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24/01/2017 | CEDH | N°001-170793

CEDH | CEDH, AFFAIRE HIERNAUX c. BELGIQUE, 2017, 001-170793


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE HIERNAUX c. BELGIQUE

(Requête no 28022/15)

ARRÊT

STRASBOURG

24 janvier 2017

DÉFINITIF

24/04/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Hiernaux c. Belgique,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Işıl Karakaş, présidente,
Paul Lemmens,
Valeriu Griţco,
Ksenija Turković,
Jon Fridrik Kjølbro

,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Georges Ravarani, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 j...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE HIERNAUX c. BELGIQUE

(Requête no 28022/15)

ARRÊT

STRASBOURG

24 janvier 2017

DÉFINITIF

24/04/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Hiernaux c. Belgique,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Işıl Karakaş, présidente,
Paul Lemmens,
Valeriu Griţco,
Ksenija Turković,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Georges Ravarani, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 janvier 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 28022/15) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont une ressortissante de cet État, Mme Anne-France Hiernaux (« la requérante »), a saisi la Cour le 5 juin 2015 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. La requérante a été représentée par Me I. Wouters, avocat à Bruxelles. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. M. Tysebaert, conseiller général, service public fédéral de la Justice

3. La requérante se plaint de ne pas avoir disposé d’un recours effectif, pour faire valoir son grief tiré de la durée excessive de la procédure pénale menée contre elle. Elle invoque l’article 13 combiné avec l’article 6 § 1 de la Convention.

4. Le 21 octobre 2015, ce grief a été communiqué au Gouvernement. La requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du Règlement de la Cour.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. La requérante est née en 1968 et réside à Nivelles.

A. Le contexte de l’affaire : l’instruction menée contre l’église de scientologie de Belgique

6. En 1997, une instruction fut ouverte contre les responsables de l’église de scientologie de Belgique (« ESB »), dont la requérante, pour des faits d’escroquerie et d’abus de confiance.

7. Des commissions rogatoires internationales furent exécutées en 1998 en lien avec un procès pénal à charge de l’église de scientologie de France. Des perquisitions furent effectuées en 1999 dans les locaux de l’ESB ainsi qu’au domicile de plusieurs personnes ayant un lien avec celles-ci, dont la requérante.

8. L’ESB et plusieurs de ces personnes, dont la requérante, furent inculpées le 6 décembre 2002 et le dossier fut transmis au parquet pour réquisitions, par ordonnance de soit-communiqué du 16 septembre 2003.

9. Dans son réquisitoire du 26 juillet 2007, le parquet fédéral demanda le renvoi de plusieurs inculpés, dont la requérante, devant le tribunal correctionnel de Bruxelles.

10. Un second dossier fut mis à l’instruction à charge de l’ESB en 2008. Le réquisitoire de renvoi, tracé le 22 novembre 2012, sollicita la jonction des deux causes, à laquelle la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles fit droit le 2 mai 2013.

11. Après de longs débats, les prévenus furent renvoyés devant le tribunal de première instance de Bruxelles par ordonnance de la chambre du conseil du 27 mars 2014, confirmée par arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles du 26 juin 2014. Le pourvoi contre ce dernier arrêt fut rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 10 décembre 2014 (voir ci-dessous).

B. Le grief du dépassement du délai raisonnable dans les procédures devant les juridictions d’instruction

12. Dans le cadre du règlement de la procédure, la requérante plaida devant la chambre du conseil une violation du délai raisonnable et soutint qu’en vertu de l’article 13 de la Convention, il appartenait à cette juridiction d’instruction d’en déterminer les sanctions. Elle demanda de déclarer les poursuites irrecevables.

13. Par l’ordonnance précitée du 27 mars 2014, la chambre du conseil constata que « l’écoulement du temps dans les deux procédures instruites par deux juges d’instruction successifs et différents constitue un fait objectif qu’il n’est pas possible de nier ». Elle conclut toutefois que cet « écoulement du temps n’a pas eu pour conséquence la déperdition ou le dépérissement des preuves et n’a pas rendu impossible l’exercice des droits de la défense dans la procédure en cours ». La chambre du conseil considéra dès lors qu’elle ne devait pas sanctionner « le dépassement du délai raisonnable à ce stade-ci de la procédure par un non-lieu, par l’irrecevabilité des poursuites, ou par quelque autre mesure. Pour ce qui est des autres conséquences éventuelles du dépassement du délai raisonnable, elles ressortent de l’appréciation du juge du fond, car la chambre du conseil n’est pas compétente pour statuer sur le bien-fondé de l’accusation en matière pénale ». Elle déclara dès lors non fondés les griefs tirés du dépassement du délai raisonnable.

14. Cette ordonnance fut confirmée par l’arrêt précité de la chambre des mises en accusation du 26 juin 2014 qui, en se référant aux motifs de la chambre du conseil, jugea que cette dernière avait « judicieusement considéré qu’elle ne [devait] pas sanctionner le dépassement du délai raisonnable à ce stade-ci de la procédure par un non-lieu, par l’irrecevabilité des poursuites, ou par quelque autre mesure [...]. »

15. La requérante se pourvut en cassation et fit valoir qu’un recours ne saurait être qualifié d’effectif s’il ne pouvait aboutir qu’à un simple constat de violation, sans entraîner de réparation adéquate.

16. Par l’arrêt précité du 10 décembre 2014, la Cour de cassation rejeta le pourvoi de la requérante. Elle s’exprima notamment comme suit :

« Sans contester que le délai raisonnable est dépassé, la chambre des mises en accusation a considéré que ce dépassement ne devait pas être sanctionné au stade du règlement de la procédure par une décision de non-lieu. Adoptant à cet égard les motifs de l’ordonnance dont appel, elle a relevé, en effet, que l’écoulement du temps n’a eu pour conséquence ni la déperdition ou le dépérissement des preuves ni l’impossibilité pour la demanderesse d’exercer ses droits de défense.

Le moyen critique cette décision, soutenant qu’elle viole les articles [6 § 1] et 13 de la Convention. En sa première branche, il considère que, selon l’arrêt, le délai raisonnable ne serait dépassé qu’à la condition que soit démontrée une violation des droits de la défense ou une déperdition des preuves. En sa seconde branche, il considère qu’en refusant de sanctionner le dépassement, la chambre des mises en accusation a violé le droit de la demanderesse à un recours effectif.

D’une part, la chambre des mises en accusation n’a dénié ni que le délai raisonnable était dépassé ni que ce dépassement devait être sanctionné. Elle a seulement considéré qu’en l’espèce, la sanction proposée par la demanderesse ne pouvait être appliquée.

En sa première branche, le moyen procède d’une interprétation inexacte de la décision attaquée et, partant, manque en fait.

D’autre part, si la juridiction d’instruction doit examiner la défense invoquant le dépassement du délai raisonnable, elle apprécie la manière de le sanctionner.

Par adoption des motifs de l’ordonnance entreprise, l’arrêt considère que, ne pouvant en l’espèce entraîner un non-lieu, l’incidence de cette violation du délai garanti par l’article 6 de la Convention ressort de l’appréciation de la juridiction de jugement.

Ainsi la cour d’appel a examiné la défense qui lui était soumise et a respecté le droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention.

En sa seconde branche, le moyen ne peut être accueilli. »

C. Le procès devant la juridiction de jugement

17. Le procès devant le tribunal de première instance de Bruxelles se déroula entre le 26 octobre et le 11 décembre 2015.

18. Dans un jugement du 11 mars 2016, le tribunal rappela que les juridictions d’instruction avaient considéré que l’écoulement du temps n’avait pas rendu impossible l’exercice des droits de la défense et qu’aucune déperdition ni dépérissement des preuves ne pouvaient être retenus. Il entérina ces constats. Se livrant à une nouvelle analyse de la situation, le tribunal constata explicitement qu’il y avait eu dépassement du délai raisonnable, en particulier pendant la période 2003-2014. Contrairement à ce que soutenait la requérante, le tribunal estima qu’il ne pouvait être déduit de l’arrêt Panju c. Belgique (no 18393/09, 28 octobre 2014) que la seule sanction possible constitutive de réparation adéquate consistait en une déclaration d’irrecevabilité de l’ensemble des poursuites, laquelle ne s’imposait, en tout état de cause, pas en l’espèce. Le tribunal rappela qu’à supposer les préventions ou une partie d’entre elles établies, il lui appartiendrait de se prononcer sur les conséquences du dépassement dans le cadre de l’article 21ter du titre préliminaire du code d’instruction criminelle (« CIC »). En vertu de cette disposition, il pourrait prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité ou prononcer une peine inférieure à la peine minimale prévue par la loi. Le tribunal souligna enfin que rien ne permettait de considérer qu’en l’espèce un éventuel recours indemnitaire fondé sur les articles 1382 et 1383 du code civil ne serait pas de nature à réparer adéquatement la violation constatée.

19. Se livrant à un examen de l’ensemble des préventions à l’égard de l’ensemble des prévenus, le tribunal estima que la partie poursuivante et les enquêteurs avaient voulu voir juger, avant tout autre chose, la doctrine même de la scientologie, de sorte que les prévenus furent, la plupart du temps, présumés coupables de par le simple fait d’être membres actifs au sein de leur église. Le tribunal déclara toute la procédure inéquitable en raison de la partialité de l’enquête et de l’absence de faits infractionnels. Il conclut que les poursuites étaient irrecevables.

20. Ce jugement n’a pas été frappé d’appel, et est donc devenu définitif.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

21. Le droit belge prévoit plusieurs mesures en cas de dépassement du délai raisonnable d’une procédure pénale.

A. Mesures prévues par le code d’instruction criminelle

1. Au cours de l’instruction

22. Le CIC, en ses articles 136 et 136bis, combinés avec les articles 235 et 235bis, offre des techniques de contrôle « préventif » de la durée de la procédure au cours de l’instruction.

23. Lorsque l’instruction n’a pas été clôturée après une année, l’article 136 alinéa 2 du CIC permet à la partie civile et à l’inculpé de saisir la chambre des mises en accusation de la cour d’appel dans le cadre de sa mission de contrôle de l’instruction. De même, l’article 136bis du CIC donne au procureur général près la cour d’appel le droit de saisir la chambre des mises en accusation. Les articles 136 et 136bis du CIC énumèrent les mesures que cette juridiction d’instruction peut prendre pour accélérer l’instruction et sa clôture. Elle peut donner des injonctions au juge d’instruction ou même évoquer la cause, en application de l’article 235 du CIC (voir paragraphe 26, ci-dessous).

24. Les dispositions précitées se lisaient comme suit à l’époque des faits de la présente affaire :

Article 136

« La chambre des mises en accusation contrôle d’office le cours des instructions, peut d’office demander des rapports sur l’état des affaires et peut prendre connaissance des dossiers. (...)

Si l’instruction n’est pas clôturée après une année, la chambre des mises en accusation peut être saisie par requête motivée adressée au greffe de la cour d’appel par l’inculpé ou la partie civile. La chambre des mises en accusation agit conformément à l’alinéa précédent et à l’article 136bis. La chambre des mises en accusation statue sur la requête par arrêt motivé, qui est communiqué au procureur général, à la partie requérante et aux parties entendues. Le requérant ne peut déposer de requête ayant le même objet avant l’expiration du délai de six mois à compter de la dernière décision. »

Article 136bis

« (...) le procureur du Roi fait rapport au procureur général de toutes les affaires sur lesquelles la chambre du conseil n’aurait point statué dans l’année à compter du premier réquisitoire.

S’il l’estime nécessaire pour le bon déroulement de l’instruction, la légalité ou la régularité de la procédure, le procureur général prend, à tout moment, devant la chambre des mises en accusation, les réquisitions qu’il juge utiles.

Dans ce cas, la chambre des mises en accusation peut, même d’office, prendre les mesures prévues par les articles 136, 235 et 235bis.

Le procureur général est entendu.

La chambre des mises en accusation peut entendre le juge d’instruction en son rapport, hors la présence des parties si elle l’estime utile. Elle peut également entendre la partie civile, l’inculpé et leurs conseils, sur convocation qui leur est notifiée par le greffier, par télécopie ou par lettre recommandée à la poste, au plus tard quarante‑huit heures avant l’audience. »

Article 235

« Dans toutes les affaires, les chambres des mises en accusation, tant qu’elles n’auront pas décidé s’il y a lieu de prononcer la mise en accusation, pourront d’office, soit qu’il y ait ou non une instruction commencée par les premiers juges, ordonner des poursuites, se faire apporter les pièces, informer ou faire informer, et statuer ensuite ce qu’il appartiendra. »

25. En application de l’article 235bis du CIC, lors de la clôture de l’instruction (règlement de procédure) et dans tous les cas de saisine, y compris sur la base des articles 136 et 136bis du CIC, il est prévu que la chambre des mises en accusation peut contrôler, d’office, ou doit contrôler sur la réquisition du ministère public ou à la requête d’une des parties, la régularité de la procédure qui lui est soumise, y compris le dépassement éventuel du délai raisonnable. Cette disposition est rédigée comme suit :

Article 235bis

« § 1er. Lors du règlement de la procédure, la chambre des mises en accusation contrôle, sur la réquisition du ministère public ou à la requête d’une des parties, la régularité de la procédure qui lui est soumise. Elle peut même le faire d’office.

§ 2. La chambre des mises en accusation agit de même, dans les autres cas de saisine.

§ 3. Lorsque la chambre des mises en accusation contrôle d’office la régularité de la procédure et qu’il peut exister une cause de nullité, d’irrecevabilité ou d’extinction de l’action publique, elle ordonne la réouverture des débats.

§ 4. La chambre des mises en accusation entend, en audience publique si elle en décide ainsi à la demande de l’une des parties, le procureur général, la partie civile et l’inculpé en leurs observations et ce, que le contrôle du règlement de la procédure ait lieu sur la réquisition du ministère public ou à la requête d’une des parties.

§ 5. Les irrégularités, omissions ou causes de nullités visées à l’article 131, § 1er, ou relatives à l’ordonnance de renvoi, et qui ont été examinées devant la chambre des mises en accusation ne peuvent plus l’être devant le juge du fond, sans préjudice des moyens touchant à l’appréciation de la preuve. Il en va de même pour les causes d’irrecevabilité ou d’extinction de l’action publique, sauf lorsqu’elles ne sont acquises que postérieurement aux débats devant la chambre des mises en accusation. Les dispositions du présent paragraphe ne sont pas applicables à l’égard des parties qui ne sont appelées dans l’instance qu’après le renvoi à la juridiction de jugement, sauf si les pièces sont retirées du dossier conformément à l’article 131, § 2, ou au § 6 du présent article.

§ 6. Lorsque la chambre des mises en accusation constate une irrégularité, omission ou cause de nullité visée à l’article 131, § 1er, ou une cause d’irrecevabilité ou d’extinction de l’action publique, elle prononce, le cas échéant, la nullité de l’acte qui en est entaché et de tout ou partie de la procédure ultérieure. Les pièces annulées sont retirées du dossier et déposées au greffe du tribunal de première instance, après l’expiration du délai de cassation. Les pièces déposées au greffe ne peuvent pas être consultées, et ne peuvent pas être utilisées dans la procédure pénale. La chambre des mises en accusation statue, dans le respect des droits des autres parties, dans quelle mesure les pièces déposées au greffe peuvent encore être consultées lors de la procédure pénale et utilisées par une partie. La chambre des mises en accusation indique dans sa décision à qui il faut rendre les pièces ou ce qu’il advient des pièces annulées. »

26. Dans ses conclusions avant l’arrêt de la Cour de cassation du 15 septembre 2010 (P.10.0572.F), l’avocat général à la Cour de cassation, D. Vandermeersch, s’exprima comme suit sur les mesures d’accélération que la juridiction d’instruction, appelée à contrôler le dépassement du délai raisonnable, peut envisager en cours d’instruction ou lors du règlement de la procédure :

« (...) Face au constat du dépassement du délai raisonnable en cours d’instruction, la chambre des mises en accusation peut envisager plusieurs réactions pour compenser ou réparer le dépassement du délai raisonnable ou en atténuer les conséquences.

Il s’agit d’une compétence qui lui est spécialement reconnue dans le cadre du contrôle prévu aux articles 136 et 136bis du CIC. Dans le cadre du contrôle du bon déroulement de l’instruction, la chambre des mises en accusation peut prendre différentes mesures pour accélérer l’instruction et sa clôture. Elle peut donner des injonctions au juge d’instruction ou, dans les situations les plus graves, évoquer la cause en application de l’article 235 du Code d’instruction criminelle (...).

Ainsi, la chambre des mises en accusation peut ordonner au juge d’instruction de prendre des mesures pour obvier aux retards mis par des experts pour rentrer leur rapport (...). Elle peut l’inviter à achever ses investigations en ce qu’elles concernent les inculpés et décider qu’il conviendra d’ordonner la disjonction des poursuites à l’égard d’autres personnes suspectes demeurées inconnues à ce jour (...). Elle peut également ordonner au magistrat instructeur de communiquer son dossier au procureur du Roi afin que celui-ci puisse prendre des réquisitions en vue du règlement de la procédure par la chambre du conseil (...). »

2. Devant les juridictions de jugement

27. Pour les hypothèses où la question du dépassement du délai raisonnable est soulevée devant les juridictions de jugement, l’article 21ter de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du code de procédure pénale, inséré par la loi du 30 juin 2000, consacrant une jurisprudence antérieure, prévoit que :

« Si la durée des poursuites pénales dépasse le délai raisonnable, le juge peut prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité ou prononcer une peine inférieure à la peine minimale prévue par la loi.

Si le juge prononce la condamnation par simple déclaration de culpabilité, l’inculpé est condamné aux frais et, s’il y a lieu, aux restitutions. La confiscation spéciale est prononcée. »

3. Jurisprudence de la Cour de cassation

a) Pouvoir des juridictions d’instruction de se prononcer sur le dépassement du délai raisonnable

28. Les juridictions d’instruction peuvent d’office ou doivent, si une partie le demande, vérifier le dépassement du délai raisonnable et ses conséquences sur le déroulement ultérieur de la procédure (Cass. 8 avril 2008, P.07.1903.N ; Cass. 23 septembre 2009, P.09.0510.F ; Cass. 15 septembre 2010, P.10.0572.F, avec concl. av. gén. Vandermeersch ; Cass. 6 octobre 2010, P.10.0729.F, avec concl. av. gén. Vandermeersch ; Cass. 26 juin 2012, P.12.0080.N ; Cass. 7 septembre 2011, P.10.1319.F).

29. La violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable s’apprécie, devant les juridictions d’instruction, en fonction de l’atteinte aux droits de la défense que le dépassement invoqué peut induire, le juge ayant à vérifier, à ce stade de la procédure, si la durée des poursuites est telle que la tenue d’un procès équitable s’avère d’ores et déjà compromise (Cass. 6 mars 2013, P.12.1980.F).

b) Conséquences d’un dépassement, constaté pendant l’instruction ou lors du règlement de la procédure

30. Lorsqu’elle constate que le dépassement du délai raisonnable a pour effet que l’exercice des droits de la défense et/ou l’administration de la preuve sont devenus, entre-temps, impossibles et qu’il en résulte une atteinte irrémédiable au droit à un procès équitable, la juridiction d’instruction doit, dans ce cas, déclarer les poursuites irrecevables ou ordonner le non-lieu selon le cas. Elle constate l’irrecevabilité des poursuites au cas où ce dépassement a affecté irrémédiablement les droits de la défense et elle ordonne le non-lieu s’il a gravement et définitivement porté atteinte à l’administration de la preuve (Cass. 6 octobre 2010, P.10.0729.F, avec concl. av. gén. Vandermeersch).

31. Lorsqu’elle constate que le dépassement du délai raisonnable ne met pas en péril l’administration de la preuve et les droits de défense de l’inculpé, la juridiction d’instruction décide de manière souveraine quelle est la réparation en droit adéquate (Cass. 5 juin 2012, P.12.0018.N ; Cass. 19 février 2013, P.12.0867.N ; Cass. 10 décembre 2013, P.13.0691.N). Il ne résulte pas des articles 6 et 13 de la Convention que le dépassement du délai raisonnable constaté dans le cadre du règlement de la procédure, qui n’a pas donné lieu à une violation irréparable des droits de défense de l’inculpé ni à la perte des preuves à charge ou à décharge, doit être sanctionné par l’extinction de l’action publique ou par un non-lieu (Cass. 14 avril 2015, P.14.1146.N ; Cass. 1er mars 2016, P.15.1272.N).

32. Le juge détermine la réparation en droit adéquate au stade de la procédure où il se prononce. Cette réparation en droit peut consister, au stade du règlement de la procédure, en la simple constatation du dépassement du délai raisonnable, ce dont le juge de renvoi appelé à se prononcer sur le fond devra tenir compte lors de l’appréciation globale de la cause (article 21ter du titre préliminaire du CIC, voir paragraphe 27, ci‑dessus) (Cass. 27 octobre 2009, P.09.0901.N ; Cass. 24 novembre 2009, P.09.1080.N, avec concl. av. gén. Timperman ; Cass. 6 octobre 2010, P.10.0729.F, avec concl. av. gén. Vandermeersch).

33. Le fait que le dépassement du délai raisonnable soit constaté avant la saisine de la juridiction de jugement mais que ses conséquences ne soient que postérieures, n’entraîne pas que la réparation proposée ne soit ni immédiate ni adéquate ; en principe la procédure est examinée dans son ensemble (Cass. 12 mai 2015, P.140856.N). La procédure étant appréciée dans son ensemble, le recours ne perd pas son effectivité du seul fait qu’ayant été accueilli avant la saisine du juge du fond, il ne produit ses effets qu’après celle-ci (Cass. 15 septembre 2010, P.10.0572.F, avec concl. av. gén. Vandermeersch).

c) Conséquences d’un dépassement constaté par la juridiction de jugement

34. Comme cela a déjà été indiqué (voir paragraphe 27, ci-dessus), l’article 21ter du titre préliminaire du CIC dispose que, si un dépassement du délai raisonnable est constaté au préjudice du prévenu, le juge du fond peut prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité ou prononcer une peine inférieure à la peine minimale prévue par la loi (voir Cass. 15 septembre 2010, P.10.0572.F, avec concl. av. gén. Vandermeersch). Le juge du fond peut aussi prononcer une peine prévue par la loi mais réduite de manière réelle et mesurable par rapport à celle qu’il aurait infligée s’il n’avait pas constaté la durée excessive de la procédure (voir, par exemple, Cass. 25 janvier 2012, P.11.1104.F ; Cass. 18 septembre 2012, P.12.0349.N ; Cass. 30 avril 2013, P. 12.1133.N ; Cass. 7 octobre 2014, P.14.0506.N).

35. Le caractère déraisonnable de la durée de la procédure peut enfin être sanctionné par l’irrecevabilité des poursuites si la longueur excessive a entraîné une déperdition des preuves ou rendu impossible l’exercice normal des droits de la défense (Cass. 20 avril 2011, P.11.0438.F, avec concl. av. gén. Loop).

B. Action en responsabilité civile

36. Une action indemnitaire pour dépassement du délai raisonnable d’une procédure judiciaire peut être mise en mouvement sur la base des dispositions suivantes du code civil :

Article 1382

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par lequel il est arrivé, à le réparer. »

Article 1383

« Chacun est responsable du dommage qu’il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »

37. Dans le cadre d’une affaire mettant en cause une durée de la procédure en matière civile résultant de l’arriéré judiciaire dans les cours et tribunaux de la cour d’appel de Bruxelles, la Cour de cassation a jugé qu’en déclarant l’État responsable en raison de la faute, au sens des articles 1382 et 1383 du code civil, consistant à avoir « omis de légiférer afin de donner au pouvoir judiciaire les moyens nécessaires pour lui permettre d’assurer efficacement le service public de la justice, dans le respect notamment de l’article 6 § 1 de la Convention », l’arrêt attaqué de la cour d’appel n’avait méconnu aucune disposition de droit interne ou international (Cass. 28 septembre 2006, C.02.05.70.F).

38. Dans ses observations, le Gouvernement fournit plusieurs exemples de décisions de juridictions civiles dans lesquelles une action indemnitaire a été exercée pour obtenir un redressement approprié en cas de durée excessive de procédures pénales. L’un des exemples qui a été mené avec succès concerne les suites données au niveau interne à l’arrêt De Clerck c. Belgique (no 34316/02, 25 septembre 2007) par lequel la Cour avait conclu à une violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention en raison de la durée excessive de l’instruction. Le Gouvernement mentionne également l’affaire d’un co-inculpé de M. De Clerck dont la requête devant la Cour avait été déclarée irrecevable pour non-épuisement de la voie de recours indemnitaire, la requête ayant été introduite postérieurement à l’arrêt précité de la Cour de cassation consacrant ledit recours en droit interne comme un remède efficace en cas du dépassement du délai raisonnable (H.K. c. Belgique (déc.), no 22738/08, 12 janvier 2010). Alors que les affaires en étaient au règlement de la procédure, les requérants ont introduit, le 8 octobre 2008 et le 29 juin 2010 respectivement, une action en responsabilité civile contre l’État belge. Par un jugement du 28 juin 2011, le tribunal de première instance de Courtrai accorda 22 500 euros (EUR) à M. De Clerck et 15 000 EUR à M. H.K. pour dommage moral résultant du dépassement du délai raisonnable de l’instruction. Le jugement concernant H.K. fut confirmé par la cour d’appel de Gand, par un arrêt du 6 décembre 2012.

39. Enfin, il échet de remarquer que la Cour de cassation reconnaît explicitement que la réparation à laquelle l’inculpé pouvait prétendre en vertu des articles 6 et 13 de la Convention dans le cas d’un dépassement du délai raisonnable pendant l’instruction d’une affaire pénale constaté par les juridictions d’instruction dans le cadre du règlement de la procédure, pouvait consister en des dommages et intérêts à demander devant le tribunal civil (Cass. 14 avril 2015, P.14.1146.N ; Cass. 1er mars 2016, P.15.1272.N).

EN DROIT

SUR LA VIOLATION ALLEGUÉE DE L’ARTICLE 13 COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

40. La requérante se plaint de ne pas avoir bénéficié d’un recours effectif pour faire valoir son grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention précité. Elle invoque l’article 13 de la Convention qui est ainsi formulé :

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

A. Sur la recevabilité

41. La Cour constate que cette partie de la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité. Elle la déclare donc recevable.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

42. La requérante se plaint qu’elle ne disposait pas d’un recours effectif pour se plaindre d’une violation du dépassement du délai raisonnable durant l’instruction. Elle ajoute que les développements intervenus postérieurement à l’introduction de la requête (voir paragraphes 17-19, ci-dessus) n’ont pas davantage permis une réparation réelle et effective de cette violation.

43. Le Gouvernement fait valoir que les mécanismes existants en droit belge sont effectifs. Au stade de l’instruction, la juridiction d’instruction peut constater que le délai raisonnable est dépassé, ce qui peut constituer une réparation adéquate au bénéfice de l’inculpé renvoyé devant la juridiction de jugement sachant que celle-ci sera tenue par ce constat et devra en tirer les conséquences prévues par l’article 21ter du titre préliminaire du CIC. Le Gouvernement rappelle que la requérante disposait et dispose encore du recours indemnitaire pour obtenir le redressement de la violation qu’elle alléguait. Il fournit à l’appui de cette affirmation plusieurs exemples de jurisprudence dont il y a lieu de déduire, selon lui, que ce recours est effectif au sens de l’article 13 de la Convention (voir paragraphe 38, ci-dessus).

2. Appréciation de la Cour

44. Eu égard aux constatations faites tant par les juridictions d’instruction (voir paragraphes 13, 14 et 16, ci-dessus) que par la juridiction de jugement (voir paragraphe 18, ci-dessus) au sujet de la durée de l’instruction de l’affaire, la Cour estime que le grief de la requérante y relative constitue un grief « défendable », et qu’elle devait disposer d’un recours effectif à cet égard.

a) Rappel des principes généraux

45. La Cour rappelle que les recours dont un justiciable dispose au plan interne pour se plaindre de la durée d’une procédure sont « effectifs », au sens de l’article 13 de la Convention, dès lors qu’ils permettent soit de faire intervenir plus tôt la décision des juridictions saisies, soit de fournir au justiciable une réparation adéquate pour les retards déjà accusés (Kudła c. Pologne [GC] (no 30210/96, § 159, CEDH 2000‑XI, Mifsud c. France (déc.) [GC], no 57220/00, CEDH 2002‑VIII, Sürmeli c. Allemagne [GC], no 75529/01, § 99, CEDH 2006‑VII, et McFarlane c. Irlande [GC], no 31333/06, § 108, 10 septembre 2010).

46. Différents types de recours peuvent donc coexister dans le but de redresser la violation de façon appropriée. La Cour l’a déjà affirmé en matière pénale en jugeant satisfaisante la prise en compte de la durée de la procédure pour octroyer une réduction de la peine de façon expresse et mesurable (Beck c. Norvège, no 26390/95, § 27, 26 juin 2001). Par ailleurs, certains États ont choisi de combiner deux types de recours, l’un tendant à accélérer la procédure et l’autre de nature indemnitaire (Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 186, CEDH 2006‑V, et Sürmeli, précité, § 100).

47. Toutefois, les États peuvent également choisir de ne créer qu’un recours indemnitaire sans que ce recours puisse être considéré comme manquant d’effectivité (Scordino (no 1), précité, § 187).

48. La Cour a déjà eu l’occasion de souligner notamment dans l’arrêt Kudła précité (§§ 154-155) que, dans le respect des exigences de la Convention, les États contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation quant à la façon de garantir aux individus le recours exigé par l’article 13 et de se conformer à l’obligation que leur fait cette disposition de la Convention. Elle a également insisté sur le principe de subsidiarité afin que les justiciables ne soient plus systématiquement contraints de lui soumettre des requêtes qui auraient pu être instruites d’abord et, selon elle, de manière plus appropriée, au sein des ordres juridiques internes.

b) Application au cas d’espèce

49. La Cour constate que la Belgique fait partie des États dans l’ordre juridique desquels coexistent plusieurs types de recours permettant de prévenir ou redresser une durée excessive dans le cadre d’une procédure pénale (voir paragraphes 22-39, ci-dessus). Elle les examinera successivement.

i. Recours préventifs prévus par le CIC

50. La Cour a déjà affirmé qu’un remède préventif est le meilleur dans l’absolu. Lorsqu’un système judiciaire s’avère défaillant à l’égard de l’exigence découlant de l’article 6 § 1 de la Convention quant au délai raisonnable, un recours permettant de faire accélérer la procédure afin d’empêcher la survenance d’une durée excessive constitue la solution la plus efficace. Un tel recours présente un avantage incontestable par rapport à un recours uniquement indemnitaire car il permet d’hâter la décision de la juridiction concernée. Il évite également d’avoir à constater des violations successives pour la même procédure et ne se limite pas à agir a posteriori comme le fait un recours indemnitaire (Scordino (no 1), précité, §§ 183-184, et Sürmeli, précité, § 100).

51. La Cour constate que des remèdes préventifs, présentant les avantages qui viennent d’être énoncés, sont institués en droit belge par les articles 136, 136bis, 235 et 235bis du CIC. Les juridictions d’instruction peuvent d’office ou doivent, si une partie le demande, vérifier l’évolution de l’instruction. Elles peuvent prendre des mesures concrètes pour accélérer la procédure (voir paragraphe 23 et 26, ci-dessus). Elles ont également la compétence de déclarer les poursuites irrecevables ou d’ordonner le non-lieu lorsqu’elles constatent qu’un dépassement a pour effet que l’exercice des droits de la défense ou l’administration de la preuve sont devenus impossibles et qu’il en résulte une atteinte irrémédiable au droit à un procès équitable. Quand tel n’est pas le cas, les juridictions d’instruction décident de la réparation adéquate qui peut consister en la simple constatation du dépassement du délai raisonnable. Un tel constat lie le juge du fond qui devra en tenir compte lors de l’appréciation de la peine en vertu de l’article 21ter du titre préliminaire du CIC.

52. La Cour est d’avis que la construction résultant ainsi du droit belge peut se révéler efficace et correspondre aux exigences d’effectivité posées par l’article 13 combiné avec l’article 6 § 1 de la Convention. Il n’en demeure pas moins que l’effectivité des recours doit être démontrée dans les circonstances de l’espèce.

53. En l’espèce, les juridictions d’instruction constatèrent, au stade du règlement de la procédure, un dépassement de la procédure en cours (voir paragraphes 13-14, ci-dessus). Elles jugèrent toutefois qu’il n’y avait pas lieu de sanctionner ce dépassement à ce stade par un non-lieu, par l’irrecevabilité des poursuites ou autrement. L’écoulement du temps n’avait en effet pas eu pour conséquence le dépérissement des preuves et n’avait pas rendu impossible l’exercice des droits de la défense par la requérante. Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (voir paragraphes 30-33, ci-dessus), les juridictions d’instruction rappelèrent que dans ces conditions, l’incidence du dépassement du délai raisonnable ressortait de l’appréciation de la juridiction de jugement. Cette dernière, à savoir le tribunal de première instance de Bruxelles, déclara, par un jugement du 11 mars 2016, les poursuites irrecevables pour atteinte au droit à un procès équitable sous un autre angle que celui du droit à être jugé dans un délai raisonnable (voir paragraphe 18, ci-dessus).

54. La Cour considère, ainsi que le fait valoir le Gouvernement, que cette approche n’est pas contraire à la Convention. Il ne résulte en effet pas des articles 6 et 13 de la Convention que le dépassement du délai raisonnable constaté dans le cadre du règlement de la procédure, qui n’a pas donné lieu à une violation irréparable des droits de défense de l’inculpé ni à la perte des preuves, doit être sanctionné par l’extinction de l’action publique ou par un non-lieu.

55. Cela étant, force est de constater que non seulement les juridictions d’instruction n’ont pas sanctionné elles-mêmes le dépassement du délai raisonnable au vu du constat d’absence d’atteinte irrémédiable au procès équitable, mais en outre que l’issue de la procédure a, en l’espèce, empêché le jeu de l’article 21ter du titre préliminaire du CIC qui prévoit la possibilité d’une sanction différée par le juge du fond.

56. Il en résulte, selon la Cour, que la requérante n’a pu bénéficier d’aucun redressement concret pour pallier aux retards qu’elle dénonçait. Il y a donc lieu d’en déduire que les recours prévus par le CIC ne se sont pas avérés effectifs en l’espèce.

ii. Le recours indemnitaire

57. Le Gouvernement fait valoir que la requérante disposait également de la possibilité d’introduire un recours indemnitaire pour se plaindre de la durée excessive de la procédure au stade de l’instruction ou du règlement de procédure. Il ajoute qu’elle dispose pendant une période de cinq ans, à partir du moment où elle a connaissance de la faute de l’État et du dommage causé par cette faute, de la possibilité pour introduire un recours indemnitaire et obtenir, le cas échéant, une réparation du dommage en raison de la longueur excessive de la procédure pénale menée contre elle.

58. La Cour rappelle que dans l’affaire Panju (no 18393/09, 28 octobre 2014), elle a considéré que « le Gouvernement, auquel la charge de la preuve incombe en la matière, n’a pas démontré que le recours indemnitaire sur pied des articles 1382 et 1383 du code civil était appliqué en pratique par les juridictions dans le cadre des procédures pénales ni donc que ce recours puisse aboutir à des résultats satisfaisant les exigences d’effectivité que l’article 13 de la Convention pose en ce qui concerne les recours indemnitaires en matière de durée excessive de procédures judiciaires » (§ 62). Elle y a conclu que « [ce recours] ne saurait, à ce jour, être considéré comme un recours effectif au sens de l’article 13 pour se plaindre de la longue durée de l’instruction pénale » (§ 63).

59. La Cour note que, dans le cadre de la présente affaire, le Gouvernement a complété l’argumentaire qu’il avait développé dans l’affaire Panju en fournissant plusieurs exemples de décisions de juridictions civiles visant à démontrer que le recours indemnitaire peut être exercé avec succès pour obtenir un redressement approprié pour la durée excessive de procédures pénales lorsqu’elles sont au stade de l’instruction ou du règlement de procédure (voir paragraphe 38, ci-dessous).

60. La Cour relève en outre que, récemment, la Cour de cassation a rendu des arrêts par lesquels elle reconnaît explicitement que la réparation à laquelle l’inculpé peut prétendre en cas de durée excessive de la procédure constatée au stade de l’instruction ou du règlement de la procédure peut consister en des dommages et intérêts à demander devant le tribunal civil (voir paragraphe 39, ci-dessus).

61. Au vu de ces nouvelles informations et développements, la Cour constate que le recours indemnitaire peut en principe être considéré comme un recours effectif en vue de redresser une violation tirée de la durée excessive d’une procédure pénale, y compris quand elle est constatée au cours de l’instruction ou au stade du règlement de la procédure.

62. Dans ces conditions, la Cour estime que la requérante ne peut soutenir qu’elle est privée de tout recours effectif.

iii. Conclusion

63. Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 6 § 1 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il n’y pas a eu violation de l’article 13 combiné à l’article 6 § 1 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 janvier 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Stanley NaismithIşıl Karakaş
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-170793
Date de la décision : 24/01/2017
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Non-violation de l'article 13+6 - Droit à un recours effectif (Article 13 - Recours effectif) (Article 6 - Droit à un procès équitable;Procédure pénale;Article 6-1 - Délai raisonnable)

Parties
Demandeurs : HIERNAUX
Défendeurs : BELGIQUE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : WOUTERS I.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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