les prisons restait inégale : par exemple, trois prisons (Chania, Domokos et Nigrita) fonctionnaient seulement à la moitié de leur capacité et disposaient d’environ 1 000 places non utilisées.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

23. Sur le terrain de l’article 3 de la Convention, le requérant se plaint de ses conditions de détention à la prison de Nigrita.

Sous l’angle de l’article 13 de la Convention, il dénonce également une absence de recours effectif pour se plaindre de ses conditions de détention. Ces dispositions sont ainsi libellées :

Article 3

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

A. Sur la recevabilité

24. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter ces griefs pour non-épuisement des voies de recours internes, au motif que le requérant n’a pas saisi le conseil disciplinaire de la prison d’une demande tendant à l’amélioration de ses conditions de détention, sur le fondement de l’article 6 du code pénitentiaire (loi no 2776/1999), et qu’il n’a pas non plus demandé à être entendu par le procureur compétent, en l’occurrence le procureur superviseur de la prison de Nigrita, en application de l’article 572 du code de procédure pénale (CPP).

25. Se prévalant de la jurisprudence de la Cour dans des affaires similaires à la sienne, le requérant soutient que les voies de droit citées par le Gouvernement ne sont pas des recours à exercer dans son cas.

26. S’agissant des conditions de détention, la Cour rappelle avoir conclu, dans certaines affaires (Vaden c. Grèce, no 35115/03, §§ 30-33, 29 mars 2007, et Tsivis c. Grèce, no 11553/05, §§ 18-20, 6 décembre 2007), que les requérants qui n’avaient pas utilisé les recours respectivement prévus à l’article 572 du CPP et à l’article 6 du code pénitentiaire n’avaient pas épuisé les voies de recours internes. Dans ces affaires, les requérants se plaignaient de circonstances particulières qui les affectaient personnellement en tant qu’individus et auxquelles ils estimaient que les autorités pénitentiaires pouvaient mettre un terme en prenant les mesures appropriées.

La Cour rappelle cependant avoir affirmé à plusieurs reprises que, pour autant que les requérants alléguaient être personnellement affectés par les conditions générales de détention en prison – à l’instar du requérant dans la présente espèce –, l’exercice des recours fondés sur les dispositions susmentionnées n’était d’aucune utilité (voir, parmi beaucoup d’autres, Papakonstantinou c. Grèce, no 50765/11, § 51, 13 novembre 2014).

27. La Cour ne voit aucune raison de s’écarter dans la présente affaire de sa jurisprudence constante à cet égard, et elle rejette donc l’exception du Gouvernement (voir, en dernier lieu, Alexopoulos et autres c. Grèce, no 41804/13 §§ 29-30, 6 octobre 2016, et Kagia c. Grèce, no 26442/15, §§ 55-56, 30 juin 2016).

28. Constatant par ailleurs que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Sur l’article 3 de la Convention

29. Se référant à sa version des conditions de détention, le requérant insiste sur le caractère inapproprié, à ses yeux, de ces conditions eu égard à son invalidité et à son état de santé général.

30. Renvoyant à sa version des conditions de détention, le Gouvernement réitère sa position selon laquelle les infrastructures de la prison de Nigrita et les conditions de vie du requérant sont propices à la bonne exécution de la peine de celui-ci. Selon lui, ces conditions ne dépassent pas le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention, permettant de qualifier le traitement en cause d’inhumain ou de dégradant.

31. En ce qui concerne les principes généraux d’application de l’article 3 de la Convention dans des affaires soulevant des questions similaires à celles posées par la présente cause, la Cour renvoie à sa jurisprudence pertinente en la matière (voir, en dernier lieu, Muršić c. Croatie [GC], no 7334/13, §§ 96‑141, 20 octobre 2016).

32. La Cour précise d’emblée qu’il lui faut limiter son examen au seul grief concernant les conditions générales de détention du requérant à la prison de Nigrita, les griefs relatifs à l’état de santé de l’intéressé ayant été rejetés au stade de la communication de l’affaire pour non-épuisement des voies de recours internes.

33. La Cour relève que, selon les informations fournies par le Gouvernement, non démenties par le requérant, la prison de Nigrita se compose de cinq ailes ayant chacune une capacité de 120 détenus. Actuellement seules trois de ces ailes sont opérationnelles et, d’après le Gouvernement, aucune d’entre elles ne connaît de dépassement de sa capacité. La Cour ne saurait mettre en doute cette affirmation. À cet égard, elle note que, selon le document adressé au Parlement par le ministère de la Justice, dans le cadre du contrôle parlementaire, relativement à la capacité de toutes les prisons sur le territoire grec et au nombre de détenus au 1er avril 2014 – date à laquelle le requérant était déjà incarcéré à la prison de Nigrita –, cet établissement, d’une capacité de 360 détenus, en accueillait 362 à cette date (paragraphe 21 ci-dessus). Elle note aussi que selon les constats du CPT, la prison de Nigrita fonctionnait à la moitié de sa capacité (paragraphe 22 ci-dessus).

34. De même, la Cour prend note des informations suivantes, également fournies par le Gouvernement : le requérant a été placé, dès le début de sa détention, dans la cellule no 9 de l’aile C, d’une superficie de 14 m², avec un autre détenu ; cette superficie inclut un espace douche/WC de 2 m² séparé par une porte ; chaque cellule est chauffée au moyen d’un chauffage central ; la lumière naturelle est assurée par une fenêtre mesurant 1 m x 1,20 m ; l’eau chaude est fournie trois fois par jour pendant une heure ; le matin, les cellules restent ouvertes de 8 heures à 12 h 30 et les cours de 8 h 30 à 12 h 15, et l’après-midi toutes restent ouvertes de 15 heures à 19 h 45.

35. La Cour constate que le requérant n’a contesté aucun de ces éléments : ses doléances, liées à son état de santé, ont trait à la compatibilité de la nourriture reçue avec ses pathologies ou à l’assistance médicale fournie.

36. Quant aux assertions du requérant concernant l’état de sa cellule et une situation de surpopulation, elle relève que l’intéressé n’apporte aucun élément de nature à réfuter les allégations du Gouvernement.

37. La Cour note par ailleurs qu’il ressort des documents fournis par le Gouvernement que le requérant a été transporté à plusieurs reprises à l’hôpital et a subi de nombreux examens.

38. Enfin, et à titre surabondant, la Cour observe que, alors que le requérant a demandé un nouveau calcul de sa peine le 22 août 2014, sur le fondement de l’article 105 § 7 du CP (paragraphe 7 ci-dessus), en raison de ses problèmes orthopédiques, il n’a pas sollicité sa mise en liberté conditionnelle sur le fondement de l’article 110A § 2 du CP tel que modifié par la loi no 4356/2015 (paragraphe 20 ci-dessus).

39. Eu égard à ce qui précède, la Cour n’est pas en mesure de considérer que le requérant a été détenu dans des conditions qui auraient constitué à son égard un traitement dégradant.

40. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 3 de la Convention.

2. Sur l’article 13 de la Convention

41. Invoquant l’article 13 de la Convention, le requérant se plaint également d’une absence de recours effectif pour dénoncer ses conditions de détention.

42. Le Gouvernement soutient que le requérant avait à sa disposition les recours prévus par l’article 6 du code pénitentiaire (saisines du procureur superviseur de la prison et du conseil disciplinaire de la prison) et par l’article 572 du CPP (saisine du procureur chargé de l’exécution des peines et de l’application des mesures de sécurité). Il affirme aussi que l’intéressé pouvait se prévaloir de l’article 25 § 1 de la loi no 1756/1988 portant code des tribunaux, et il précise à cet égard que, d’après cette disposition, le procureur adjoint près la cour d’appel détaché à la prison de Trikala est chargé de veiller au respect des règles concernant le traitement des détenus et les conditions de détention en prison. Enfin, le Gouvernement ajoute que l’article 110A du CP permet à un détenu ayant un taux d’invalidité supérieur à 67 % de demander sa mise en liberté sous condition.

43. La Cour rappelle que le constat de violation d’une autre disposition de la Convention n’est pas une condition préalable pour l’application de l’article 13 (Sergey Denisov c. Russie, no 21566/13, § 88, 8 octobre 2015, et les références qui y sont citées). Dans la présente affaire, même si la Cour a finalement conclu à la non-violation de l’article 3 de la Convention (paragraphe 40 ci-dessus), elle n’a pas estimé que le grief du requérant à cet égard était à première vue indéfendable (paragraphes 31 et suivants ci‑dessus). La Cour est parvenue à cette conclusion seulement après avoir examiné le bien-fondé de l’affaire. Elle considère dès lors que le requérant a soulevé un grief défendable aux fins de l’article 13 de la Convention.

44. La Cour rappelle aussi que l’« effectivité » d’un « recours » au sens de l’article 13 de la Convention ne dépend pas de la certitude d’une issue favorable pour le requérant. Toutefois, le recours exigé par cette disposition doit être « effectif » en pratique comme en droit, en ce sens qu’il aurait pu empêcher la survenance de la violation alléguée ou remédier à la situation incriminée, ou aurait pu fournir à l’intéressé un redressement approprié pour toute violation s’étant déjà produite (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, §§ 157-158, CEDH 2000‑XI).

45. En l’espèce, la Cour constate que le Gouvernement réitère pour l’essentiel ses arguments exposés au sujet de l’exception de non-épuisement des voies de recours internes, notamment en ce qui concerne les recours prévus par l’article 6 du code pénitentiaire et par l’article 572 du CPP. Quant à l’article 110A du CP mentionné par le Gouvernement, la Cour relève qu’il concerne la mise en liberté sous condition, entre autres, des détenus présentant un certain taux d’invalidité, et non l’amélioration des conditions de détention de ceux-ci.

46. Partant, eu égard à la conclusion à laquelle elle est parvenue au paragraphe 27 ci-dessus, la Cour considère qu’il y a eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 3 de la Convention (voir aussi, dans ce sens, Kagia, précité, § 57).

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

47. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

48. Le requérant soutient qu’il a subi un préjudice moral considérable, sans toutefois chiffrer ses prétentions.

49. Le Gouvernement considère que le requérant ne peut prétendre à aucune indemnité.

50. La Cour estime que le requérant a subi un préjudice moral, en raison de la violation de l’article 13 de la Convention, que le simple constat de violation suffit à compenser.

B. Frais et dépens

51. En ce qui concerne les frais et dépens, le requérant n’ayant pas formulé de prétentions, la Cour estime ne devoir lui accorder aucune somme à ce titre.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention, combiné avec l’article 3 ;

4. Dit que le constat d’une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 février 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Abel CamposMirjana Lazarova Trajkovska
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (premiÈre section)
Numéro d'arrêt : 001-171492
Date de la décision : 16/02/2017
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Non-violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Traitement dégradant) (Volet matériel);Violation de l'article 13+3 - Droit à un recours effectif (Article 13 - Recours effectif) (Article 3 - Interdiction de la torture;Traitement dégradant)

Parties
Demandeurs : D.M.
Défendeurs : GRÈCE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CHATZIIOANNOU K.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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