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11/10/2016 | CEDH | N°001-167111

CEDH | CEDH, AFFAIRE HASAN YAŞAR ET AUTRES c. TURQUIE, 2016, 001-167111


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE HASAN YAŞAR ET AUTRES c. TURQUIE

(Requête no 50059/11)

ARRÊT

STRASBOURG

11 octobre 2016

DÉFINITIF

06/03/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Hasan Yaşar et autres c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Julia Laffranque, présidente,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Paul Lemmen

s,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Georges Ravarani, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibér...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE HASAN YAŞAR ET AUTRES c. TURQUIE

(Requête no 50059/11)

ARRÊT

STRASBOURG

11 octobre 2016

DÉFINITIF

06/03/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Hasan Yaşar et autres c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Julia Laffranque, présidente,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Paul Lemmens,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Georges Ravarani, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 septembre 2016,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 50059/11) dirigée contre la République de Turquie et dont cinq ressortissants de cet État, M. Hasan Yaşar, Mme Ayişe Yaşar, Mme Halime Yaşar, M. Harun Yaşar et M. Devran Yaşar (« les requérants »), ont saisi la Cour le 28 avril 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants ont été représentés par Mes K. Bayazit et D. Uzunköprü, avocats à Hakkari. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Invoquant les articles 2, 6, 13 et 14 de la Convention, les requérants se plaignent d’une atteinte au droit à la vie de leur proche, İkbal Yaşar.

4. Le 3 décembre 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Les requérants, Hasan Yaşar (né en 1944), Ayişe Yaşar (née en 1952), Halime Yaşar (née en 1980), Harun Yaşar (né en 2002) et Devran Yaşar (né en 2004), sont des ressortissants turcs.

M. Hasan et Mme Ayişe Yaşar sont respectivement le père et la mère de İkbal Yaşar (né en 1979 et décédé le 23 mars 2008). Mme Halime Yaşar est la veuve de İkbal Yaşar. Quant à MM. Harun et Devran Yaşar, ils sont les fils de celui-ci.

A. L’incident du 23 mars 2008

6. Le Gouvernement indique que, le 22 mars 2008, vers 21 h 10, la police avait reçu un appel anonyme selon lequel, au cours des manifestations devant se dérouler le lendemain, des provocateurs, infiltrés parmi les manifestants, tireraient sur des personnes considérées par l’organisation illégale armée PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) comme étant des « espions à la solde de l’État ». Il ajoute que, les 23 et 24 mars 2008, de nombreuses manifestations illégales avaient été organisées dans différents quartiers de Yüksekova (Hakkari) à l’occasion des célébrations de la fête du Nevruz. Il expose notamment que des personnes au visage caché avaient bloqué des routes, dressé des barricades et attaqué les forces de l’ordre en lançant des pierres et des cocktails Molotov. Il précise que les forces de l’ordre avaient utilisé des canons à eau et du gaz lacrymogène contre les manifestants.

7. Lors des manifestations qui eurent lieu le 23 mars 2008, İkbal Yaşar fut atteint par une balle. Il succomba à ses blessures lors de son transfert à l’hôpital public de Yüksekova.

8. Les éléments suivants ressortent du dossier.

Le jour de l’incident, les proches de İkbal Yaşar – à savoir S.Y., son oncle, et Sa.Y., B.Y. et Ca.Y., ses cousins –, ayant remarqué que leur parent était blessé, tentèrent d’emmener ce dernier à l’hôpital public de Yüksekova dans un taxi conduit par C.Y. Toutefois, sur la route de l’hôpital, au niveau de l’avenue Cengiz Topel, les forces de l’ordre firent signe à C.Y. de s’arrêter. Celui-ci refusa d’obtempérer et les policiers arrêtèrent le véhicule en brisant son pare-brise. Ensuite, İkbal Yaşar fut transféré à l’hôpital dans une ambulance. Au moment où celle-ci arriva à l’hôpital, İkbal Yaşar était déjà décédé.

9. Le même jour, les policiers établirent un procès-verbal d’incident et d’arrestation. Ce document donnait la version des faits suivante.

Le 23 mars 2008, à partir de 7 h 30, les forces de l’ordre avaient été déployées à proximité des points sensibles du centre-ville pour faire face à une manifestation non autorisée. Les manifestants s’étant mis à scander des slogans en faveur d’une organisation illégale, à attaquer les forces de l’ordre par des jets de pierres et de cocktails Molotov et à dresser des barricades dans les rues situées à proximité du quartier de Kuruköy, les forces de l’ordre étaient intervenues avec des canons à eau et du gaz lacrymogène. Vers 12 h 15, une voiture en provenance de la route de Şemdinli avait refusé d’obtempérer à une injonction de s’arrêter ; sur ce, elle avait été arrêtée par un coup sur le pare-brise. Trois personnes étaient descendues de la voiture et avaient tenté de prendre la fuite, puis avaient été arrêtées par la police. La présence d’un blessé ayant été remarquée sur le siège arrière du véhicule, celui-ci avait été transféré dans une ambulance et immédiatement conduit à l’hôpital. Après leur identification, les personnes arrêtées (Ca.Y., S.Y., Sa.Y. et B.Y.) avaient été relâchées par la police.

B. L’enquête menée par le parquet

10. Le procureur de la République de Yüksekova engagea immédiatement une enquête pénale au sujet du décès de İkbal Yaşar et demanda aux forces de l’ordre de délimiter et d’inspecter les lieux de l’incident.

11. En dépit de l’ordre du procureur de la République de Yüksekova, les forces de l’ordre ne purent se rendre sur les lieux de l’incident le jour même à cause d’un appel anonyme selon lequel les membres de l’organisation terroriste PKK avaient posé une bombe à l’endroit où İkbal Yaşar avait été blessé et projetaient de l’exploser lorsque les experts se rendraient sur place.

12. Toujours le 23 mars 2008, une autopsie fut réalisée en présence du procureur de la République de Yüksekova et d’un médecin légiste. Le rapport mentionnait la présence d’un orifice d’entrée de balle dans la région paravertébrale dorsale droite (dos) et d’un orifice de sortie de balle dans la zone pectorale droite (épaule). Selon le rapport, la blessure des organes internes avait été causée par une balle qui provenait d’une arme à canon long et qui avait été tirée depuis une distance de plus de 75 cm, considérée comme longue pour les armes de ce type. Le rapport mentionnait qu’aucune balle n’avait toutefois été extraite du corps du défunt. Il concluait que le décès résultait d’une hémorragie intérieure et extérieure provoquée par la balle, qui avait causé une fragmentation osseuse.

13. Le même jour, la section antiterroriste de la direction de la sûreté de Yüksekova recueillit les dépositions de S.Y., B.Y., C.Y., Ca.Y. et Sa.Y.

14. S.Y. fit la déclaration suivante : il était chez lui lors des manifestations ; aux environs de 11 heures, il avait entendu un vacarme et avait vu des gens qui couraient ; on lui avait dit que İkbal Yaşar était blessé, et il avait vu des personnes portant son neveu sur leur dos ; il avait appelé un taxi et entrepris de conduire le blessé à l’hôpital avec Ca.Y., Sa.Y. et B.Y. ; sur la route de l’hôpital, un véhicule militaire avait voulu arrêter le taxi, mais celui-ci ne s’était pas arrêté en raison de l’urgence due à l’état de İkbal Yaşar; les militaires, qui avaient barricadé la route, avaient arrêté le taxi par la force ; ensuite, İkbal Yaşar avait été conduit à l’hôpital.

S.Y. précisa qu’il n’avait pas vu où İkbal Yaşar était blessé. En réponse à une question, il indiqua également ne pas avoir remarqué auparavant des ecchymoses ou des bleus sur le visage de İkbal Yaşar.

15. B.Y. confirma la déposition de S.Y., en ajoutant ce qui suit : il avait reçu un coup de fil de la part de son cousin, qui lui aurait dit que İkbal Yaşar était blessé ; il s’était rendu sur les lieux et avait tenté de conduire İkbal Yaşar rapidement à l’hôpital.

16. Sa.Y. confirma les déclarations de S.Y. et B.Y. Il déclara notamment ceci : alors qu’il se trouvait à l’intérieur d’un bâtiment, il avait entendu, aux environs de 12 heures, un vacarme qui venait de l’extérieur ; il avait ensuite quitté le bâtiment et avait vu un groupe composé de 150‑200 personnes qui marchaient en scandant des slogans en faveur du PKK ; il avait également vu un blessé être transporté par un petit groupe de personnes et avait constaté qu’il s’agissait de son cousin İkbal Yaşar; il avait alors tenté d’emmener le blessé à l’hôpital.

17. Ca.Y. déposa comme suit : le jour de l’incident, il assistait aux cérémonies du Nevruz ; en repartant vers son domicile, il avait rencontré son cousin İkbal Yaşar ; tous deux avaient commencé à regarder un groupe de personnes qui scandaient des slogans en faveur du PKK ; eux-mêmes ne s’étaient pas mêlés au groupe de manifestants et s’étaient arrêtés devant un mur ; İkbal Yaşar s’était placé devant lui, à deux-trois mètres de distance, en lui tournant le dos et en regardant dans la direction des manifestants ; puis, vers 12 h 30, des coups de feu avaient retenti et quelques personnes avaient pris la fuite vers une zone arborée ; il avait vu İkbal Yaşar tomber par terre et avait ensuite tenté de l’emmener à l’hôpital.

18. C.Y., conducteur de taxi, déclara ce qui suit : le jour de l’incident, aux environs de 13 heures, trois personnes lui avaient demandé de conduire un blessé à l’hôpital ; alors qu’il conduisait le blessé et les trois autres personnes vers l’hôpital, les militaires avaient tenté d’arrêter son taxi ; les passagers n’avaient pas voulu qu’il s’arrêtât, et il avait été obligé de poursuivre sa route ; puis, en se dirigeant vers l’hôpital, le pare-brise de son véhicule avait été brisé et il avait dû s’arrêter ; les trois personnes susmentionnées avaient voulu prendre la fuite et les policiers les avaient arrêtées.

19. Le 17 avril 2008, le procureur de la République de Yüksekova recueillit les dispositions de proches du défunt, Halime Yaşar, sa veuve, Fazile Yaşar, sa sœur, et Hasan Yaşar, son père, au sujet d’hématomes et ecchymoses antérieurs à l’incident observés sur le visage de İkbal Yaşar. Tous les témoins indiquèrent qu’ils ne les avaient pas remarqués auparavant.

20. Par ailleurs, Ca.Y. fut entendu à nouveau par le procureur de la République de Yüksekova. Il réitéra sa déclaration faite le 23 mars 2008. En outre, il ajouta ce qui suit :

« [Lors de l’incident,] la distance qui séparait les manifestants et la police était de 100‑150 mètres environ. Nous nous trouvions derrière les manifestants à une distance de 50 mètres et [les policiers avaient] le visage tourné vers nous. Les manifestants scandaient des slogans et lançaient des pierres vers la police depuis leur barricade. De son côté, la police répliquait par des jets de gaz lacrymogène. Alors que [nous observions ce qui se passait], [nous avons] entendu un coup de feu provenant de la zone arborée qui se trouvait juste en face de moi. J’ai également vu quelques personnes prendre la fuite (...) J’ai vu İkbal Yaşar tomber par terre (...) »

21. Le 26 mars 2008, la section antiterroriste de la direction de la sûreté de Yüksekova adressa au parquet de Yüksekova une lettre dans laquelle elle précisait que, en dépit de toutes les recherches effectuées, les personnes ayant causé le décès de İkbal Yaşar n’avaient pas pu être identifiées.

22. Le 28 mars 2008, deux policiers se rendirent à l’endroit où le proche des requérants avait été blessé et dressèrent un procès-verbal de reconnaissance des lieux. Ils précisaient dans ce document que, du 23 mars au 28 mars 2008, aucune autorité d’enquête n’avait pu se rendre sur les lieux de l’incident pour des raisons de sécurité liées au climat, qualifié de tendu, qui y régnait. Aucun élément de preuve ne fut retrouvé. Des photographies des lieux furent prises.

23. Le 28 avril 2008, le parquet de Yüksekova demanda aux chaînes télévisées de lui adresser les enregistrements vidéo des manifestations qui avaient eu lieu les 23 et 24 mars 2008.

24. Se référant à un rapport d’inspection du 12 mai 2008 établi par un inspecteur du ministère de l’Intérieur et un inspecteur de la police, le Gouvernement indique que ceux-ci sont parvenus à la conclusion que les forces de l’ordre n’avaient pas employé une force excessive lors des manifestations des 23 et 24 mars 2008. Il précise qu’il ressort en particulier de ce rapport que de nombreuses barricades avaient été dressées dans différents quartiers du district et que les manifestants avaient violemment attaqué les forces de l’ordre en lançant des pierres et des cocktails Molotov. Il ajoute que ces attaques étaient dirigées vers les logements des forces de l’ordre et que, compte tenu de la gravité de la situation, ces dernières avaient été obligées d’intervenir non seulement en utilisant des véhicules blindés et des bombes lacrymogènes mais aussi en tirant des coups de semonce. Il indique aussi que, lors de ces événements, vingt-et-un policiers avaient été blessés et de nombreux véhicules de police endommagés.

25. Le 21 mai 2008, le procureur de la République de Yüksekova entendit B.Y., S.Y. et Sa.Y. Ceux-ci déclarèrent ne pas avoir vu la manière dont İkbal Yaşar avait été blessé.

26. Le 22 mai 2008, le procureur de la République de Yüksekova entendit de nouveau C.Y., conducteur de taxi. Celui-ci déclara à son tour ne pas avoir vu la manière dont İkbal Yaşar avait été blessé.

27. À la suite d’une demande du parquet de Yüksekova formulée le 26 mai 2008, des experts établirent des relevés des enregistrements vidéo des manifestations litigieuses et ceux-ci furent versés au dossier. Dans leur rapport, les experts précisaient que de nombreux manifestants avaient couvert leur visage et qu’il n’existait pas d’images nettes concernant İkbal Yaşar et l’incident. Il ressortait également de ce rapport que de nombreux manifestants avaient lancé des pierres contre les forces de l’ordre et que celles-ci avaient utilisé des armes à feu dans différents quartiers, dont celui de Kuruköy, où İkbal Yaşar avait été blessé par balle.

28. Le 2 juin 2008, un rapport balistique sur les vêtements de İkbal Yaşar réalisé par la section spécialisée en physique de l’institut médicolégal fut versé au dossier. Selon ce rapport, le tir en cause n’était pas un tir à courte distance, mais il était impossible d’en déterminer la distance exacte. Toujours selon ce rapport, aucune trace de poudre n’avait été relevée sur les vêtements du défunt.

29. Le 5 juin 2008, le laboratoire rattaché au service criminel régional de la gendarmerie dressa un rapport, lequel faisait état de l’absence de traces de poudre sur les mains de S.Y., Ca.Y., Sa.Y. et B.Y.

30. À la demande du procureur de la République de Yüksekova, le 7 juillet 2008, le même laboratoire établit un rapport d’expertise. Celui-ci faisait état de l’absence de traces de poudre sur les mains du défunt.

31. Le 5 août 2008, le procureur de la République de Yüksekova se déclara incompétent et transmit le dossier au procureur de la République de Van, qui, d’après l’article 250 du code de procédure pénale, était compétent pour enquêter sur les infractions à caractère terroriste ou séparatiste. À l’appui de cette décision, il considérait notamment que İkbal Yaşar avait probablement été tué dans le cadre des activités du PKK/Kongra-Gel.

32. Le 19 mars 2009, le procureur de la République de Van, se référant au contenu du dossier, se déclara à son tour incompétent et renvoya le dossier au parquet de Yüksekova. Il estimait en particulier que les motifs de renvoi étaient manifestement insuffisants et qu’ils n’étaient étayés par aucune preuve matérielle. Pour ce faire, il avançait ce qui suit :

a) le dossier ne contenait aucun élément de preuve donnant à penser que le proche des requérants avait été tué dans le cadre des activités terroristes du PKK ;

b) il était impossible de déterminer la manière dont l’appel anonyme selon lequel des membres du PKK allaient tirer sur des personnes (paragraphe 6 ci-dessus) avait été obtenu et l’origine de celui-ci ; par ailleurs, la teneur de cet appel était très vague ;

c) même à supposer que le contenu de cet appel fût véridique, il n’existait pas d’élément de preuve matérielle permettant d’établir un lien entre l’incident en question et l’information communiquée ;

d) même à supposer que le PKK eût projeté de tuer des personnes infiltrées dans l’organisation, aucune recherche aux fins d’établissement d’un lien entre cette information et İkbal Yaşar n’avait été menée ;

e) il n’avait pas non plus été recherché si les personnes ayant tiré à partir de la zone arborée étaient des membres du PKK ;

f) alors qu’il ressortait des enregistrements vidéo des manifestations que les forces de l’ordre avaient utilisé des armes à feu, il avait été admis que İkbal Yaşar n’avait pas été tué par lesdites forces, et ce sans qu’aucune enquête eût été conduite sur la question de savoir si le décès avait été causé par celles-ci ou non ;

g) l’hypothèse selon laquelle le défunt avait été tué par des membres du PKK n’avait pas été étayée par des preuves matérielles et concrètes.

33. Le 10 septembre 2009, se fondant notamment sur la décision de renvoi du 19 mars 2009, l’avocat des requérants demanda l’extension de l’enquête aux fins d’établissement de la manière dont les forces de l’ordre avaient utilisé des armes à feu dans la zone où İkbal Yaşar. avait été blessé par balle, et ce en tenant compte de la probabilité d’une participation active du proche des requérants aux manifestations en question.

34. Le 8 janvier 2010, le procureur de la République de Yüksekova lança un avis de recherche permanent, en raison d’une impossibilité d’identifier les responsables du décès de İkbal Yaşar en dépit des recherches menées, et l’envoya à la direction de la sûreté pour qu’elle tînt compte du délai de prescription.

35. À ce jour, l’enquête demeure toujours en cours auprès du parquet de Yüksekova.

36. Les requérants ont versé au dossier une photographie prise lors des manifestations et allèguent que celle-ci montre leur proche en train de lancer des pierres contre les forces de l’ordre.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION

37. Les requérants se plaignent que leur parent ait été tué par les forces de l’ordre. Ils soutiennent également que les autorités de l’État ont failli à leur obligation de mener une enquête approfondie et effective sur le décès de leur proche. Ils invoquent les articles 2, 6 et 13 de la Convention, la première de ces dispositions étant ainsi libellée en sa partie pertinente en l’espèce :

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

2. La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire :

a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;

(...)

c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »

Rappelant qu’elle est maîtresse de la qualification juridique des faits et constatant que ces griefs se confondent, la Cour juge approprié d’examiner les allégations des requérants sous l’angle du seul article 2 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Bouyid c. Belgique [GC], no 23380/09, § 55, CEDH 2015).

38. Le Gouvernement conteste la thèse des requérants.

A. Sur la recevabilité

39. Constatant que ces griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’ils ne se heurtent par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour les déclare recevables.

B. Sur le fond

40. Les requérants affirment que leur proche avait activement participé aux manifestations du 23 mars 2008 et que seuls les membres de forces de l’ordre avaient utilisé des armes à feu lors de ces événements. Ils indiquent que, selon le procureur de la République de Van, l’hypothèse retenue par le parquet de Yüksekova selon laquelle leur parent avait été tué par des membres du PKK n’avait pas été étayée par des preuves matérielles et concrètes, et ils affirment qu’aucune enquête n’a été menée aux fins d’éclaircissement des circonstances exactes du décès de leur proche. Par conséquent, l’État porterait l’entière responsabilité de ce décès.

41. Le Gouvernement conteste les thèses des requérants et soutient qu’il n’existe aucune preuve donnant à penser que, selon le critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable », İkbal Yaşar avait été tué par les forces de l’ordre. Par ailleurs, il fait observer que, d’après les requérants, İkbal Yaşar se trouvait parmi les manifestants ayant lancé des pierres contre les forces de l’ordre. Il affirme à cet égard que les manifestations litigieuses étaient loin d’être pacifiques : les dommages causés à des biens meubles et immeubles de la ville et les blessures subies par certains membres des forces de l’ordre en seraient la preuve. Par conséquent, pour le Gouvernement, les forces de l’ordre avaient agi « pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection », au sens de l’article 2 § 2 c) de la Convention. Par ailleurs, le Gouvernement affirme que la force employée pour réprimer les manifestations avait été proportionnée, et il indique à cet égard que les forces de l’ordre avaient utilisé des canons à eau ou du gaz lacrymogène et qu’elles avaient effectué des tirs de semonce pendant une très courte période afin de disperser les manifestants.

1. Sur le décès du proche des requérants

42. La Cour examinera les questions qui se posent dans la présente espèce à la lumière des documents versés au dossier de l’affaire et des observations présentées par les parties. Elle rappelle que, pour l’appréciation des éléments de fait, elle se rallie au principe de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable », et elle souligne qu’une telle preuve peut résulter d’un faisceau d’indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants et que, en outre, le comportement des parties lors de la recherche des preuves peut être pris en compte (Giuliani et Gaggio c. Italie [GC], no 23458/02, § 181, CEDH 2011 (extraits)).

43. La Cour note en l’espèce que, d’après les requérants, leur proche a probablement été tué par un tir effectué par un policier. Pour étayer leur thèse, les intéressés se réfèrent aux éléments du dossier, et notamment aux enregistrements vidéo qui montrent que les forces de l’ordre avaient utilisé des armes à feu contre les manifestants, ainsi qu’aux considérations du parquet de Van. Qui plus est, ils affirment que, en tout état de cause, même dans le cas où l’État ne serait pas responsable de l’incident, les autorités avaient néanmoins l’obligation d’identifier et de poursuivre le ou les auteurs éventuels de l’acte litigieux – ce qu’elles n’auraient pas fait.

44. La Cour observe que, à la suite du décès de İkbal Yaşar, le procureur de la République de Yüksekova a entendu plusieurs témoins, dont Ca.Y., seul témoin oculaire de l’incident. Celui-ci a déclaré avoir entendu « un coup de feu provenant de la zone arborée qui se trouvait juste en face de [lui] » et avoir vu « quelques personnes prendre la fuite » (paragraphe 20 ci-dessus). Ces déclarations sont loin d’être concluantes et ne permettent pas de dire que İkbal Yaşar avait été blessé à la suite d’un tir effectué par un membre des forces de l’ordre. Par ailleurs, il ressort des images versées au dossier que les manifestations des 23 et 24 mars 2008 étaient loin d’être pacifiques : les dommages causés à des biens meubles et immeubles de la ville et les blessures subies par certains membres des forces de l’ordre en témoignent.

45. Certes, il ressort des relevés des enregistrements vidéo des manifestations litigieuses que de nombreux manifestants avaient lancé des pierres contre les forces de l’ordre et que ces dernières avaient utilisé des armes à feu dans différents quartiers, dont celui de Kuruköy, où İkbal Yaşar avait été blessé par balle. Toutefois, la Cour n’est pas en mesure d’établir, à partir de ces relevés et des images filmées produites par les parties – qu’elle a eu l’occasion de visionner et dont l’authenticité n’a pas été mise en doute –, si İkbal Yaşar. a été ou non victime d’un coup de feu tiré par un membre des forces de l’ordre. En particulier, les images fournies par les parties ne contiennent aucun élément probant relatif à l’incident. Certes, le procureur de la République de Van a notamment relevé de nombreuses omissions relatives à la conduite de l’enquête. Pour autant, la Cour estime qu’il est plus approprié de traiter les conséquences de ces manquements lors de l’examen du grief des requérants concernant l’effectivité de l’enquête (voir, dans le même sens, Bozkır et autres c Turquie, no 24589/04, § 54, 26 février 2013) et de rechercher si les autorités nationales ont rempli leur obligation d’identifier et de poursuivre le ou les auteurs éventuels de l’acte litigieux.

46. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que l’allégation selon laquelle le proche des requérants a été tué par des agents de l’État n’est qu’une hypothèse et qu’elle ne s’appuie pas sur des éléments suffisamment crédibles. Dans ces conditions, elle estime qu’il n’est pas établi au-delà de tout doute raisonnable que la responsabilité de l’État défendeur a été engagée dans le décès de İkbal Yaşar.

47. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 2 de la Convention sous son volet matériel.

2. Sur l’effectivité de l’enquête

48. La Cour renvoie aux arrêts Armani Da Silva c. Royaume-Uni ([GC], no 5878/08, § 229-239, CEDH 2016), Giuliani et Gaggio (précité, §§ 298-306), Mocanu et autres c. Roumanie ([GC], nos 10865/09, 45886/07 et 32431/08, §§ 317-325, CEDH 2014 (extraits)), qui exposent l’ensemble des principes généraux sur l’obligation procédurale de mener une enquête officielle effective lorsque le recours à la force a entraîné mort d’homme.

49. Elle rappelle en particulier que les conclusions de l’enquête doivent être basées sur une analyse méticuleuse, objective et impartiale de tous les éléments pertinents. Le fait d’omettre de suivre une piste d’investigation qui s’imposait de toute évidence compromet de façon décisive la capacité de l’enquête à établir les circonstances de l’affaire et l’identité des personnes responsables (Kolevi c. Bulgarie, no 1108/02, § 201, 5 novembre 2009, et Abik c. Turquie, no 34783/07, § 41, 16 juillet 2013).

50. En l’occurrence, la Cour note que les autorités ont bien mené une enquête. En effet, le parquet de Yüksekova a ouvert une enquête immédiatement après le drame. De plus, le jour de l’incident, une autopsie a été réalisée et les personnes ayant conduit İkbal Yaşar à l’hôpital, dont le conducteur du taxi, ont été d’abord interrogées par la police en qualité de témoins. Par la suite, le procureur de la République a recueilli les dépositions des proches du défunt et des témoins entendus par la police. Le parquet a également ordonné l’examen des images filmées des manifestations des 23 et 24 mars 2008. De même, des examens ont été effectués sur les mains des témoins et sur les vêtements du défunt.

51. La Cour observe toutefois qu’il ressort de la décision d’incompétence adoptée par le parquet de Yüksekova que celui-ci a privilégié une seule piste, à savoir celle d’un homicide de İkbal Yaşar dans le cadre des activités du PKK (paragraphe 31 ci-dessus). Comme le parquet de Van l’a justement souligné, alors que cette hypothèse n’était étayée par aucune preuve matérielle, aucune autre piste n’a été envisagée. À cet égard, il convient de noter que, dans sa décision du 19 mars 2009, le procureur de la République de Van a mis en doute l’hypothèse retenue par le parquet de Yüksekova et a notamment relevé qu’aucune enquête n’avait été conduite sur la question de savoir si le décès de İkbal Yaşar pouvait avoir résulté de l’usage d’armes à feu par les forces de l’ordre.

52. Or la Cour constate que, en dépit de ces considérations formulées par le parquet de Van, le parquet de Yüksekova ne semble avoir entrepris aucun acte d’investigation pour exploiter cette piste suggérée également par les requérants. En effet, le procureur de la République de Yüksekova s’est borné à interroger seulement quelques personnes sans se soucier de recueillir des éléments de preuve concernant l’usage d’armes à feu par les forces de l’ordre. Il ressort pourtant des relevés des enregistrements vidéo des manifestations litigieuses que les forces de l’ordre s’étaient effectivement servies d’armes à feu le jour de l’incident, entre autres à l’endroit où İkbal Yaşar avait été blessé par balle. Par ailleurs, il est regrettable que les policiers ayant établi le procès-verbal de reconnaissance des lieux n’aient pu se rendre sur place que quatre jours après l’incident. La Cour ne sous-estime pas les conditions difficiles qui régnaient à l’époque dans le district de Yüksekova. Néanmoins, le dossier ne contient aucun élément donnant à penser que les autorités d’enquête, en particulier le procureur de la République chargé de l’affaire, ont tenté de se rendre sur les lieux afin de réaliser une reconstitution des faits qui aurait permis de déterminer la trajectoire de la balle et la position de l’arme à partir de laquelle celle-ci avait été tirée (Güleç c. Turquie, 27 juillet 1998, § 79, Recueil des arrêts et décisions 1998‑IV).

53. La Cour est prête à tenir compte du fait que les incidents mortels étaient malheureusement chose courante dans le sud-est de la Turquie en raison de l’insécurité qui y règne. Cependant, ni la fréquence des violents conflits armés ni le grand nombre de victimes ne sauraient avoir d’incidence sur l’obligation pour les autorités, découlant de l’article 2 de la Convention, d’effectuer une enquête effective sur les décès survenus, comme en l’espèce, au cours d’une manifestation, aussi illégale fût-elle (idem, § 81).

54. En conclusion, la Cour estime que l’enquête menée sur l’incident du 23 mars 2008 ne revêtait pas une effectivité suffisante au regard de l’article 2 de la Convention. Les autorités ont dès lors failli à leur obligation de prendre toutes les mesures raisonnables dont elles disposaient pour assurer l’obtention des preuves relatives aux faits en cause et de mener les investigations avec la diligence nécessaire. Partant, il y a eu violation de l’article 2 de la Convention sous son volet procédural.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 14 COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION

55. Invoquant l’article 14 de la Convention, les intéressés considèrent que le décès de leur parent ainsi que l’absence alléguée d’enquête et de recours effectifs tiennent à la circonstance que leur proche était d’origine kurde.

56. Pour ce qui est de l’allégation des requérants relative à une corrélation entre le décès de leur proche et l’origine kurde de celui-ci, la Cour souligne qu’elle n’a pas jugé établi au-delà de tout doute raisonnable que la responsabilité de l’État défendeur était engagée dans le décès en question. Il n’existe donc aucune base factuelle pour étayer l’assertion des intéressés à cet égard. Quant à l’allégation des requérants portant sur l’existence d’un lien entre l’absence alléguée d’enquête et de recours effectifs et l’origine kurde de leur parent, la Cour relève que ce grief n’est aucunement étayé.

Il s’ensuit que ces griefs doivent être rejetés comme étant manifestement mal fondés, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

57. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

58. Les requérants Hasan Yaşar, Ayişe Yaşar, Halime Yaşar et Harun Yaşar réclament 320 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel et 335 000 EUR au titre du préjudice moral. Par ailleurs, M. Mahsun Şedal –qui ne figure pas parmi les requérants – demande, en tant que fils du défunt, une somme de 160 000 EUR pour les dommages matériel et moral qu’il dit avoir subis.

Les requérants demandent également 30 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour. Ils n’ont fourni aucun justificatif.

59. Le Gouvernement conteste ces montants, et il indique que M. Mahsun Şedal ne figure pas parmi les personnes ayant introduit la présente requête.

60. S’agissant de la qualité de M. Mahsun Şedal, la Cour observe que celui-ci ne figure pas parmi les requérants et qu’il n’existe aucun élément permettant d’établir un lien de parenté entre le défunt et cette personne. Par conséquent, elle rejette la demande présentée par l’intéressé.

Par ailleurs, faute de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué par les quatre requérants susmentionnés, elle rejette également la demande y afférente. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer conjointement aux requérants Hasan Yaşar, Ayişe Yaşar, Halime Yaşar et Harun Yaşar 20 000 EUR au titre du préjudice moral.

En outre, elle rappelle que, selon sa jurisprudence, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. Eu égard à l’absence de documents pertinents à l’appui de la demande présentée à ce titre, la Cour rejette celle-ci.

61. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’article 2 de la Convention, et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 2 de la Convention sous son volet matériel ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 2 de la Convention sous son volet procédural ;

4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser conjointement aux requérants Hasan Yaşar, Ayişe Yaşar, Halime Yaşar et Harun Yaşar, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 20 000 EUR (vingt mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 octobre 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Hasan BakırcıJulia Laffranque
Greffier adjointPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-167111
Date de la décision : 11/10/2016
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Non-violation de l'article 2 - Droit à la vie (Article 2-1 - Vie) (Volet matériel);Violation de l'article 2 - Droit à la vie (Article 2-1 - Enquête efficace) (Volet procédural)

Parties
Demandeurs : HASAN YAŞAR ET AUTRES
Défendeurs : TURQUIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : BAYAZIT K. ; UZUNKOPRU D.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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