La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2017 | CEDH | N°001-170854

CEDH | CEDH, AFFAIRE İRFAN GÜZEL c. TURQUIE, 2017, 001-170854


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE İRFAN GÜZEL c. TURQUIE

(Requête no 35285/08)

ARRÊT

STRASBOURG

7 février 2017

DÉFINITIF

07/05/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire İrfan Güzel c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Julia Laffranque, présidente,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Paul Lemmens,
Jon Fridri

k Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Georges Ravarani, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE İRFAN GÜZEL c. TURQUIE

(Requête no 35285/08)

ARRÊT

STRASBOURG

7 février 2017

DÉFINITIF

07/05/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire İrfan Güzel c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Julia Laffranque, présidente,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Paul Lemmens,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Georges Ravarani, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 janvier 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (nos 35285/08) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. İrfan Güzel (« le requérant »), a saisi la Cour le 9 juillet 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Mes M. Beştaş et M. D. Beştaş, avocats à Diyarbakır. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Devant la Cour, le requérant alléguait en particulier que ses conversations téléphoniques avaient été mises sur écoutes sans autorisation judiciaire et qu’il ne disposait d’aucun recours pour faire contrôler cette mesure.

4. Le 2 mai 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1971 et réside à Mardin. À l’époque des faits, il était marchand de bétail.

A. La genèse de l’affaire et les mesures de surveillance à l’égard du requérant

6. Des renseignements sur un trafic d’armes dans lequel le requérant aurait été impliqué avaient été recueillis par les autorités. Le dossier permet de comprendre que deux enquêtes séparées avaient été initiées à Silopi et Diyarbakır à l’encontre du requérant, lesquelles furent jointes ultérieurement.

7. Selon le requérant, à une date non précisée, le tribunal d’instance pénal de Diyarbakır a autorisé le parquet de Diyarbakır à intercepter les conversations téléphoniques d’un certain N.A. soupçonné d’être impliqué dans la contrefaçon de billets de banque et de leur utilisation.

8. Toujours selon le requérant, l’interception de ses conversations s’est faite sur le seul fondement de cette décision, sur laquelle, à ses dires, ni son nom ni l’infraction reprochée ne figuraient. Le requérant n’a pas communiqué de copie de cette décision, mais il en a indiqué le numéro (décision no 2007/505).

9. Ce document, dont une copie a été fournie par le Gouvernement, concerne la prolongation de l’autorisation d’écoutes téléphoniques à l’égard du requérant. Ainsi, le 22 octobre 2007, sur la demande du procureur de la République de Diyarbakır, le tribunal d’instance pénal de Diyarbakır a prolongé de trois mois l’autorisation initiale de procéder à des écoutes téléphoniques à l’égard du requérant. Cette décision portant le numéro 2007/505, indique que la décision initiale avait été accordée pour trois mois aussi. La date de la décision initiale n’est pas indiquée. Le nom du requérant figure sur ce document en tant que suspect et est accompagné de deux numéros de téléphone. La décision indique qu’il avait été admis que M. Güzel était soupçonné de trafic d’armes et de munitions et qu’aucun autre moyen n’avait permis de collecter des preuves tangibles à son égard.

10. Le 27 décembre 2007, le procureur de la République de Silopi requit l’autorisation de mettre sur écoute les numéros de téléphone portable du requérant et de deux autres personnes. Il indiquait dans sa demande que des investigations avaient été menées après l’obtention de renseignements sur un trafic d’armes dans la région, en provenance d’Irak. Il précisait que les suspects faisaient partie de la population locale, ce qui aurait rendu difficile l’avancée de l’enquête. De plus, selon le procureur, le caractère frontalier de la région et la commission souvent nocturne des actes litigieux étaient autant d’obstacles à une filature visant à l’obtention de preuves ou à l’arrestation des suspects. Ainsi, selon lui, seule une mesure de surveillance mise en œuvre dans le cadre de l’article 135 du code de procédure pénale (« CPP ») pouvait permettre d’établir l’identité des personnes avec lesquelles les suspects étaient en contact – tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays –, les modalités de la commission des délits et les moments de la journée auxquels ceux-ci avaient été commis, et d’obtenir des éléments de preuve et de procéder à l’arrestation des suspects.

11. Le 28 décembre 2007, le tribunal d’instance pénal de Silopi accorda l’autorisation requise s’agissant du requérant et de deux autres personnes, pour une durée limitée à soixante jours (décision no 2007/1599).

B. Les extraits pertinents des transcriptions d’écoutes téléphoniques

12. Les écoutes ainsi mises en place permirent d’établir que le requérant était en relation avec un certain Ahmet, domicilié en Irak, avec lequel il serait parvenu à un accord pour un transfert d’armes à feu qui devait se faire par le biais d’un certain Münir.

13. À une date non précisée, un expert effectua la traduction des conversations téléphoniques, lesquelles s’étaient tenues majoritairement en kurde.

14. La conversation du requérant avec un certain Aydın Ö., du 8 décembre 2007 contenait des phrases telles que :

« Quelle est la situation des troupeaux de moutons ? »

« Des loups ont attaqué un troupeau récemment. J’étais dans les champs avec les bergers, ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas de nouvelles de l’un des troupeaux. Je ne sais pas combien de personnes ont été blessées. »

« Quel est le niveau de pertes ? »

« Je ne sais pas exactement, mais j’ai vu certaines choses à la télé. »

« Appelle-les et renseigne-toi. Tiens-moi au courant, on me demande des renseignements. »

15. Une conversation du 13 janvier 2008 entre le requérant et Ahmet, qui utilisait un numéro de téléphone enregistré au nom de Olga E., était transcrite comme suit :

« Tes six chemises sont prêtes pour demain, viens les récupérer. Les six autres seront prêtes pour la prochaine fois, pas maintenant, d’accord ? »

16. Une conversation ayant eu lieu le jour de l’arrestation, le 14 janvier 2008, entre le requérant et Münir concernait l’heure et le lieu du rendez‑vous. Le requérant répétait à Münir : « Les lignes téléphoniques sont sales. »

17. Il ressort des conversations ayant eu lieu ce même jour entre Münir et Ahmet que ce dernier demandait à Münir de se présenter sous le nom de Metin lors de la livraison « de six moutons », et que le requérant lui avait dit qu’il n’était pas en mesure de recevoir la livraison. Ahmet demandait en outre à Münir de trouver un lieu sûr en attendant.

18. Enfin, une conversation tenue entre le requérant et Ahmet, toujours le 14 janvier 2008, comportait les phrases suivantes :

« Dis-lui de s’arranger ; si j’étais en mesure de les récupérer, je le ferais. Je ne suis pas dans une situation favorable, tu me comprends ? »

C. L’arrestation du requérant et la suite de la procédure

19. Ce même jour du 14 janvier 2008, les policiers commencèrent à prendre le requérant en filature. Selon les documents, le requérant et Münir s’étaient retrouvés en ville puis s’étaient séparés. Le procès-verbal correspondant indiquait que le requérant avait compris qu’il était suivi, qu’il avait renoncé à récupérer les armes et qu’il avait tenté de fuir. Le requérant fut arrêté à 15 h 40 en possession de trois téléphones portables, dont celui de l’un des numéros placé sur écoute, et d’un certain nombre de documents qui furent également saisis.

20. Münir fut lui aussi arrêté. Il se trouvait à bord de son véhicule, dans lequel six armes à feu et 128 cartouches furent saisies.

21. Toujours le 14 janvier 2008, vers 19 heures, le requérant fut emmené chez lui pour une perquisition. Les forces de sécurité saisirent un téléphone portable et le livrèrent au parquet d’Idil.

22. Le 15 janvier 2008, à la demande de la police, le procureur de la République prolongea de vingt-quatre heures la garde à vue du requérant, eu égard au nombre de suspects impliqués et à la difficulté à collecter les preuves, et afin de procéder à une expertise des téléphones portables et documents saisis.

23. Le 16 janvier 2008, le procureur de la République qualifia le trafic d’armes en question d’aide et de soutien au PKK, une organisation illégale armée, et ordonna le transfèrement du requérant dans une unité spécialisée dans la lutte contre le terrorisme. Le requérant, assisté d’un avocat, fut informé de ces soupçons. Celui-ci annonça qu’il refusait de faire sa déposition devant la police et qu’il la ferait devant le procureur de la République.

24. Le même jour, le procureur de la République prolongea une deuxième fois de vingt-quatre heures la garde à vue du requérant, puis une troisième fois le 17 janvier 2008, eu égard à la requalification des faits et à la nécessité de compléter le dossier d’enquête, à l’absence de coopération du requérant à qui il aurait été en vain demandé d’expliquer les communications apparaissant sur les téléphones portables saisis sur sa personne, et à son refus de donner un échantillon de son écriture manuscrite pour comparaison avec les documents également saisis sur lui.

25. Le 17 janvier 2008, Aydın Ö. fut lui aussi arrêté. Il était en possession d’une liste de matériaux à acheter, tels que des vestes, des couteaux, des radios et des provisions, qui furent considérés comme étant destinés aux terroristes. D’après les transcriptions des écoutes téléphoniques, le requérant avait auparavant dit avoir participé à ces achats à hauteur de mille dollars américains de fonds propres.

26. Le 18 janvier 2008, le requérant fut extrait des locaux de garde à vue à 13 heures pour être interrogé par le procureur de la République. Assisté de son avocat, il dit au procureur qu’il souhaitait utiliser son droit de garder le silence.

27. Le même jour, le requérant et Aydın Ö. furent interrogés par le juge du tribunal d’instance pénal de Silopi. L’avocat du requérant indiqua que les écoutes téléphoniques constituaient une mesure excessive, arguant que le requérant aurait pu être surveillé ou suivi physiquement, que les autorités d’investigation avaient mal interprété ses conversations téléphoniques et que celui-ci y parlait de son commerce de bétail.

28. À l’issue de l’audience, ce juge décida de placer le requérant en détention provisoire en se fondant sur les éléments du dossier et en se référant à l’article 100 § 3 b) du CPP, qui prévoit spécifiquement un placement en détention provisoire pour le délit de trafic d’armes. Par ailleurs, le juge ordonna la mise en liberté de Aydın Ö. au motif que les preuves à son égard avaient été collectées.

29. Le 23 janvier 2008, le procureur de la République de Silopi rendit une décision d’incompétence ratione materiae et renvoya le dossier devant le procureur de la République à Diyarbakır.

30. Le 8 février 2008, ce dernier procureur, en charge des investigations pour les infractions aggravées prévues à l’article 250 du CPP, déposa un acte d’accusation contre le requérant, Aydın Ö. et Münir K. Se référant en particulier aux conversations téléphoniques entre ces personnes et aux armes et matériels saisis, il indiqua que Aydın Ö. collectait des renseignements sur les positions et activités des forces de l’ordre pour les transmettre au requérant, lequel aurait transmis ces informations aux membres du PKK. Il accusa aussi le requérant et Münir K. de trafic international d’armes et d’aide et de soutien au PKK.

31. Le 19 février 2008, la cour d’assises de Diyarbakır considéra à l’issue de son audience préparatoire que cet acte d’accusation répondait aux critères de l’article 170 du CPP et que des éléments de preuve suffisants pour mener une procédure avaient été collectés. Il déclara ainsi que l’acte d’accusation était admissible (iddianamenin kabulüne), décida de maintenir le requérant en détention provisoire et ordonna la notification de l’acte d’accusation au requérant et au coaccusé Aydın Ö.

32. Une expertise du 25 février 2008 établit que les six armes saisies ne présentaient aucun défaut et qu’elles étaient en état de faire feu avec des cartouches correspondant à leurs calibres.

33. Lors de la seconde audience, tenue le 10 avril 2008 devant la cour d’assises de Diyarbakır, le requérant contesta les faits qui lui étaient reprochés ainsi que la teneur des transcriptions des écoutes téléphoniques, et il demanda sa mise en liberté. La cour d’assises ordonna le maintien en détention provisoire du requérant eu égard à la nature du crime qui lui était reproché et à l’état des preuves le concernant, puis elle ordonna une contre-expertise de la traduction des transcriptions en question.

34. Lors de l’audience tenue le 5 juin 2008, la cour d’assises examina à nouveau les transcriptions des écoutes téléphoniques concernant le requérant. L’avocat de celui-ci contesta encore tant les faits que la procédure. Il dénonça une irrégularité des écoutes téléphoniques mises en place à l’égard de son client, affirmant qu’il n’existait pas de décision judiciaire permettant de mettre en œuvre la mesure litigieuse et que la décision ayant fondé la mise sur écoutes visait non pas le requérant, mais des personnes avec lesquelles celui-ci se serait entretenu. Selon l’avocat, l’utilisation de ces éléments de preuve allait à l’encontre de la jurisprudence de la Cour de cassation.

35. À l’issue de cette audience, la cour d’assises ordonna une nouvelle expertise des transcriptions en question. Elle maintint le requérant en détention eu égard à la nature du délit et au fait que celui-ci figurait à l’article 100 § 3 b) du CPP.

36. Le 19 février 2009, à l’issue de la huitième audience, le requérant fut condamné à une peine d’emprisonnement de douze ans et six mois pour aide et soutien à une organisation terroriste. Dans ses motifs, la cour d’assises se référait aux éléments susmentionnés, considérant que les conversations indiquées ci-dessus étaient codées et qu’elles se rapportaient au trafic d’armes en question, ainsi qu’à la collecte de renseignements sur les positions des forces de l’ordre par rapport à des groupes de terroristes. Pour la cour d’assises, en particulier, l’expression « troupeaux de moutons » désignait les groupes de terroristes, la date de cette conversation correspondant à celles des conflits armés ayant opposé terroristes et forces de l’ordre ; les termes « moutons » et « chemises » se référaient à ses yeux aux armes, et il était possible de déduire des paroles répétées du requérant selon lesquelles « les lignes téléphoniques [étaient] sales » que celui-ci se savait en infraction et qu’il se doutait qu’il était sur écoutes. La cour d’assises ajoutait qu’il n’y avait pas eu de paiement entre les parties ni de discussion à ce propos. Selon elle, cet élément, ajouté aux autres éléments du dossier, permettait de conclure qu’il s’agissait d’un trafic d’armes ayant pour but la fourniture de matériel au PKK et non d’un trafic d’armes entre particuliers.

37. Par une décision du 31 mars 2010, la Cour de cassation confirma ce jugement.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. Sur la garde à vue

38. L’article 91 §§ 1 et 2 du CPP, dans sa version en vigueur à l’époque des faits, indiquait qu’une personne arrêtée pouvait être placée en garde à vue pendant vingt-quatre heures si le procureur de la République décidait de ne pas la libérer. Une personne pouvait être mise en garde à vue sous réserve que cette mesure se révélât nécessaire pour mener l’enquête et qu’il découlât de preuves tangibles qu’il y avait eu commission d’une infraction.

39. Selon l’article 91 § 3 du CPP, toujours en vigueur à ce jour, s’agissant des infractions commises en bande (toplu olarak işlenen suç), le procureur de la République peut autoriser par écrit la prolongation de la garde à vue de trois jours au total, chaque prolongation étant au maximum d’un jour. Selon l’article 91 § 5 du CPP, l’intéressé ou ses proches peuvent former opposition devant le tribunal d’instance pénal à l’arrestation et aux décisions de placement en garde à vue ou de prolongation de la garde à vue.

B. Sur les écoutes téléphoniques

40. La Cour renvoie à son arrêt Karabeyoğlu c. Turquie, no 30083/10, §§ 37-45, 7 juin 2016 en ce qui concerne les points suivants :

– l’article 22 de la Constitution quant à la liberté de communication,

– l’article 135 du CPP en vigueur à l’époque des faits quant à l’interception, l’écoute et l’enregistrement des communications,

– l’article 137 du CPP quant à l’exécution des décisions d’interception et de destruction des données relatives aux communications,

– l’article 138 du CPP sur les preuves obtenues de manière fortuite,

– les règlements sur l’application des mesures de surveillance au sens du CPP,

– les dispositions du code pénal qui prévoient des peines de réclusion pour l’écoute et l’enregistrement illégaux des conversations d’autrui.

EN DROIT

I. SUR LA RECEVABILITÉ

A. En ce qui concerne l’article 5 § 1 c) de la Convention

41. Le requérant se plaint sous l’angle de l’article 5 § 1 c) de la Convention d’avoir été arrêté puis placé en détention provisoire, en l’absence, selon lui, de tout soupçon raisonnable à son égard quant à la commission d’une infraction.

42. La Cour rappelle qu’une personne ne peut être détenue au regard de l’article 5 § 1 c) que dans le cadre d’une procédure pénale, en vue d’être conduite devant l’autorité judiciaire compétente parce qu’il y a des raisons plausibles de la soupçonner d’avoir commis une infraction (Ječius c. Lituanie, no 34578/97, § 50, CEDH 2000‑IX, et Włoch c. Pologne, no 27785/95, § 108, CEDH 2000‑XI). La « plausibilité » des soupçons sur lesquels doit se fonder l’arrestation constitue un élément essentiel de la protection offerte par l’article 5 § 1 c). L’existence de soupçons plausibles présuppose celle de faits ou de renseignements propres à persuader un observateur objectif que l’individu en cause peut avoir accompli l’infraction. Ce qui peut passer pour plausible dépend toutefois de l’ensemble des circonstances (Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni, 30 août 1990, § 32, série A no 182, O’Hara c. Royaume-Uni, no 37555/97, § 34-36, CEDH 2001‑X, et Çetin Doğan c. Turquie (déc.), no 28484/10, § 78, 10 avril 2012).

43. La Cour rappelle ensuite que l’alinéa c) de l’article 5 § 1 ne présuppose pas que les autorités d’enquête aient rassemblé des preuves suffisantes pour porter des accusations au moment de l’arrestation. L’objet d’un interrogatoire pendant une détention au titre de l’article 5 § 1 c) est de compléter l’enquête pénale en confirmant ou en écartant les soupçons concrets ayant fondé l’arrestation. Ainsi, les faits donnant naissance à des soupçons ne doivent pas être du même niveau que ceux qui sont nécessaires pour justifier une condamnation ou même pour porter une accusation, ce qui intervient dans la phase suivante de la procédure de l’enquête pénale (Murray c. Royaume-Uni, 28 octobre 1994, § 55, série A no 300-A, et Çetin Doğan, décision précitée, § 79).

44. Il ne faut certes pas appliquer l’article 5 § 1 c) d’une manière qui causerait aux autorités de police des États contractants des difficultés excessives pour combattre par des mesures adéquates la criminalité organisée. La tâche de la Cour consiste à déterminer si les conditions fixées à l’alinéa c) de l’article 5 § 1, y compris la poursuite du but légitime prescrit, ont été remplies dans l’affaire soumise à son examen. Dans ce contexte, il ne lui appartient pas normalement de substituer sa propre appréciation des faits à celle des juridictions internes, mieux placées pour évaluer les preuves produites devant elles (Murray, précité, § 66, et Çetin Doğan, décision précitée, § 80).

45. En l’espèce, la Cour constate que le requérant, suspecté de trafic d’armes et en possession de plusieurs téléphones portables, a été arrêté sur la base de ses conversations téléphoniques alors qu’il organisait un rendez-vous avec son interlocuteur, lequel a lui aussi été arrêté le même jour en possession de plusieurs armes à feu et de munitions.

46. Il y a donc lieu de conclure que le requérant peut passer pour avoir été arrêté et détenu parce qu’il existait des « raisons plausibles de le soupçonner » d’avoir commis une infraction pénale, au sens de l’alinéa c) de l’article 5 § 1 de la Convention (Murray, précité, § 63, et Çetin Doğan, décision précitée, § 83).

47. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

B. En ce qui concerne l’article 5 § 3 de la Convention

48. Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, le requérant allègue aussi que le CPP n’autorise une garde à vue que jusqu’à vingt-quatre heures mais qu’il a fait l’objet d’une garde à vue de quatre jours. Cette durée aurait ainsi été excessive et contraire à la législation nationale. Le requérant se plaint également de la durée de sa détention provisoire.

49. La Cour rappelle sa jurisprudence en la matière : la célérité des mesures de contrôle juridictionnel s’apprécie suivant les particularités de chaque cause, mais le degré de souplesse lié à la notion de promptitude est limité, et le poids accordé aux circonstances ne saurait jamais aller jusqu’à porter atteinte à la substance du droit protégé par l’article 5 § 3, c’est-à-dire jusqu’à dispenser l’État d’assurer un élargissement rapide ou une prompte comparution devant une autorité judiciaire (Brogan et autres c. Royaume‑Uni, 29 novembre 1988, § 59, série A no 145‑B, et Aquilina c. Malte [GC], no 25642/94, § 48, CEDH 1999‑III).

50. La Cour a déjà admis à plusieurs reprises que les enquêtes au sujet d’infractions terroristes confrontent indubitablement les autorités à des problèmes particuliers (Brogan et autres, précité, § 61, Murray, précité, § 58, Sakık et autres c. Turquie, 26 novembre 1997, § 44, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VII, et Filiz et Kalkan c. Turquie, no 34481/97, § 24, 20 juin 2002). Cela ne signifie pas toutefois que celles-ci aient carte blanche, au regard de l’article 5, pour arrêter et placer en garde à vue des suspects, à l’abri de tout contrôle effectif par les tribunaux internes et, en dernière instance, par les organes de contrôle de la Convention, chaque fois qu’elles choisissent d’affirmer qu’il y a infraction terroriste (voir, mutatis mutandis, Murray, précité, § 58).

51. La Cour note que le requérant a été arrêté le 14 janvier 2008 à 15 h 40 et que sa garde à vue a été prolongée trois fois. Il a été transféré des locaux de la police le 18 janvier 2008 à 13 heures. Sa garde à vue dans ces locaux a donc duré un peu moins de quatre jours. Ensuite il a été emmené pour être interrogé par le procureur de la République puis par le juge du tribunal d’instance pénal. L’heure de comparution devant ce juge ne figure pas dans le dossier. Toutefois, le requérant se plaint spécifiquement de la durée de quatre jours de sa garde à vue. La Cour ne s’attardera donc pas sur ce point et considère que la garde à vue a duré quatre jours.

52. Dans la présente affaire, la Cour observe que la législation nationale, contrairement à l’allégation du requérant, permet une garde à vue pouvant aller jusqu’à quatre jours. Le procureur de la République autorise la première garde à vue des individus qui peut durer vingt-quatre heures, et peut prononcer le maintien de la mesure à trois reprises, chaque prolongation ne pouvant dépasser un jour (voir les paragraphes 38 et 39 ci‑dessus). La durée de la garde à vue du requérant était donc conforme au droit national.

53. Pour ce qui est des limites indiquées par la jurisprudence, la Cour rappelle avoir déjà dit qu’une période de garde à vue de quatre jours et six heures sans contrôle judiciaire allait au-delà des strictes limites de temps fixées par l’article 5 § 3, même quand cette mesure a pour but de prémunir la collectivité dans son ensemble contre le terrorisme (Brogan et autres, précité, § 62, Ataoğlu c. Turquie, no 77111/01, § 24, 20 octobre 2005, et Daş c. Turquie, no 74411/01, § 27, 8 novembre 2005). Or, en l’espèce, la garde à vue s’est limitée à quatre jours.

54. Ainsi, tenant compte à la fois de sa jurisprudence en la matière et de l’ensemble des circonstances de l’affaire, en particulier du fait que l’infraction reprochée au requérant a été requalifiée, passant du simple trafic d’armes à l’aide et au soutien à une organisation terroriste, et du fait que plusieurs suspects étaient impliqués, la Cour conclut que le délai écoulé avant la comparution du requérant devant le tribunal d’instance pénal était conforme tant à la législation nationale qu’à l’exigence de promptitude contenue à l’article 5 § 3 de la Convention.

55. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

56. Quant à la durée de la détention provisoire du requérant, la Cour observe que celui-ci a été détenu du 18 janvier 2008 au 19 février 2009, date de sa condamnation par la cour d’assises de Diyarbakır. La privation de liberté en cause a donc duré environ treize mois.

57. Le Gouvernement argue que, si le requérant s’est considéré comme victime d’une durée de détention excessive, il n’a pas pour autant demandé en droit interne la compensation du préjudice allégué. Il considère également que la durée de détention provisoire du requérant peut passer pour raisonnable eu égard aux infractions reprochées, qui sont le trafic d’armes international et le soutien à une organisation terroriste. En outre, il estime que les autorités judiciaires n’ont fait preuve d’aucun manque de diligence dans la conduite de la procédure.

58. Sans s’attarder sur l’exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes, la Cour dit qu’elle ne peut ignorer la gravité des actes reprochés par les autorités au requérant. Elle observe aussi qu’il n’y a eu aucune période d’inactivité des tribunaux durant la phase de jugement. En effet, la cour d’assises a mené la procédure à un rythme soutenu, a tenu plusieurs audiences et a ordonné deux expertises supplémentaires, notamment eu égard à la contestation par le requérant des transcriptions de ses conversations téléphoniques. Une expertise sur les armes saisies a également été requise durant cette période.

59. Au vu de ce qui précède, la Cour considère que la durée de la détention provisoire du requérant n’a pas excédé des limites raisonnables. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

C. En ce qui concerne l’article 6 de la Convention

60. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant soutient que l’admission de ses conversations téléphoniques comme éléments de preuves à charge l’a privé d’un procès équitable. Selon lui, ses conversations avaient été obtenues de manière fortuite et l’autorisation d’écoutes avait été donnée en ce qui concernait certaines personnes et non pas lui-même.

61. La Cour note d’emblée que, contrairement à ce qu’il allègue, le requérant a été mis sur écoutes dans le cadre de deux enquêtes judiciaires et à la suite des autorisations accordées le 22 octobre 2007 et le 28 décembre 2007 par les tribunaux d’instance pénal de Diyarbakır et de Silopi respectivement (voir les paragraphes 9 et 11 ci-dessus).

62. La Cour observe aussi que le requérant a eu largement la possibilité de contester les transcriptions des conversations ainsi enregistrées et qu’il a obtenu la réalisation de deux expertises supplémentaires durant la procédure. Cette partie de la requête est par conséquent manifestement mal fondée et elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

63. Le requérant se plaint aussi d’une violation de l’article 6 § 1 de la Convention au motif que la cour d’assises ne lui a pas donné l’occasion de contester l’acte d’accusation avant d’accepter formellement son dépôt devant elle par le procureur de la République ; il aurait ainsi été placé en situation de désavantage par rapport au procureur de la République. Ladite acceptation aurait également entaché l’impartialité de la cour d’assises.

64. La Cour a déjà examiné pareils griefs et les a déclarés irrecevables (Ökten c. Turquie (déc.), no 22347/07, §§ 51-52, 3 novembre 2011). En l’espèce, elle ne dispose d’aucun élément susceptible de l’amener à revenir sur ses conclusions précédentes. Pour ce qui concerne le cas soumis à son examen, elle rappelle que, après son acceptation par la cour d’assises, l’acte d’accusation a été transmis au requérant. Elle constate que l’intéressé, représenté par un avocat dès le début de la procédure, a eu l’opportunité de présenter ses observations durant la phase de jugement. S’il avait estimé que des indications faisaient défaut dans l’acte en question et que certains éléments importants n’avaient pas été recueillis, il disposait de la faculté de demander que l’acte fût complété ou que des mesures d’instruction complémentaires fussent prises au cours du procès. Aussi la Cour ne voit-elle pas dans quelle mesure le fait de devoir présenter de telles observations ou demandes durant la phase de jugement plutôt qu’avant l’ouverture de cette phase aurait pu porter atteinte au droit du requérant à un procès équitable.

65. S’agissant des craintes du requérant quant à un manque d’impartialité de la cour d’assises au motif que son acceptation de l’acte d’accusation équivalait à l’expression de son avis sur l’accusation elle-même, la Cour a déjà dit que l’acceptation de l’acte d’accusation ne peut être considéré comme reflétant un parti pris quant à la décision à rendre sur le fond. En effet, par un tel acte, la cour d’assises se limite, dans une ordonnance sommaire, à constater que les conditions formelles pour l’inculpation de l’intéressé sont réunies en indiquant que l’acte comporte les éléments mentionnés à l’article 170 du CPP et que les preuves ont été collectées, le but de cet examen étant d’éviter de soumettre l’intéressé au fardeau d’une procédure sur le fond en l’absence de motifs sérieux pour le faire (Ökten, décision précitée, §§ 40-50).

66. Il s’ensuit que cette partie de la requête est également manifestement mal fondée et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

D. En ce qui concerne l’article 13 combiné avec les articles 5 et 6 de la Convention

67. Le requérant allègue en termes généraux n’avoir disposé d’aucun recours effectif en droit interne relativement aux griefs susmentionnés.

68. En l’absence de griefs défendables de violation des articles 5 et 6 de la Convention (paragraphes 41-66 ci-dessus), le grief tiré de l’article 13 est manifestement mal fondé et doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

E. En ce qui concerne les articles 8 et 13 de la Convention

69. Le requérant se plaint sur le terrain de l’article 8 de la Convention d’une violation de son droit au respect de sa vie privée en raison de l’interception, illégale à ses yeux, de ses conversations téléphoniques. Il allègue aussi qu’il ne disposait d’aucun recours susceptible de lui permettre de contester cette mesure.

70. Le Gouvernement considère que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes au motif que, s’il estimait qu’il y avait eu interception illégale de ses conversations, il aurait pu porter plainte car un tel acte est spécifiquement sanctionné par le code pénal.

71. D’emblée, la Cour constate que, s’agissant d’interception prétendument illégale de conversations téléphoniques, la comparaison avec un cas où des agents ont abusé de leur pouvoir et ont mis sur écoutes des lignes téléphoniques en l’absence d’une décision judiciaire autorisant pareils actes (voir Parlamış c. Turquie (déc.), no 74288/01, 13 novembre 2007) n’est pas pertinente puisqu’en l’espèce la procédure légale relative à la mise sur écoutes a été suivie. L’affaire Parlamış susmentionnée avait effectivement été déclarée irrecevable à raison de l’ouverture d’enquêtes pénales et disciplinaires à l’encontre des policiers ayant procédé à des écoutes sans une autorisation judiciaire et à la lumière d’exemples de la jurisprudence nationale où d’autres victimes d’écoutes prétendument illégales s’étaient vu accorder des indemnités).

72. En l’espèce, le Gouvernement ne présente aucun exemple indiquant qu’une personne a eu la possibilité de faire examiner, sur le terrain de l’article 8 de la Convention, une ingérence dans son droit à la vie privée découlant d’une telle mesure de surveillance.

73. Par conséquent, la Cour rejette l’exception préliminaire du Gouvernement.

74. Constatant par ailleurs que ces griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’ils ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour les déclare recevables.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

75. Le requérant dénonce une violation de l’article 8 de la Convention pour écoutes illégales au motif que la mesure dénoncée ne se fondait sur aucune décision judiciaire. Il allègue aussi que, en tout état de cause, les conditions posées par l’article 135 du CPP, à savoir, de fortes présomptions qu’une infraction pénale a été commise et l’impossibilité de recourir à d’autres moyens pour obtenir des preuves, n’étaient pas réunies, aucun élément ne permettant à son avis de dire objectivement qu’il pouvait être soupçonné d’aide et de soutien à une organisation terroriste.

76. L’article 8 de la Convention est ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

77. Le Gouvernement combat les thèses du requérant. Il se réfère aux décisions des tribunaux autorisant l’interception des conversations téléphoniques du requérant suspecté de trafic d’armes. Il ajoute que cette ingérence était prévue par la loi et qu’elle poursuivait, d’une manière proportionnée selon lui, les buts légitimes de la protection de la sécurité nationale et de la sûreté publique, la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales au sens de l’article 8 § 2 de la Convention.

78. S’agissant des principes généraux en matière d’interception des conversations téléphoniques, la Cour renvoie à son arrêt Roman Zakharov c. Russie ([GC], no 47143/06, §§ 227-235, 4 décembre 2015).

79. La Cour rappelle ensuite avoir déjà constaté ci-dessus que l’interception des conversations téléphoniques du requérant avait été mise en œuvre dans le cadre de deux enquêtes judiciaires consécutives aux décisions du 22 octobre 2007 et du 28 décembre 2007 des tribunaux d’instance pénal de Diyarbakır et de Silopi respectivement (voir les paragraphes 9 et 11 ci-dessus). L’intéressé était suspecté, au vu des éléments de preuve collectés durant une enquête précédente, d’être impliqué dans un trafic d’armes. L’allégation du requérant sur l’absence de décision judiciaire est par conséquent sans fondement.

80. Cette partie de l’allégation écartée, la Cour constate que la mise sur écoutes de la ligne téléphonique du requérant constitue bien une « ingérence d’une autorité publique » au sens de l’article 8 § 2 de la Convention dans l’exercice par l’intéressé de son droit au respect de sa vie privée et de sa correspondance (Klass et autres c. Allemagne, 6 septembre 1978, § 41, série A no 28, et Dragojević c. Croatie, no 68955/11, § 78, 15 janvier 2015). Ce point ne prête d’ailleurs pas à controverse entre les parties.

81. La question principale est alors de savoir si cette ingérence se justifiait au regard de l’article 8 § 2 de la Convention, notamment si elle était « prévue par la loi » et « nécessaire dans une société démocratique » à la poursuite de l’un des buts énumérés au même paragraphe.

82. En ce qui concerne la base légale de l’ingérence, la Cour a déjà dit, s’agissant des dispositions constitutionnelles et législatives en vigueur à l’époque des faits, que le droit national, accessible et prévisible, assortissait de conditions strictes tant l’application des mesures de surveillance et les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités que le traitement des données recueillies par le biais de celles-ci (Karabeyoğlu, précité, §§ 82-98).

83. En l’espèce, elle estime que le requérant, à l’égard duquel aucun élément du dossier ne permet de dire que la législation en question a été méconnue, a donc joui du degré minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une société démocratique.

84. Quant au but de l’ingérence, la Cour ne relève aucun élément ou argument qui la conduirait à s’écarter de la conclusion à laquelle elle est parvenue dans son arrêt Karabeyoğlu (précité, § 99) selon laquelle l’article 135 du CPP a effectivement pour buts la protection de la sécurité nationale, la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales. Elle rappelle que ces buts sont légitimes au regard de l’article 8 § 2 de la Convention (voir aussi Weber et Saravia c. Allemagne (déc.), no 54934/00, § 104, CEDH 2006‑XI).

85. En ce qui concerne la question de savoir si une ingérence est « nécessaire dans une société démocratique » à la réalisation d’un but légitime, la Cour a reconnu que, lorsqu’elles mettent en balance l’intérêt de l’État défendeur à protéger la sécurité nationale au moyen de mesures de surveillance secrète, d’une part, et la gravité de l’ingérence dans l’exercice par un requérant du droit au respect de la vie privée, d’autre part, les autorités nationales disposent d’une certaine marge d’appréciation dans le choix des moyens propres à atteindre le but légitime que constitue la protection de la sécurité nationale. Cette marge d’appréciation va toutefois de pair avec un contrôle européen portant à la fois sur la loi et sur les décisions qui l’appliquent. La Cour doit se convaincre de l’existence de garanties adéquates et effectives contre les abus car un système de surveillance secrète destiné à protéger la sécurité nationale risque de saper, voire de détruire, la démocratie au motif de la défendre. L’appréciation de cette question est fonction de toutes les circonstances de la cause, par exemple la nature, la portée et la durée des mesures éventuelles, les raisons requises pour les ordonner, les autorités compétentes pour les permettre, les exécuter et les contrôler, et le type de recours fourni par le droit interne. La Cour doit rechercher si les procédures de contrôle du déclenchement et de la mise en œuvre de mesures restrictives sont de nature à circonscrire « l’ingérence » à ce qui est « nécessaire dans une société démocratique » (Roman Zakharov, précité, § 232).

86. Pour ce qui est de la portée de l’examen effectué par le service délivrant l’autorisation, la Cour rappelle que celui-ci doit être à même de vérifier l’existence d’un soupçon raisonnable à l’égard de la personne concernée, en particulier de rechercher s’il existe des indices permettant de la soupçonner de projeter, de commettre ou d’avoir commis des actes délictueux ou d’autres actes susceptibles de donner lieu à des mesures de surveillance secrète, comme par exemple des actes mettant en péril la sécurité nationale. Il doit également s’assurer que l’interception requise satisfait au critère de « nécessité dans une société démocratique » prévu à l’article 8 § 2 de la Convention, notamment qu’elle est proportionnée aux buts légitimes poursuivis, en vérifiant par exemple s’il est possible d’atteindre les buts recherchés par des moyens moins restrictifs (Roman Zakharov, précité, § 260).

87. Dans ce contexte, la Cour rappelle qu’il ne lui appartient pas de substituer sa propre appréciation à celle des autorités internes, lesquelles sont mieux placées pour évaluer les preuves produites devant elles quant à l’existence de soupçons plausibles indiquant la commission de l’infraction en question (voir, mutatis mutandis, quant au choix des modalités du système de surveillance, Klass et autres, précité, § 49). Elle note aussi que les tribunaux ayant autorisé les écoutes ont pris en considération en particulier les arguments du procureur de la République selon lesquels le caractère frontalier de la région et la commission souvent nocturne des actes litigieux étaient des obstacles à une filature visant à l’obtention de preuves ou à l’arrestation des suspects. Selon le procureur, seule une mesure d’écoutes téléphoniques pouvait permettre d’établir l’identité des personnes avec lesquelles les suspects étaient en contact – tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays –, les modalités de la commission des délits et les moments de la journée auxquels ceux-ci avaient été commis, d’obtenir ainsi des éléments de preuve et de procéder à l’arrestation des suspects (voir les paragraphes 8 et suivants ci-dessus). Somme toute, il suffit à la Cour de constater que, en l’espèce, l’interlocuteur du requérant a été arrêté en possession de six armes à feu et de munitions le jour où tous deux s’étaient donné rendez-vous. Elle observe que, de plus, rien ne démontre qu’en l’espèce l’interprétation et l’application des dispositions légales invoquées par les autorités internes aient été arbitraires ou manifestement déraisonnables au point de conférer à la mesure litigieuse un caractère irrégulier.

88. À la lumière de ces considérations, la Cour conclut que l’ingérence dans le droit du requérant consacré par l’article 8 § 1 de la Convention était nécessaire, dans une société démocratique, à la protection de la sécurité nationale, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, comme l’exige l’article 8 § 2 de la Convention.

89. Partant, elle estime qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention quant aux écoutes téléphoniques dont le requérant a fait l’objet dans le cadre de l’enquête pénale menée à son encontre.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

90. Le requérant se plaint de n’avoir à sa disposition aucun recours effectif pour contester le non-respect, quant aux écoutes téléphoniques mises en place à son égard, des critères énoncés par l’article 135 § 1 du CPP. Il invoque l’article 13 de la Convention, qui se lit ainsi :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

91. Le Gouvernement combat cette thèse. Il répète que le requérant n’a pas introduit de plainte concernant l’illégalité alléguée des écoutes et qu’il n’a pas non plus contesté cette mesure devant la cour d’assises ou la Cour de cassation.

A. Principes généraux

92. La Cour l’a dit à de nombreuses reprises, l’article 13 de la Convention garantit le droit à un recours devant une instance nationale permettant de se prévaloir des droits et libertés de la Convention tels qu’ils y sont consacrés. Cette disposition a donc pour conséquence d’exiger un recours interne de nature à permettre l’examen du contenu d’un « grief défendable » fondé sur la Convention et à offrir le redressement approprié (De Souza Ribeiro c. France [GC], no 22689/07, §§ 78-79, 13 décembre 2012, CEDH 2012, et plus récemment, Khlaifia et autres c. Italie [GC], no 16483/12, § 268, 15 décembre 2016, CEDH 2016). La portée de l’obligation que l’article 13 fait peser sur les États contractants varie en fonction de la nature du grief du requérant. Les États jouissent en effet d’une certaine marge d’appréciation quant à la manière de se conformer aux obligations que leur impose cette disposition (Jabari c. Turquie, no 40035/98, § 48, CEDH 2000‑VIII). Toutefois, le recours exigé par l’article 13 doit être « effectif » en pratique comme en droit (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 157, CEDH 2000‑XI).

93. L’effectivité d’un recours au sens de l’article 13 ne dépend pas de la certitude d’une issue favorable pour le requérant. De même, l’« instance » dont parle cette disposition n’est pas nécessairement une institution judiciaire. Cependant, ses pouvoirs et les garanties procédurales qu’elle présente entrent en ligne de compte pour déterminer si le recours est effectif (Klass et autres, précité, § 67). S’agissant des « instances » non juridictionnelles, la Cour s’attache à en vérifier l’indépendance (voir, par exemple, Leander c. Suède, 26 mars 1987, §§ 77 et 81 à 83, série A no 116, et Khan c. Royaume-Uni, no 35394/97§§ 44 à 47, CEDH 2000‑V), ainsi que les garanties de procédure offertes à un requérant (voir, mutatis mutandis, Chahal c. Royaume-Uni, 15 novembre 1996, §§ 152 à 154, Recueil 1996‑V). En outre, l’ensemble des recours offerts par le droit interne peut remplir les exigences de l’article 13, même si aucun d’eux n’y répond en entier à lui seul (Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, § 69, CEDH 2000‑V).

94. En l’espèce, bien que la Cour n’ait constaté aucune violation du droit reconnu au requérant au titre de l’article 8, il est nécessaire de déterminer si la législation turque lui ouvre « un recours effectif devant une instance nationale », au sens de l’article 13 (Klass, précité, §§ 64-65).

95. Pour le cas soumis à examen, l’instance nationale en question doit être habilitée à connaître en substance du grief fondé sur la Convention pour décider si l’ingérence dans l’exercice du droit de l’intéressé au respect de sa vie privée était en conformité avec l’article 8 § 2 (P.G. et J.H. c. Royaume-Uni, no 44787/98, § 86, CEDH 2001‑IX).

96. La Cour rappelle que l’examen et le contrôle des mesures de surveillance secrète peuvent intervenir à trois stades : lorsqu’on ordonne la surveillance, pendant qu’on la mène ou après qu’elle a cessé. Concernant les deux premières phases, la nature et la logique mêmes de la surveillance secrète commandent d’exercer à l’insu de l’intéressé non seulement la surveillance comme telle, mais aussi le contrôle qui l’accompagne. Puisque l’on empêchera donc forcément l’intéressé d’introduire un recours effectif ou de prendre une part directe à un contrôle quelconque, il se révèle indispensable que les procédures existantes procurent en elles-mêmes des garanties appropriées et équivalentes sauvegardant les droits de l’individu. Il faut de surcroît, pour ne pas dépasser les bornes de la nécessité au sens de l’article 8 § 2, respecter aussi fidèlement que possible, dans les procédures de contrôle, les valeurs d’une société démocratique. En un domaine où les abus sont potentiellement si aisés dans des cas individuels et pourraient entraîner des conséquences préjudiciables pour la société démocratique tout entière, il est en principe souhaitable que le contrôle soit confié à un juge, car le pouvoir judiciaire offre les meilleures garanties d’indépendance, d’impartialité et de procédure régulière (Roman Zakharov, précité, § 233).

97. Quant au troisième stade, c’est-à-dire lorsque la surveillance a cessé, la question de la notification a posteriori de mesures de surveillance est indissolublement liée à celle de l’effectivité des recours judiciaires. La personne concernée ne peut guère, en principe, contester rétrospectivement devant la justice la légalité des mesures prises à son insu, sauf si on l’avise de celles-ci (Roman Zakharov, précité, § 234).

98. La Cour a déjà dit qu’il peut ne pas être possible en pratique d’exiger une notification a posteriori dans tous les cas. L’activité ou le danger qu’un ensemble de mesures de surveillance vise à combattre peut subsister pendant des années, voire des décennies, après la levée de ces mesures. Une notification a posteriori à chaque individu touché par une mesure désormais levée risquerait de compromettre le but à long terme qui motivait à l’origine la surveillance. En outre, pareille notification risquerait de contribuer à révéler les méthodes de travail des services de renseignement, leurs champs d’activité et même, le cas échéant, l’identité de leurs agents. Cependant, il est souhaitable d’aviser la personne concernée après la levée des mesures de surveillance dès que la notification peut être donnée sans compromettre le but de la restriction (voir Roman Zakharov, précité, §§ 287-301, comparer avec Kennedy c. Royaume-Uni, no 26839/05, §§ 92-95, 185-191 et 196, 18 mai 2010, voir aussi Cevat Özel c. Turquie, no 19602/06, § 34, 7 juin 2016).

99. Ainsi, aux fins du présent litige, un « recours effectif » selon l’article 13 doit s’entendre d’un recours aussi effectif qu’il peut l’être eu égard à sa portée limitée, inhérente à tout système de surveillance (Klass et autres, précité, § 69).

B. Application en l’espèce

100. La Cour observe que le requérant a tenté de contester durant la procédure pénale la légalité des écoutes qui ont eu lieu mais qu’il n’a pas obtenu de réponse à son allégation d’irrégularité. Une question se posait donc quant à la compatibilité des écoutes téléphoniques avec l’article 8 de la Convention ; par conséquent le grief soumis par le requérant sur ce point est « défendable » au sens de l’article 13.

101. En examinant la législation nationale, la Cour relève qu’aux termes de l’article 137 § 4 du CPP, lorsqu’un non-lieu a été rendu, le procureur de la République doit aviser l’intéressé dans les quinze jours suivant la fin des investigations et procéder à la destruction des données ainsi obtenues.

102. Cela étant, cette législation ne semble pas indiquer la procédure à suivre lorsque l’affaire est portée devant un tribunal. Cela semble logique, car, une fois ce stade de la procédure atteint, une copie de l’acte d’accusation et les pièces du dossier, dont les transcriptions des écoutes téléphoniques réalisées, sont communiquées à l’intéressé. Cela a été le cas en l’espèce, et le requérant a eu la possibilité de contester lesdites transcriptions.

103. Toutefois, rien dans le dossier ne permet de dire que le requérant a été informé au moins de l’existence des décisions du 22 octobre 2007 et du 28 décembre 2007 des tribunaux d’instance pénal de Diyarbakır et de Silopi respectivement (voir les paragraphes 9 et 11 ci-dessus), autorisant les écoutes en question. La cour d’assises de Diyarbakır jugeant le requérant n’a jamais fait référence non plus à ces décisions.

104. De fait, la Cour constate, après un examen tant des procès-verbaux d’audience que de l’arrêt sur le fond, que la cour d’assises n’a à aucun moment répondu à l’allégation du requérant concernant l’absence de décision judiciaire quant à cette mesure de surveillance. Le requérant n’a donc même pas pu savoir si les écoutes téléphoniques avaient été réalisés après une autorisation accordée conformément à la procédure prévue en droit interne.

105. Aux yeux de la Cour, pour donner à l’intéressé le moyen de faire contrôler la procédure relative à l’ingérence dans l’exercice de son droit à la vie privée, il est, en principe, nécessaire de lui fournir un minimum d’informations sur la décision qu’il pourrait contester, par exemple sa date d’adoption et la juridiction dont elle émane (voir Roman Zakharov, précité, §§ 286-300 et 307).

106. Certes, le requérant a eu le moyen de contester dans une procédure contradictoire le contenu des écoutes téléphoniques obtenues sur le fondement de ces décisions. Mais cet aspect de l’affaire, qui consistait à examiner la responsabilité pénale du requérant par rapport aux faits reprochés, est totalement différente de celui concernant les décisions qui ont servi à mettre sur écoutes ses conversations téléphoniques.

107. La Cour note aussi que le Gouvernement n’a présenté aucun exemple montrant que, dans des cas similaires, une instance était habilitée à examiner rétrospectivement la compatibilité de la mesure de surveillance avec les critères de l’article 8 de la Convention, afin d’offrir, le cas échéant, le redressement approprié à l’intéressé (voir, mutatis mutandis, P.G. et J.H., précité, § 86, comparer aussi avec la décision Parlamış, précité, paragraphe 71 ci‑dessus ; voir aussi, sur la possibilité de préserver le secret sur la réalisation des interceptions dans le cadre de l’article 6 § 1 et le critère de « sécurité nationale », Kennedy, précité, 92-95, 185-191 et 196, 18 mai 2010).

108. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que la pratique exposée ci-dessus a privé le requérant d’avoir accès à une voie de recours interne qui lui aurait permis de faire contrôler sous l’angle de l’article 8 de la Convention les décisions de mise sur écoutes téléphoniques prise à son égard.

109. En conséquence, il y a eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 8 de la Convention.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

110. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

111. Le requérant demande à la Cour de fixer un montant raisonnable quant au préjudice matériel qu’il estime avoir subi. Il réclame par ailleurs 50 000 livres turques (TRY . environ 20 000 euros (EUR)) à la date de la demande, le 22 novembre 2011) pour préjudice moral.

112. Le Gouvernement conteste ces demandes.

113. En l’absence de précisions tant sur le montant que sur les motifs de la demande pour préjudice matériel, la Cour rejette celle-ci. Quant au dommage moral subi par le requérant, elle considère que le présent arrêt constitue en soi une satisfaction équitable suffisante.

B. Frais et dépens

114. Le requérant demande également 4 000 TRY (environ 1 600 EUR à la date de la demande) pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes, ainsi que 8 000 TRY (environ 3 200 EUR) pour ceux engagés devant la Cour. Sa demande pour les frais et dépens engagés devant la Cour est ventilée selon les heures de travail accomplies par ses représentants, ainsi que les frais de secrétariat, communications et photocopies.

115. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter cette demande au motif qu’elle n’est pas étayée par des documents officiels.

116. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.

117. En l’espèce, la Cour constate d’abord que la procédure nationale ne visait pas le redressement de la violation constatée de l’article 8. Par conséquent elle rejette la partie de la demande relative à la procédure nationale.

118. Pour le reste, compte tenu des éléments du dossier et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 1 000 EUR tous frais confondus et l’accorde au requérant.

C. Intérêts moratoires

119. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare, la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 8 et 13 de la Convention, et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 8 de la Convention ;

4. Dit que le présent arrêt constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant ;

5. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 1 000 EUR (mille euros), à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens,

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 février 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Stanley NaismithJulia Laffranque
GreffierPrésidente


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award